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Dans quelques heures, je monterai à bord d'un vol Paris-Tokyo. En plus d'avoir le plaisir de prendre l'avion (j'ai toujours aimé ça même quand c'est devenu mon métier) et de faire ce vol en compagnie d'une amie, ce sera mon tout premier voyage en Asie. Je vais en prendre plein les mirettes et pour une fois, c'est moi qui vais mitrailler. Thé vert et poisson cru, ça va me nettoyer un peu après la Guinness et le fish & chips. Notez que j'aime autant l'un que l'autre.
Hier, les Starloozes étaient en concert du côté d'Odéon. Comme d'habitude, l'ambiance fut chaude même si milieu de semaine et débat télévisé oblige, les rues et le Cavern étaient un peu désertés. Outre le fait que des voix se sont fait entendre pour que Vestee finisse sur scène avec son trombone pour unique parure, ils ont joué la polka sur laquelle je m'éclate à chaque fois. Quelques photos du groupe, d'abord Chris et Vestee la grande zézette :
Teuf à la basse, Mac à la trompette et Christian :
Hier soir, j'étais invitée, par l'entremise de Môssieur Resse, à l'avant-première du film "L'ami de la famille" au cinéma L'Entrepôt, dans le 14ème arrondissement.
Je n'avais pas mis les pieds dans ce lieu hautement culturel depuis l'époque où j'habitais à quelques pas de là, au milieu des années 90. J'étais ravie de voir comment l'endroit, dont j'avais un souvenir un peu tristounet, avait évolué, . Je découvris un lieu animé et chaleureux, avec groupe de jazz, célibataires trentenaires, verrière et verroteries colorées accrochées au plafond. Pour l'heure, je m'engouffrai dans la salle de cinéma afin de découvrir ce film dont je ne savais rien.
Dès les premières minutes, un choc musical : Antony & the Johnsons qui pose sa voix si particulière sur une chanson bluesy "My lady story". J'ai hâte d'écouter son album, je viens d'en lire de très bonnes critiques.
Le film de Sorrentino est très réussi visuellement, stylisé, poétique. Après la projection, nous avons pu poser des questions au réalisateur et apprendre que ses influences dans le cinéma français étaient Sautet, Godard et Truffaut.
A 22h45, attablée le long de la fenêtre donnant sur le si champêtre jardin intérieur de l'Entrepôt, j'attaquai un fondant filet de boeuf dans sa sauce au foie gras. Un délice, même si le service était stressé, bruyant et fort peu reposant, bien qu'assuré par de charmants garçons. Tables en teck, gravier, arbres, on ne se serait pas cru en plein coeur de Paris, mais plutôt sur la place d'un village. Manquait plus que les cigales ou les mouettes.
C'est décidé, je vais faire quelques infidélités à Félicie et faire de l'Entrepôt mon nouveau lieu de villégiature.
La musique accompagne tous les moments de notre vie, des meilleurs aux pires. Certaines mélodies me mettent un cafard monstrueux et d'autres me font instantanément sauter en l'air comme une gamine.
Aux dires de ma mère, j'ai été très tôt une "show girl" qui dansait tous les soirs en écoutant le hit-parade dans la cuisine familiale. La plus lointaine chanson dont je me souvienne, c'est précisément celle qui figure là, à gauche : "El Bimbo". J'ai été envahie d'une profonde tristesse à chaque fois que j'ai entendue cette chanson, ensuite. Ca m'évoque les bals militaires de mon enfance, mon père à la guitare, les longues robes de ma mère, un univers festif et rassurant.
Petite, j'étais fan de Dave et aussi C. Jérôme, hé oui, j'aimais les blonds à l'époque !
Plus tard, en Allemagne, je mettai le nez dans les disques de mon père et me pris de passion pour Cloclo, pourtant déjà disparu. Je connais encore, par coeur, une bonne partie du répertoire. Ca bluffe mon frère à tous les coups. "Je sais", "Les cloches sonnaient", "17 ans" étaient mes préférées. Mes Nöel enneigés, je les fêtais avec Bob Marley et Boney M en fond sonore.
Avec l'entrée en 6ème, c'est la vie en internat à Baden-Baden et mon premier walkman. Les retrouvailles dans les toilettes dès l'extinction des feux où avec mes copines et les "grandes", on dansait sur "Femmes" de Jean-Luc Lahaye ou "Words" de Fr.David.
1984, arrivée à Paris. A Noël, ma mère m'offre une cassette de Cock Robin. Je découvre aussi Duran Duran, Wham, Jimmy Sommerville qui supplie "Don't leave me this way". Moi, je suis amoureuse de George Michael. Mon plus grand regret à ce jour reste de n'avoir pas encore réalisé mon rêve de jeune fille, danser un slow langoureux sur "Careless Whisper".
J'ai 13 ans et les vacances à la Baule, ou je rencontre Laure qui est bien plus éveillée que moi, restent un merveilleux souvenir. Ensemble, on écoute Axel Bauer sur "Cargo de nuit" en rêvant au premier baiser. Pour ma mère, la chanson qui me représente le mieux reste "I want to break free" de Queen.
J'ai 14 ans et j'aime toujours les blonds. Mes ami(e)s au camping sont hollandais(es). Sur "Life is life" et "Susanna", je saute avec eux, bras dessus bras dessous sur la piste de danse d'un camping quelconque. Avec ma mère, on chante "Femme libérée" de Cookie Dingler et "Ils s'aiment" de Daniel Lavoie. Mon virage vers les musiques noires s'amorce. J'embarque mon petit frère au cinéma pour voir "Purple Rain". Un grand moment que la découverte de Prince.
En 1988, sur la route des vacances vers le Sud, on passe à Orange, fief du FN, en chantant à tue-tête "Asimbonanga" de Johnny Clegg et "I love Paris" d'Alpha Blondy; c'est mon petit frère qui m'a initiée aux rythmes africains. Combien d'heures mes parents nous ont patiemment supportés, en train de nous égosiller en zoulou à l'arrière de la voiture !
17 ans, premier grand amour qui me séduit en me faisant écouter de la funk sensuelle. J'ai nommé Babyface, Bobby Brown, Surface, Ready for the World et "notre" chanson "In my room", Al B Sure, Karyn White. Premier chagrin d'amour aussi sur lequel je pleure amèrement en me repassant en boucle "Games" de Shalamar. Premières sorties en boîte, le Bobino et le Rex, ou je fais des complexes en dansant sur "I've got the power" et "Dub be good to me". Epoque funk toujours (et pour toujours), mais aussi rap avec Public Enemy et son "911", Gangstarr, Ice Cube. Et puis tout s'accélère. Je suis une adulte, je travaille. Moins rebelle, j'écoute aussi du jazz. Dans ma collection, il y a du Miles Davis mais aussi la BO de Zorba le Grec, Marvin Gaye, Bob toujours, Prince aussi et Bobby Mc Ferrin. Septembre 94, j'emmène Esperanza en vacances au Canada et on roule, toutes fenêtres ouvertes, en chantant avec Coolio sur "Gangsta Paradise".
1996, c'est l' arrivée à Dublin et l'immersion, pour quelques années, dans la pop anglaise. Sur Grafton street les chanteurs irlandais hurlent "You're my wonderwall" d'Oasis. Vacances à la Barbade avec C., ma copine hôtesse, c'est l'époque de No Doubt et "Don't speak".
Puis la rencontre avec le grand amour qui me chante "Sophia" de Ismael Lo. Moi je lui fais découvrir le raï et Marvin. Plusieurs années après, nouvelle peine d'amour et des mois sans pouvoir écouter "The scientist" de Coldplay.
Et ma nouvelle vie de célibataire, c'est quoi ? Allez, au choix ... "Supernature" de Cerrone.
Et vous, quelle est la ou les chansons qui vous ont le plus ému ?
Ce soir, j'attrape le magazine féminin Jasmin avec en couv' "Sextoys, beaucoup de bruit pour rien". Je relève avec amusement la coïncidence. Je m'engouffre dans le métro sur la ligne 6 direction le 12ème arrondissement. Le métro est bondé, je dégote une place assise contre une fenêtre et me plonge dans mon mag.
Soudain, quelques notes de guitare résonnent dans le wagon et une voix chaleureuse emplit l'espace. Un mélange de Kéziah Jones et de Ben Harper. Une chanson mélancolique, en anglais, qui parle de children in the sun et de white, black, yellow colors. Le bonhomme est anglophone, sans aucun doute. Surprise car les musiciens sont pour la plupart - malheureusement -interdits dans les rames, je me retourne et avise un noir au regard doux. Il chante merveilleusement bien, sa voix et sa musique me prennent aux tripes, je ne peux plus lire.
Je croise le regard surpris des passagers, les gens se retournent et restent suspendus aux lèvres du musicien. Mon voisin de face me regarde, éberlué, d'un air de dire "waaaouhhhh, il assure !". Je profite du métro aérien pour rêvasser en regardant Paris et les pavés mouillés. Quand il passe dans l'allée, je décide que je ne peux pas me contenter de lui donner une pièce. Son obole est pleine, on lui donne même des billets.
Je me lève, le suis à travers le wagon et l'aborde en anglais. Je lui demande s'il est anglophone, il acquiesce, puis il me donne son prénom que je ne comprends pas. Je lui dis qu'il a une voix magnifique et le remercie de ce bon moment, nous discutons quelques instants, il est de Sierra Leone et m'assure que je peux trouver ses chansons sur internet. Je suis presque triste que cette magie s'arrête.
En sortant à l'air libre, je chantonne "Children in the sun" jusqu'à ce que Claire ouvre la porte. Un talent croisé dans la foule, promis à un bel avenir j'espère, comme Keziah Jones qui fut repéré dans ce même métro parisien.
Dans l'anonymat et la grisaille des rues parisiennes, la magie opère toujours et je me réchauffe un instant au contact d'êtres humains inoubliables. Comme disait Mère Mi, la vie est là qui vous sourit...