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  • Jour 1 en Irlande

     

    Départ DUB.jpgIl y a une semaine, je déjeunais en terrasse sur un trottoir de Madrid. Ce dimanche, j'ai déjeuné en terrasse, à quelques dizaines de mètres de la mer, au sud de Dublin. Arrivée vendredi soir chez moi, je n'y ai même pas passé 24h avant de m'envoler de nouveau pour Dublin, cette fois pour 2 semaines de vacances.

    Je voyage sur mon ancienne compagnie aérienne, discute avec le commandant de bord. Crise oblige, on ne sert plus de repas à bord mais des boissons avec paquets de biscuits salés et les hôtesses ne sont plus 3 mais 2. Et contrairement à nous à l'époque, elles font la gueule.

     Samedi soir, 22h15, je saute dans ses bras au niveau Arrivées de l'aéroport de Dublin. Les premiers kilomètres au volant, à la place habituelle du passager et à rouler sur la voie de gauche, dans notre Seat Ibiza, sont un peu perturbants mais aujourd'hui, je suis une vraie pilote sur la M50 entre Dublin et Bray.

    "On va au pub?" dit-il. Dans son "local", il y a une ambiance d'enfer et Elvis en personne qui chante "Love me tender", repris en choeur par des Irlandaises déchaînées. Boug' est plongée dans l'ambiance en 2 secondes et elle boit même un verre de Guinness. De retour à la maison, S. nous fait des bagels toastés au cheddar sauce HP.

    Les maisons irlandaises ne sont toujours pas équipées de volets et la lumière du jour me réveille très tôt. Ce midi, nous prenons la route du front de mer de Bray, une ancienne station balnéaire au sud de Dublin, très prisé des Dublinois le week-end et accessible par le DART, le métro aérien de Dublin qui porte plutôt mal son nom mais offre un spectacle époustouflant, au ras des falaises, en direction du sud.

    Qui a dit qu'il faisait un temps pourri en Irlande ? Nous avons passé la journée au soleil, entre balades et café-crumble.

    Au loin, un sentier grimpe et mène à Greystones. Il fait un soleil magnifique et les flâneurs sont nombreux, les enfants toujours aussi pâles et les rameurs dans l'eau.

    Après une balade le long de la plage de galets, nous nous attablons au Martello, trop tard pour le full irish breakfast mais pile poil pour une seafood chowder (soupe épaisse aux fruits de mer pour miss Boug'), servie dans un joli pain rond, à l'image des soupes roumaines  et une belle portion de chicken wings with potatoes and vegetables dont je ne mangerai qu'un quart (le reste sera emporté en doggy bag. Mes deux convives boivent du cidre et moi, de l'eau ! Hé ouais !

    Après ce déjeuner très agréable, nous reprenons la voiture et la route de Greystones. S. sait que j'affectionne cette petite ville et surtout son salon de thé, Poppies. Nous garons la voiture sans peine et rejoignons de nouveau le bord de mer. Sur les bancs, des mots sont gravés dans la pierre en souvenir de disparus qui aimaient cet endroit. Dans les voitures garées face à la mer, des couples aux cheveux blancs dorment sur leur jounal, bouche ouverte.

    Dublin J1.jpg

     

    Poppies ne s'appelle plus Poppie's mais en dehors de son nom, rien n'a changé. De belles tartes, quiches et gâteaux faits maison s'étalent toujours derrière la vitrine, pavlovas, crumbles à la rhubarbe, cheesecake aux fraises ...

     

    "Il y a toujours un jardin, à l'arrière de la maison?" demandé-je à la serveuse. Nous voilà dans le jardin, au soleil. Je manque m'assoupir.

     

    "Et si on allait faire un tour à Dublin?" propose S.

     

    Nous garons la voiture dans un parking du centre (1€ le quart d'heure, incroyable !!) et empruntons Grafton street où les chanteurs s'égosillent toujours, espérant la gloire, et dans laquelle une statue de Phil Lynott a été érigée en 2005. Une expo a aussi eu lieu en mars au St Stephen's Green centre.

     

    Le temps d'aller acheter un accessoire particulier chez Marks & Spencer, qui projette une réimplantation sur les Champs-Elysées cette année, nous traversons le St Stephen's Green pour rejoindre Leeson Street, puis Fitzwilliam Square pour que Boug' puisse photographier les jolies portes géorgiennes. Nous remontons vers l'ancien Chocolate Bar pour entrer au Bleeding Horse, mon premier "local" pub, qui est devenu un sports bar où l'on diffuse des matchs de foot. Les clients ont les yeux rivés sur les écrans et quelques tables sont désormais équipés d'un système "Pour your own pint". On paie le nombre de litres qu'on veut boire, le barman charge la cuve et on peut tirer ses propres pintes, en échange de quoi on vous offre votre 4ème tournée.

     

    Il y a quelques nouveautés dans Dublin. Par exemple, un système de vélib' et par conséquent beaucoup plus de cyclistes.

     

    Nous reprenons la voiture et la route de Bray où nous dînons des chicken wings et des nems faits par la maman de S.

     

    Soleil non-stop, pas une goutte de pluie, Boug' a même pris un coup de soleil !

  • Dernier jour à Zaragoza

    J’ai fait fort pour mon dernier jour à Zaragoza.

    La journée de formation s’est terminée à 13h, dans une ambiance très détendue. Déjà, le matin, à la faveur d’une pause, j’avais papoté avec la jolie Gema et l’Andalou, leur expliquant que le lendemain, je partais en vacances en Irlande, ce qui serait un peu moins exotique. Pour une raison que j’ignore, voilà qu’en prononçant le mot exotico, je transforme le x en r, ce qui les fait éclater de rire, et moi avec. « Erotico es diferente » dit l’Andalou.

    Du coup, nous partons dans une discussion sur la conjugaison espagnole, l’emploi du prétérit versus celui du passé composé, ser ou estar, qui me posent beaucoup moins de problèmes au bout de 2 semaines, et d’autres particularités espagnoles. Estar malo, dit l’Andalou, c’est être malade, ser malo, c’est être un fils de pute (en espagnol dans le texte). L’Andalou prend mon adresse mail pour m’envoyer les adresses de restos et bars à ne pas rater à Séville. Ils remplissent les évaluations de formation (super sympas les commentaires !) et m’embrassent en me souhaitant un bon voyage.

    Je profite du réseau wifi de mon client pour envoyer quelques mails à ma boîte, passe un coup de fil à mon petit frère et à mon chef de projet et vers 14h, je quitte la plaza Beltran. Il fait un beau soleil, je passe à l’appartement récupérer ma valise, sonne en vain à la réception avant de laisser les clés dans la boîte aux lettres et file manger quelques pinchos et me siffler une bière au soleil.

    J'immortalise la très jolie église mudéjar de la Magdalena qui étincèle au soleil. Dans le quartier du centre, je passe devant une devanture remplie de sujets en chocolat. Un "taller de choocolate", Capricho. J’entre et achète des barres de chocolat de diverses origines, ainsi qu’une boîte de fruits aragonais, confits et trempés dans le chocolat et des gâteaux qu’on mangera sur la plage. Ca devrait plaire à mon ami M’sieu Chic Chic, qui vient m’attendre à l’aéroport de Dublin demain soir. Après le jogging sur les rives des rivières espagnoles, je vais m’offrir, dimanche matin, un jogging sur la plage de Bray.

    La vendeuse est très gentille, comme tout le monde dans ce pays, et j’en profite pour lui demander si elle connaît un endroit où je pourrais manger. « Tu sors d’ici, tout droit, tu arrives à une petite place, puis sur la place Santa Cruz , il y a un endroit caché mais très bon, la casa Juanico ». Au moment où je la salue, elle glisse une barre de chocolate negro de Santo Domingo à 70% dans mon sac: "Tu la mangeras en attendant ton avion à Madrid".

    A l’entrée du restaurant, de jolies bouchées s’étalent derrière une vitre réfrigérée. Les murs sont peints de vert et orange et ornés de vues de Saragosse, dans des cadres tout de traviole. Je m’installe à une table et consulte mon dictionnaire, qui est une vraie daube, en tout cas en terme de vocabulaire culinaire. Chorrera, il ne connaît pas, carillera non plus. Tant pis, je me lance et commande quantité de pinchos : jamon con chorreras, cuesco de cabra, erizo de mar, mil hojas de carillera. Je m’apprête à continuer mais le serveur m’arrête « Je vous apporte déjà ça, vous commanderez la suite après si vous en voulez encore ». Pour un peu, je me vexerais …

    Z’aiment bien la béchamel, les Espagnols … Ma croquette de jambon est fourrée de béchamel, mon hérisson de mer aka oursin, aussi. C’est très bon, en tout cas, tout comme le mille feuilles de joue de bœuf et le chèvre chaud. Mise en appétit, je continue (hé ! c’est ma dernière bouffe espagnole avant … 2 semaines !). Calabacín con chipirón, ravioli con rape y carpacio de buey con arroz meloso. Tout ça à 2€ la bouchée.

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    J’ai dû partir dans mes rêveries car quand je regarde l’heure, il est 16h07. Je hèle un taxi, direction la gare dont on m’a dit qu’elle était à 10 minutes maximum. Mon cul. J’y arrive, le cœur battant, à 16h26, soit 3 minutes avant le départ de mon train. Sauf que j’avais oublié 2 détails : 1) il y a un passage obligé par la machine à rayons X 2) L’accès aux voies est fermé 2 minutes avant le départ du train. La jeune femme m’oppose un refus désolé mais ferme. Hé merde !

    Heureusement, il y a une agence de voyages « El Corte Inglès » dans la gare, celle-là même qui s’est occupé de tous mes déplacements dans le pays. « J’ai besoin de votre aide » dis-je en poussant la porte. Elles appellent leurs collègues de Madrid, ma cliente autorise le changement de train et d’avion, verdict, je vais arriver à Madrid à l’heure où j’aurais dû décoller et je serai à Roissy à 23h.

    J’ai gagné un voyage en première classe. Ca ne rigole pas, la 1ère classe espagnole de la Refe. Télévision (à l’aller, j’avais eu droit à « L’attrape-cœurs » sous-titré en espagnol, marrant, là c’est un dessin animé de Walt), et des trolley-dollies qui servent des boissons et un plateau-repas, comme dans l’avion. Je vous rassure, j’ai juste bu un verre d’eau et un café.

    Dans les trains espagnols, c’est comme dans les trains français, en revanche. Les téléphones sonnent allègrement, les gens discutent. Un peu plus en avant, près de la fenêtre, une femme passe 3 coups de fil consécutifs. Elle commence en français, mais avec un léger accent. Sa façon de commencer ses phrasses par « allez ! » me rappelle étrangement mes stagiaires belges. L’appel suivant se fait en espagnol, pour finir par une conversation en anglais. Je me demande bien quelle est son origine.

    A ma gauche, il y a un homme assez élégant, en costard, cheveux gris rabattus en arrière. Il reçoit un coup de fil qui dure longtemps, très longtemps. Il parle vraiment très fort et il me semble capter des mots assez grossiers comme coño, cojones etc. Quand il raccroche, il se tourne vers le couple derrière moi et s’excuse s’ils les a dérangés, auquel ils répondent avec véhémence. Le ton monte et ils s’engueulent pendant de longues minutes. J’entends « No me interese Murcia », « No me interesa tu vida » et pour finir « Mal educado !”. Hé ben, me dis-je, y’a de l’ambiance. La jeune femme polyglotte me lance des clins d’œil amusés en haussant les sourcils genre « Oh la la, ça chie ! »

    Je ne peux résister à ma curiosité légendaire, me lève et me penche sur elle « Excusez-moi, je peux vous poser une question ? Vous êtes de quelle origine, parce que je vous ai entendu passer des appels en français, anglais et espagnol, vous parlez au moins trois langues ?» Elle rit « Je suis anglo-belge et toi ? ». Elle m’invite à m’assoir et nous discutons. Elle travaille dans un cabiner d’avocats et recrute de jeunes diplômés directement sur les bancs des facs de droit. « C’est difficile aujourd’hui, de recruter des gens » dit-elle. Avant, l’excellence, c’était les diplômes, aujourd’hui ce n’est plus vrai. L’excellence, c’est la finesse d’esprit, l’intelligence, la capacité à s’adapter ». Elle a un parcours atypique, la polyglotte anglo-belge. Fille de diplomate, elle a vécu au Sénégal, au Sri Lanka, à Madagascar, a passé une année à Londres, une à Bruges et une à la fac de Sceaux, en France et vit à Madrid après son mariage avec un Espagnol, il y a 15 ans. Je lui raconte mon boulot et comment je sais dire boucherie et fruits & légumes en flamand. Elle rigole. Elle est vraiment sympa et nous discutons un long moment. « J’ai raté mon train à Saragosse, me confie-t-elle. J’étais en train de boire du vin avec des collègues dans un restaurant ». Tiens, moi aussi ! Quelques minutes plus tard, alors que j’entreprends l’écriture de ce billet, elle se lève et me tend sa carte de visite « Si tu reviens à Madrid, appelle-moi, on ira boire un verre ou déjeuner ensemble ». Je lui tends la mienne à mon tour « Si tu viens à Paris … et que j’y suis ».

    La suite du voyage jusqu’à Paris me confortera dans ma conviction que finalement, ce n’était pas tant une catastrophe de rater train et avion ce soir. La lessive de culottes planifiée en vue de mon nouveau départ, demain, pour 15 jours sur les routes irlandaises, ce ne sera pas possible en arrivant à minuit chez moi mais tant pis. Au pire, M’sieu Chic Chic me fera une lessive, en qualité d’ex colocataire, ce ne sera pas la première …

  • Casa Lac, dernière ...!

    Photo1080.jpgCe soir, après avoir acheté une valise, je me hâte vers la Casa Lac où l'on organise la révolution du légume. Tiens, un bar qui s'appelle Jane Birkin ! Mes deux chouchous m’accueillent tout sourire dehors. « Tiens, on t’a réservé une table près de la fenêtre ». Sur ladite table, un carton plié en deux prévient « Senora Sophie ». La classe !

    Je m’installe et parcoure le menu. Il faudra qu’un jour, bien accompagnée, je me fasse le menu dégustation à 40€, composé de 9 réjouissances. Ce soir, je me laisse tenter par une viande, pour changer. Una paletilla de lechal asada en 12 horas. « Très bon choix. C’est une pièce cuite à 80° pendant 12 heures » acquiesce mon serveur. Et en entrée ? « Pas d’entrée ». « Ah non, ce n’est pas possible, ça ». Ok, mon chou (ptain j’ai aucune volonté !). Je choisis donc una crema de borrajas. Si quelqu’un peut éclairer ma lanterne, ça avait l’acidité de l’oseille, mais je n’en suis pas sûre. Un légume typique de l’Aragon, qu’ils ont dit. Avec ça, le petit verre de rouge qui va bien. Et en dessert, j’ai une folle envie de goûter encore à la douceur crémeuse de la tarta con queso mais il me conseille, comme la veille, la torrija con helado de vanilla bourbon y trufa de chocolate. A se damner, le pain perdu gorgé de lait sucré !

    « Te apetece una chupita de hierbas ? » demande-t-il lorsque j’ai fini. Chupita, ça c’est un mot annonciateur de plaisir ! Déjà une sonorité délicieuse, vous ne trouvez pas ? La petite liqueur d’herbes me lubrifie le gosier. Je me retiens de l’embrasser pour lui dire au revoir car le cœur y est et m'éloigne, un peu triste, soudain, de quitter pour de bon l'atmosphère festive de cette jolie ville.

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  • Soleil sur la maison Lac

    Mercredi à Saragosse. Ce midi, j'ai changé de crèmerie et ai déjeuné au Café Gournet, à 2 pas du site de mon client. Génial ! Je me demande pourquoi l'andalou m'a envoyée ailleurs ! En revanche, les portions espagnoles sont ... comment dirais-je ... très généreuses ...?

    Visez un peu, ça c'est l'entrée, une assiette de fèves tendres. Et le dessert, ben, j'aurais dû m'abstenir en lisant gelatina. C'est l'abricot qui m'a trompée mais à l'arrivée, c'est exactement la jelly anglaise, ça tremblote de partout, beurk !

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    Ce soir, le temps est d’une douceur inattendue. Les rues sont envahies de maños venus goûter les rayons du soleil. Il est 19h30 quand j’atteins l’Ebre, Notre Dame de Pilar est éclaboussée de soleil et les avirons filent sur l’eau. En fait, pour courir, il faut traverser le pont del Pilar et rejoindre les berges du côté de l’arboleda Macanaz. Là, le vacarme de la a circulation fait place à la verdure et aux promeneurs et le goudron a des chemins sablonneux qui glissent sous les ponts. Cet endroit désert lundi soir quand je luttais contre le vent glacial est ce soir envahi de grappes humaines, enfants, vieillards, joggeurs, pêcheurs et chiens. Je croise, incrédule, une folle furieuse du jogging qui court en menant d’une main une poussette dans laquelle un enfant s’égaie, hilare. Lasse de ma playlist, j’ai cherché les radios locales et suis tombée sur M80, une radio fort sympathique qui distille de la musique des années 80. Freddy Mercury et son « I want to break free » me met le feu au cul et je cavale comme si j’avais bouffé un lion.

    A 20h30, j’emprunte le pont en sens inverse. Une douche et je file vers la plaza Espana. Mon guide a recommandé la marrusquería Azoque, restaurant de fruits de mer. J’hésite à entrer car l’endroit est étonnamment désert. Une serveuse sèche comme un coup de trique m’accueille (façon de parler) d’un « Para beber ? » Je peux me tromper mais je pense qu’elle n’est pas espagnole. « Pour boire et pour manger ». Elle me sert un verre de vin blanc. De longues minutes se passent sans que quiconque s’intéresse à mon estomac. Mon appétit s’étiole pour de bon quand j’aperçois les employés qui trimballent d’énormes sacs poubelle noirs à travers le restaurant. Cette fois, c’en est trop, je plante la serveuse aimable comme une porte de prison et me casse.

    Il est 21h30, heureusement j’ai d’autres adresses en poche. Calle de Los Martires, je pousse la porte de la casa Lac, « une institution à Saragosse, au service impeccable ».

    La casa Lac est une merveille ! Le serveur me propose de monter à l’étage. Là, je suis accueillie par un jeune homme en pantalon, chemise et tablier noir. « Vous connaissez notre maison ? Notre spécialité, ce sont les légumes»

    Bien sûr, comme chaque soir,  je n’ai pas pensé à prendre mon dictionnaire et choisit donc des plats sans savoir ce que je vais manger. Heureusement, je fais encore la distinction entre viandes et poissons. Il est tellement charmant qu’après une traduction en anglais de  una lubina, je me laisse tenter par des purritos qui s’avèrent être des asperges, délicieusement « cuites deux fois ». Avec ça, il me sert un verre de Gewurztraminer, vin cher à Boug’. C’est un cépage français mais les vignes se trouvent ici, en Aragon, précise-t-il. 

    Les deux serveurs me font des clins d’œil et me balancent des « Ca te plaît ? » à chaque fois qu’ils passent à proximité de ma table. Entre deux plats, je dévore le « Paris insolite » de Jean-Paul Clébert, un bijou de poésie urbaine, truculent et ponctué de mots d’argot que je ne connais pas. « Itinéraires qui serpentent à l’infini, interminables pour celui qui sait flâner et voir, a le culot d’entrer dans les cours, les cités, les voies privées, la tranquille attitude du gars partout chez lui et qui sifflote en passant devant les habitants habitués des trois-quatre rues en araignée qui forment leur village loin de la ville, mais ceux-ci curieux et soupçonneux envers cet étranger qui dérange les gosses et les pigeons, suspend les conversations ».

    Après les asperges, ma lubina, épaisse et cuite à point, à la chair nacrée, dans une vinaigrette à l’ail (dormir seule a des avantages). Si le serveur au teint mat continue à me faire des clins d’œil comme ça, je ne vais plus arriver à lire Jean-Paul…. Le jeune serveur arrive avec la carte des desserts. "Les desserts, c'est ce qu'on a de mieux dans la maison". Il essaie de me vendre una torrija avec boule de glace à la vanille. Aucune volonté, avec un sourire pareil, je pourrais bouffer une vache ! J'opte pour une tarta con queso. Je ne regrette pas cette faiblesse, elle est absolument divine. Comment vous dire ? Crémeuse mais crémeuse !! Coiffée d’un coulis de fruits rouges, c’est une tuerie ! Ca se voit, non ?

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    A la fin du repas, la même question, avec le même sourire irrésistible : « Ca t’a plu ? ». « Oui, je reviens demain ». « Je vais prendre ton nom et ton numéro pour te réserver une table car en fin de semaine, le restaurant est souvent plein ». Il écrit mon prénom avec un F, comme tout le monde ici. En sortant, je croise son collègue qui papote avec une femme dans la rue. « Ca t’a plu ? » « Oui, je reviens demain, j’ai donné mon nom et mon n° de téléphone » « Super, à demain alors ! »

    L'accueil et la gentillesse des restaurateurs espagnols est tout bonnement incroyable pour qui vient de Paris. C'était d'ailleurs la réflexion de mon client à Salamanque "Les cafés français ont la réputation d'être très désagréables. C'est incroyable de maltraiter quelqu'un qui vient chez toi et te donne de l'argent!"

    Je décide d’emprunter la calle Mayor, histoire de changer d’itinéraire. Bonne idée que j’ai, car j’y trouve une boutique de bagages, ça m’évitera de me taper un centre commercial demain soir, ce dont je n’ai aucune envie. Dans la calle Mayor, il y a plein de restaurants très populaires. Un bar « Mojito » qui plairait sans doute beaucoup à mes copines du week-end madrilène et puis, l’église de Santa Magdalena, la très jolie tour carrée magnifiquement illuminée que j’aperçois de la fenêtre de mon appartement.

     Je suis en mode « Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil » ce soir. Saragosse est une très jolie rencontre.

  • Après Salamanque et Madrid : Zaragoza !

    J’ai fait une arrivée fracassante à Saragosse. Déjà, à la gare Chamartin, à Madrid, j’ai balancé ma valise sur le tapis à rayons X et le manche à plié. Quand je l’ai récupéré, il m’est resté dans les mains.

    J’arrive à Saragosse un peu avant 9h. Et là, je rigole moins car il y souffle un vent à décorner un cocu, comme dirait ma mère, et je dois porter ma valise d’une main et protéger mes fesses, juste couvertes d’une robe, de l’autre, tout ça avec une sacoche d’ordinateur sur l’épaule et mon sac à main. Et bien sûr, dans un moment d’inattention, je montre mes fesses aux quelques personnes qui attendent un taxi …

    Le mien est très sympathique. Je lui explique que j’ai cassé ma valise et que je dois la déposer à mon hôtel avant d’aller chez mon client car impossible de la trimballer dans cet état. Il m’emmène calle Coso, me faisant au passage une visite expresse de  la ville. « Lo que mata es el aire aquí ». Tu m’étonnes. Il fait super  froid, après les 30 et quelques degrés de mon week-end madrilène. Il m'a crue hollandaise et explique que le week-end a été très chaud et que le vent vient de la montagne El Moncayo.

    Calle Coso, au numéro indiqué, se trouve un immeuble délabré. Je vérifie l’adresse, c’est pourtant bien celle que j’ai. J’appelle l’assistante de mon client qui s’est chargée de toutes nos réservations. Mon taxi me plante là en me disant que mon hôtel se trouve dans une rue à gauche. Pensant qu’il se trompe, j’en hèle un autre. Je n’en mène pas large. Pourtant, oui, la réception est bien à quelques mètres de là. Une jeune femme souriante m’accueille et m’explique qu’ils possèdent plusieurs immeubles. Mon appartement, car cette semaine, j’ai un appartement entièrement équipé, se trouve dans la calle del Dr. Palomar. Décidément, je n’ai pas de chance avec les docteurs espagnols … Je pose ma valise et file chez mon client, qui est à 5 minutes à pied, sur une place en bordure d’un parc.  Les trottoirs sont une catastrophe, très étroits et recouverts de petites céramiques ultra glissantes, de vraies savonnettes. Quelle merde ! J’ai trouvé pire que Paris ! Tiens, il ya plein de pistes cyclables et de vélos ici ! Ca s’appelle des Bizi mais pour une balade dans la ville, c’est raté, il faut un abonnement …

    Le midi, mon client, un massif Andalou originaire de Jerez qui avale donc les S (il dit Backoffi et pas Backoffice) m’indique un restaurant tout proche. Malgré le vent et pour le soleil, je m’installe en terrasse. Le soir, vers 18h30, je regagne avec soulagement mon appartement et décide d’aller courir le long de l’Ebre. Première sortie dans le quartier, qui bien qu’à deux pas du centre, semble très populaire. Ce qui me frappe, après quelques pas dans la rue, c’est la population, beaucoup plus cosmopolite qu’à Salamanque. Je croise des Africains, les premiers depuis mon arrivée en Espagne.

    Demain, je remets la veste, finalement pas si superflue ! Je découvre l’Ebre, beaucoup plus large que le Tormes, qui me fait penser à la Loire. Et Notre Dame del Pilar, superbe dans le soleil couchant. On n’est pas nombreux à lutter contre les bourrasques. Mes mollets, ramollis par un week-end complet à crapahuter en tongs, me font terriblement mal. L’impression d’avoir 80 ans.

    Sur les conseils de la réceptionniste, je dîne dans le quartier, au restaurant Los Cabezudos, une taverne très chouette mais hors de prix. 20 € pour une assiette de crevettes mais on m’offre une coupe de champagne, alors …

     

    vis ma vie de formatrice

    Le mardimatin, je me tape un chocolate con churros au café du coin et quitte les locaux de mon client à 20h avec un mal de dos épouvantable. 

    Je prends la direction du centre, sans carte. Sur la plaza España, je demande à 3 Espagnoles fort élégantes où se trouve la calle Estébanes.

    « Prenez le passage, puis à droite, puis, puis … vous trouverez ». Je trouve. La calle Estébanes est une rue étroite bordée de bars et restaurants. Dans un jardin intérieur orné de loupiotes, des groupes boivent un verre autour de tonneaux. Moi je vais au n°6, à la casa de Doña Casta. Pourtant, une fois devant, j’hésite à entrer car l’endroit est rempli de groupes joyeux et je risque de faire tâche, seule. Tant pis. Je file au comptoir sur lequel sont empilés des tapas de bacalhau , jamón et aussi, de nouveau, les drôles de bestioles blanches et aussi des boulettes panées qui n’attendent que d’être plongées dans un bain d’huile : des croquetas de gallina con chocolate (purée ! faut que je goûte mais pas ce soir !), morcilla con piñones, jamon queso y nueces, setas y queso de cabra, arroz negro.

    Accoudée au comptoir, je choisis une tartine de poi vron farci au bacalhau, une autre de jambon farci de fromage de chèvre et enfin, je satisfais ma curiosité en mordant dans une tartine de « gulas » coiffée d’une tranche fine de saumon fumé.  Mes voisons de table, eux, n’y vont pas de main morte : une assiette d’œufs rotos recouverts de gulas. A la carte, il y a des œufs sous toutes leurs formes. Ragaillardie par ce petit festin, je louche sur de drôles de morceaux beiges, sortes d’andouillettes en plus fines. Vous voyez ce que je veux dire … Non ? Bande d’hypocrites !

    La serveuse confirme « Ca va te plaire ». Oh que oui, ça me plaît ! Je me délecte de ces morceaux grillés, arrosés de persillade. Trop bon !

    2 verres de vin rouge plus tard, je reprends la rue jusqu’à l’église  San Andres. Sur la place, je m’arrête quelques instants pour déchiffrer l’histoire du théâtre municipal, qui s’élève sur l’ancienne muraille romaine de la ville de Caesaraugusta (mais oui, bon sang ! bien sûr !) et, à l’époque médiévale, l’ancien quartier juif. Plus loin, je rejoins l’étrange structure de métal que j’avais aperçue plus tôt. Elle semble suspendue au-dessus d’un trou béant. Je m’approche et découvre des ruines, vraisemblablement celles d’arènes. Pourtant, aucun panneau n’indique de quel site il s’agit.

    vis ma vie de formatrice

     

    Il est plus de 23h, me voilà de nouveau dans la calle Coso et en quelques minutes, je rejoins mon appartement où je m’offre une nuit un peu agitée.