Cette semaine commencée dans le trouble se termine dans la joie. Un peu à l’image de la carte « Joie-Tristesse », que j’ai tirée lundi dernier en arrivant à une soirée sur le développement personnel, et qui représentait une nuée de papillons multicolores qui quittent le gris et les pierres pour s’élever vers la lumière.
Cette soirée abordait les archétypes qui concernent chacun de nous et dans lesquels, à moins d’en prendre conscience, nous sommes empêtrés.
Vous savez, ces petites phrases avec lesquelles on grandit : « tu es ceci ou cela », celles qu’on se répète à soi-même « je suis trop ceci ou trop cela » ou qu’on s’invente, « les autres sont toujours ceci ou cela ». Ces phrases qui, à force de se dérouler dans notre tête, deviennent des vérités mais surtout des prisons.
J’ai construit ma personnalité en opposition à ces phrases avec lesquelles j'ai grandi et je me suis appliqué à devenir, sur de nombreux points, l’exacte opposé de l’image qu'on m'a donné de moi-même. Je me revois, les dents serrées, la rage dans la tête : « Non je suis pas comme ça ». Ceci pourrait faire l’objet d’un billet à lui seul et ce n’est pas le moment ; j’y reviendrai.
Au cours de cette soirée, je regardai ma carte sans comprendre pourquoi j’avais choisi celle-là et surtout ce qu’elle signifiait. La jeune femme qui me l’avait présentée m’avait dit rapidement que dans une relation, je cherchais avant tout la joie, mais il me semble que c’est le cas de tout le monde, donc je restai sur ma faim. Pendant ce temps, l’intervenant abordait des schémas qui me parlaient beaucoup plus que ma jolie carte colorée : la reconnaissance, l’abandon, la liberté.
A la fin de la soirée, je m’approche d’une table sur laquelle sont vendus des livres. Une femme m’encourage à poser des questions. Je me lance et lui montre ma carte en demandant « Pourquoi celle-là ? ».
Elle demande ce qui me parle le plus : joie ou tristesse ? La joie, bien sûr !
A ce moment, elle me dit qu’en plongeant son regard dans mes yeux, elle voit des papillons, comme ceux de la carte, que mes yeux pétillent et que je suis pleine de vie. Et même que cette intensité lui donne la chair de poule.
Au lieu de me faire plaisir, ce compliment me plombe de tristesse. On me parle beaucoup, trop à mon goût, de mes yeux en ce moment. Mon expressivité dérange parfois, on m’a même dit qu’elle faisait peur. Elle me dérange aussi parce qu’elle trahit des sentiments que je voudrais cacher. Pas l’amour ou le désir parce que ça ne me dérange aucunement de les exprimer comme ça, mais la colère, la tristesse ou la haine.
La joie, oui, j’ai bien compris, je suis quelqu’un de joyeux, mais la tristesse ? Pourquoi ? Elle me répond « Vous connaissez l’histoire du clown triste ? » Là, mon sourire se fige. Touché.
C’est drôle comme certains mots reviennent régulièrement. Je repense aux conversations récentes que j’ai eues avec des hommes qui me sont chers.
MP m'a serrée dans ses bras, une étreinte forte, comme une étreinte d'hommes, et m'a donné un conseil. Pas celui que j’attendais, mais le même que ces mêmes amis m’ont glissé à demi-mot et que j’ai refusé d’écouter. Elle m'a invitée à libérer la part de moi-même que je n'ai jamais acceptée, au point de la laisser pétiner. Dans le métro, au retour, j’ai une boule dans la gorge mais je sens que quelque chose s'est débloqué. Peut-être que j'avais besoin que ce conseil vienne d'une femme qui ne sait rien de mon histoire ?
Je la sens mal commencée, cette semaine, mais elle se déroule, sereine, peuplée d’hommes pleins de tendresse et de sollicitude. Aucun qui soit mon amant et pourtant tous bienveillants et attentionnés, comme s’ils sentaient que j’ai besoin de cette chaleur et de leur amitié. Prête pour une montée en puissance de moi-même.
Mardi, je rentre frigorifiée et un rendez-vous annulé me donne l’occasion de profiter du délicieux pot-au-feu que mon frère a préparé et qu’il me sert, devant la télé.
Mercredi, je pédale jusqu’à la Comète où le vieux Jacques m’offre une rose et une orchidée. Puis je rejoins Paris Carnet et là, c’est Giao, le moral pourtant en berne, qui m’offre une rose. Quel gentleman celui-là ! En rentrant à la maison ce soir-là, je découvre un paquet à mon intention. Un mot griffonné pour « l’amoureuse de l’eau et adepte des doigts de pied en éventail » et un beau livre sur le rêve et l’eau. En le feuilletant avant de dormir, je m’interroge sur toutes ces marques d’affection que je reçois.
J’ai souvent eu du mal à accepter des gestes d’amour, bien plus que d’en donner. Mais là, je savoure ce qu’on me donne, je le prends parce que j’en ai un énorme besoin, en ce moment.
Si j’essayais d’être à l’écoute de moi-même et de baisser la garde, juste un peu, pour laisser l’autre rentrer dans mon périmètre ?