« Moi ? Non, jamais »
Eclats de rire de l’assemblée.
C’était mercredi soir, à la fin d’une répétition, dans l’auditorium d’un conservatoire en banlieue sud.
Marie, une copine de Deblais (un copain de Nicolas) m’avait présentée 2 heures plus tôt à Chantal, qui dirige une chorale de chant classique. Marie, je ne l’avais pas revue depuis notre rencontre l’été dernier, lors d’un fameux repas guyanais chez Tonnegrande.
On avait bien accroché et chanté joyeusement, cet après-midi là, pour le plus grand bonheur du vieux Jacques, tout ému. Complimentée sur ma voix, je leur avais confié que prendre des cours de chant était un de mes rêves jamais réalisés. Ainsi, mardi soir, quand je l’ai retrouvée au KB pour l’inauguration de la nouvelle Comète, elle m’a proposé de l’accompagner le lendemain à la dernière répétition de sa chorale.
La séance commence par des exercices pour se détendre la mâchoire (ne commencez pas à rire, là-bas dans le fond). Je reste conne quelques instants, à regarder la prof et les autres participants ouvrir et fermer largement la bouche comme des bovins.
Ensuite, nous devons « creuser le fond de la langue et soulever le voile du palais ». Ca promet.
Comme je ne comprends pas ce que je suis censés faire, Chantal me dit : « Pousse la langue en avant comme si tu allais bailler ». Ah oui, ça marche, me voilà prise d’une crise de bâillements irrépressibles. Je baille, je baille, et je ne suis pas la seule, on baille tous en cercle. Un spectacle à piquer une crise de fou-rire mais je ne peux pas, je baille !
Après une bonne demi-heure de ces exercices, je suis on ne peut plus détendue, vannée aussi. Bailler aux corneilles m’a donné envie de dormir et j’ai envie de ma couette.
Bon, finalement on commence à faire ce pour quoi on est venus. On chante. Enfin, on fait des gammes, et Chantal me jette des coups d’œil au fur et à mesure qu’on monte dans les aigus. Elle veut savoir jusqu’où je peux « monter ». Car à l’inverse de Marie qui est une alto, moi je suis une soprane. Et il s’avère qu’elle monte haut, la Fiso. Et qu’elle a une belle voix, dixit Chantal. « Même si tu veux pas rester, on te garde », me dit-elle.
C’est con mais ça m’a fait un plaisir immense qu’elle me dise ça. Comme si mes rêves de gamine se concrétisaient. Y’a des choses comme ça dans la vie, on sait qu’on est fait pour, et on se demande comment on peut vivre sans.
Parce qu’en dehors de mon ex-mari, que j’ai séduit en lui chantant du RFTW, de Boby et Oh !91 qui m’écoutèrent religieusement une nuit dans les rues d’Arles et de mon frère, à la guitare, que j’accompagne souvent sur « Killing me softly » ou Bob Marley, je n’ai jamais vraiment su si j’avais du potentiel.
Enfin, nous ouvrons une partition, « Belle et ressemblante » : un poème d’Eluard devenu une des « 7 chansons pour chœur mixte à capella » de Poulenc (un illustre inconnu pour moi).
C’est difficile et c’est beau. Chantal nous apprend à chanter la bouche en avant, pour faire vibrer notre palais, et à respirer « par le ventre ». Je retrouve les sensations de mes cours de clarinette, lorsque j’étais adolescente. Les musiciens à vent pratiquent tous la respiration abdominale. C'est une gymnastique pas évidente et douloureuse, au début. Mon autre plaisir, c'est quaprès un moment, je commence à déchiffrer la partition. Mes 4 années de solfège ont tout de même laissé des traces.
Lorsque le cours s’achève, à 22h30, je suis claquée. Je puise mes dernières énergies pour me taper la côte de Gentilly, je continue de bailler sur mon vélo et je m’écroule sur mon lit.
Ben, vous savez quoi ? Je crois qu’en septembre, j’y serai, à la chorale de Chantal.
(je vous aurais bien fait écouter du Poulenc, mais Deezer est planté…)