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Les malheurs de Sophie - Page 4

  • Photographe a-mateuse

    NDLR : Je sais qu’on dit "amatrice", c’est pour le titre ….

    En ce moment, j'accumule un peu les conneries (je ne m'appelle pas Sophie par hasard), certaines que je préfère garder pour moi et d'autres racontables, comme celle qui suit.

    Il y a quelques mois, les installations électriques des appartements de mon immeuble ont été entièrement changées. Les ouvriers qui sont intervenus ont mal revissé le cordon d'alimentation en eau de ma machine à laver et le soir, en rentrant du boulot, j'ai trouvé une flaque dans ma cuisine. J'ai sollicité un ami pour régler le problème mais après avoir serré le boulon à la pince, ça gouttait toujours. Donc, depuis, je coupe l'eau entre 2 machines et je mets une bassine quand je lance une lessive. Mais ça me gave parce qu'il arrive que j'aille me coucher en oubliant de fermer l'eau.

    Bref, hier soir, ça me prend comme une envie de pisser et je décide de régler le problème.

    J'appelle mon pote Oh!91 et comme il ne comprend pas trop de quoi je parle, ou plutôt je ne suis pas très calée en vocabulaire plombier, j'active le flash sur mon appareil photo et lui envoie un cliché de mon installation. Si vous voulez des nouvelles de ma fuite, et bien, quand j'ai rouvert le robinet, ça giclait comme jamais. Retour à la case départ et je ne sais pas comment je vais laver mes culottes avant mon départ en vacances déplacement sur une île paradisiaque des Caraïbes.

    Ce matin, je prends le métro comme d'habitude mais bien mieux réveillée qu'hier. Ce doit être la perspective de retrouver Boug' et Petite Française, ce soir, qui me remplit d'énergie.

    Avant de vous raconter ma mésaventure, je dois vous confier un de mes travers.

    Je prends beaucoup de photos, ça ce n'est pas une nouvelle. Des photos de ce que je mange, des photos de ma jungle urbaine et, depuis que j'ai trouvé comment désactiver le son de l’appareil photo de mon téléphone portable, des clichés des drôles d'animaux qui la peuplent. Je photographie les jolies femmes, les belles chaussures, les détails raffinés, les situations cocasses, les trucs qui m’agacent.

    Or, depuis peu, je me suis trouvé un nouveau divertissement : je photographie les hommes qui me tapent dans l'œil. C'est toute une technique de diriger l'appareil pour avoir un bon angle de prise sans se faire griller par le modèle malgré lui. Généralement je ne fais rien de ces photos, si ce n'est les envoyer à mon copain Yo qui a les mêmes goûts que moi, assorties d'un "Mignon, hein ?"

    Ça nous amuse, au moins autant que lorsque nous nous posons ensemble à une terrasse de café ou dans un parc. 

    Bref, ce matin, je vois débouler dans mon wagon un brun à la beauté vénéneuse, mat, yeux verts, dans une chemise blanche sous un costume noir un peu trop grand pour lui.  Il reste debout, se tenant au poteau métallique et il ne m'a pas remarquée, assise contre la fenêtre. Je le mate donc à loisir.

    Décidément je l'aime bien ma ligne de métro, on y croise plein de beaux spécimens, mâles ou femelles. Dans mon train de banlieue, par exemple, je n'ai pas trouvé pareil ravissement.

    Mais revenons à nos moutons agneaux.

    Je mate donc mon beau brun qui doit avoir dans les 35 ans voire un peu plus. Je me dis qu'il faut absolument que j'immortalise cet instant de grâce et je sors mon téléphone portable, appuie sur Multimédia puis Appareil photo et, telle une féline tapie dans l’ombre, attend patiemment que mon innocente proie tourne la tête dans ma direction.

    Assis sur la banquette face à moi, il y a un touriste frisé qui me gâche un peu le panorama mais ça ira. Et lorsqu'enfin, le beau brun lance son regard merveilleusement carnassier vers le fond du wagon, hop, j'appuie sur le bouton. Et là, un éclair illumine le wagon, et tout le monde tourne la tête vers moi, y compris le beau brun.

    Et merde ! J'ai oublié de désactiver le flash ! Grillée en flagrant délit de matage, la Fiso !

    Sentant sur moi le regard désormais insistant de ma proie, j’ai essayé de garder un air naturel malgré ma surprise au moins égale à celle des passagers. Je ne pense pas avoir rougi, j’ai fait semblant d’être plongée dans mon téléphone et puis, lorsque tout le monde a repris ses occupations, j’ai nonchalamment tourné le regard vers le tunnel dans lequel j’aurais voulu, à cet instant, disparaître et je suis partie dans un fou-rire solitaire.

    J’envoie un sms à Oh !91 « Je peux t’appeler ? J’en ai une bonne à te raconter ! »

    Arrivée à Châtelet, je me lève et là, le beau brun me remarque (ah quand même !). Il faut dire que mes chaussures Betty Boop sont irrésistibles. Il détaille mes jambes d'une façon qu'il pense discrète. Je fais la gazelle (on est dans une jungle, n'oubliez pas).

    Sur le quai où il est descendu devant moi, il hésite. Dommage, il part à droite, se retourne et moi aussi.     

  • Ne le dîtes à personne !

    Tonnegrande n'a pas tout à fait tort. Je me balade régulièrement dans les rues sans culotte et sans soutif, mais pas à vélo comme il l'a souvent insinué.

    Non en fait, moi, mon problème c'est quand je sors de la piscine. Pour gagner du temps et parce que ma piscine locale manque cruellement de cabines, j'enfile mon maillot de bain (2 pièces, clin d'oeil à Boug') chez moi. Sauf qu'une fois sur 2, j'oublie de fourrer dans mon sac les deux morceaux de tissu qui remplaceront le maillot au retour. Et je rentre chez moi le cul (et le reste) à l'air. Ben entre nous, c'est pas désagréable ... Faudra juste que j'évite de faire un malaise ou de me vautrer lamentablement pendant les 10 minutes qui séparent la piscine de chez moi. Et aussi que je fasse gaffe aux coups de vent.

    Ce soir, je n'ai pas oublié ma culotte.  C'est ma serviette de bain que j'ai laissée chez moi. C'est donc mouillée que j'ai remis mes fringues. Sur le chemin du retour, j'ai appelé ma mère que ça a beaucoup fait rire (bon, elle a avoué s'être sifflé une demi-bouteille de rosé, aussi) et qui s'est écriée : "Ah c'est jouissif !"

  • Je hais les insectes

    Photo050.jpgA peine 18 heures, je gare mon Opel Insignia sur le parking d'un manoir normand. Le jeune homme de l'agence de loc m'a demandé "Vous voulez quelle voiture madame ?"

    J'ai essayé, au cas où : "Porsche, vous avez?"

    "J'ai une Opel Insignia toute neuve". Toute neuve, en effet, 1 km au compteur. La boîte de vitesses est un peu raide mais je me régale sur la route, si peu fréquentée que j'arrive même à rouler avec le régulateur de vitesse.

    Le soir venu, je me détends en travaillant sur la terrasse du manoir réchauffée par quelques rayons de soleil.

    Peu après 20 heures, je descends dans la salle à manger où se trouve déjà un groupe de trois garçons et une fille.

    Je m'installe et commande un verre de Fronton, qu'on me sert alors que résonne les premières notes de l'été indien de Joe Dassin. Le jeune homme des années 80 se foutrait de ma gueule parce que j'aime beaucoup ce slow.

    J'en connais un autre qui avait même commandé un CD de Joe Dassin à Noel, et il me manque ce soir, lui et la petite fille dont la bouille ronde et hilare s'affiche sur mon téléphone. Je lui envoie un sms où je parle de Joe Dassin, pour le faire rire et parce qu'il en a bien besoin, en ce moment.

    J'essaie de me concentrer sur les dernières pages de "L'amour dure trois ans" mais ce n'est pas facile, entre Joe Dassin, mes voisins de table partis dans un fou-rire dont je devine aisément la raison et une connassse de mouche à merde qui fait chtoc chtoc en essayant de traverser la vitre.

    Le garçon, qui devrait prendre ses chemises une taille au-dessus, dépose devant moi une croustade aux champignons au moment où Joe entonne "Tagada tagada voilà les Dalton".

    J'essaie d'envoyer disrètement la mouche à merde dans une des toiles d'araignée qui pend derrière les rideaux. Ah ça sent la nature, y'a pas de doute. J'espère qu'il n'y a pas de morpions dans mon lit. Déjà que je me suis fait bouffer les cuisses par une colonie de fourmis rouges lundi dernier, en bouquinant au soleil ...

    J'ai trouvé une bonne excuse pour boire du pinard : l'eau de la carafe est infecte. Quand je l'ai versée dans le verre, y'a pleins de dépôts calcaires qui ont flotté un bon moment avant de tomber au fond et lorsque je me suis résolue à la boire (ben oui, j'ai soif!), elle puait tellement que je n'ai pas pu.

    Ca y est, mes vosins de table craquent ou plutôt leurs zygomatiques menacent de lâcher. Ils demandent à la serveuse aux dents de lapin de changer de disque. Elle tourne le dos et coupe brutalement le sifflet à Joe sur sa colline. Je prends un ton offusqué et m'exclame "Ah ben non, j'adore Joe Dassin !" Mes voisins de table se retournent. "Non, non, je rigole ...."

    Je ne sais pas si on a gagné au change. Perso, je trouvais Joe plus marrant que la musique de troubadour qu'on nous sert à présent.

    J'appelle ma soeur, reçoit des sms (en mode silencieux, toujours) de mon chef de projet "Je crois que j'ai un nouveau resto à te faire essayer. Italien. A deux pas de l'hôtel." (j'ai trouvé mon maître), ma tante et ma copine Chacha. Je leur réponds et en envoie un à mon pote Hervé. En parlant d'insectes et d'Hervé, faudra que je vous raconte, après avoir vérifié dans mes archives que je ne l'ai pas déjà fait, la nuit que j'ai passée, il y a quelques années, dans un lit datant de je ne sais quel siècle et acheté dans une foire aux enchères.

    A la page 188, je souris; j'ai une bonne nouvelle pour Chriss. Beigbeder écrit "J'espère que le titre mensonger de ce livre ne vous aura pas trop exaspéré: bien sûr que l'amour ne dure pas trois ans; je suis heureux de m'être trompé. Ce n'est pas parce que ce livre est publié chez Grasset qu'il dit nécessairement la vérité".

    (En même temps, Chriss, je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais quelques pages plus tôt, il se tape un plan à trois avec une espagnole en attendant que sa femme vienne le rejoindre. Et encore je te la fais soft. Vas savoir ce qu'il me réserve dans les dernières pages. Je te tiens au courant, mais pas ce soir)

    Nouveau sms pour Hervé. En substance et parce que certains croient que je suis une dame, j'écris "Y'a une connasse de mouche à merde qui essaie de siffler mon pinard en douce. Salope !"

    J'aurais dû fermer ma gueule. Lorsque, pour fêter l'arrivée de mon aumônière aux pommes et sa glace au caramel au beurre salé, je décide de me jeter un gorgeon de Fronton, je découvre avec horreur un énorme truc noir qui barbote dedans. Et là, je ne rigole plus.

    La première question qui me vient en tête "Est-ce que ça pisse, une mouche à merde ?" Parce que je suis sûre que cette conne s'est vengée de mes envies de meurtre en pissant dans mon verre de rouge. Et puis je m'en fous, après tout je suis la fille qui bouffe les crevettes (les grosses roses) avec la tête et même des chenilles zairoises, même que si vous voulez la photo, ben la voilà (je vous la fais en format moyen pour vous éviter de dégueuler sur votre clavier, mais si vous tenez absolument à vomir, vous pouvez agrandir l'image en cliquant dessus .... z'avez vu, c'e'st joli, y'a du orange dans le marron...)

    Mbinzo.jpg

    alors c'est pas une pauvre mouche à merde normande qui va me faire peur. Je plonge la queue de ma cuillère dans le verre et éjecte la mouche. Et hop! cul sec !

    PS : Là, il est 23h30 et c'est soirée disco en dessous, visiblement ... On se fout pas un peu de notre gueule, ici ?

     

  • J'aurais dû mettre des bretelles

    19h quand je me précipite hors de la station de métro Hôtel de Ville. La pièce de théâtre commence MAINTENANT et la fille m'a prévenue au téléphone. A 19h10, on ne rentre plus. Le temps que je trouve à quel numéro de la rue je suis, je réalise que je me dirige dans le mauvais sens. Je tape un sprint, sac à main d'un côté, ordinateur de l'autre. Je suis en robe sur des bottes à talons carrés, heureusement. Et sans balconnet, bien vu Fiso.

    Tout se passe relativement bien, et je cavale à bon rythme,  jusqu'à ce que je sente que mon collant taille basse, un de mes derniers achats (on se demande bien ce qui m'a pris d'acheter ça)  est en train de glisser. En quelques enjambées, j'ai les fesses à l'air, puis le collant continue de descendre pour se retrouver au niveau de mes genoux. Là, j'éclate de rire tellement j'ai du mal à croire à ce qui m'arrive mais après un moment de panique et d'hésitation, je réalise que je ne peux pas m'arrêter. Comment vais-je, en pleine rue et heure de pointe, récupérer discrètement ce p... de collant au milieu de mes genoux et le remonter sur mes hanches ?

    En plus du risque de me vautrer comme une merde, je suis prise de panique en imaginant le collant qui continue de descendre et me tombe sur les chevilles. Dans mon malheur je remercie mon choix du matin, le manteau années 50 de Mamie Coco plutôt que mon petit blouson court que j'affectionne tant. Le collant ne descend pas plus bas, retenu au niveau de mes genoux par ma course effrénée. Les passants que je croise sont intrigués par mes éclats de rire, je me bidonne toute seule.

    J'arrive enfin au théâtre après une course qui me paraît durer 10 fois mon jogging dominical et imperturbable, je prends mon ticket et monte les marches 4 à 4, le collant toujours aux genoux. Le spectacle commence à peine et mon ami est là qui m'attend. « Wahhh, belle robe ! » dit-il. « Hors d'haleine, je souffle « T'as pas vu ce qu'il y a en-dessous ! ». Et je m'assieds, reprend mon souffle, tente de remettre en ordre ce qui fut ma coiffure et tranquilos, je me plonge dans le spectacle en espérant que le comédien, en contrebas, ne voit pas ma culotte.

    Ian Delépine, qu'il s'appelle, c'est sa dernière et son sketch sur la famille Ingalls est franchement tordant. Entre Laura qui « a des dents de lapin et une mercerie sur la gueule » et Caroline Ingalls « une maille à l'endroit, une maille à l'envers », qui rêve « de se faire prendre comme une grosse cochonne sur le frigidaire, Charles, même si ça existe pas encore », je me poile.

    Le one-man show se termine et mon compagnon propose un dîner. "Heu oui mais j'ai un léger problème technique, faut que je trouve des toilettes d'urgence », lui dis-je en lui narrant ma mésaventure. Nous nous installons « Chez Hannah » à quelques rues de là. Je pose mon sac et demande au serveur où sont les toilettes. Au fond, derrière le bar. « J'espère que j'aurai le temps d'arriver jusque là », lui dis-je. Il comprend de travers (normal) et répond « Ah vous pouvez y aller, on vient de passer la serpillère ». Et moi, piquée au vif, au lieu de fermer ma gueule « Ah mais non, c'est pas du tout ça figurez-vous que j'ai acheté un collant taille basse et que ..... »

    (visiblement, je ne suis pas la seule, et contrairement à Alice Springs, je n'ai pas les fesses plates, moi ...)

  • Les jours se suivent et ne se ressemblent pas

    « Ca va être une formation un peu particulière », avait prévenu ma commerciale. « La société a terminé le recrutement de son personnel et doit ouvrir ses portes début avril ».

    Quelques jours avant mon arrivée, j’avais appelé le directeur qui avait proposé de venir me chercher à la gare. Le jour J, il me récupère devant la gare RER d’une ville que je connais un peu puisqu’elle se situe sur les bords de Marne. Nous arrivons dans une zone résidentielle tristounette et longeons un bâtiment immense en briques rouges, entouré de tranchées. Il se gare et nous entrons sur un chantier, un vrai : les grues, la gadoue, les ouvriers qui me reluquent, tout y est. Nous grimpons sur une plateforme (quelle bonne idée j'ai eu de ne pas me pointer en talons) et pénétrons dans un hangar. Le dirlo me présente à plusieurs personnes, dont mes stagiaires, et nous emmène dans la "salle de formation".

    Celle-ci se trouve dans le seul endroit pourvu d’électricité : des Algeco (vous savez, ces bungalows en plastique blanc où mangent les ouvriers des chantiers). Il ouvre la porte sur … les chiottes du baraquement, badigeonnés de subtils dégradés de marron(hum ...). Nous nous engouffrons (ou plutôt je me rue, pour échapper à cette vision apocalyptique) dans deux pièces tout en longueur où se trouvent des tables recouvertes de toiles cirées, un évier, un four-micro ondes et un frigo.  La formation aura donc lieu … dans la cuisine du chantier. Sacré bordel en perspective.

    Je pose mon ordinateur sur la table, d’une propreté très douteuse, et débute ma prestation. Peu après, au milieu d’une phrase, je m'interromps sur un vieux bruit de crachat bien gras venant de la pièce voisine. Je réprime une grimace et nous éclatons de rire. La pièce n’a pas de portes et durant toute la journée, les bruits du chantier nous parviennent : marteaux-piqueurs, Fenwicks, perceuses, klaxons. Les bruits du chantier, certes, mais aussi ceux des ouvriers qui entrent et sortent régulièrement pour se soulager bruyamment. J’aimerais vous épargner mais il faut bien restituer l’ambiance…. A midi pétantes, c'est le cas de le dire, les ouvriers débarquent dans notre salle avec leurs gamelles. « Bon, je crois qu’il est l’heure d’aller déjeuner », dis-je.

    Fin de la première journée. Un des stagiaires me dépose à la gare et nous convenons de nous y retrouver le lendemain matin à 9h15.

    Jour 2, 9h25 (mon RER a été retardé), je sors de la gare, sous une pluie battante. Personne ne m’attend. « Merde, il est parti. Il a sans doute attendu et pensé que je m’étais débrouillée autrement ». Je me rue vers un arrêt de bus et scrute le plan, tentant de relier l’endroit où je me trouve à celui où je vais. A côté de moi, un type m’accoste « Excusez-moi, Madame, il y a de la place là » dit-il en désignant le banc. Je le remercie « Non, je ne veux pas m’assoir, merci ». Il continue « C’est pas la peine de pousser mon sac, hein, y’a de la place sur le banc ». Incrédule, je fixe bêtement mon sac d’ordinateur que j’ai posé à côté du sien et commence à rigoler « Sans blague, j’ai poussé votre sac ? Et alors, il est en verre, il va se casser ? ». Je me retiens d'ajouter mon insulte préférée (je vous la fais soft) : 'bruti, va !

    Je monte dans le bus en me disant que les gens sont vraiment tarés. Je demande à la conductrice si elle passe à proximité de l’avenue Charles de Gaulle dans la ville de … « Oui, oui, je passe sur cette avenue, ce sera l’arrêt Résistance » dit-elle. Je m’assois et étudie le plan de la ligne. Je ne suis pas près d’arriver. J’appelle le directeur pour le prévenir que j’ai pris un bus, que je ne sais pas trop où je vais ni à quelle heure je vais arriver. « Mais Monsieur X. ne devait pas venir vous chercher à la gare ? Vous ne quittez pas, je l’appelle » dit-il. ...

    Il reprend le combiné : « Il est devant la gare ». Je bafouille, confuse, que je ne l’ai pas trouvé à mon arrivée. Il me donne le numéro du stagiaire qui m’explique que ne me voyant pas, il est reparti à l’autre gare de la ville et que c’est sans doute à ce moment là que je suis arrivée."Vous êtes où?" (oulala, mon garçon, vous m'en demandez trop là...)  Je lui indique que je vais descendre à l’arrêt Résistance. « J’arrive », dit-il.

    Face à moi, une jeune fille africaine : « Excusez-moi, Madame, vous allez à l’arrêt Résistance ? » J’acquiese.

    « Mais ce n’est pas du tout ce bus. Vous auriez du descendre à Hôtel de Ville et prendre un autre bus ». Je proteste « Vous êtes sûre ? J’ai demandé à la conductrice ! » Je retourne à l’avant du bus.

    « Oh merde ! s’écrie la conductrice. J’ai oublié de vous dire de descendre et de prendre un autre bus ! Bon écoutez, le mieux c’est que vous alliez avec moi à la gare de … et que vous preniez un bus dans l’autre sens ». Je jette un œil dehors et reconnais l’endroit où j’ai déjeuné la veille. « Non, non, j’ai un collègue qui va aller me chercher à Résistance, je ne veux pas le faire galérer. Je descend là ».  

    Je me réfugie sous un abribus, il pleut toujours à verses, et j’appelle X. pour lui dire que finalement je ne suis pas à Résistance mais au bord de la nationale, à l’autre bout de la ville. Il doit me prendre pour une folle. A côté de moi, une vieille femme m’entretient de la pluie et du mauvais temps. Je scrute la route, guettant mon chauffeur.

    Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrête, la vitre se baisse, un homme se penche vers moi. X. enfin ! Je cours vers lui, sourire aux lèvres, et ouvre la portière, prête à monter. Il sourit aussi. Je marque un temps d’arrêt « Tiens, X. n’état pas aussi gros hier … » avant de réaliser que ce n’est pas lui. Le type me sourit toujours.

    « Ben, qu’est ce que vous voulez ? », je lui demande. « Rien, et vous ? » répond-il. Sans doute rouge de honte, je referme la porte bafouillant que j’attends quelqu’un et que j’ai cru que c’était lui. Je retourne sous mon abribus et pique une crise de fou-rire toute seule. La vieille dame rigole avec moi en racontant qu’il lui arrive souvent de dire bonjour à des gens qui ne la connaissent pas. Peu de temps après, la voiture métallisée de X. s’arrête devant moi. Je lui raconte mes mésaventures et il se marre bien.

    Arrivés sur le chantier, nous trouvons nos deux stagiaires dans la première salle, celle qui bénéficie d’une vue imprenable sur les chiottes. « Y’a une formation dans notre salle » disent-ils. Salle, c’est un bien grand mot. En effet, un vidéoprojecteur tourne et une femme parle très fort. La matinée se passera donc entre les chiottes, toujours aussi fréquentés, et la formation voisine portant visiblement sur les effets secondaires de la consommation de produits périmés : diarrhées, vomi et staphylocoque doré, pour n'en citer que quelques-uns.

     « Bon appétit, bien sûr » dit X en ouvrant le thermos pour nous servir un café. « Après les glaviots d’hier, aujourd’hui au menu, c’est staphylocoque doré ».

    Dans la matinée, je regarde par la fenêtre. La pluie n’a pas cessé de tomber. « Quand même, les pauvres ouvriers qui bossent dehors, c’est pas marrant » dis-je. « Ouais, mais quand il fait soleil, ils sont bien contents » répond X.

    Je ne sais pas si c’était le contrecoup de mes émotions du matin, je suis partie dans une crise de fou-rire. C’est le bordel, cette formation, mais qu’est-ce qu’on se marre !