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2yeux2oreilles - Page 85

  • Gérard Berliner

    02191643072008_gerard_berliner.jpgMercredi soir, je suis au volant, en route vers la maison de mamie Coco, au-dessus des vignes, lorsqu’à la radio, on m’annonce la mort de Gérard Berliner. « Oh non, pas lui ! » pensé-je immédiatement.

    Les kilomètres se déroulent comme le souvenir de cette soirée où je l’avais rencontré, introduite en coulisses par sa maman. Un spectacle magnifique, une femme vive et rigolote, une rencontre  inoubliable. Après le souvenir de la gentillesse, de la simplicité et du charme du fils, j’ai ressenti beaucoup de peine pour sa mère. Et depuis l'annonce de sa mort, je fredonne "Louise" sans arrêt.

    Quel dommage, je ne verrai jamais son spectacle sur Reggiani.

    Merci Gérard, vous aviez un talent immense et une humilité attachante. Toutes mes pensées à votre adorable maman.

  • Leçon de choses sur le cognac

    Je suis en train de déguster les dernières bouchées caramélisées de ma brochette d’ananas confit quand j'avise Serge Ferron, le patron de l’hôtel dans lequel je dors ces jours-ci, qui déboule dans la salle à manger et fait plusieurs aller-retours avec des bouteilles et de drôles de récipients en cuivre qu’il pose devant deux hommes. Je suis super jalouse, je dois le dire et je sens que je vais mal dormir cette nuit.

    Les trucs rouges, c’est la version miniature des alambics charentais de cuivre rouge dans lesquels on procède à la double distillation des cépages blancs. M. Ferron explique comment le cognac est fabriqué et j’ouvre grandes mes oreilles. « On chauffe, on distille une première fois et on obtient un liquide trouble, le brouillis, qui titre environ 30°. Si on chauffe encore, on atteint 70°, c’est le coeur, un liquide imbuvable à ce stade. Ensuite, on met le cognac dans des fûts de chêne, qui lui donnent sa couleur dorée, pendant plusieurs années. Quand vous le buvez, le cognac est à 40°. Ça veut dire qu’un bon cognac a 30 ans »  (p’tain quelle mémoire j’ai, quand même !).

    « Le cognac, c’est comme un homme, poursuit-il. Ca commence à être bon à partir de 15 ans et jusqu’à 50 ; après ça tombe en décrépitude. Fleurs, fruits, épices, voilà les trois âges d’un cognac. Après c’est cuir et vanille.»

    Il signale aux goûteurs que de l'autre côté de la route, on passe en quelques mètres de la Grande Champagne à la Petite Champagne. « Quelle différence ça fait?" demande l'un des hommes. « Les meilleurs cépages sont en Grande Champagne. Un bon cépage, ça peut se jouer à 1 mètre. Pourquoi ? Parce que le type qui a planté les cépages a parfois contourné un terrain parce qu’il n’aimait pas le propriétaire.»

    Il explique aussi que les cépages se sont regroupés le long de la Charente puis rapprochés des côtes atlantiques pour acheminer le liquide vers les pays nordiques car les Hollandais raffolaient du cognac. 

    «Regardez dans les campagnes : quand vous voyez des étendues de tuiles noires, ça veut dire qu’en-dessous il y a des chais de cognac. D’ailleurs, beaucoup de maisons dans les villages charentais sont noires ; c’est à cause de l’évaporation. On appelle ça la part des anges. »

    Serge Ferron verse le liquide doré dans des verres en précisant « Tenez le verre à la verticale sous votre nez. Ensuite mettez le nez dedans et respirez. Puis prenez une gorgée que vous gardez sur la langue ; ça doit vous picoter. Ensuite vous pouvez boire. »  

    « Ça sent la poire dit le plus âgé des deux . La poire ? Putain, ce serait bien con ! » répond M. Ferron (il a raison, Serge, passé 50 ans, ils ont le cerveau qui s'embrume)

    Aujourd’hui, les producteurs de cognac peuvent dire merci aux rappeurs américains qui leur font une belle pub dans leurs clips.

    Pour ma part, je bois du pineau. Question de souvenirs. Il y en a toujours une bouteille chez moi. C’est Mamie Coco, ou mes parents, qui me ravitaillent. D’ailleurs, je la vois demain soir, elle m'offre le resto pour mon anniv' qu'elle a oublié ((hé hé hé). Je sens que je vais me marrer et comme c’est moi qui conduis, elle ne pourra pas me faire le coup du sens interdit.

  • Comme une pierre précieuse

    Symptôme physique d’un mal moral, une douleur abdominale m’injecte sa surdose léthale. J’ai l’art d’éluder les questions et personne n’insiste, c’est con. Si seulement tu avais la bonne idée de nouer des liens autour de mes poignets, que je ne puisse plus me cacher.

    Recalée à l’oral, est-ce que je peux avoir une séance de rattrapage écrite ? Est-ce que tu sauras lire entre mes lignes ? Et d’ailleurs, est-ce que ce serait vraiment me rendre service ?

    Toi tu m’appelles, me tends les bras et je voudrais m’y réfugier, mais je suis là, tétanisée. Cachée dans la profondeur glacée, la seiche asséchée balance son encre noire et file se cacher. Toute couillonne, derrière son rocher. 

    Paralysée, elle fixe un point imaginaire, comme une gamine butée. Les mots sont des fenêtres ou alors ce sont des murs. J’ai tout lu, j'ai tout compris mais je ne trouve plus la boîte à outils. Je feins le détachement et me recroqueville comme une feuille morte. Like a leaf clings to a tree, oh my darling cling to me.