Au début d’une relation, qu’elle soit amicale ou amoureuse, je suis attentive aux détails. Parmi ceux qui me permettent assez vite de me faire une opinion de la personne qui me fait face, il y a la façon dont ils (elles) parlent de leurs ex. Ex ami(e) s, ex amant(e) s. Salir la mémoire d’un amour ou d’une amitié passée équivaut, pour moi, à se renier soi-même. Le désaveu éraille instantanément l’estime naissante que j’avais pour l’autre.
« Si je ne t’aime plus, alors je te déteste ».
J’en parlais justement il y a quelques jours avec K., un lecteur sorti de l’ombre.
Cette attitude me remplit de tristesse. Sans doute parce qu’il m’est insupportable d’imaginer que les hommes et femmes que j’ai aimés puissent n’avoir plus que des mots insultants à mon égard. Et surtout parce que l’auto victimisation systématique me met mal à l’aise. Comment peut-on mépriser celui ou celle qui fut un jour notre principale raison de vivre ? Comment des années de plaisir, de caresses, d’amitié, de confidences, de rires et de repas partagés se retrouvent-ils balayés d’un revers de la main ?
Avant de continuer, je dois préciser une chose essentielle : je ne prône pas le pardon. Bien au contraire. Je suis une rancunière qui s'assume. Certaines blessures cicatrisent difficilement, voire jamais. Le temps ne se rattrape pas. Je pense notamment aux pères privés de leurs enfants et soumis à un chantage abject. Ou aux femmes qui découvrent que l’homme qu’elles aiment mène une double vie. J’ai moi-même quelques principes indéfectibles qui ont pu m’amener à rompre sans états d’âme une amitié naissante. Mais vraiment, entendre parler de "mon connard d'ex" ou de "cette connasse", surtout conjugué au pluriel, ça en dit beaucoup sur la notion de respect.
Hier soir encore, j’y ai eu droit. Je dînais face à un homme que je venais de rencontrer. Ses yeux bleus étaient tendres, son sourire lumineux, il avait quelque chose d’un enfant. Il a parlé de son ex, « la mère de ses enfants », comme il l’appelle, avec laquelle il a vécu 9 ans, en termes peu flatteurs. Et puis, il lâche, un peu gêné : « C’est pas de sa faute, mais elle est bête. »
Et là, je me retiens de demander « Mais, si tu as aimé une femme bête pendant 9 ans, c’est que tu dois aussi être un peu con, non ? »
Je pense à B., rencontré il y a 2 semaines. Largué par sa compagne, après 8 ans de vie commune, pour un de ses potes, il a raconté les 15 kilos perdus en 2 semaines, les nuits sans sommeil, les yeux rivés sur le portable tout neuf qu’elle lui avait offert quelques jours avant de le quitter. Mais ses mots furent différents : « La rupture a été sale et violente, mais c’était inévitable. Elle m’avait connu trop jeune.»
Je pense aussi à mon amie Isabelle que j’ai vue pleurer souvent parce que ses filles avaient attendu, un week-end de plus, un père qui n’avait pas tenu parole et ne viendrait pas. Des années après la rupture, il continuait de se venger à travers les enfants, sans doute pour l’empêcher de s’offrir, éventuellement, un week-end en amoureux. Elle n’a jamais eu un mot dur envers lui, ni devant ses filles, ni devant moi. Elle était triste, tout simplement.
Aujourd’hui, je ne suis plus l’amie d’Isabelle. Pourquoi, je n’en sais rien. Elle n’a pas répondu à mes questions. Mais dans mon cœur, elle reste mon amie et si demain, elle me rappelle, je serai là.
Les êtres que j’ai aimés vraiment, je les aime à jamais, je crois. Même ceux qui m’ont abandonnée, trahie, qui ont été injustes ou lâches. Ça ne veut pas dire que je pardonne. Après la colère ou la tristesse, j’essaie de comprendre. Je trouve et j’accorde facilement des circonstances atténuantes. Trop parfois, jusqu’à nier ma propre souffrance.
Mais ces amis ou amours, je les ai choisis, à un moment ou un autre, et je suis persuadée qu’on ne fait que de bons choix, dans la vie.