Ancienne ville de garnison, Cosne-sur-Loire, dont la gare m'est très familière, n’est pas particulièrement jolie. Sa piscine, pourtant fort agréable mais très excentrée, n’est accessible qu’aux automobilistes. Son centre ville recèle peu de suprises. J’aime pourtant m’y promener.
Je lui trouve un charme désuet que renforce le cinéma Eden, au pied duquel coule le Nohain.
Remontant la rue du Commerce, mon oeil de gourmande est attiré par un étal coloré. Des vertes tigrées, des rouges vifs, des rouges sang, des jaunes en forme de banane, elles sont belles et charnues. Je cherche leurs noms.
Un monsieur a remarqué ma curiosité et s'approche. Je demande quels sont les noms de toutes ces tomates. Il me les présente, une à une, et m'apprend qu'il les achète à une productrice de Guérande qui cultive des variétés anciennes. Il en choisit une, la pèse. Beau bébé de plus d'un kilo ...
"Que pensez-vous du bio ?" me demande-t-il, tout à trac. "Pour moi, c'est de la connerie", je répond.
S'ensuit une discussion à bâtons rompus sur Monsanto, les poursuites dont sont victimes les réfractaires aux semences hybrides, la mode du bio, l'hideuse "mer de plastique" andalouse qui nous garantit des fruits d'été en hiver et que j'ai découverte, incrédule, sur des kilomètres, en mai dernier. Franchement, vous vous imaginez vivre dans un paysage pareil, envahi de serres en plastique ?
On évoque aussi la récupération version hybride des tomates coeur de boeuf "Canada Dry" [lien], la contamination des champs mexicains par les cultures OGM des Etats-Unis, la prolifération de cultures hybrides en Roumanie[lien].
"Comment, en tant que consommatrice, puis-je reconnaître le vrai du faux ?" demandai-je à Michel. "Si les insectes n'y vont pas, c'est que c'est traité". Voilà un argument imparable. Michel nous prédit le pire : "Bientôt, les salades ne seront même plus cultivées en terre. Leurs racines baigneront dans des piscines d'engrais liquide". Beurk !
Ca fait une demi-heure que je suis là et je n'ai pas vu le temps passer. Je repars avec un échantillon de tomates "qui n'ont besoin de rien d'autre qu'un filet d'huile d'olive, pas de vinaigre". Le Verger du Square propose aussi des compositions de fruits et légumes sculptés "ni piqués ni collés", insiste Michel en feuilletant un catalogue. C'est sûr, parler avec quelqu'un qui connaît et aime son métier, ça fait une sacrée différence. Michel voudrait d'ailleurs qu'on mette en place une véritable formation de maraîcher, au même titre qu'on forme au métier de boucher ou de fleuriste.
Le soir venu, je me compose une assiette de belles tomates découpées avec la même tendresse qu'Isao [lien] met à trancher ses filets de poisson cru. Un régal !