Tout a commencé l’année dernière, en août, avec cette invitation.
A la suite de cette expérience dont je suis sortie victorieuse, je me suis de nouveau intéressé au jeûne.
Ca fait des années que ces histoires de jeûne me fascinent. Adolescente, j’avais lu la biographie de Gandhi et étais restée perplexe devant sa force mentale. Jeune adulte, j’avais plusieurs fois eu envie de faire le Ramadan mais l’impossibilité de boire m’avait paru vraiment trop dure et, je dois le dire, néfaste pour la santé. Puis je m’étais souvenue du Carême et en avais fait un billet, au tout début de ce blog. Mais n’ayant aucune volonté devant la – bonne - bouffe, je me sentais incapable de franchir le pas. Tous ceux qui me connaissent s’accordent d’ailleurs à me définir comme une épicurienne et ce blog, qui fait la part belle à mes découvertes gastronomiques, en est la preuve incontestée.
En tout début d’année dernière, je suis tombée sur l’interview du docteur Frédéric Saldmann qui faisait la promotion de son bouquin « Le meilleur médicament, c’est vous ! ». et vantait, entre autres, les vertus du jeûne, et en particulier du jeûne intermittent. Il y démentait les messages qu’on nous assène depuis toujours, « 3 repas par jour », « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie » en les accusant de n’avoir pour objectif que de nous faire consommer, toujours plus.
Force est de constater qu’aujourd’hui, les habitants des pays dits riches sont malades et meurent de ce qu’ils mangent. Nous ingurgitons autant voire plus que nos ancêtres alors que nous sommes, pour la plupart, sédentaires et quantités de produits raffinés, pesticides, OGM etc.
J’ai recherché des infos sur ce mystérieux jeûne intermittent et de blogs en forums, lu pas mal de témoignages d’adeptes du jeûne et ses dérivés (le jeûne intermittent, par exemple). La description qu’il faisait de leur ressenti donnait très envie de s’y mettre. Au même moment, un reportage démontrant les bienfaits du jeûne sur les patients atteints de cancer, diffusé sur Arte, acheva d’éveiller mon intérêt pour ce sujet.
Du coup, à l’automne, j’ai pris l’habitude de jeûner chaque lundi. Un repas le dimanche soir, beaucoup d’eau, un peu de café, et un repas le lundi soir. Sans aucune faiblesse.
Cette année, ragaillardie par une fin d’année 2013 marquée par une double libération mentale (professionnelle et personnelle), je décidai qu’il serait bon de décrasser aussi mon corps. Ce qui est top avec le Carême, c’est qu’il tombe toujours au même moment, au printemps, quand les oiseaux pépient de joie au lever du jour, que le soleil commence à nous caresser, qu'on se lève avec entrain et que les jupes des femmes raccourcissent. En préambule, j’ai épluché internet pour être sûre d'en respecter les préceptes.
Hormis l’obligation de jeûne et de prière, le Carême est très différent du Ramadan (qui ajoute l’aumône aux devoirs du croyant). Il dure 40 jours, du mercredi des Cendres au vendredi Saint (hors dimanche, jour de fête), contre 30 pour le Ramadan. Il interdit toutes les graisses animales (viande, lait, œufs, fromage, beurre et dérivés) et sucreries (en gros tous les superflus comme l’alcool et les excitants) mais autorise l’eau et les jus de fruits purs. L’église catholique ne préconise plus aujourd’hui que 2 jours de jeûne : le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint. Trop fastoche. D’autres invitent à ne manger que frugalement, avant et après le coucher du soleil. Moi j’ai décidé de suivre le Carême à l’ancienne (je fais rarement dans la demi-mesure) : un seul repas par jour, le soir, composé de poisson, légumes, féculents, fruits. Eventuellement un petit-déjeuner végétal le week-end. Et le dimanche, quartier libre. Mais ni café ni alcool pendant 40 jours.
Pour tout vous dire, j’avais hâte de commencer et comptais les jours. J’ai fêté le Mardi Gras chez Toritcho, avec mon cousin chéri, et fait un super gueuleton où j’ai savouré mes derniers tempuras et brochettes. Ensuite, nous sommes allés boire un Irish Coffee au Rosebud.
Le lendemain, je me suis levée d’excellente humeur. Le soleil brillait, j’ai enfourché un Vélib’ et pédalé jusqu’au boulot. La journée s’est passée sans difficulté. Le midi, je suis sortie m’acheter un succédané de café, une boisson aux céréales. Le soir, j’ai acheté un maquereau à la poissonnerie, que j’ai mangé avec des pommes de terre vapeur et des épinards. Mais les 2 jours suivants, j’ai eu plusieurs coups de barre et ça a été un peu difficile. La tête me tournait par moments. Il faut dire que je suis en formation pendant presque 1 mois ; passivité, néons et écran d’ordinateur, il y a mieux pour rester alerte.
Le jeudi soir, j’ai retrouvé ma copine Choup’s dans un restaurant japonais du 15ème spécialisé dans les grillades de viandes et mes quelques noix de Saint Jacques m’ont laissée sur ma faim (j’ai d’ailleurs pas mal louché sur la table voisine où 2 joyeux drilles s’enfilaient des kilos d’une belle viande lardée).
Le vendredi soir, j’étais vraiment fatiguée et ravie d’être en weekend. Mes collègues m’ont proposé d’aller boire un coup, j’ai pris un jus de raisin. Vers 20 heures, j’ai emmené Esperanza chez Yasube et là, je me suis régalée : soupe miso, thon mariné, filet de sanma grillé, légumes salés, riz et quartiers d’orange en dessert (offerts par la maison). Esperanza m’a dit que ma sensation de tête qui tourne était sans doute due à l’arrêt de la caféine, un phénomène bien connu pendant les premiers jours du Ramadan.
Le samedi, je me suis levée en excellente forme après une bonne nuit de sommeil. Je me suis même demandé si je n’allais pas m’offrir une petite séance de saut à la corde mais j’ai joué la prudence. J’ai pris un petit déjeuner frugal (j’aime trop mes petits déj’ du weekend) : un demi-pamplemousse, un bol de céréales au lait d’amande. Ma sœur a fait pour seul commentaire sur ma nouvelle lubie « Tant que tu rentres pas dans les ordres, ça me va bien ». Vers 17 heures, j’ai retrouvé Yo sur les quais de Seine pour un autre bain de soleil et surtout un bain de tendresse. Dans un bar mexicain, nous avons bu un cocktail de fruits. Le soir, ma petite framboise m’avait invitée à diner. A l’apéro, jus de pomme, chips de soja et pommes de terre, une découverte (trop bon !) et au menu, un pavé de saumon aux baies roses et des tagliatelles à l’huile d’olive. Et en dessert, une compote.
Le dimanche (jour libre), petit-déj de pain et confiture de mirabelles maison. Le midi, je n’avais pas faim, je n’ai donc pas mangé. Et vers 15h, j’ai retrouvé mon frère et sa petite pour une balade dans le quartier du Jardin des Plantes. J’avais dans l’idée de nous offrir une petite pâtisserie chez Carl Marletti mais il était trop loin pour les petites jambes de mon poussin, nous avons donc choisi une pâtisserie de la rue Monge, juste à côté des arènes de Lutèce. Et une fois à l’intérieur, rien ne me faisait envie. Incroyable mais vrai ! J’ai donc zappé le gâteau. Je suis rentrée à pied jusqu’à chez moi et en chemin j’ai appelé ma cops de Carême, Choup’s, pour partager mon étonnement. Ne pas ressentir de gourmandise est une expérience tout à fait nouvelle pour moi. Vous noterez que je n’écris pas « résister à la gourmandise » car je n’ai ressenti de tentation ni de frustration à aucun moment. A l’issue de ce weekend, je me sentais pleine d’une force tranquille. « Tu vas voir que tu vas faire le Carême toute l’année » m’a dit mon frère. Y’a pas de risque, j’aime trop la viande rouge.
Aujourd’hui est mon 7ème jour de Carême. Hier soir, je me suis régalée d’un chili sin carne mijoté ce weekend. Finis la sensation de tête lourde et les coups de fatigue, mon corps semble s’être accoutumé à son nouveau rythme. Je me sens bien, me couche légère. Mon système digestif au repos me remercie en silence. Je n’ai désormais aucun doute sur ma capacité à aller au bout de cette expérience. Et à la renouveler.