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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 15

  • Fiso dans un hammam de la médina casablancaise (un incontournable!)

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    Après quelques heures de repos, je retrouve Mohammed devant l’hôtel. Il m’emmène à la recherche d’un hammam dans la médina. « Tomate ici, tomate ici,  dit-il en se pinçant les pommettes, et après tu vas bien dormir ». Pour le moment, j'essaie surtout de ne pas me casser la gueule dans les ruelles glissantes.

    Dans une cour, une femme nous attend et nous ouvre sa porte. Aïcha a la peau noire comme l’ébène et des dents du bonheur qui étincellent dans son large sourire. Elle me fait assoir sur la banquette couverte de tissus, qu’elle a changés pour moi, dit-elle, et s’excuse de n’avoir pas eu le temps de me cuisiner quelque chose.

    « Tu veux aller au hammam ? Je vais t’emmener ». J’ai ramené mon gant de gommage de Paris mais je n’ai ni savon ni shampoing. Sur un stand, nous achetons du savon noir à l’huile d’argan et un shampoing à la papaye et huile d’argan.  24 drh pour un pot de savon à l’huile d’argan, soit 2€50 … « A dans une heure trente », dit Mohammed.

    Aïcha pousse la porte d’une maison sur laquelle sont peintes des lettres en arabe. Dans une petite pièce, des femmes me dévisagent avec une curiosité bienveillante et la gommeuse m’indique la marche à suivre. Mon irruption dans la salle carrelée de blanc ne passe pas inaperçue; là, c’est clair, je suis l’attraction. On me fait des ourires et des signes, on me savonne le dos, me frotte comme un nourrisson et me déverse des seaux d’eau sur la tête et le corps. Le confort est rudimentaire sur le carrelage blanc mais l’ambiance conviviale. Certaines font des étirements. Une autre femme, Khadija, me tend un pot pour que je me badigeonne le corps de henné. Elle a décidé de m’appeler Sophia et s’amuse à crier mon prénom. En quittant la pièce, les femmes m’envoient un baiser.

    Le foulard jaune réapparaît dans l'embrasure de la porte. Aïcha est de retour, il est l’heure de se rhabiller. Visiblement, il est hors de question que je reparte jambes nues dans la petite robe dans laquelle je suis venue. « Tu vas attraper froid » dit Aïcha. Et là, je me retrouve en quelques minutes dans la peau de Nastassja Kinski dans « Harem ». Aïcha me tend un pantalon blanc estampillé « lovely little pig », je ne peux pas m’empêcher de rigoler, et elles avec. La vieille femme très gentille qui a communiqué avec moi par signes dans le hammam m’aide à l’enfiler, puis on me couvre d’une veste en molleton blanc. Enfin, Aïcha applique sur mes cheveux un triangle de coton blanc qu’elle noue sur mon front, puis un foulard  couleur caramel. Je me trouve très belle en orientale, il ne manque plus que le khol. « Une vraie femme marocaine » dit Aïcha, visiblement très satisfaite. Les jeunes filles proposent de me prendre en photo et après avoir frôlé l’incident diplomatique, je salue tout le monde d’un baiser envoyé du bout des doigts. A l’extérieur, Mohammed, hilare, est bluffé par la transformation. A un carrefour, Aïcha m’embrasse. « Mais et le pantalon ? La veste ? Les foulards ?». « Tu les gardes. Cadeau. Et quand tu reviens à Casablanca, tu viens chez moi »

    « On ne voit plus que je suis une française, hein ? » je demande à Mohammed. « Si, si, on le voit à tes yeux. Mais peut-être que tu as raison, car certaines filles maintenant portent des faux yeux. Alors, peut-être qu’on croit que tu es marocaine ». A y bien réfléchir, le trench années 50 à carreaux noirs et blancs de Mamie Coco trahit sans doute mes origines.

    Mohammed s'est arrêté devant une autre porte. Une jeune fille à la peau claire nous ouvre et m'embrasse chaleureusement puis elle nous fait entrer dans un salon couvert de zellige, et assoir sur des banquettes de tissu rouge. Un petit garçon d’environ 6-7 ans me dévisage avec curiosité, il s’appelle Omar. Il ne parle pas français, alors pour l’amuser, j’ai l’idée de sortir mon téléphone et de faire défiler les photos sous ses yeux, seulement il ne veut plus lâcher l’appareil et tapote sur l’écran tactile comme un forcené.

    Quelques instants plus tard, Mohammed s’avance dans la pièce, soutenant une femme que je devine encore jeune mais courbée en deux. Elle s’assied à côté de moi, c’est la maîtresse de maison. Elle ne parle pas français, alors Mohammed traduit : elle a eu un accident cérébral, sa fille vient d’accoucher, elle est désolée car tout est rangé pour préparer la fête du mouton qui aura lieu dans moins de 2 semaines. Nous mangeons tous ensemble autour d’un plat de poulet. Mohammed fait répéter à Omar l’alphabet français et m’apprend à écrire mon prénom en arabe. La maîtresse de maison me propose de dormir là et se désole que je reparte en France avant la fête du mouton, à laquelle elle m’aurait conviée. Nous quittons la maisonnée et Mohammed propose un dernier thé à la terrasse de l’Excelsior mais excessivement détendue par le hammam, je baille aux corneilles et ne tiens plus debout.

    Je suis un peu triste de n’avoir pas pu dire au revoir à K. et aux autres personnes de la Sqala, où je pensais retourner pour ma dernière soirée à Casa. Mais je suis trop fatiguée et il est minuit trente alors je note l’adresse mail de Mohammed, qui a résolu de se mettre à l’internet, et m’enfonce sous la couette. Quelle journée  bien remplie !

  • Visite de Casa avec Mohammed le cavalier

    Longeant l’enceinte de l’ancienne médina, je me dirige vers le boulevard Félix Houphouet Boigny, hommage à la grande amitié qui unit jadis Mohammed V au président ivoirien. Un homme me croise, me salue, m’apostrophe : »Tu es française ? De Paris ? ». Nous discutons quelques instants. Mohammed connaît bien les français, il organise des excursions à cheval et des cours de kyte-surf dans la région d’Essaouira. Il propose de se promerner. Nous passerons toute l’après-midi ensemble. Il m’entraîne dans la médina, que je commence décidément à bien connaître, et me montre l’hôtel Central, construction française, puis un très ancien hammam construit par les juifs. « Tu veux aller à la place Mohammed V ?  Plutôt à la place de la Wilaya. C’est la même chose ! La wilaya se trouve sur la place Mohammed V. Ah ben voilà … Dans les rues de la médina, des clameurs de joie s’échappent des cafés, où les hommes ont les yeux rivés sur un poste de télévision. « Aujourd’hui, il y a un match de foot de l’équipe de Casablanca contre Tetouan (score 2-1 pour Casa) ».

    Nous traversons de nouveau en courant l’avenue des F.A.R. - ça y est, maintenant j’ai pris le pli - puis nous débouchons sur la place Mohammed V, et traversons le jardin central. Moahmmed tient à me montrer la statue du général Liautey, emprisonné derrière les grilles du consulat français. De nombreuses barrières bloquent les accès des rues adjacentes. "Avant on pouvait passer ici, dit Mohammed, mais à cause des menaces terroristes, c'est contrôlé", dit Moammed.

    Sur l’avenue Hassan II, il m’entraîne dans le parc de la Ligue Arabe où j'ai quitté Joachim, la veille. Là, des joggeurs courent autour d’un stade. Merde, si j’avais su … J’ai amené mes baskets mais la perspective de devoir prendre un taxi pour aller courir sur la corniche m’a découragée. « C’est dommage que tu partes demain, dit Mohammed, on aurait couru ensemble le matin, je t’aurais entraînée, je fais beaucoup de sport.

    Derrière le parc, l’avenue est bordée de cafés. « Les étudiants viennent là, le soir, pour boire un verre ». L'endroit est étrangement calme, comparé à l'agitaition de l'avenue.

     « Ca te dit de visiter le quartier français ? Tu pourras prendre des photos. Je vais te montrer Casablanca, tu vas être très contente », dit Mohammed. Il regarde mes chaussures à talons d’un air dubitatif. Je le rassure  : « Ne t'inquiète pas, je suis habituée, je peux même courir avec ».

    Dans le centre de Casablanca, il reste de nombreuses constructions, aisément reconnaissable, de l’époque du protectorat français. Mohammed veut absolument me montrer les vitraux de l’église de Notre-Dame de Lourdes, où il vient parfois se détendre. A l’entrée, il y a une petite grotte. L’architecture de cette église est étonnante, elle est assez sombre.

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    Dans la chapelle où nous entrons, un homme est en train de prier. Nous ressortons pour ne pas l’importuner mais il nous invite à entrer et entame la conversation avec moi. C’est un congolais de Kinshasa, il est étudiant dans une université proche et repartira au pays dans un an. Une nouvelle occasion de parler de cette bouffe zaïroise qui me manque parfois. « Je m’appelle Emile Zola », dit-il. Dans la nuit, sur Skype, mon ami F. qui commence sa soirée au Mexique m’assure avoir, de son côté de l’océan, rencontré un Victor Hugo.

    Nous voici de nouveau sur les trottoirs biscornus de Casa. Il faut toujours regarder ses pieds, car il y a plein de pièges. Les trottoirs font un bon vingt centimètres de hauteur et régulièrement, des tiges de métal en jaillissent. L’agitation a fat place à un quartier très résidentiel, bordé de villas cossues d’où s’échappent des bougainvillées. Enfin, je crois, car enfant de la jungle urbaine, je suis absolument nulle dans l’art de reconnaître fleurs, plantes ou arbres. Le quartier est très agréable et la balade fort plaisante. Nous arrivons devant devant une haute porte, c’est le palais royal, gardé par des hommes en uniforme. On ne voit absolument rien de ce qui se cache derrière la haute enceinte. « Viens de ce côté, dit Mohammed, on n’a pas le droit de longer les murs du palais, il faut marcher de l’autre côté de la route. C’est à cause des terroristes ».

    Nous avons atteint le quartier des Habbous, où se trouve la médina construite par les français, à l’identique d’une typique médina marocaine, pour loger les travailleurs. Mohammed pénètre dans une pièce sombre, c’est là que l’on cuit les gâteaux fabriqués de l’autre coté de la ruelle et venus dans la pâtisserie Bennis Habbous. « Une des meilleurs pâtisseries de la ville, on envoie ces gâteaux en France », assure Mohammed, qui prend la pose de bon coeur. Dans la pâtisserie Bennis Habbous, ce sont les hommes qui officient et avec leur accord, je prends des photos de leur petit laboratoire. Dans une boulangerie voisine, deux jeunes garçons m’offrent un morceau de pain tout jute sorti du four. « Les gens font leur pain à la maison et viennent le cuire dans les fours communs » explique Mohammed. Tout comme les Crétois et leurs olives.

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    Nous voici de retour dans la foule et l’agitation d’un souk. Sur un étal, Mohammed entame au couteau l’écorce tendre de juteuses figues de barbarie, qu’il me tend. Miam. La voix d’al muezzin s’élève tandis que je bavarde et Mohammed m’explique qu’il faut éviter de bavarder ou faire du bruit à ce moment-là. Et c’est vrai qu'autour de nous, les postes de musique qui braillaient se sont tus, tout à coup.

    « On a beaucoup marché, on va boire un petit thé. Je vais t’acheter des gâteaux pour manger avec le thé », dit Mohammed. Nous nous installons dans un café et j’observe l’agitation d’un souk. Il y a là des porteurs d’eau, coiffés de drôles de chapeaux rouges, des vendeurs qui frappent la semelle des babouches qu'ils vendent, comme pour attester de leur solidité, et d’autres qui haranguent la foule. "On a marché à peu près 5 kilomètres" dit Mohammed.

    Je dois retourner à l'hôtel et nous nous plongeons de nouveau dans l'effervescence du marché. "Les gens commencent à préparer la fête du mouton, dit Mohammed. C'est jeudi prochain". Il m’aide à choisir des babouches pour Oh!91. Le ton monte soudain à côté de nous et j’assiste, médusée, à une engueulade fracassante entre un homme et une femme.  

    Il est 16h, nous hélons un petit taxi et le chauffeur est un sacré phénomène. Il me raconte que des Français lui ont donné de l'Immodium pour stopper ses problèmes de diarhée dûs à un abus de merguez. Puis il parle de Sheila qui aime les chiens et les chats, je me demande s'il ne confond pas avec Brigitte (Bardot). Ce type est incroyablement drôle, on dirait Khadafi en beaucoup plus jovial. Il essaie de me convaincre de me marier parce que "Le mariage, c'est bon, le mariage".

    En chemin, il pointe du doigt un jeune qui titube, complètement bourré. Il raconte sa visite en France, en 1975 et éclate d’un rire franc quand je raconte que je veux revenir faire du cheval avec Mohammed. Je suis moi-même pliée. Je n’ai pas compris la raison de son hilarité mais j’étais ravie de le faire autant rire.


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     Arrivée à l'hôtel, j'enlève mes chaussures avec soulagement. Pas mal, mes chaussures de marche, non ?

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  • Dernière fois à la Sqala

    Dimanche matin, je franchis les portes de la Sqala quelques minutes seulement avant la fin du service du petit-déjeuner. Cette fois, je délaisse le gargantuesque ftor et choisis l’assortiment de crêpes marocaines avec un jus d’oranges pressées. K. m’offre en surplus fromage, olives et pain.

    Dans le patio ensoleillé, autour de la fontaine, les familles sont attablées. Les enfants font des caprices, hypnotisés par les jets d’eau, une petite fille, qui ressemble à ma  nièce avec son bandeau rose dans ses cheveux bouclés joue à « tu me vois, tu me vois plus » derrière le muret vert. Son petit frère arbore un tee-shirt « mon papa c’est le plus cool ». Le chat fait sa toilette, confortablement installé sur une galette de paille tandis que la jeune fille qui ressemble – de loin – à Pocahontas avec sa jolie natte tressée de mèches auburn place les clients. Je suis subjuguée par sa beauté et sa grâce.

    J’ai passé plus d’une heure à lire et observer mes voisins ; il est temps de partir à la découverte du centre de Casa. A la sortie, j’hésite quelques instants et tente le tout pour le tout. Je me penche vers Pocahontas qui me salue déjà de son sourire magnifique et lui dit «  Excusez-moi, mais je voudrais savoir s’il est possible que je prenne une photo de nous deux ensemble. Je vous trouve très belle ». Elle sourit et acquiese. « Et moi, je ne suis pas sur la photo ? Je suis jalouse » dit sa collègue, qui porte le prénom d’Esperanza. Nous prenons plusieurs photos, sur lesquelles l'espérance et la vertu m'entourent, nous discutons quelques minutes et échangeons nos adresses e-mail.

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    Sur l’invitation de A., je grimpe sur la terrasse qui surplombe la Sqala, et prends quelques clichés du port et des environs avant de m’éloigner. Je ne savais pas que ce serait ma dernière fois à la Sqala, en tout cas pour ce séjour. Tu avais raison, F., la Sqala est un endroit génial et tout à fait authentique. La gentillesse du personnel, les boutades du gérant  et le plaisir simple d'être là, à l'ombre des orangers, et même sur les inconfortables chaises en métal, à observer discrètement les familles casablancaises me manquera.  

  • Casablanca avec K. le gentleman

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    F. le lover hispanique m’avait recommandé, la veille, une adresse pour changer de l’argent, sur le boulevard Houphouet-Boigny. Le numéro indiqué est un magasin de vestes et sacs en cuir. J’ai dû me tromper. Pourtant, lorsqu’un homme, assis devant une boutique voisine, me propose du change, je comprends que les commerçants marocains sont polyvalents. J’entre dans la boutique, un vieux me fait signe d’entrer dans sa guérite, au fond, et compte les billets devant moi : j’obtiens 660 drh pour 60€.

    Il est 15h, je m’attable à la Taverne du Dauphin et commande une friture de poissons. Le service est bien plus long qu’à la Sqala et mon plat arrive à l’heure où j’ai rendez-vous avec K. Je traverse le boulevard en courant, personne devant mon hôtel. K., posté à l’écart, s’approche timidement de moi, dans un blouson de moto. Depuis mon arrivée, je m’étonne que les gens soient si couverts car pour moi, il fait chaud. J’invite K. à m’accompagner au restaurant, le temps que je finisse mon repas. Il s’installe face à moi pendant que je termine mon déjeuner de merlans, solettes, crevettes, éperlans et calamars, savoureux mais bien trop copieux.

    K. n'a que 2 heures devant lui. Je suis touchée qu'il me consacre sa pause. Nous montons dans un petit taxi qui nous dépose au pied des Twin Center. J’esquisse un geste pour payer mais comme Charaf, quelques jours plus tôt, il repousse ma main avec une fermeté qui n’autorise aucune contradiction. K a pensé me faire plaisir en m’emmenant dans un centre commercial à l’européenne alors j’occulte les Zara, Mango et autres et me concentre sur les vitrines exposant des tenues colorées et scintillantes. K. m’explique les différences entre caftans, jellabas et gandouras. « Il y a beaucoup de monde car aujourd’hui, c’est un jour férié, en mémoire de la Marche Verte », m’indique K.

    Et qu’est ce que c’est la Marche Verte ? K. répond à ma curiosité, que je satisfais plus encore le soir-même, sur internet. La Marche Verte, c’est une marche pacifique qui eut lieu le 6 novembre 1975 et permit aux Marocains de récupérer le territoire du Sahara .occidental, occupé par les Espagnols.

    Pour un morceau d'histoire, chère à Mamz'elle Gigi, c'est ici.

    K. m’offre un thé dans un café voisin et je force un peu sa timidité pour le connaître mieux. Il vit avec sa mère et sa famille, un peu en dehors de la ville. Il a fait une école hôtelière  et me briefe sur les usages en matière de pourboire. "Ce n'est pas compris, comme chez vous. Ici, on laisse en général 10% de la note". Quand on voit la "qualité" du service compris en France, on se dit que le service non compris a du bon. Enfin, c'est mon avis. Peu avant 18h, K me dépose à mon hôtel et retourne travailler. Le vouvoiement dont il n'arrive pas à se départir, trop bien formé, la fierté que je devine et la pudeur de ce garçon m'ont durablement troublée.

  • Le trône de Dieu sur l'eau, Chadia et Dagmar

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    10h, je m’installe dans le patio de la Sqala pour le ftor dont on m’a vanté les délices. On m’apporte jus d’oranges pressées, café Lavazza et milk-shake aux dattes, amande et fleur d'oranger. A ma gauche, un présentoir de coupelles contenant huile d’olive, huile d’argan, amlou et miel et au-dessus, les délicieux petits pains ronds, du fromage Jben et des olives.

    Dans une jolie assiette en céramique bleue, une baghrir, délicate crêpe à trous dont je me régale chaque matin, un msemen, cousin des mutapas indiens de Ma Shik Shik, une harcha, sorte de blini de semoule et un sfenge,doughnut aérien. Il faudra que je m'essaie aux recettes du livre de cuisine marocaine que m'a offert mon amie Esperanza. J'ai désigné mon cobaye : Boug', chevalier sans peur et sans reproche. 

    Et pour finir, comme si ce n'était pas assez, sous un chapeau en terre cuite se cache une brouillade d’œufs au khlie en tajine, un chouia trop salée pour moi.

    Il est maintenant 10h30, la visite guidée commence dans 30 minutes. Je hèle un petit taxi qui me dépose en dx minutes devant l’immense esplanade qui abrite le complexe culturel et religieux Hassan II, dont la mosquée du même nom, deuxième plus grande mosquée au monde après la Mecque. Marcher de la route à la billetterie prend déjà 5 bonnes minutes. Je repère un groupe sous un panneau « langue française ». Derrrière moi, une jeune femme s’impatiente. « Excusez-moi, ticket ? » me demande-t-elle. « Oui » et puis après quelques instants, je lui demande si elle est française. Non elle est allemande et devinez d’où ? De Berlin ! Quand je vous disais qu’il se passe un truc cette année entre moi et l’Allemagne … Dagmar est fort sympathique et je propose que nous nous retrouvions sur le parapet après la visite. Je file car mon groupe a déjà commencé la visite. Le temps d’enlever mes chaussures, je tente le premier groupe. Ah non, là c’est espagnol. Je m’apprête à en rejoindre un autre mais je reconnais la connasse qui a répondu fuck you à des gamins qui criaient « Welcome to Morocco ». Anglais, donc. Et celui-là ? Je tends l’oreille. Yep !

    Notre guide est jeune et a beaucoup d’humour. Il explique la volonté du roi Hassan II de construire un édifice religieux permetant la rencontre de différentes religions et pointe la forme rectangulaire de la mosquée, similaire aux cathédrales, ainsi que les mezzanines, similiares à celles que l'on trouve dans les synagogues. La liste des différents matériaux utilisés pour édifier cette majestueuse mosquée est impressionnante: plafonds en bois de cèdre sculpté, sol en marbre, colonnes en granit, zellige décoré sur place. La mosquée est équipée d’un toit ouvrant « pour donner de l’air aux fidèles, dit notre guide, mais maintenant le problème ce sont les pigeons ». Au fond sur deux colonnes en granit, l’arbre généalogique de Hassan II est sculpté en lettres d’or. En acajou incrusté d’ivoire, le minbar, chaire de prêche « à ne pas confondre avec le minibar »,précise le guide. Il nous donne « 5 minutes pour japoniser » puis nous descendons dans la salle des ablutions où se trouvent 41 fontaines, et enfin le splendide hammam qui n’a jamais été utilisé à ce jour.

    A l’extérieur, je m’assieds sur le parapet où se trouve déjà des familles et des touristes. En contrebas, des gamins jouent dans les vagues de l'oécan, d'un bleu-vert laiteux. Bientôt j’aperçois la jupe rouge de Dagmar. Elle me présente Joachim, un autre berlinois mais originaire de Fribourg, rencontré la veille à l’aéroport. Joachim est quasiment le sosie de mon ami irlandais Cliff et il parle très bien français. Nous prenons des photos de la mosquée et des environs. A ma droite, accoudées au parapet, 3 femmes coiffées de foulards nous observent en souriant. La plus jeune d’entre elles me parle, mais en anglais, étonnamment. Chadia a 21 ans, elle est étudiante en décoration intérieure et elle me présente ses compagnes, qui ne parlent pas français. Khadija porte un joli ensemble mauve, elle semble assez timide, contrairement à la troisième qui rit beaucoup. Je leur montre sur mon téléphone les photos que j’ai prises depuis mon arrivée, elles se marrent quand je parle du ftor, et puis des photos de Paris et de mon frère, et j’en profite pour réviser mes pauvres notions d’arabe, oui, c’est bien mon khouya. Elles sont surprises de mon âge, autant d’ailleurs que je le suis d'apprendre que je suis la plus âgée des 4.

    « Tu es sur Facebook ? » demande Chadia. Et merde ! Chadia a eu raison de ma réticence, cette fois ça y est, je m’y colle. En attendant nous échangeons nos adresses e-mail.

    Dagmar réapparaît, elle est délicieusement exubérante et nous offre un récital privé, d’abord Milord et puis en guise d’adieu à nos amies casablancaises, une chanson en allemand. Car Dagmar est chanteuse à Berlin et je rêve déjà de l’y écouter. Un extrait de l'ambiance, ce matin, sur l'esplanade de la mosquée :


    podcast

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    J’embrasse Chadia et ses amies / famille ? et comme Dagmar a déjà un programme, je propose à Joachim d’aller se promener ensemble avant que je ne retrouve K., le gentleman serveur de la Sqala, à 15h30.