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  • Chez Serge Ferron à Bassac

    Je n’avais pas eu de coup de cœur pour un restaurant depuis un moment. L'Essille, au coeur de la Charente, fut le dernier endroit où je me suis vraiment sentie bien. Et j'y arrivais chaque soir avec le même soulagement que si je rentrais à la maison.

    Déjà, plusieurs semaines avant mon déplacement à Angoulême ; j’avais été séduite par les mails échangés avec Serge Ferron, propriétaire de l’hôtel-restaurant l’Essille, à Bassac, un village qui abrite une jolie abbaye, à 25 kms d’Angoulême.

    Quand je pars en déplacement, je dors généralement à plusieurs kilomètres de l’endroit où je bosse. Conduire après le boulot me détend de ma journée. Et si je forme en ville, je dors en campagne, si possible rase. M’endormir dans un silence assourdissant et être éveillée par les oiseaux qui pépient, le chant du coq ou le tintement des cloches de l’église, comme ce matin, me ravit.  

    Outre le fait qu’il propose une soirée-étape à un prix imbattable (65€, jamais vu ça en 2 ans de voyages), accepte l’AMEX et propose le WIFI gratuit, conditions indispensables à toute réservation de ma part, M. Ferron avait joint à sa réponse deux fichiers : la carte de son restaurant, qui ferait baigner les dents du fond de n’importe qui, avec menu en charentais, et un programme de visites et viticulteurs à visiter (pour ça, malheureusement, je n’avais pas de temps libre)

    Lorsque je garai ma voiture dans la cour arborée, je ne regrettai pas mon choix. C’est le patron en personne qui m’accueillit et après que j’eus déposé mes bagages dans ma chambre au mobilier rustique, je descendis dans la salle. Un instant irritée que les VRP soient cantonnés dans une salle distincte, tournés d’un même élan vers la télé, je me détendis lorsque les charmantes jeunes femmes préposées au service s’occupèrent de mon bien-être. Après un velouté de potiron, j’attaquai une nage de saumon et calamars, saisis juste comme il faut, sur lit de poireaux pour échanger mon moelleux au chocolat contre une assiette de fruits frais (suis très fière de moi sur ce coup-là). L’éclairage n’étant pas optimal, vous n’aurez pas de photos cette fois. Mais croyez-moi, c’était savoureux.

    Le lendemain midi, ma jolie et athlétique cliente me tutoie et propose un déjeuner sur la place des Halles, au Nulle Part Ailleurs, un restaurant récent. Le soleil cogne fort et nous nous installons en terrasse. Le personnel est visiblement débordé et court dans tous les sens. Elle commande un mikado de saumon, si généreux qu’elle s’en écoeure et j’opte pour une parillada de poissons (noix de st jacques, seiche à la planxa, filets de rouget, dorade) à la plancha, absolument divine, sous ses asperges vertes et champignons sautés.

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    Café gourmand : gratin de fruits frais, crêpe suzette,  crème brûlée, petit rôti au chocolat tandis qu’elle déguste des nems banane-chocolat.

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     «Angoulême est une ville où on mange bien, se délecte Dominique Besnehard, délégué général du festival et gourmand. Je plussoie !

    Le lendemain soir, chez M.Ferron, je choisis une assiette d’huîtres de chez Papin, grasses et charnues. « On n’est jamais déçu avec les huîtres de chez Papin, ostréiculteur à Marennes-Oléron » confirme la serveuse. Ensuite, on dépose devant moi un filet d’omble chevalier garni de purées de légumes oubliés (panais, céleri et … ?)

    En dessert, je me laisse rafraîchir la bouche par une brochette d’ananas caramélisé, nichée sous sa corolle de nougatine et accompagné d’un sorbet de fromage blanc, fraises et physalis.

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  • Berlin jour 3

    10h20, je sors dans les rues encore désertes en ce dimanche matin gris et venteux. Bergmannstrasse se réveille à peine de l’effervescence du samedi soir. Je cours 10 minutes jusqu'au Landwher canal et entame mon jogging sur ses rives. Les avironneurs du 3ème âge sont déjà là (facile quand on se couche avec les poules), les cygnes et les joggeurs aussi. Une jolie blonde au teint de porcelaine, bandeau-éponge sur le front, me sourit alors que je m’élance.

    Le soleil de la veille a disparu mais je n’ai pas froid. Je cours 10 minutes jusqu’à un pont, croisant un beau quadra élégant dans son pardessus noir, sosie de Sebastian Koch, pendu à son téléphone portable puis une rousse androgyne, grande et sèche. Je rejoins l’autre rive. Là, d’anciens cafés flottants aux vitres brisées, couverts de graffitis, flottent sur l’eau comme des vaisseaux fantômes. Je retrouve le quadra brun, toujours au téléphone, serrant maintenant un sac de pain contre son flanc. A-t-il prétexté d'aller acheter du pain pour la maisonnée pour passer un coup de fil à sa maîtresse ? Ma boucle a duré 20 minutes et j’en entame une deuxième, croisant les mêmes. 

    Retour vers la Chamissoplatz où mes deux compagnons de voyage m’attendent. Je suis partie sans argent et nous n’avons rien à nous mettre sous la dent, je ressors donc et pousse jusqu’à une boulangerie repérée au retour, où je choisis des sortes de pain aux raisins mais à la confiture de fruits rouges et de délicieux petits pains briochés.

    Vers 16 heures, nous franchissons les portes du Morgenland, mis en appétit par les descriptions pantagruélisques de notre guide touristiques. Et la promesse est au rendez-vous : pour 9€, le Morgenland propose un buffet à volonté de viennoiseries, fromages, charcuteries, produits laitiers, œufs, salades et même des plats chauds ! « On se fait vraiment plumer, à Paris » dit D. devant son assiette. Je n’aurais pas employé le mot « plumer », personnellement. Bon, malgré toute la bonne volonté de la serveuse, le wi-fi ne fonctionne pas mais en plus d’un service souriant, on ne nous fait jamais sentir qu’on squatte notre table depuis plus d’une heure et qu’il serait temps qu’on dégage.   

    Après ce repas revigorant, nous prenons la direction de Postdamer platz. Située à la jonction entre zone occidentale et zone soviétique, elle fut dévastée en 1945 et abrite depuis des sièges sociaux de nombreuses sociétés allemandes et étrangères.

    Peu intéressée par cette imposante architecture de verre, je suis en revanche fortement intriguée par la visite de Topographie des Terrors, une exposition permanente et gratuite située à l’emplacement même des anciennes institutions nazies, siège de la Gestapo etc. Nous avons beaucoup de difficultés à localiser le site, peu éclairé, ce qui participe encore à rendre ce moment plus intense. A l’extérieur, une exposition en plein air – et en allemand – témoigne du Berlin d’alors.

    A l’intérieur d’un immense bâtiment de verre, glacial, des photos, films et documents sonores détaillent l’entreprise de conquête du 3ème Reich, d’extermination des Juifs bien sûr, mais aussi des gitans, des homosexuels et des handicapés mentaux sous le prétexte que « celui qui ne travaille pas ne mérite pas de vivre ». Je scrute la photo étonnante d’une assemblée se pliant au salut hitlérien, yeux rivés sur le Fuhrer, au milieu de laquelle se tient un homme, les bras croisés. Son identité est incertaine. J’aimerais en savoir plus sur ce rebelle. Mais après tout, comme l’a soulevé un ami, quelques jours plus tard, si ça se trouve, il avait juste un temps de retard. L’exposition est passionnante. Difficile d’imaginer que tout cela ne date que de quelques dizaines d’années, ça semble tellement fou !

    Il est tard lorsqu’on nous dirige lentement vers la sortie. Le site est ouvert tous les jours jusqu’à 20h, même le dimanche, et sa visite vaut vraiment le déplacement.

    Après cela, nous retrouvons avec plaisir l’ambiance chaleureuse de Bergmannstrasse. Après notre copieux brunch, nous n’avons pas très faim et nous réfugions chez Huong Que, un restaurant vietnamien au décor épuré et original où nous dégustons des pho brûlants et parfumés.

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     Note à moi-même : la prochaine fois, essayer un brunch au Hannibal.

     

  • Berlin jour 2

    Ce matin, en sortant de notre joli bâtiment, l'animation règne autour du square de la place. C'est jour de marché et les familles sont attablées sur les pavés, sous le soleil et un ciel bleu comme la mer. Je m'arrête devant une vitrine derrière laquelle se pavanent des bretzel dorés que je prends en photo. "Et pourquoi ces photos? demande le jeune vendeur. J'ai rêvé de mes bretzels. Pourtant ils sont bien meilleurs en Allemagne du sud, répond-il. L'Allemagne du sud, est-ce que ça serait la région de Stuttgart? Tout à fait ! Ah oui, c'est là que j'ai grandi, et c'est vrai qu'ils y sont délicieux!". Les bretzels du jeune homme ne valait pas ceux que j'ai dévorés au petit déj chez Beate mais il était charmant.

    Plus loin, D. a jeté son dévolu sur une une gaufre caramélisée à la pomme. Dans le square attenant, des enfants jouent, bonnets en laine vissés sur le crâne. Nous longeons le square et nosu perdons sur la rue Fidicinstrasse, découvrant un château d'eau tout pimpant sous le soleil et un théâtre anglais. Puis nous remontons Zossener str., traversons le Landwehr canal que nous longeons. Sur l'eau, les avirons sont remplis de caisses de bière et les palmipèdes batifolent joyeusement. 

    Au bout du chemin, à gauche, nous admirons de superbes immeubles biscornus avant de rejoindre ce que notre guide appelle le "Kreuzberg alternatif". Dans le quartier turc, juste après le restaurant Hasir, nous nous retrouvons pris dans une manif anti-nucléaire tout à fait pacifique, avec poussettes et banderoles. Nous atteignons la Mariannenplatz. Dans un ancien hôpital reconverti en centre culturel et ateliers d'artistes béthanien, je reste songeuse devant cette phrase : "Did you travel here to get to know people or to be where nobody knows you ?"

    La faim se fait sentir et nous profitons de l'aubaine que sont les petits-déjeuners berlinois servis jusqu'à 16 heures pour nous réfugier dans un café. La plupart des cafés proposent des petits-déjeners de différents pays : Turquie, Angleterre, USA, France. Je choisis la version turque, avec feta, olives noires et oeufs brouillés à la tomate. Délicieux et tout ça pour moins de 8€.

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    Au Gorlitzer Park, les promeneurs sont emmitouflés dans les plaids généreusement mis à disposition sur les bancs du café qui s'est installé dans une gare désaffectée.

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    Sous un tunnel bleuté, nous traversons maintenant la Spree pour rejoindre l'ancien Berlin-Est, à hauteur d'un bâtiment qui me rappelle l'Institut de Monde Arabe parisien. Là se trouve le plus long vestige du mur, la East Side gallery, couverte de grafittis.

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    La nuit est tombée et c'est l'heure de l'apéro. Le bar de Barbie est encore fermée, nous nous installons donc au Cake Bar, sur la Schlesische strasse où la serveuse douce mais indubitablement ferme fait fantasmer F., qui n'en est toujours pas revenu qu'elle lui ait remplacé son coktail à 4€50, qu'il a renversé, pourtant aux 3/4 vide, sans doute sous le coup de l'émotion.  Au Cake Bar, on se sent bien, la musique est bonne et les canapés juste défoncés comme il faut. Je découvrirai à la fin de mon séjour que le Cake Bar figure parmi les adresses fétiches de Miss Platnum. En face, au bar de Barbie, deux brunes se roulent des pelles. "J'aimerais bien qu'une femme me dévore des yeux comme ça", dit D. 

    Le chemin est encore long jusqu'à la Chamissoplatz et nous prenons un taxi jusqu'à Bergmannstrasse où nous dînons dans un mexicain sans intérêt avant de boire un café dégueulasse au Foodo. Extinction des feux.

  • Berlin jour 1

    Photo326.jpgAprès avoir failli me faire foutre en l'air par un cycliste, à à peine sortie du métro, arrivée 9h57 devant la porte de M. Herse, sur la Chamissoplatz. C'est drôle, l'immeuble est assorti à mon pyjama.

    Nous sortons boire un café à l'Espresso lounge sur la Bergmannstrasse. A l'intérieur, l'ambiance est étonnante. Les clients sont planqués derrière des journaux, nous nous installons et mangeons un cheesecake et F., un sandwich aux céréales et filet de dinde. Après une sieste de 2 heures, (ben oui, on s'est un peu levés à 4h30!), nous prenons la direction de Mitte, centre de la ville et centre historique, et retrouvons la Marheinekeplatz que nous avons traversé le matin, et sur laquelle j'ai furtivement admiré l'Eglise de la Passion rouge. Sur cette place, l'un des derniers marchés couverts de la ville. Je me fais charrier parce que je m'attable devant un chou farci et purée de pommes de terre après avoir déclaré ne pas avoir faim du tout. 

    Un petit détour par Sudstern et nous passons devant le musée Juif et son impressionnante annexe, construite par l'architecte auquel on a, depuis, confié le projet Ground Zéro à Manhattan. Ce qui frappe tout parisien à Berlin, c'est le calme des rues. Celles-ci sont bien plus larges qu'à Paris, les immeubles moins hauts et surtout il y a beaucoup moins de circulation donc pas le vacarme dont nous souffrons tous.

    Nous voici maintenant sur la Friedrichstrasse et la densité humaine se fait plus importante. Sur cette avenue, beaucoup de sociétés, de boutiques et le fameux checkpoint Charlie, planté au milieu de l'avenue. A cet endroit chargé d'une douloureuse histoire et rempli de touristes, des panneaux retracent l'histoire du mur qui sépara l'Allemagne en deux pendant 28 ans.

    Nous voici sur la Gendarmenmarkt, une très jolie place qui doit son nom à un régiment prussien de huguenots français qui s'y établit et pratiquait son culte dans la Franzosischer Dom, à laquelle fait face la Deutsche Dom, très jolies églises à coupoles quasi-identiques.

    Sur Unter den Linden, nous avisons la banderole de l'Opernpalais recommandé par Magda. Il doit être bien agréable, par beau temps, de déguster une pâtisserie sur la terrasse. Aujourd'hui il fait froid, nous entrons donc dans la salle et nous plantons devant le comptoir où s'étalent des patisseries raffinées et colorées, serties de cerises, plaques de chocolat et massepain. Je choisis un gâteau mousseux au citron et yaourt et les garçons, des Forêt-Noire. Cet endroit au charme désuet me rappelle, en plus petit, Angelina. Nous mangeons nos gateaux en buvant des Grose Schokolade. La comparaison s'arrête là car les prix y sont tout à fait abordables, contrairement au salon de thé de la rue de Rivoli (4€80 pour le chocolat).

    En sortant nous nous retrouvon devant l'université Humboldt où Karl Marx et Engels étudièrent et où Albert Einstein enseigna. Nous reprenons l'avenue Unter den Linden (littéralement "sous les tilleuls"), une promenade qui reliait le domaine de chasse de Tiegarten à la porte de Brandebourg. J'ai beaucoup aimé flâner sur cette avenue, certes très fréquentée. Des jeux de lumière y sont installés et les spots rouges, jaunes et verts posés au pied des arbres donne aux feuillages beaucoup de féerie. Certains immeubles sont éclairés aussi, le summum étant la porte de Brandebourg, sur la Pariserplatz, tour à tour rouge, bleue, verte ou violette. Lorsqu'on passe dessous, on aperçoit, au loin, la coupole de verre du Reichstag. 

    Le soir, métro puis une savoureuse soupe turque au boulghour, poulet et lentilles au Knofi, un restaurant turc chaleureux où les marmites de soupe fument le long des fenêtres, sur Bergmannstrasse. Ce soir, nous ne ferons pas la fiesta.

    Note : Pas de photos sur ce billet car impossible de remettre la main dessus. On verra ça à mon retour à Paris (ah oui, je suis à Casablanca depuis hier soir, au fait et on n'est pas le 22 octobre mais le 3 novembre depuis quelques minutes...) Si vous n'arrivez plus à suivre, c'est normal, moi non plus ...

  • Marie et Bruno au Café de Bouzigues, à Aigues-Mortes

    Photo261.jpgLa semaine avait pourtant commencé mollement. J'étais très fatiguée de ma semaine éreintante à Angoulême et ce lundi matin, je découvrai avec agacement que mes trois stagiaires, dernier groupe de 7 à être formées, étaient visiblement venues en formation à reculons, effrayées par les retours des précédents groupes.

    Pourtant, ouvrir les rideaux, au saut du lit, sur la mer et les mouettes virevoltantes, et m'endormir le soir au bruit des vagues valait toutes les grimaces du monde. Et le soir, franchir le pont tournant puis prendre le volant, dans la nuit noire, pour rallier Aigues-Mortes, piloter ma voiture dans ses ruelles étroites, me garer le long des remparts, niquer mes talons sur les pavés, et m'installer dans un de ses très bons restaurants, vides de touristes était un moment de détente que je savourais à sa juste valeur.

    Hier soir, déjà, je m'offrais un petit plaisir : me faire tripoter les cheveux par Luc, très sympathique coiffeur au charme troublant, installé à côté du Super U Port-de-pêche. Quand il m'a demandé "Et alors, comment ça a été, cette journée ?" en me parlant de mes trois poils sur le caillou comme si j'avais la toison de Samson, j'ai oublié le poisson mal décongelé du midi. Je l'ai même tutoyé. Luc est le genre de coiffeur dont j'imagine que toutes les clientes sont amoureuses. Maniant ciseaux et peigne avec la légèreté d'un oiseau, il discute manifestations et éducation nationale. Dommage que je ne puisse pas répondre à son invitation à essayer des choses ensemble (il parlait de coupes de cheveux bien sûr).

    Après avoir confié mes cheveux à Luc, je remettai mes pieds entre les mains d'une podologue-pédicure qui me fit des petons de poupon. Hier soir, je vous l'ai dit, c'était la fête à Fiso.

    Aujourd'hui, mes stagiaires ont le sourire et la plus râleuse des trois est allée acheter une fougasse d'Aigues-Mortes pour "me faire goûter la spécialité du coin", que nous partageons autour d'un café imbuvable, l'après-midi. J'observe, amusée, une très maigre jeune femme de l'étage gratter conscinecieusement le sucre du dessus de la fougasse, dont elle s'enfile 3 parts.

    Aujourd'hui, c'est ma dernière soirée au Grau-du-Roi. Reposée par le profond sommeil dans lequel je m'enfonce chaque soir, je m'offre un jogging de près d'une heure au ras des vagues, entre le quai Colbert et Port Camargue. Sur le sable, des grappes de moules mais aussi d'hideux sacs en plastique enfouis dans le sable, des gobelets, des chaussures oubliées, des crabes blanc-gris léchés par le sel, des squelettes de poissons et sous mes baskets, des coquillages en miettes. Lorsque le soleil se couche, transformant les nuages en barbe à papa rose et parme, je m'étire face à la mer et rentre au Splendid hôtel me doucher. Parenthèse : le Splendid hôtel est super. On y dort comme un bébé, y'a du fromage et du jambon au petit déj' et la jeune fille anglaise préposée au service est adorable.

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    Il est presque 21 heures quand je pousse la porte du Café de Bouzigues, à Aigues-Mortes, endroit chaleureusement recommandé par la jeune poologue. La veille, me heurtant à la porte close, j'avais retrouvé avec plaisir le service irréprochable et la délicieuse soupe de poissons du restaurant les Arcades. Outre le service toujours aussi soigné, les olives vertes "de notre jardin", dixit la serveuse, et le feu dans la cheminée, mention spéciale au restaurant les Arcades : sur la table, un porte-serviette cache un sac en plastique pour emporter les bouteilles de vin non terminées.

    Le Café de Bouzigues est bien rempli et les couleurs chaudes. Au mur, des affiches de taureaux et des guirlandes lumineuses. Personne pour m'accueillir alors je patiente près du bar. Un homme est assis, me sourit, se lève précipitamment, vaguement embarassé : "Je suis client, mais je vais le chercher".

    Pas le temps de l'arrêter, de lui dire que je ne suis pas pressée, il a disparu au fond du restaurant. On m'installe à une table de deux, voisine de la sienne. Je sens qu'il m'observe. J'avise des livres de la région, chouette j'aurai de quoi remplacer mon roman de Nick Cornby, que j'ai oublié à l'hôtel. Pourtant, ce soir, je ne lirai pas. Une jeune femme brune a rejoint le client prévenant et ils ont pris place sur une table ronde.

    Il se penche vers moi "Si vous voulez gratter l'amitié avec nous, vous êtes la bienvenue". Faut pas me le dire deux fois et après confirmation, je prends mon sac et m'installe à leur table. Les présentations sont faites : Fiso, Bruno, Marie.

    Bruno, qui a des cils noirs de faon, m'apprend qu'il est restaurateur au Grau-du-Roi. Son restaurant c'est le B Plage, non loin de mon hôtel. Marie, originaire de Sète, travaille au Yacht Club, à la Grande Motte. Et tandis que je me présente, Christophe, le patron du café de Bouzigues, s'installe pour dîner avec nous (enfin, c'est moi l'intruse, comme vous l'avez compris). On nous apporte la mise en bouche, une mousse de raifort sur saumon fumé, coiffé de pousses de betterave. Parenthèse : les mises en bouche sont une attention que j'ai découverte en province. A Paris, rien n'est gratuit. Fin de la parenthèse.

    "Nous fumons nous-mêmes notre saumon" dit Christophe et je les suis lorsqu'il traverse le patio, Marie sous le bras, pour lui montrer son fumoir. Il en est très fier et s'amuse à fumer toutes sortes d'aliments. Si le taureau fumé est dégueulasse, il paraît que le magret fumé, c'est une "déchirure".

    En entrée du menu complet à 29€50, je choisis des huîtres de Bouzigues gratinées au beurre blanc, crème de panais tandis que Bruno se tape un foie gras poêlé aux figues. Maintenant, je le sais, les huîtres de Bouzigues proviennent de l'étange de Thau, à proximité de Sète, découverte l'année dernière.

    En plat, nous tombons d'accord sur des encornets farcis d'une compote de pieds de cochon et de gambas, polenta dorée et coulis d'étrilles. Je louche sur le pigeonneau désossé, mais charnu, dans lequel Christophe mord avec gourmandise. Les encornets sont délicieux, la polenta un peu trop salée à mon goût. 

    "Pourtant, je n'y croyais pas, quand mon chef Renaud m'a sorti ce mélange pieds de cochon-encornets" dit Christophe, précisant que la carte est changée chaque mois. comme ils me regardent mitrailler les plats et la déco d'un air perplexe, je confie que je suis blogueuse. "Coupe le micro, Fiso" dit Bruno. Ce soir, pourtant, le plaisir n'était pas seulement dans l'assiette. Loin de là. D'ailleurs, mes photos ne rendent rien. On s'en passera donc, mais croyez-moi, le café de Bouzigues est un endroit où l'on mange bien.

    Le repas se poursuit de façon très conviviale. Je les écoute discuter de leurs difficultés de restaurateurs tout en admirant le charme piquant de Marie, très élégante avec ses cheveux cuivrés et ses lunettes carrées. Bruno fait défiler sur son I-Phone les photos des plats qu'il sert dans son restaurant, comme pour me prouver que contrairement à ce que m'ont dit mes stagiaires, il y a aussi de bons restaurants au Grau. Et c'est vrai que ses parilladas de poisson ou encore sa morue fraîche font envie, de même que les transats en bord de plage.

    "Le rosé ça fait bronzer" dit Marie, et moi j'ai pris un petit coup de soleil alors vers 23h, je salue mes convives. "Ce fut un vrai plaisir de faire ta connaissance", dit Marie. "Merci à vous de m'avoir invitée à votre table, c'est la première fois que cela m'arrive en 2 ans" dis-je en lui serrant la main. "Ah mais Bruno, c'est un gentil, il aime les gens".

    Et moi, j'aime les gens qui aiment les gens. Alors si je reviens dans la région, cette fois, je n'irai pas dîner à Aigues-Mortes. J'irai saluer Marie et Bruno et boire à l'amitié.

    Ce soir-là, dans la nuit noire, avec les marais salants quadrillant mon GPS de lignes oranges, je réalisai, avec une pointe de tristesse, que c'était la dernière fois que je faisais la route entre Aigues-Mortes et le Grau-du-Roi.

    A l'entrée de la ville, j'obéis à la voix qui me dit de prendre à droite, puis à gauche, et je m'engage dans les rues désertes de la ville, jusqu'au boulevard du maréchal Alphonse Juin où j'ouvre ma portère sur les cris des mouettes et le ressac des vagues.

    J'aime ces endroits inconnus qui me deviennent familiers après quelques jours. Comme le corps d'un homme qu'on aime au présent, dont on veut retenir chaque détail. On s'enivre de son parfum en se disant que ça ne durera pas, on tente de retenir la magie de l'instant, de la graver dans sa mémoire sensorielle. Je n'oublierai pas de sitôt Marie et Bruno. Je m'habituais déjà à attendre patiemment que soit terminée la valse des bateaux dans le port du Grau-du-Roi pour franchir le pont tournant. A découvrir le lever du soleil sur la mer, comme si j'avais grandi avec ce spectacle sous les yeux.

    Je suis un caméleon. Une tortue qui balade sa maison sur son dos. Se sentir partout chez soi, est-ce que cela veut dire n'être nulle part vraiment ?

    Le salon de coiffure de Luc

    Le Yacht Club à la Grande Motte