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Mon Paris - Page 2

  • Mon Festival de l'Oh! 2013

    Hier, après le départ de Boucles Rousses, je démarre la journée (vers 11h) devant mon ordinateur et un bon café. Aux alentours de 13h30,  alors que je me dis qu’il faudrait que je me mette en route pour le festival de l’Oh!, la bouille de ma petite Colombienne s’affiche sur mon téléphone.

    « Sophie, qué haces ? » demande-t-elle.

    Du coup, je lâche mon blog, saute sous la douche et la retrouve sur un quai de métro à 14h45. Vers 15h15, nous voilà sur le quai de Bercy. En attendant le prochain spectacle, à 16h30, nous allons déjeuner.

    Cette année, le Danube a amené jusqu’à nous des spécialités allemandes, chouette ! Nous optons pour un Frankfurter menu et une belle wurst 100% boeuf (et oui!) couchée sur un lit d’oignons caramélisés et nappée d’une moutarde sucrée. En dessert, je choisis un strudel aux griottes et Paola s’aventure vers un gâteau au pavot dont la couleur lui fait croire à un gâteau au chocolat. En découvrant le nom du restaurant, je m’écrie : « Hey, le Stube ! Mais je vous connais ! Vous êtes rue de Richelieu, en face de l’Oustaou ! »

    - Ah vous connaissez, dit-il, l’Oustaou, j’y étais encore hier soir … Sont sympas, hein, Chichi et Kamel ? »

    Un peu que je connais Kamel et Chichi …

    Paola et moi nous installons sur un guéridon avec notre menu et une Becks. Je traduis le terme pavot à Paola et enrichis mon vocabulaire espagnol : le pavot se dit amapola en espagnol.

    Nous allons ensuite rendre une visite à un monsieur qui s'ennuie tout seul devant ses bouteilles d'eau sale. Il nous explique comment l’eau arrive jusqu’à nos foyers et est ensuite traitée avant d’être déversée dans la Seine.

    Plus loin, supervisés par des pêcheurs chevronnés, des gamins sont plantés au bord de l’eau, canne à pêche dans les mains, gilet de sauvetage autour du cou, un peu gauches. L’AAPPMA Des Pêcheurs de Paris et de la Seine   propose une initiation à ce « sport ».

    « Vous voulez essayer ? me demande un monsieur à la belle barbe blanche.

    - Non merci, je racontais justement à mon amie que quand j’étais gamine, la pêche mon gonflait parce que je n’attrapais jamais aucun poisson. Il faut de la patience, que je n’ai pas ».

    Le monsieur acquiesce et nous commençons à discuter de la pêche parisienne. Il confirme ce que j’ai déjà découvert sur le festival, à savoir que la Seine est bien moins polluée aujourd’hui qu’elle ne l’était au début du 20ème siècle. Il m’apprend même que l’on est passé de 10 espèces de poissons à 33 aujourd’hui.

    « Et vous pêchez quoi dans la Seine ? 

    - Des anguilles, des gardons, perches, brêmes, carpes et silures, entre autres .

    - Des anguilles ? Je croyais que c’était un poisson de mer ? 

    - Et bien, c’est le seul poisson amphihalin, c'est-à-dire qui vit à la fois en eau de mer et en eau douce ».

    Et le gentil pêcheur de m’expliquer que les femelles se font coincer par les mâles en estuaire (et là, crac crac, dit-il) et qu’ensuite elles remontent les rivières avant de retourner à la mer.

    [En faisant des recherches plus approfondies, j’apprends que les anguilles naissent toutes dans la mer des Sargasses, au sud de la Floride. Les larves traversent l’Atlantique et se transforment en civelles avant d’aborder les côtes européennes. C’est là que bon nombre d’entre elles finissent leur voyage dans les bodegas du nord de l’Espagne (les fameuses gulas dont le nord de l'Espagne est si friande). D'ailleurs je n’en mangerai plus, promis juré, car l’anguille est une espèce en voie de disparition. Et dire que j'en ai encore un bocal. Les survivantes, devenues anguilles jaunes, remontent les cours d’eau. Après une dizaine d’années, elles se métamorphosent en anguilles argentées et redescendent alors les cours d’eau pour refaire le chemin en sens inverse et aller se reproduire dans la mer des Sargasses.]

    Le gentil pêcheur appelle un de ses copains pour qu’il nous montre sur son téléphone l’énorme carpe qu’il a pêchée et un hideux silure de près de 2 mètres. Je les fais rire quand je leur confie que j’ai peur de me baigner dans la Loire à cause des silures qui te chatouillent les orteils (dixit ma mère que ça fait rire). Ce qu’ils me racontent ne me rassure pas : «On les a vus gober des canards. D’ailleurs, on s’est déjà posé la question de ce qu’il se passerait si un bébé tombait à l’eau … ». Pour finir sur une note plus gaie, il raconte son plaisir de pêcher à Paris, au pied de ponts et monuments magnifiques.

    A 16h30, nous nous installons sur des transats pour regarder le spectacle Concept Lavoir de la compagnie Massala : sur une péniche face à nous, des danseurs et danseuses évoluent  sur du hip hop mâtiné de chant lyrique. Paola s’assoupit quelques instants. Entretemps, je fais une découverte : les toilettes sèches. Bon, visiblement, peu de gens ont compris qu’il fallait saupoudrer leurs offrandes de sciure de bois …  

    A 17h, nous nous levons pour rejoindre la compagnie de théâtre de rue Collectif Bonheur Intérieur Brut. J’ai été tout à la fois amusée et chamboulée par leur « spectacle » La Montagne, incroyablement original, qui nous interroge et nous prend à partie sur le thème de la peur et du courage :

    « On a tous peur de quelque chose : peur des araignées, peur du noir, peur de ne pas réussir, peur de dire non, peur de son voisin ou de son patron, peur d’embrasser une fille, peur d’embrasser un garçon, peur des autres, peur de la foule, peur du chômage, peur des étrangers, peur de manquer d’argent. Et puis face à la peur, il y a le courage. Le courage des autres. Le courage de celui qui affronte, fait face, défie le monde, ose l'impossible. Avec ses six personnages, la Montagne explore et interroge les mécanismes de la peur et du le courage. »

    Comme vous pouvez l'entendre, j'ai trouvé ce pasage très drôle. Et après coup, assez déprimant car il illustre parfaitement pourquoi Paris est peuplé de célibataires. D'ailleurs, Paola s'est exclamé : "Ah oui, c'est vraiment les Français, ça !"

    J’aimerais beaucoup, beaucoup, découvrir leurs autres créations. Pour les suivre, leur site ou leur page FB.

    Et puis, à 19h, abandonnée par Paola qui avait filé à son cours de percussions, j’étais en train de m’assoupir sous un rare et précieux rayon de soleil lorsqu’une péniche s’est approchée du quai : des hommes en bleu de travail ont commencé à jouer sur de drôles d’instruments. C’est la compagnie Zic Zazou qui nous présente son spectacle « Sonnettes de brume » :

    Cet atelier de fabrique sonore à ciel ouvert, composé de 9 mariniers-musiciens, transporte un incroyable bric à brac musical. Sur le pont, ils usinent, meulent, percutent et, en écho aux trompes et aux cornes de brumes de la péniche, font jaillir de cette brocante flottante des musiques étonnantes, loufoques, surprenantes, avec un plaisir non dissimulé !

    Une fanfare vraiment loufoque qui m’a beaucoup amusée : je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire devant celui qui « mixe » avec sa perceuse. Doués, sympas et vraiment déjantés, les joyeux compères de la compagnie Zic Zazou ! D'ailleurs ils ont gagné la grande battle Carmen 2012  :

     

    Cette année, j’ai fait un passage éclair au festival de l’Oh! et comme à l’accoutumée, je n’ai pas été déçue du voyage ! Et je crois que ma copine Paola a d’ores et déjà pris son ticket pour l’année prochaine …

  • Festival de l'Oh 2013

    festival de l'oh,conseil général du val de marneJe m'attend aux vannes habituelles, étant donné que le festival de l'Oh est souvent arrosé (de pluie), ce dont je me désole. Même pas parce que la pluie, ça mouille, mais parce qu'un de mes amis se donne corps et âme pour que chaque année soit un succès et que celui-ci dépend moins de la qualité de sa programmation, qui est toujours au rendez-vous, mais de la météo. Depuis quelques années, nos saisons qui sont "cul par-dessus tête" impactent fortement sa fréquentation.

    Pour ma part, ce weekend, je reçois une invitée de marque et je me consacrerai entièrement à elle. C'est bien le moins que je doive à la belle Suissesse chez laquelle j'ai passé tant de moments gourmands et douillets.  Pourtant, j'ai bon espoir de pouvoir lui fausser compagnie quelques heures, demain après-midi, lorsqu'elle se mettra en route pour une longue séance de shopping parisien. Je ne rate jamais le festival car en dehors du fait que j'y retrouve des amis, c'est toujours l'occasion de découvrir des artistes et d'ouvrir grands mes yeux et mes oreilles, dans une ambiance festive et populaire, où s'amusent petits et grands enfants. L'année prochaine, j'espère bien le faire découvrir au soleil de ma vie, vous savez la petite fille qui m'appelle Tata Choufi ...

    Comme chaque année, j'ai reçu, il y a quelques jours, le mail d'un "infiltré" qui livre, à son cercle proche, sa petite sélection personnelle. Et comme vous me savez partageuse, je vous le livre quasi tel quel (je garde les bisous pour moi, non mais !).

    La programmation de cette 13ème édition est dédiée au Danube. On y accueille ainsi 98 artistes de 13 compagnies et 8 pays appartenant à son bassin.

    Pour tout connaître, il y a toujours le site Internet du festival (http://festival-oh.cg94.fr/). Mais pour te faciliter la tâche, j'ai sélectionné quelques suggestions à ton intention...

    Si tu es limité(e) dans tes déplacements, c’est à dire si tu n'utilises que les transports en commun, je te recommande évidemment l’escale de Paris (Quai de Bercy, face à la BNF).

    On y a deux beaux projets :

    Escale de Paris

    • Le premier est autrichien, c’est de la danse contemporaine. Willi Dorner et sa compagnie développent leur proposition « Fitting » selon deux modalités : en déambulation, au départ du Métro Quai de la Gare (samedi à 17h30, dimanche à 13h30), ou sur le site de l’escale, Quai de Bercy (samedi à 18h15, dimanche à 14h15)
    • Le second est un spectacle du Collectif Bonheur Intérieur brut, Montagne, qui s’interroge sur les mécanismes de la peur et du courage. Un très beau moment, qui a été sélectionné par le réseau Déambulation pour être diffusé sur de nombreux festivals cette année. Le festival de l'Oh! lui ouvre son bal. C'est escale de Paris, Quai de Bercy, samedi à 15h, dimanche à 17h.

    Tant que tu es à l’escale de Paris, tu pourras aussi assister aux représentations des spectacles du Carnaval de l’Oh! (tu sais, ce sont des spectacles de 30 minutes, installés sur des péniches , et qui se donnent en représentation dans  les escales selon le fil de leur itinérance).

    A Paris, tu auras la chance de voir MAI, (Cie Point Zéro), c’est de la danse contemporaine et du hip-hop (samedi à 17h), La nef des sorcières (Cies Quartet Buccal et Hip Tap Projet), c’est du chant et de la percussion corporelle (samedi à 19h), Concept Lavoir (Cie Massala), encore de la danse urbaine (dimanche à 16h30), ou encore Sonnettes de brume (Cie Zic Zazou), c’est de la musique jouée sur des instruments fabriqués avec des matériaux de bricolage (dimanche à 18h30).

    Il y aura aussi une conférence par l’une grande connaisseuse des cultures tziganes et de la communauté Rom, Claire Auzias, le dimanche à 15h. C'est plus politique, mais ça en vaut la peine pour dépasser les clichés et la stigmatisation...

    En prenant le temps, tu pourras t'organiser pour prendre une navette jusqu’à Maisons-Alfort, où il y a une escale assez bucolique sur l’île du Moulin brûlé. Tu y verras notamment une exposition de photographies monumentales du Hongrois Gabor Kasza, « Y ». Ca vaut vraiment le détour. Mais attention, la traversée est assez longue car il y a une écluse à franchir et, sauf si tu y es tôt, il peut y avoir une file d’attente…

    Escale de Vitry

    Si tu peux te déplacer en voiture, ou si le RER ne t'effraie pas, il y a, à Vitry-sur-Seine, près du Pont du Port à l’Anglais, une programmation assez affriolante, le samedi soir et le dimanche matin notamment. Perso, c'est mon choix...

    Samedi, c’est l’occasion de grouper plein de choses qui s’annoncent à la fois variées et de qualité. En le prenant à partir de 16h30 (mais avant, il se passe déjà des choses intéressantes) :

    • 16h30 : De la musique classique, avec un ensemble baroque hongrois et roumain, Donau Taraf
    • 17h30 : un des spectacles du Carnaval de l’Oh!, la Nef des sorcières (Cies Quartet Buccal et Hip Tap Projet), c’est du chant et de la percussion corporelle
    • 18h : une Fanfare d’inspiration Tzigane, en déambulation (Cie Dromaludaire – ça, c’est la Ville qui organise, je ne me porte pas garant…)
    • 18h45 : encore un spectacle sur péniche, 32 Amp. En 380 V., du cirque contemporain
    • Et puis surtout en soirée, dès 20h, le Concert du Boban / Marko Markivic Orchestra, la fanfare serbe qui s’est illustrée dans la BO d’Underground, d’Emir Kusturica. Ca devrait être assez endiablé !

    Dimanche,

    • les choses commenceront plus tôt le matin, avec à 10h30 une visite de l’exposition « Danube », commentée par les photographes
    • A 11h, le concert baroque hongrois et roumain du Donau Taraf
    • A 12h, une autre fanfare serbe pétillante, la Slobodan Salijevic Band
    • A 13h30, le Carnaval de l’Oh! avec encore Sonnettes de brume (Cie Zic Zazou), musique sur instruments en matériaux de bricolage (soit dit en passant, ce sont les derniers lauréats de l’émission de Nagy et Jean-François Zygel, la Grande Battle, avec un extrait de Carmen joué dans des cornes de brume en PVC)

    Escale de Bonneuil

    Si tu es audacieux(se), et qu’il te prend de t'aventurer jusqu’à la darse du port de Bonneuil, on y acceuille une installation plastique de la compagnie ukrainienne Barred, Le temps du vent, qui devrait être très chouette dans l’environnement semi-naturel et semi-industriel du Port. Une image forte en perspective !

     Je te laisse découvrir ici le reste de la programmation de Bonneuil.

    Escale d’Orly 

    Il y a autrement des moments assez chouettes prévus autour de la communauté Rom, notamment à l’escale d’Orly avec le cirque Romanes.

    Je sais déjà que certain(e)s vont aller y faire un tour. Vous viendrez nous raconter ?

  • Voyage dans le ventre de Paris

    je vous ai croisé,louchébem,restaurants,paolaHier, vers 15h30, j'ai retrouvé ma petite Colombienne, Paola, au pied de l'église Saint-Eustache, pour un déjeuner quelque peu tardif. Elle avait envie de viande, je l'ai donc emmenée au Louchébem, restaurant boucher des Halles depuis 1878. Ne commencez pas à saliver, le propos de ce billet n'est pas le contenu de mon assiette, même si je vous défie d'avoir encore de la place pour une deuxième assiette du rôtisseur (jambon rôti, cuisse de boeuf et gigot d'agneau, 22€90, à volonté) servi avec 3 sauces et une savoureuse purée maison, elle aussi à volonté. Bon, je vois déjà Phil faire la moue, ok une petite photo, mais elle n'est pas de moi :

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    Paola a vite calé et le serveur, habillé en garçon boucher, lui a gentiment emballé le reste de son assiette de viandes pour qu'elle puisse le savourer à la maison; attention assez rare à Paris pour être soulignée.

    La salle étant quasi-vide, j'ai discuté un peu avec le serveur, m'enquérant de l'activité du restaurant : le mois de mai est une catastrophe, m'a t-il dit. Un peu plus tard, j'explique à Paola la signification du mot louchébem, qui signifie "boucher" en argomuche, langage inventé par les bouchers du quartier, à l'époque où les Halles n'était pas un centre commercial mais véritablement des halles maraîchères, le fameux "ventre de Paris". Ces halles étaient fournies par les abattoirs de Paris, ceux de la Villette et aussi ceux de Vaugirard, une de mes balades préférées. Je pointe du doigt, par la fenêtre, la facade en boiseries du restaurant "Chez Denise" autre institution du quartier, et en profite pour glisser sur la magnifique et toute proche tour Saint-Jacques, dernier vestige de l'église Saint-Jacques de la Boucherie, où les découpeurs de viande venaient prier.

    M'aidant d'internet, je lui révèle aussi la présence d'un immense charnier humain, le cimetière des Innocents, à l'emplacement de la fontaine du même nom, dont les ossements furent déplacés dans les catacombes lorsque les fosses commencèrent à s'écrouler sous le poids des squelettes qu'elles contenaient. En y réfléchissant, c'est peut-être ce qui a coupé l'appétit de ma jolie Colombienne, qui en redemandait pourtant et m'écoutait en ouvrant de grands yeux. Je prends à partie le serveur, qui s'ennuyait ferme à quelques pas, pour qu'il complète mes propos. Il nous invite à regarder les nombreuses photos, de l'époque du "ventre de Paris" qui ornent les murs du restaurant, en bas, dans l'escalier et à l'étage.

    Après le dessert où Paola suit mes conseils et déguste un Paris-Brest, l'occasion pour elle autant que moi de découvrir (merci Internet), l'origine du nom de cette pâtisserie, tout en picorant les desserts de mon café gourmand (que chevere ! el arroz con leche de mi mama ! s'écrie-t-elle en dégustant une cuillerée de mon riz au lait à la cannelle), nous partons en exploration dans le restaurant.

    Un autre serveur, plus âgé que le précédent, nous rejoint et fournit les légendes des photos. Il montre celle d'un type rougeaud, coiffé de gigantesques oreilles de porc, verre à la main. "C'est ce qu'on appelait un fort des Halles, dit-il. Ce sont les types qui portait des quartiers de viande entiers sur leurs épaules, à l'époque. Ce monsieur est venu il y encore 5 ans, c'était un colosse, plus grand que moi. Ils portaient le chapeau qui est dans l'escalier." Accroché au mur, il y a un chapeau à larges bords ronds, une sorte de sombrero. Après recherches, il s'agit du coltin, un chapeau muni d'un disque de plomb. Un site rend un fort bel hommage aux forts des Halles, et en musique, ici. Je pique une photo :

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    Didier, puisque c'est son prénom, complète ma mémoire défaillante en donnant les dates de la destruction des Halles.

    "C'était l'équivalent des Halles de Rungis d'aujourd'hui, n'est ce pas ? demandai-je. On vendait tous les produits frais, ici, pas seulement la viande ?"
    Didier confirme et pointe le doigt : " Du côté de la bourse du Commerce, ancienne halle aux blés, c'était le marché aux volailles. Au pied de Saint-Eustache, le marché de la viande."

    Je l'interromps : "Vous avez connu les Halles de l'époque, on dirait ?"

    - Oui, j'étais tout gamin et j'accompagnais mon père qui venait au cul des camions aider au déchargement, pour gagner un peu d'argent avant de partir travailler. Moi je l'attendais dans la voiture mais je m'en souviens bien."

    Quelle chance de rencontrer quelqu'un qui qui n'est pas là par hasard mais véritable contributeur de la mémoire du quartier. Un griot des Halles !

    Paola est aussi ravie que moi de ce déjeuner très culturel. Didier nous entraîne jusqu'à l'écran LCD, à l'entrée du restaurant, qui diffuse des images de l'époque, qu'ils ont eu quelque mal à retrouver. On y voit une photo de la facade du restaurant, à l'époque, lorsque son entrée se trouvait dans l'angle.

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    " Vous trouverez toutes les infos sur le site internet du restaurant " précise Didier. Moi, je crois que je ne vais pas tarder à me programmer une balade-reportage dans ce quartier, un must pour la gourmande que je suis, non ?

    Si l'histoire du restaurant et du quartier vous intéresse, cliquez sur l'onglet Historique, . Pour des photos d'époque, c'est ici. Si vous êtes tombée amoureuse d'un boucher qui le parle ou que vous voulez juste faire le malin au prochain dîner avec vos potes en parlant l'argomuche, cliquez . Et surtout, ne manquez pas d'aller vous taper un morceau de la savoureuse barbaque du Louchébem, où les serveurs sont si sympas (parce que ce sont de vrais Parisiens, eux ! )

    Le Louchébem au 31 rue Berger, Paris 1er (Tel 01.42.33.12.99)

  • D'Alain à l'autre

    Dans le train entre Bruxelles et Paris, j'envoie un sms au groupe d'amis que je dois rejoindre à mon arrivée. La belle Nantaise est parisienne pour quelques jours et à la faveur d'une formation annulée par mon client, je vais pouvoir me joindre à eux pour la soirée. Dans ma boite mail, je découvre, éberluée, l'adresse où mes compagnons festoient déjà. D. a osé ! Après l'Oustaou, voilà que mes proches continuent d'investir mes repaires !

    En retrouvant le quartier de ma jeunesse, je regrette un instant que mon ami ait choisi cet endroit car le fils du boxeur ne sera pas là ce soir. C'est oublier qu'une soirée dans le bistrot jaune est toujours riche en surprises.
    Je soulève le heurtoir, un homme m'ouvre et me demande le mot de passe avant de me livrer passage. Calée par les deux St Feullien que je me suis sifflé en terrasse à Bruxelles, je picore dans l'assiette de la piquante Nantaise tout en racontant ma folle journée à mes camarades.

    Un peu plus tard, un homme vieillissant s'approche de notre table, micro en main.
    "Tiens, tu n'étais pas là toi tout à l'heure !" dit-il en me tendant la main. Il  plonge un regard perçant dans les notres et nous offre "J'me voyais déjà", que nous ne tardons pas à entonner avec lui, puis "Je bois". Je découvre que la belle Nantaise est, comme moi, amatrice des mélodies de Charles. Amusée, je fais le deuil de mon espoir de récupérer ce soir de mes nuits trop courtes. On ne "passe" pas chez le boxeur, on s'y installe et on n'a plus envie d'en partir. Minuit, 2 heures, quelle différence, finalement ?

    Après la poignante "Mamma", je demande "Les deux guitares", ma préférée sans doute, puis l'homme qui enchante ma soirée caresse les cheveux de D. sur "Comme ils disent", nous faisant rire, et enfin nous nous époumonons sur La bohème.
    Vers minuit, je suis en train de danser avec D. sur "Ring ring ring" de De La Soul, puis je valse avec l'homme au visage creusé, le laissant essoufflé. Au hasard des conversations, nous découvrons qu'il habite notre quartier. "Vous venez boire un verre à la maison ?" demande-t-il. C'est parti, nous 3 en voiture, les 2 hommes en scooters.

    Dans l'appartement de notre hôte, baigné d'un sensuel halo bleuté, une barre de métal fixée à la rembarde et ornée de lanières en cuir attise ma curiosité et délie ma légendaire spontanéité  :"Dis donc, tu fais dans le sado-maso ou quoi ?"  
    Après une seconde d'hésitation, il avoue une vie sexuelle un peu débridée, qu'il illustre en ouvrant un placard rempli de gadgets sexuels dont un gigantesque godemiché. Nos têtes éberluées auraient mérité à cet instant, je crois, une photo souvenir ...

    Passée la surprise, nous nous installons sur le sofa et D. s'écrie à côté de moi : "Quand je pense que quand j'amène une fille chez moi, je lui montre mon robot Kenwood ! Je suis vraiment à côté de la plaque !"
    - Laisse tomber le Kenwood, D., et trouve-toi un truc qui vibre" lui dis-je en éclatant de rire.
    S'ensuit une bonne demi-heure de déconnades, encouragées par les récits orgiesques de A., libertin depuis plus de 30 ans et inscrit à l'Amicale des Pompiers. Nous nous taquinons et si ça ne vole pas très haut, nous rions de bon coeur. Pourtant, au fil des minutes, son ton se fait plus grave et il se confie à la belle Nantaise :
    " Dans la vie, t'es libertin ou t'es cocu, y'a pas d'autre choix."
    Je renchéris "Tu peux aussi être libertin et cocu". "C'est vrai, l'un n'empêche pas l'autre.
    Il continue, s'adressant à D. : " Tout ce que tu peux imaginer au niveau cul, je l'ai fait. Tu me donnes une feuille, tu écris ce que tu veux, je te coche toutes les cases. Du cul, j'en ai autant que je veux. Je passe un coup de fil, là, j'en ai plusieurs qui arrivent dans la demi-heure. Mais aujourd'hui, je suis comme un con, tout seul, c'est pathétique. Les femmes que j'ai aimées ou épousées, elles se sont toutes barrées.

    Il plonge son regard dans les yeux de la belle Nantaise :
    " Tu sais ce que c'est mon plus grand fantasme aujourd'hui ? Serrer dans mes bras une femme que j'aime, et m'endormir avec elle. Juste la serrer contre moi, même sans cul. C'est triste, hein ?"
    Il narre ses amours défuntes, les morts toujours vivants, ses regrets, ses enfants, les corps s'enchevêtrant, la surenchère de la chair jusqu'à l'écoeurement. Il parle d'amour, nous enjoignant de le vivre à 200%, parce qu'il ne dure pas, jamais, de le dévorer à pleine dents, de savourer le grain d'une peau, d'avaler chaque souffle de vie.

    Je regarde ses mains qui se tordent dans une supplique muette, j'écoute ses mots qui ont perdu leur écho et je suis partagée. Son numéro de clown triste n'est-il pas celui du prédateur espérant attendrir la chair fraîche et si proche ?
    Seul le danger suscite la peur et je ne me sens pas en danger. Je trinque donc au hasard de cette soirée improbable qui nou a tous réunis. Et à cette soif de vivre chaque instant qui me fait dédaigner la raison.
    Il est plus de 2 heures lorsque chacun de nous retourne à sa solitude. Pensive, je regarde le traversin qui orne ma tête de lit. Est-ce qu'un jour moi aussi je dormirai contre lui pour me donner l'illusion d'une présence ?

  • L'ascenseur

    Je poursuis mes petites expériences comportementales et relationnelles avec mes sources inépuisables d'observation : les habitants de ma jungle urbaine ...

    Un matin de cette semaine, je me poste devant la cabine d'ascenseur sur le quai de la ligne 14. Un grand métis, musique sur les oreilles, s'y trouve déjà ainsi qu'une femme dans la cinquantaine, cheveux courts et clairsemés. Une silhouette toute de noir vêtue se glisse à côté de moi. Amusée, j'observe le manège de celle que j'ai remarquée quelques jours plus tôt et à laquelle je ne parviens pas à attribuer une tranche d'âge : fine et fluette, elle a la tenue vestimentaire d'une très jeune fille et le visage d'une quadra. Je l'ai surnommée "la préposée à l'ascenseur" tant elle semble s'être attribué une mission. Elle se rue sur la porte et garde le doigt appuyé sur le bouton, les yeux levés guettant la descente de la lourde cabine, la main sur la hanche, jusqu'à ce que celui-ci s'ouvre enfin devant nous. Ce contrôle du bouton d'appel de l'ascenseur semble être d'une importance vitale pour elle. Nous montons et la porte, sensible au moindre mouvement, se ferme sans anicroche sur nous quatre.

    A l'étage suivant, nous voilà stoppés dans notre élan. Un jeune asiatique, tenant à la main un vélo pliant, se tient devant la porte ouverte. La femme aux cheveux courts ne semble pas décidée à lui laisser de l'espace mais le jeune homme avance et elle se plaque contre la vitre en secouant la tête d'un air désapprobateur. Les minutes qui suivent sont assez amusantes car le jeune homme, lui tournant le dos, ne le voit pas mais la femme le fusille du regard en continuant de secouer la tête, visiblement excédée.

    Au niveau -2, damned ! on s'arrête encore ! Cette fois, c'est une femme et un homme rondouillard qui entreprennent d'investir l'ascenseur, maintenant plein comme un oeuf. Et ce à quoi nous avions miraculeusement échappé jusque là arrive : la porte de l'ascenseur reste obstinément ouverte et sonne sans discontinuer. On laisse échapper des soupirs étouffés, une agitation à peine perceptible se fait sentir et j'invite les deux derniers arrivants à s'écarter de la porte pour qu'elle se ferme. Notre petit groupe se resserre en un bloc compact mais rien n'y fait, la porte sonne toujours. Une dame qui attend la prochaine fournée à l'extérieur signale, compatissante : "C'est le sac de la dame qui bloque".
    La quinqua ennemie des vélos pliants perd alors tout contrôle d'elle-même et glapit "Moi je vais descendre, là, c'est pas possible, j'en peux plus !" Elle semble au bord de l'apoplexie.

    Elle est incroyable cette femme, elle est en train de se fabriquer un ulcère, ma parole ! Je me retiens de répliquer vertement "Ah non, vous allez pas nous faire chier à faire bouger tout le monde pour sortir, maintenant que vous êtes là, vous y restez !" mais je souris et dis calmement "Respirez, détendez-vous, c'est vendredi, ça va bien se passer". Elle réplique "Oui mais je suis pressée moi !"
    "On est tous pressés mais il y a vraiment des choses bien plus graves dans la vie"

    Et là, sans doute mû par la tournure dramatique que prend notre équipée, le papy rondouillard balance une grande tape dans le dos de la vieille au sac qui, soudain projetée en avant, manque atterrir dans mon décolleté. Elle se tourne vers lui, furieuse, et lève le poing. Et là, j'éclate de rire devant cette scène surréaliste, suivis par tout le groupe à l'exception des deux vieilles.
    Ça y est, la cabine se met enfin en branle mais moi je n'arrive pas à réprimer un fou-rire nerveux. Profitant de la complicité indulgente du métis et de la préposée à l'ascenseur qui me sourient, je lâche "Ma parole, c'est trop drôle, on se croirait dans un sketch des Monthy Python !" Le métis éclate d'un rire franc, suivis par quelques autres.

    Enfin arrivés à l'air libre, le vieux rondouillard demande "C'est bien ici qu'on descend ?" Je réponds "Ah oui, c'est ici, et je pense qu'on va tous jaillir de l'ascenseur tellement on en a ras-le-bol d'être coincés là !"
    Et c'est un groupe hilare qui se sépare en se souhaitant une bonne journée, sourire aux lèvres. Je suis ravie d'avoir joué, une fois de plus, à renverser une situation en la faisant glisser de la colère vers le rire.

    Rejoignant le quai de mon train, je me remémore les paroles de Laurent. L'émotion, c'est ce que nous faisons d'une situation. Et être libre, c'est vivre ce qu'on a envie de vivre. J'ai choisi.