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Mon Paris - Page 3

  • Dans un village de Paris : mémoires

    Il y a quelques mois, un homme avec lequel j'avais échangé quelques mails sur un site de rencontres m'avait fixé rendez-vous. Il faisait commerce de vins rue de Vouillé, non loin du quartier de ma jeunesse et c'est là que je le retrouvai, à l'heure de la fermeture.

    Après dégustation d'un bon rouge, il propose de dîner dans un restaurant de ses habitudes. Chemin faisant, nous évoquons ce quartier, si empreint de la présence d'un de ses illustres habitants, Georges Brassens. Atteignant le bas de la rue Brancion, je mentionne ce bistrot mythique et privé, dans lequel je rêve d'entrer.


    "Ce sont des amis, on y va, si tu veux !" s'écrie R.

    Quelques minutes plus tard, il frappe à la porte, on ouvre et je pénètre dans ce temple de la boxe, que m'avait décrit mon père. L'éclairage est tamisée et la salle sombre laisse entrevoir de nombreux visages qui scrutent ceux des nouveaux arrivants, à la recherche d'un ami. Sur les murs, de grands miroirs piquetés disputent la place à des dizaines de photos d'acteurs, boxeurs et affiches noir et blanc vantant leurs exploits.   
    A une des tables, un homme au visage rond se tourne vers nous et serre la main à mon compagnon.
    "Installez-vous" dit-il, poussant quelques chaises. Je devine qu'il s'agit du fils de Walczak.
    A ma gauche, sur la banquette, un homme blond à lunettes me sourit franchement et me sert un coup de rouge.

    Ce soir, trois hommes vont rendre hommage à Eddy Mitchell. Le visage du chanteur m'est assez familier, R. me donne son nom, il s'agit de Béjo, compagnon de Renaud et Bashung. En attendant les premières notes, R. me présente à JL comme étant une enfant du quartier. Je parle de mon père, copain du sien disparu il y a déjà de longues années. Mon Pap's et JL ont exactement le même âge et JL est certain de l'avoir croisé.

    J'ai fait la connaissance de mon voisin de gauche, un ami de Renaud, et déjà abondamment trinqué quand le concert commence. Je redécouvre le répertoire de Eddy, parfaitement interprété par Béjo en imaginant Brassens, Piaf, Cerdan et Brel sous le même plafond que moi, il y a des années, à l'époque où les abattoirs étaient encore là.

    Accrochés tout en haut d'un pilier central, des chaussures et gants de boxe prennent la poussière. Face à moi, Lino Ventura, Edith Piaf, Belmondo et bien sûr, Brassens qui pose avec ses chats témoigne de l'incroyable rendez-vous que fut le bar de Walczak, et de l'atmosphère encore si particulière qu'y entretient son fils qui n'a rien changé au décor surrané du père.

    Lorsque je referme la porte sur la devanture jaune vif, c'est après avoir promis de ramener mon père, si j'arrive à le convaincre de venir à Paris.

    Depuis, je suis retournée 2 fois chez Walczak. Un midi ensoleillé de mai, où mon coeur était lourd et en demande de chaleur humaine, j'ai garé mon vélo pour déjeuner avec JL d'une délicieuse entrecôte. Une nouvelle photo ornait le mur, celle de Belmondo aux cheveux blancs, venu peu auparavant parler avec JL de son père.
    "Tu fais partie de la famille", m'a -t-il dit, tout en se plaignant que la veille, un groupe de 20 l'avait planté 30 minutes avant leur réservation :
    "Qu'est ce qu'ils ont à me casser les couilles, ils ont qu'à aller chez Hippopotamus" avait râlé JL dans un franc-parler qui plante le personnage.

    Chez Walczak, on se délecte d'anecdotes croustillantes et de soirées arrosées, toujours sous le signe de l'amitié. On y croise un Michel Bouquet, arrivé là par hasard, qui après s'être inquiété que tout le monde se serve dans son pinard, repart en lâchant "Je n'ai jamais mangé dans un bordel pareil mais qu'est-ce-que je me suis éclaté !"

    Hier soir, c'est en comité très restreint, pour cause de match de foot et météo humide, que j'y ai écouté, avec mon frère, un concert donné par Serge, grand gaillard basque au regard bleu et Martine, petit piaf à la voix cristalline.
    "J'ai commencé ma vie à 51 ans, quand j'ai rencontré ma femme" nous confie Serge qui s'est installé, entre deux morceaux, à notre table.
    Un peu plus tard, un homme entre, au physique de Hugues Aufray en plus jeune (je trouve que Hugues Aufray est un vieillard absolument magnifique). Je le dissuade de s'installer seul au bar et désigne une chaise à notre table.  Une heure plus tard, il a pris ses aises, chante avec nous "Les copains d'abord" et déclare être au paradis.

    Je sais désormais où aller quand j'ai envie de me sentir comme à la maison, en moins seule : chez Chichi et Kamel, à l'Oustaou, ou chez JL, au bar des Sportifs Réunis.

  • Dégustation d'unagi chez Nodaiwa

    main_04.jpgLa semaine dernière, un changement dans mon planning m'avait envoyée à Liège, annulant notre soirée "dégustation d'anguilles". Nous étions convenus de dîner ensemble ce soir, premier jour de mes vacances. Vers 19h30, en avance pour une fois, je pousse la porte du 272 rue Saint-Honoré où se trouve le restaurant Nodaiwa, dont la spécialité est l'unagi, l'anguille grillée.

    Un occidental raffiné m'y accueille et m'installe à une table laquée au fond du restaurant. Au passage, je chipe un exemplaire de Wasabi, un magazine culinaire japonais et gratuit dont j'ai déjà une petite collection.
    Au brouhaha de mes cantines habituelles de la rue Sainte-Anne, Nodaiwa oppose une atmosphère feutrée où seul perce le babillage d'un enfant japonais. D'ailleurs, les quelques tables occupées le sont par d'authentiques nippons. La décoration est sobre, murs beiges, chaises habillées de tissu gris, tables laquées, bouquets en plastique. Je réchauffe mes mains engourdies au contact d'un oshibori qu'une femme longiligne, aux cheveux courts, pose devant moi.

    En édito de Wasabi, son rédacteur en chef revient sur l'année 2011 qui fut une bien mauvaise année pour le Japon, secoué par un séisme qui a entraîné une catastrophe nucléaire. Il salue la belle initiative de 30 chefs français (ci-dessous, le sushi légumier d'Alain Passard) qui ont réuni dans le livre "Sushi solidaire" des recettes de sushis et makis très originaux, dont les bénéfices seront entièrement reversés aux associations d'aide aux victimes de cette catastrophe. Cet ouvrage, belle idée de cadeau pour Noël, est en vente au prix de 25€ à la librairie Junkudo et sur le site Wasabi.

    passard2.jpg Mon convive est arrivé, transi de froid sous son bonnet de laine, il est donc temps de plonger le nez dans le menu, en japonais pour lui, en français pour moi, qui décline l'anguille sous presque toutes ses formes : flan d'anguille au sésame noir, anguille en gelée, frite, fumée, pochée, grillée, sushis d'anguille. Je choisis le menu Sakura à 30€ qui comprend unadon, dashimaki, salade d'anguille et suimono.
    Peu après, l'élégante jeune femme dépose sur la table deux objets qui m'intriguent. Mon compagnon répond à ma curiosité et soulève délicatement le capuchon du bel objet en bois rouge. "Sens comme ça sent bon". Je me penche, l'odeur est délicate et puissante, il s'agit du sanshô, aussi appelé poivre de Sichuan en Chine. L'autre réicpient en céramique blanche contient la sauce taré, spéciale anguille.

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    Enfin nos plats arrivent dans divers bols laqués que l'élégante jeune femme dépose devant nous avec la même douceur. La délicatesse avec laquelle on est servi dans les établissements japonais participe à la magie de soulever les couvercles et de découvrir le raffinement qui s'y cache. Mon compagnon décrit les plats que je découvre.
    Ici, l'unadon, la délicieuse anguille grillée et disposée sur un lit de riz. S. m'invite à la saupoudrer de sanshô et à l'arroser légèrement de taré. Mes baguettes déchirent la chair tendre, c'est délicieux et je découvre la saveur piquante et citronnée du sanshô.

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    Dans un bol, délicatement posée sur des algues légèrement sucrées, des morceaux d'anguille pochée et dans un autre, un fumet brulant, le kimosui, un bouillon dans lequel trempent des foies d'anguille. S. n'aime pas ça, je récupère donc sa portion.
    Enfin, je goûte le moelleux du dashimaki, une omelette tiède fourrée à l'anguille et coupée en portions :

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    Ce festin raffiné est un plaisir que S. s'offre rarement car la note chez Nodaiwa est plus élevée que nos habituels restaurants populaires. Il est surpris d'apprendre qu'en France aussi, on mange l'anguille. Mais ma description des barbecues d'anguille chez Mimi et Lucien, à la Tremblade, un des festins de mon enfance, dessine une grimace sur son visage.

    Je le questionne. L'anguille est un mets assez cher au Japon aussi. Les régions du Kanto (Tokyo) et du Kansai (Osaka) sont spécialisées dans l'élevage d'anguilles. D'ailleurs, la façon de les ouvrir diffère selon la région; dans celle de Tokyo, on les ouvre par le dos tandis que celle d'Osaka, on les ouvre par le ventre. C'est parce qu'on trouvait de nombreux samouraïs dans la région de Tokyo et que ceux-ci n'aimaient pas ouvrir les anguilles par le ventre car cette technique leur rappelait le cérémonial du harakiri.

    Je décide de prolonger cette parenthèse gourmande en goûtant un des desserts maison. La patronne me conseille la panacotta au lait de soja et yuzu, un agrume utilisé en cuisine mais aussi lors de la coutume populaire de bains parfumés au yuzu. S. choisit des wagashi, des gâteaux de riz gluant.

    Ma panacotta ressemble à une crème caramel très rafraîchissante. Les gâteaux de S. sont de toute beauté, l'un est un daifuku, un mochi saupoudré de poudre de soja grillé et l'autre, un sakura mochi, un gâteau de riz gluant, fourré de pâte de haricot rouge et coiffé d'une délicate feuille de cerisier à fleurs saumurée :

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    Peu avant 22 heures, nous ressortons dans l'humidité et le froid parisien, ravis de cette nouvelle soirée ensemble. Nous avons encore tant d'adresses à partager !

    Nodaiwa au 272, rue Saint-Honoré, Paris 1er (01.42.86.03.42)

  • Balade à Montmartre avec Yo et un joli bouchon lyonnais

    "Coucou ! On va se promener en début d'aprèm à Montmartre. Tu nous fais la guide ??"

    J'ai reçu ce sms hier midi, alors que je vidais une cafetière, en pyjama devant la télé.

    A 15h15, je les retrouve à Barbès, devant Tati (A). Yo nous fait remonter la rue Christiani, jusqu'à l'angle de la rue Myrrha, où se dresse un drôle d'établissement : le Floors, sans carte mais dont j'apprends, de retour chez moi, qu'il s'agit d'un restaurant américain à burgers. Puis nous empruntons la rue Muller en direction du Sacré-Coeur.

    Juste après la jolie terrasse multicolore de l'Eté en pente douce, nous attaquons nos premières marches et rejoignons le parvis (B), au pied de la basilique blanche, où les touristes prennent des photos de la vue quelque peu couverte. Tout le long du parvis, les marchands ont profité de l'approche de Noel pour installer de pseudos chalets en bois, vrais attrape-couillons. Ils vendent foie gras et autres spécialités françaises, comme des mini-macarons à 1€50 ou encore de la brioche vendéenne à 23€ le kg !

    Nous prenons la rue du Chevalier de la Barre puis celle du Mont Cenis. Je cherche, en vain, le fameux calvaire, chemin de croix de neuf stations en plein coeur de Montmartre, décrit dans mon bouquin de fouineuse, "Paris méconnu". L'agitation de la place du Tertre, toute proche, se fait sentir.

    Après avoir visité le bas de Montmartre avec M. et Mme Usclade, j'ai formulé mon envie de découvrir la butte Montmartre, la vraie, celle que la plupart des touristes délaissent pour les alentours de la place des Abesses. Tout au bout de la rue du mont Saint-Cenis, je découvre, sur le mur surplombant les escaliers menant au métro Lamarck-Caulaincourt, la mention "Ancienne rue Saint-Denis". La rue Saint-Denis s'étendait donc jusqu'ici !

    Nous empruntons maintenant  la rue Saint-Vincent qui s'écarte de la foule. Hélas, une grille fermée nous interdit l'accès au jardin sauvage Saint-Vincent, qui n'est ouvert que d'avril à octobre. Mais jouxtant le jardin, les vignes du clos Montmartre (D), plantées en 1933 sur l'emplacement d'une guinguette champêtre, « Le Parc de la Belle Gabrielle », s'étalent sur quelques niveaux. La fête des vendanges qui célèbre la cueillette de ce raisin - véritable piquette, selon Yo, qui y a goûté - a lieu le deuxième weekend d'octobre. 

    A droite, à l'angle de la rue des Saules, une petite bicoque rouge brique, palissée de vert, étale son célèbre nom : le Lapin Agile (C), ancien Cabaret des Assassins, qui doit son nom à la célèbre enseigne peinte par André Gill, habitué des lieux. Le lapin à Gill devint ainsi le Lapin Agile, fréquenté par Alphonse Allais, Toulouse-Lautrec et Picasso.

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    C'est aussi au Lapin Agile que fut peinte la célèbre oeuvre du peintre Joachim Raphaël Boronali "Coucher de soleil sur l'Adriatique", pied de nez aux critiques de la peinture non académique. En effet, l'oeuvre, saluée par les critiques au Salon des indépendants de 1910, étaient celle de Lolo, l'âne de Frédé, alors propriétaire du lapin Agile, à la queue duquel Roland Dorgelès et ses amis avaient attaché un pinceau.

    Après avoir longé le cimetière Saint-Vincent, nous bifurquons à gauche et rejoignons la place Dalida (E) où se dresse le buste de cette célèbre habitante de Montmartre. A gauche, la rue de l'Abreuvoir remonte vers le Sacté-Coeur A droite, à l'angle de l'allée du même nom, la bâtisse blanche du château des Brouillards, où habita Gérard de Nerval, se dresse.

    Nous prenons la rue Girardon jusqu'au square Suzanne Buisson (F) qui rend hommage à la célèbre résistante mais d'abord à Saint-Denis, dont la statue, tenant sa tête entre ses mains, trône au centre de la place. Montmartre tire son nom de "Mont des martyrs", en référence à celui subi par Saint-Denis, décapité par les Romains au 3ème siècle. La légende dit qu'il aurait trempé ici sa tête dans une fontaine et qu'après l'avoir prise sous son bras, il aurait continué son périple jusqu'à l'actuelle ville de Saint-Denis.

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    Au bout du square, nous rejoignons l'avenue Junot où j'entraîne mes compagnons jusqu'à la villa Léandre (G). Puis nous remontons jusqu'au moulin Radet et la rue d'Orchamp (H) où Yo se recueille quelques instants devant la maison de Dalida. Au Studio 28, rue Tholozé (I), nous nous réchauffons quelques minutes et mes deux titis profitent de la fin d'une séance pour se faufiler dans la salle 1 jeter un oeil aux lustres dessinés par Cocteau.

    Nous descendons la rue, croisons celle des Abbesses et continuons la descente de la rue Lepic. Je suis contente de constater que je me repère désormais plutôt bien dans les rues de Montmartre.

    Juste avant le café des deux moulins, nous prenons à droite dans la rue Constance et jusqu'au bout de l'impasse Marie-Blanche (J), plongée dans l'obscurité. On y distingue encore pourtant très nettement la belle façade de la maison de l'Escalopier et à travers ses fenêtres, de magnifiques escaliers. J'ai hâte d'être à l'été prochain pour visiter cette belle demeure, dont je peux déjà admirer quelques photos ici et .

    Je crois que je peux désormais prétendre à servir de guide dans le village montmartrois. Vers 17h30, nous reprenons le métro à Pigalle (K). Mes deux flâneurs m'accompagnent dans le centre de Paris, rue de Rivoli, où j'ai rencard devant le BHV avec un homme de 29 ans croisé sur le site de la Société Protectrice des Hommes ...

  • Balade à Montmartre avec M. et Mme Usclade

    Dimanche, peu après 13h, je pousse la porte d'un restaurant, à deux pas de Pigalle. A une table, ils sont là, et elle, que je rencontre pour la première fois, est très souriante. Le contact est naturel et la conversation s'enclenche sans efforts.

    Deux heures plus tard, Usclade et sa femme m'entraînent dans la Cité du Midi, une impasse arborée dans laquelle on peut encore voir les céramiques des anciens bains-douches de Pigalle.
    Nous remontons la rue Germain Pilon, où plus tôt, ils ont acheté de jolis livres, chez Claire Dupoizat, une illustratrice à suivre; un carnet de voyage au Maroc, destiné aux enfants et un album illustré des "gueules de son quartier".

    Sur la place des Abbesses, où le soleil lumineux remplit les terrasses d'une foule joyeuse, nous prenons la rue de la Vieuville jusqu'à celle des trois frères. Ce drôle de nom vient des frères Dufour qui étaient propriétaires de parcelles montmartroises.
    Au n°56, une épicerie bien achalandée fait un angle de rue; c'est la maison Collignon du film "Amélie Poulain", où Jamel se faisait houspiller.
    Juste après, la place Emile Goudeau est elle aussi remplie de touristes qui jouissent de la vue plongeante. La lumière rasante est magnifique. J'entraîne mes compagnons jusqu'au n°13 où des ateliers d'artistes ont remplacé la bâtisse de bois du Bateau Lavoir, calcinée lors d'un incendie en 1970. Ce lieu a accueilli des peintres et poètes comme Braque, PIcasso, Modigliani, Max Jacob, Apollinaire et Mac Orlan et aurait vu naître Les Demoiselles d'Avignon.

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    Au centre de la place trône une des 50 fontaines d'eau potable en fonte verte mises à la disposition des Parisiens par sir Wallace, militant antialcoolique notoire.
    A gauche, c'est la rue d'Orchampt, au bout de laquelle un groupe de touristes campe devant la maison de Dalida. A droite, on rejoint la rue Lepic et on tombe nez à ailes avec le moulin Radet, qui fait partie du moulin de la Galette.
    [En préparant ma balade avec Usclade, j'ai appris que le moulin Radet se trouvait d'abord sur la butte Saint-Roch, dans le quartier du Palais-Royal, et fut démonté et transféré jusqu'à celle de Montmartre.]
    Plus loin, c'est le moulin de la Galette sur son promontoire, totalement inaccessible aux promeneurs et protégé de grilles. Le Moulin de la Galette, ancien Blute-Fin, domine la butte depuis plus de 400 ans.
    Son histoire est tragique car le meunier Debray le défendit en 1814, lors du siège de Paris, et fut crucifié sur les ailes de son moulin. Sous la Restauration, son fils le transforma en salle de bal où on pouvait manger de savoureuses galettes. A la fin du 19ème, devenu bal populaire, il inspira Renoir, Toulouse-Lautrec et Van Gogh.    

    Il est déjà 15h34 et mes compagnons prennent un train à 16h30. Nous descendons la rue Tholozé, au centre de laquelle on trouve le Studio 28, plus ancien cinéma parisien encore en activité. Devant leur hôtel, je les embrasse et n'ayant pas envie de rentrer chez moi, je décide d'approfondir ma découverte de ce quartier que je connais très mal.




    Je remonte jusqu'à la rue Tholozé et pénètre dans le cinéma Studio 28. Le hall d'entrée, meublé d'un piano et d'un divan de velours rouge, est tapissé de photos d'acteurs et réalisateurs, de dédicaces (de Simone Signoret et Montand, Marion Cotillard, Pierre Tchernia), d'empreintes de pied moulées de Brigitte Fossey, Jeanne Moreau. Au boutà droite, une courette fait office de jardin intérieur. Je scrute la programmation et arrête mon choix sur "Apollonide, souvenirs de la maison close". La séance est à 17h, j'ai donc encore une heure pour me balader dans le quartier.

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    Je remonte la rue, passe devant une épicerie italienne et un bar animé, "Le petit parisien". A l'écart des places toruristiques, les prix sont abordables.
    Dans la rue Lepic, je rate l'avenue Junot et descends la rue. Les accès à certains escaliers de la butte, raccourcis fort pratiques, sont désormais fermés par des portes à code. Ca a le don de m'énerver, ce patrimoine commun qui devient privé. Au passage, j'avise au n°46, la maison où Van Gogh vécut avec son frère Théo. Et puis, juste à côté, mon oeil attentif déniche, derrière un porte, une belle facade sertie de quatre statues antiques.

    Plus bas, au n°15, un modeste café désormais célèbre fait l'angle: le Café des 2 moulins.

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    Peu avant d'atteindre le boulevard de Clichy, je bifurque à droite dans la rue Constance. Au bout, il y a l'impasse Marie Blanche et au n°7, une maison intéressante. Deux hommes discutent devant la maison et me jettent un coup d'oeil; je redoute de me faire virer mais on me laisse photographier la superbe demeure sans problème. Une affichette indique d'ailleurs qu'elle est ouverte au public la semaine et lors des journées du patrimoine. Sympa, le proprio !

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    A la sortie de l'impasse, j'arrête deux touristes asiatiques et leur conseille d'aller admirer la maison. Elles en profitent pour me demander si je sais où est la maison de Van Gogh. Ben oui, ça tome bien.
    Têtue, je rebrousse chemin et remonte la rue Lepic. Je repère un homme en terrasse qui m'a repérée (j'ai des yeux derrière la tête) et quelques mètres plus loin, il m'aborde. Répondant à ses questions, je prétends être prise. Il propose un café, je réponds que je vais au ciné. "Il n'y en a pas ici" dit-il. Ben si, mon garçon, même que c'est le plus vieux de Paris. "Ca fait 13 ans que jhabite ici, j'ai jamais su qu'il y avait un cinéma". Après un dernier coup d'oeil à ma silhouette, il me quitte sur un "Rien à dire". Ca c'est de la drague. Je remonte toute la rue jusqu'à l'avenue Junot, "une des plus belles de Paris" selon mon guide. Elle cache, elle aussi, un tout petit ciné-théâtre.

    Les demeures qui bordent la paisible avenue Junot sont magnifiques. Une plaque rend hommage à Francisque Poulbot, peintre qui croqua les gosses de Montmartre. Juste à côté, la maison de Tristan Tzara, fondateur du mouvement Dada.
    A l'entrée de la villa Léandre, il y a des gens qui boivent un verre en terrasse, et aussi un buste discret de l'artiste, caché par des feuillages. L'impasse ressemble à celles qui bordent le parc Montsouris.

     

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    Il est 16h53, houlala mon film comence dans 7 minutes, je file dare-dare dans les rues, mes talons font un boucan d'enfer, hop à droite devant le moulin et puis à gauche. Il est 16h59 quand l'ouvreuse me tend mon ticket pour "l'Apollonide, souvenirs de la maison close". Dans la salle luxueuse aux rideaux de velours rouges, les lustres dessinés par Jean Cocteau donnent à la pièce tout son théâtral.

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    Je m'installe et plonge dans l'univers feutré et féminin d'une maison close parisienne à la fin du 19ème siècle. Les plans sur les nuques, le rondelé d'une épaule, les lourdes chevelures qui ondoient sont d'une très grande sensualité et les robes de soirée sont magnifiques. Pourtant adeptes des films d'horreur, j'ai détourné les yeux devant une scène d'une grande violence. La BO, anachronique, est savoureuse et la chute, délicieusement décalée, donne à réfléchir.

    Peu après 19 heures, je retrouve un Montmartre plus calme. Rue des Abbesses, j'admire le portail de l'église Saint Jean l'Evangeliste, premier édifice religieux construit en béton armé. Je me promets de revenir tâter les jolies chaussures colorées d'une boutique. Rue des Martyrs, au n°80, Michou voit la vie en rose à côté de son voisin africain.

    Je prends le métro et en chemin, décide de finir mon trajet en bus. J'aime bien le prendre quand je ne suis pas pressée. Ce soir-là, bien inspirée, je fais irruption dans un bus désert où 4 jeunes improvisent sur leurs guitares un concert de jazz manouche, sous le sourire complice du chauffeur.
    "Les yeux noirs", je ne résiste pas et j'entonne la chansonnette avec eux en tapant des mains. Arrivés à leur arrêt, je décline leur invitation à les suivre et les salue. Demain, c'est lundi, faut que je sois fraîche ...

  • Brassens est en moi


    Agrandir le plan

    (psst ! Je teste une nouvelle fonctionnalité : dessiner mes itinéraires sur Google maps. C'est top, vous pouvez suivre mon parcours et zoomer à loisir. Je le mettrai en place sur les balades précédentes.)

    Aujourd'hui, je suis partie sur mon vélo, la tête pleine des anecdotes d'un livre passionnant "Je me souviens du 14ème arrondissement", décliné pour chaque arrondissement de Paris. Le temps est magnifique, ces jours-ci, et je ne me déplace qu'à vélo.

    J'ai emprunté l'avenue du général Leclerc, ai reluqué la fesse du Lion de Denfert-Rochereau et y ai décelé la cicatrice de sa blessure de guerre. Hé oui, le Lion, petit frère réduit aux deux tiers de celui de Belfort, s'est fait griller la couenne des fesses un soir de fête où un oriflamme lui est tombé dessus. Car il est en cuivre, le fauve, et pas en bronze comme l'indiquent de nombreux guides. Bref, on lui a cousu une plaque de cuivre sur le cul et ni vu, ni connu, l'affront fut lavé. Il paraît qu'on peut lire des inscriptions sur sa statue, mais je me demande bien qui, aujourd'hui, pourrait traverser la place et atteindre le Lion avant de se faire écrabouiller. Pauvre Lion, tout seul au milieu des bagnoles ..

    Moi je file sur mon vélo et emprunte maintenant la portion la plus sinistre de l'avenue Denfert-Rochereau, peut-être à cause de la présence de l'hôpital Saint-Vincent de Paul. Je bifurque dans la rue Cassini, à la recherche des traces d'un bougna, bistro et marchand de charbon. Hélas, le café a disparu. La rue Cassini débouche sur l'avenue de l'Observatoire, où se trouve justement l'Observatoire de Paris, plus ancien observatoire en service dans le monde. Les tentes de quelques sans-abri sont installés devant sa grille. L'observatoire indique le "temps universel coordonné" ; il est 17 heures 22, indique un faisceau lumineux. 

    A quelques pas de là, un immeuble singulier et orné d'une fresque à sa base attire mon regard. De retour chez moi, j'apprendrai qu'il s'agit d'un immeuble Art Déco des années 30, construit par Charles Abella. Jean Moulin y aurait vécu.

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    La rue Cassini, où vécurent également Honoré de Balzac et Alain-Fournier, méritera une deuxième visite mais pour l'heure, je file sur l'avenue de l'Observatoire, tourne à gauche sur le boulevard du Montparnasse, jette un rapide coup d'oeil à la Closerie des Lilas, repaire d'Apollinaire, James Joyce et F. Scott Fitzgerald avant de tourner à gauche dans la rue Campagne Première. Au n°3, un immeuble quelconque a remplacé le célèbre restaurant "Chez Rosalie", devant lequel Utrillo et Modigliani se battaient quans ils avaient un peu forcé sur la bouteille.

    En haut de la rue, presqu'à l'angle du boulevard Raspail, un imposant et très bel immeuble que j'ai déjà remarqué, en passant en bus à proximité. Il date de 1912 et Aragon et Man Ray louèrent ses ateliers.

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    Je traverse le boulevard Raspail et immortalise le Raspail Vert avant d'emprunter le boulevard Edgar Quinet. J'appelle Bibiche qui est chez lui, il descend avec son fils, avec lequel j'ai fait l'andouille en Martinique l'été dernier, beau gosse qui n'en finit pas de grandir. Nous faisons quelques courses puis Bibiche m'accompagne dans ma quête du Montparnasse d'avant. Je prends un cliché du Bobino, où j'allais danser quand j'étais jeune. Même Bibiche se prend au jeu du avant / après.

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    Puis nous descendons la rue d'Odessa et nous postons au milieu des bagnoles pour retrouver l'angle du photographe d'alors. Ca n'a pas beaucoup changé, hein ? La banderole lumieuse du Cinéac de Montparnasse, qui diffusait alors chaque heure les actualités, a été remplacé par celui des Galeries Lafayette. Le café "Le Saint-Malo", lui, est toujours là ...

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    En remontant la rue d'Odessa que j'ai arpenté dans tous les sens des dizaines de fois, je découvre les traces des Bains d'Odessa; on a même laissé l'enseigne. Depuis que je lève le nez, j'en découvre des choses. Et je ne me suis même pas encore mangé un poteau (mais ça ne saurait tarder ...)

    (en fait, de retour chez moi, je découvre que les Bains d'Odessa sont toujours actifs et même un des plus vieux bains de Paris, reconvertis en sauna gay. Pourtant, leur entrée ressemble à un immeuble d'habitation tout ce qu'il y a de plus normal)

    Bibiche, il assure côté bouffe, il te fait même des petits dômes de riz comme au restaurant. Et il a une collection de pantoufles qui déchirent, je ne m'en lasse pas.

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    Après un bon dîner de noix de Saint-Jacques aux épices, je reprends mon vélo.

    "Prends la rue, au feu à droite", dit Bibiche. Tu rejoindras la rue des Plantes, c'est tout droit et il n'y a pas beaucoup de circulation. 

    - La rue à droite, c'est celle qui traverse le cimetière du Montparnasse ?, dis-je avec une grimace.

    - Oui, pourquoi ? J'ai grandi en face d'un cimetière, répond-il.

    Je prends la rue Emile Richard qui coupe le cimetière dans lequel reposent Sartre, de Beauvoir, la chanteuse Joelle de "Il était une fois" (j'ai encore rêvé d'elle, vous vous souvenez ?), Baudelaire et Gainsbourg. Un crachin breton tombe maintenant et les rues luisent.

    Dans la rue des Plantes, je me ravise et bifurque à droite, rue Hippolyte Maindron, où se trouvait l'atelier de Giacometti, pour rejoindre la rue de l'Ouest et une épicerie indienne, Happy Malikai où j'achète du ghee. Du coup, me voilà au métro Plaisance et le titre de ce billet s'explique.

    En parcourant "Je me souviens du 14ème arrondissement", j'ai appris que la si émouvante chanson "L'Auvergnat" de Brassens fut écrite en hommage à monsieur Malet, patron du café situé à l'angle des rues Bardinet - Alésia, qui eut pitié de l'infortune du poète sétois et lui offit l'assiette de soupe du soir. Chez l'Auvergnat, c'était là :

     mon 14ème,brassens

    La maison de Jeanne est juste là, à quelques mètres, au fond de l'impasse Florimont que j'aperçois en la dépassant. 

    Et vous savez quoi ? Le plus drôle, c'est qu'en arrivant chez moi, je zappe sur les chaînes de télévision et regarde les derniers instants d'une émission sur la 3, "Brassens est en nous", sur le générique de laquelle chante Renaud, un autre habitant du 14ème arrondissement, qui grandit avenue Paul Appell, le long du stade Elizabeth. Alors, je n'ai pas résisté, j'ai écrit ce billet.

    Je n'ai pas fini d'arpenter les rues du 14ème arrondissement, et de vous parler des artistes, des poètes et des Bretons, et de le faire découvrir aussi aux touristes inscrits aux balades de Parisien d'Un Jour ...

    Pour ce soir, c'est fini. J'ai pourtant plein de billets en brouillon mais je m'envole demain pour Casablanca la belle et un périple qui me mènera jusqu'à Tanger, en passant par Rabat, Fès et Meknès. A bientôt !