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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 16

  • Marie et Bruno au Café de Bouzigues, à Aigues-Mortes

    Photo261.jpgLa semaine avait pourtant commencé mollement. J'étais très fatiguée de ma semaine éreintante à Angoulême et ce lundi matin, je découvrai avec agacement que mes trois stagiaires, dernier groupe de 7 à être formées, étaient visiblement venues en formation à reculons, effrayées par les retours des précédents groupes.

    Pourtant, ouvrir les rideaux, au saut du lit, sur la mer et les mouettes virevoltantes, et m'endormir le soir au bruit des vagues valait toutes les grimaces du monde. Et le soir, franchir le pont tournant puis prendre le volant, dans la nuit noire, pour rallier Aigues-Mortes, piloter ma voiture dans ses ruelles étroites, me garer le long des remparts, niquer mes talons sur les pavés, et m'installer dans un de ses très bons restaurants, vides de touristes était un moment de détente que je savourais à sa juste valeur.

    Hier soir, déjà, je m'offrais un petit plaisir : me faire tripoter les cheveux par Luc, très sympathique coiffeur au charme troublant, installé à côté du Super U Port-de-pêche. Quand il m'a demandé "Et alors, comment ça a été, cette journée ?" en me parlant de mes trois poils sur le caillou comme si j'avais la toison de Samson, j'ai oublié le poisson mal décongelé du midi. Je l'ai même tutoyé. Luc est le genre de coiffeur dont j'imagine que toutes les clientes sont amoureuses. Maniant ciseaux et peigne avec la légèreté d'un oiseau, il discute manifestations et éducation nationale. Dommage que je ne puisse pas répondre à son invitation à essayer des choses ensemble (il parlait de coupes de cheveux bien sûr).

    Après avoir confié mes cheveux à Luc, je remettai mes pieds entre les mains d'une podologue-pédicure qui me fit des petons de poupon. Hier soir, je vous l'ai dit, c'était la fête à Fiso.

    Aujourd'hui, mes stagiaires ont le sourire et la plus râleuse des trois est allée acheter une fougasse d'Aigues-Mortes pour "me faire goûter la spécialité du coin", que nous partageons autour d'un café imbuvable, l'après-midi. J'observe, amusée, une très maigre jeune femme de l'étage gratter conscinecieusement le sucre du dessus de la fougasse, dont elle s'enfile 3 parts.

    Aujourd'hui, c'est ma dernière soirée au Grau-du-Roi. Reposée par le profond sommeil dans lequel je m'enfonce chaque soir, je m'offre un jogging de près d'une heure au ras des vagues, entre le quai Colbert et Port Camargue. Sur le sable, des grappes de moules mais aussi d'hideux sacs en plastique enfouis dans le sable, des gobelets, des chaussures oubliées, des crabes blanc-gris léchés par le sel, des squelettes de poissons et sous mes baskets, des coquillages en miettes. Lorsque le soleil se couche, transformant les nuages en barbe à papa rose et parme, je m'étire face à la mer et rentre au Splendid hôtel me doucher. Parenthèse : le Splendid hôtel est super. On y dort comme un bébé, y'a du fromage et du jambon au petit déj' et la jeune fille anglaise préposée au service est adorable.

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    Il est presque 21 heures quand je pousse la porte du Café de Bouzigues, à Aigues-Mortes, endroit chaleureusement recommandé par la jeune poologue. La veille, me heurtant à la porte close, j'avais retrouvé avec plaisir le service irréprochable et la délicieuse soupe de poissons du restaurant les Arcades. Outre le service toujours aussi soigné, les olives vertes "de notre jardin", dixit la serveuse, et le feu dans la cheminée, mention spéciale au restaurant les Arcades : sur la table, un porte-serviette cache un sac en plastique pour emporter les bouteilles de vin non terminées.

    Le Café de Bouzigues est bien rempli et les couleurs chaudes. Au mur, des affiches de taureaux et des guirlandes lumineuses. Personne pour m'accueillir alors je patiente près du bar. Un homme est assis, me sourit, se lève précipitamment, vaguement embarassé : "Je suis client, mais je vais le chercher".

    Pas le temps de l'arrêter, de lui dire que je ne suis pas pressée, il a disparu au fond du restaurant. On m'installe à une table de deux, voisine de la sienne. Je sens qu'il m'observe. J'avise des livres de la région, chouette j'aurai de quoi remplacer mon roman de Nick Cornby, que j'ai oublié à l'hôtel. Pourtant, ce soir, je ne lirai pas. Une jeune femme brune a rejoint le client prévenant et ils ont pris place sur une table ronde.

    Il se penche vers moi "Si vous voulez gratter l'amitié avec nous, vous êtes la bienvenue". Faut pas me le dire deux fois et après confirmation, je prends mon sac et m'installe à leur table. Les présentations sont faites : Fiso, Bruno, Marie.

    Bruno, qui a des cils noirs de faon, m'apprend qu'il est restaurateur au Grau-du-Roi. Son restaurant c'est le B Plage, non loin de mon hôtel. Marie, originaire de Sète, travaille au Yacht Club, à la Grande Motte. Et tandis que je me présente, Christophe, le patron du café de Bouzigues, s'installe pour dîner avec nous (enfin, c'est moi l'intruse, comme vous l'avez compris). On nous apporte la mise en bouche, une mousse de raifort sur saumon fumé, coiffé de pousses de betterave. Parenthèse : les mises en bouche sont une attention que j'ai découverte en province. A Paris, rien n'est gratuit. Fin de la parenthèse.

    "Nous fumons nous-mêmes notre saumon" dit Christophe et je les suis lorsqu'il traverse le patio, Marie sous le bras, pour lui montrer son fumoir. Il en est très fier et s'amuse à fumer toutes sortes d'aliments. Si le taureau fumé est dégueulasse, il paraît que le magret fumé, c'est une "déchirure".

    En entrée du menu complet à 29€50, je choisis des huîtres de Bouzigues gratinées au beurre blanc, crème de panais tandis que Bruno se tape un foie gras poêlé aux figues. Maintenant, je le sais, les huîtres de Bouzigues proviennent de l'étange de Thau, à proximité de Sète, découverte l'année dernière.

    En plat, nous tombons d'accord sur des encornets farcis d'une compote de pieds de cochon et de gambas, polenta dorée et coulis d'étrilles. Je louche sur le pigeonneau désossé, mais charnu, dans lequel Christophe mord avec gourmandise. Les encornets sont délicieux, la polenta un peu trop salée à mon goût. 

    "Pourtant, je n'y croyais pas, quand mon chef Renaud m'a sorti ce mélange pieds de cochon-encornets" dit Christophe, précisant que la carte est changée chaque mois. comme ils me regardent mitrailler les plats et la déco d'un air perplexe, je confie que je suis blogueuse. "Coupe le micro, Fiso" dit Bruno. Ce soir, pourtant, le plaisir n'était pas seulement dans l'assiette. Loin de là. D'ailleurs, mes photos ne rendent rien. On s'en passera donc, mais croyez-moi, le café de Bouzigues est un endroit où l'on mange bien.

    Le repas se poursuit de façon très conviviale. Je les écoute discuter de leurs difficultés de restaurateurs tout en admirant le charme piquant de Marie, très élégante avec ses cheveux cuivrés et ses lunettes carrées. Bruno fait défiler sur son I-Phone les photos des plats qu'il sert dans son restaurant, comme pour me prouver que contrairement à ce que m'ont dit mes stagiaires, il y a aussi de bons restaurants au Grau. Et c'est vrai que ses parilladas de poisson ou encore sa morue fraîche font envie, de même que les transats en bord de plage.

    "Le rosé ça fait bronzer" dit Marie, et moi j'ai pris un petit coup de soleil alors vers 23h, je salue mes convives. "Ce fut un vrai plaisir de faire ta connaissance", dit Marie. "Merci à vous de m'avoir invitée à votre table, c'est la première fois que cela m'arrive en 2 ans" dis-je en lui serrant la main. "Ah mais Bruno, c'est un gentil, il aime les gens".

    Et moi, j'aime les gens qui aiment les gens. Alors si je reviens dans la région, cette fois, je n'irai pas dîner à Aigues-Mortes. J'irai saluer Marie et Bruno et boire à l'amitié.

    Ce soir-là, dans la nuit noire, avec les marais salants quadrillant mon GPS de lignes oranges, je réalisai, avec une pointe de tristesse, que c'était la dernière fois que je faisais la route entre Aigues-Mortes et le Grau-du-Roi.

    A l'entrée de la ville, j'obéis à la voix qui me dit de prendre à droite, puis à gauche, et je m'engage dans les rues désertes de la ville, jusqu'au boulevard du maréchal Alphonse Juin où j'ouvre ma portère sur les cris des mouettes et le ressac des vagues.

    J'aime ces endroits inconnus qui me deviennent familiers après quelques jours. Comme le corps d'un homme qu'on aime au présent, dont on veut retenir chaque détail. On s'enivre de son parfum en se disant que ça ne durera pas, on tente de retenir la magie de l'instant, de la graver dans sa mémoire sensorielle. Je n'oublierai pas de sitôt Marie et Bruno. Je m'habituais déjà à attendre patiemment que soit terminée la valse des bateaux dans le port du Grau-du-Roi pour franchir le pont tournant. A découvrir le lever du soleil sur la mer, comme si j'avais grandi avec ce spectacle sous les yeux.

    Je suis un caméleon. Une tortue qui balade sa maison sur son dos. Se sentir partout chez soi, est-ce que cela veut dire n'être nulle part vraiment ?

    Le salon de coiffure de Luc

    Le Yacht Club à la Grande Motte

     

     

     

  • Leçon de choses sur le cognac

    Je suis en train de déguster les dernières bouchées caramélisées de ma brochette d’ananas confit quand j'avise Serge Ferron, le patron de l’hôtel dans lequel je dors ces jours-ci, qui déboule dans la salle à manger et fait plusieurs aller-retours avec des bouteilles et de drôles de récipients en cuivre qu’il pose devant deux hommes. Je suis super jalouse, je dois le dire et je sens que je vais mal dormir cette nuit.

    Les trucs rouges, c’est la version miniature des alambics charentais de cuivre rouge dans lesquels on procède à la double distillation des cépages blancs. M. Ferron explique comment le cognac est fabriqué et j’ouvre grandes mes oreilles. « On chauffe, on distille une première fois et on obtient un liquide trouble, le brouillis, qui titre environ 30°. Si on chauffe encore, on atteint 70°, c’est le coeur, un liquide imbuvable à ce stade. Ensuite, on met le cognac dans des fûts de chêne, qui lui donnent sa couleur dorée, pendant plusieurs années. Quand vous le buvez, le cognac est à 40°. Ça veut dire qu’un bon cognac a 30 ans »  (p’tain quelle mémoire j’ai, quand même !).

    « Le cognac, c’est comme un homme, poursuit-il. Ca commence à être bon à partir de 15 ans et jusqu’à 50 ; après ça tombe en décrépitude. Fleurs, fruits, épices, voilà les trois âges d’un cognac. Après c’est cuir et vanille.»

    Il signale aux goûteurs que de l'autre côté de la route, on passe en quelques mètres de la Grande Champagne à la Petite Champagne. « Quelle différence ça fait?" demande l'un des hommes. « Les meilleurs cépages sont en Grande Champagne. Un bon cépage, ça peut se jouer à 1 mètre. Pourquoi ? Parce que le type qui a planté les cépages a parfois contourné un terrain parce qu’il n’aimait pas le propriétaire.»

    Il explique aussi que les cépages se sont regroupés le long de la Charente puis rapprochés des côtes atlantiques pour acheminer le liquide vers les pays nordiques car les Hollandais raffolaient du cognac. 

    «Regardez dans les campagnes : quand vous voyez des étendues de tuiles noires, ça veut dire qu’en-dessous il y a des chais de cognac. D’ailleurs, beaucoup de maisons dans les villages charentais sont noires ; c’est à cause de l’évaporation. On appelle ça la part des anges. »

    Serge Ferron verse le liquide doré dans des verres en précisant « Tenez le verre à la verticale sous votre nez. Ensuite mettez le nez dedans et respirez. Puis prenez une gorgée que vous gardez sur la langue ; ça doit vous picoter. Ensuite vous pouvez boire. »  

    « Ça sent la poire dit le plus âgé des deux . La poire ? Putain, ce serait bien con ! » répond M. Ferron (il a raison, Serge, passé 50 ans, ils ont le cerveau qui s'embrume)

    Aujourd’hui, les producteurs de cognac peuvent dire merci aux rappeurs américains qui leur font une belle pub dans leurs clips.

    Pour ma part, je bois du pineau. Question de souvenirs. Il y en a toujours une bouteille chez moi. C’est Mamie Coco, ou mes parents, qui me ravitaillent. D’ailleurs, je la vois demain soir, elle m'offre le resto pour mon anniv' qu'elle a oublié ((hé hé hé). Je sens que je vais me marrer et comme c’est moi qui conduis, elle ne pourra pas me faire le coup du sens interdit.

  • Eat'n Cure à Montrouge

    Photo303.jpgUne pièce de théâtre intitulée "Blogueuse" à la Manufacture des Abesses, nous ne pouvions pas rater ça ...

    Ce fut un moment plein de détente même si nous nous attendions à tout autre chose. En effet, la blogueuse n'est pas le thème central de la pièce, parfois même on se demande la raison du choix de ce titre. "Geek" aurait été plus approprié, à la limite.

    J'ai franchement ri aux éclats le dernier quart d'heure, après l'arrivée - trop tardive - sur scène du "mec de la blogueuse" (beau gosse le Adrien Durrmeyer, en plus).

    Il le dit : "En 2000, l'enfer c'était d'être le mec d'une actrice, en 2010, l'enfer c'est d'être le mec d'une blogueuse. Déjà qu'elle racontait vos pannes d'érection à ses copines, maintenant elle donne à lire votre vie privée à des milliers d'internautes, sous le prétexte qu'elle utilise des pseudos et qu'on ne vous reconnaîtra pas".

    Rires aussi en me reconnaissant dans le portrait de la blogueuse qui raconte en détail la composition de la salade qu'elle a mangé le midi (sauf que je mange rarement des salades).

    Quelques pistes qui auraient mérité plus ample développement, comme la consultation frénétique des stats de fréquentation ou la perplexité devant l'arrivée de visiteurs sur son blog via l'expression "fellation à un prêtre".Moi c'était "nonnes délurées", j'ai aussi régulièrement "abricot fendu".

    Dommage, il y aurait vraiment eu de quoi écrire sur les névroses des blogueurs. Boug' et moi, on pourrait en écrire des tartines. Cependant, on ne s'ennuie pas et les trois comédiennes, très différentes, sont pétillantes et talentueuses (et surtout j'ai louché pendant toute la pièce sur la superbe paire de chaussures corail de Céline Espérin).

     

    Après le spectacle, comme j'avais passé la journée à glander plutôt que d'aller acheter de la salade pour le dîner du soir, j'ai proposé à Boug' un dîner dans un restaurant indien au concept novateur : le seul et unique restaurant proposant la spéléothérapie (thérapie au sel naturel).

    En l'absence de mines de sel en région parisienne, on peut profiter, tout en se régalant, de la richesse en ions négatifs du sel qui permet de réduire les problèmes d'asthme, allergies, problèmes respiratoires ou dermatologiques. L'idéal serait donc d'aller dîner en bikini. Je vais d'ailleurs proposer à JC d'offrir une coupe de champagne (pour moi, le digestif maison fera l'affaire) aux jeunes femmes qui oseront. Voilà sans doute le meilleur moyen d'augmenter rapidement la fréquentation de son restaurant, qui le vaut bien.

     

    Eat'n Cure (littéralement "Mange et soigne") se trouve dans une rue très calme de Montrouge, à deux pas de l'hôtel Ibis et à dix minutes à pied du métro Porte d'Orléans.

    Il propose une terrasse mais le plus beau est à l'intérieur : les seules sources lumineuses du restaurant sont diffusées à travers des briques de sel d'un bel orangé, provenant de l'Himalaya. Cela donne une lumière douce et relaxante.

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    La carte n'est pas en reste, on y trouve, outre des plats à moins de 10€, un menu entrée-plat-dessert à 14€90 et le midi, un buffet à volonté pour 12€. Le patron, John Christopher, est venu prendre notre commande et m'a même cuisiné un agneau jalfrezi qui n'est pas sur la carte. C'est un des mes plats préférés et j'en trouve rarement sur les cartes des restaurants parisiens. Eat'n Cure livre à domicile et on peut même commander en ligne sur leur site.

    Et vous savez quoi ? Il est super sympa, John Christopher. Comme nous posions des questions sur les briques de sel, à la fin du repas, il s'est installé à notre table avec son ordinateur, nous a offert un café et montré des sites internet sur la spéléothérapie et des vidéos sur Youtube.

    Il y a pas mal d'endroits en Angleterre où l'on peut se détendre dans des pièces remplies de sel des murs au plafond. Au Pakistan, en plein coeur de l'Himalaya, on peut visiter la mine de Khewra, deuxième plus grande mine de sel du monde, où a été créée une clinique et dans laquelle on a construit une mosquée en briques de sel. On vient y passer une journée en famille, exactement comme dans la mine de sel de Ocnele Mari, en Roumanie, que nous avions visitée avec Dana.

     

    J-C nous a appris que la Pologne était le premier producteur mondial de sel, suivi du Pakistan.En France, s'il existe encore des mines de sel, il semble qu'elles soient fermées au public. On en trouve aussi beaucoup en Allemagne et en Suisse. 

     

    Les derniers clients partis, nous sommes restés tous trois à discuter un long moment, en sirotant le digestif maison à base de litchi, rose et banane et quelques gouttes de liqueur Paan, à base de feuilles de bétel, herbes et épices (ça sent super bon!).

    Et au moment de notre départ, John Christopher nous a offert, à chacune, un autre très beau cadeau. Je m'en lèche encore les doigts.

     

    Eat"n Cure au 7 rue Danton à Montrouge [M° Porte d'Orléans]

    (Tél : 01.46.56.23.40)

     

  • Tiramisud aux fraises picardes

    Photo179.jpgCe fut une chouette semaine. On m'a envoyée au sud puis au nord, dans des villes où j'ai des amis blogueurs et je n’ai pas dîné en solitaire un seul soir sur mes 5 jours de déplacement.

    A Montpellier où - ça devient une habitude -, j'ai posé mes affaires à l'hôtel golf de Massane avant de filer chez mes amis. Lancelot avait fait un « tiramisud » au tomates et mascarpone parfumé de parmesan et basilic, et c'est trop bon, j'ai vidé la soupe de poissons, et aussi un verre de vin blanc. Je le redis encore, je me sens vraiment bien chez eux, j'aime leurs anecdotes et leur accueil, toujours sincère et chaleureux.

    Et puis, le lendemain matin, après un saut dans mon lit, j'ai pris la route pour Amiens. Elle avait demandé "Un concert de flûte, ça te dit ?", alors le soir, après ma formation, j’ai posé ma voiture devant l'hôtel de l'Univers, en plein centre, et munie d'un plan de la ville, j'ai emprunté la rue piétonne, tourné à gauche puis à droite, et suis arrivée pile poil au Conservatoire pour le dernier morceau du concert de flûte de fiston. Ca m'a rappelé mes propres années au conservatoire, et la gueule de ma prof de piano quand j'avais sorti la partition de Bartok grignotée par Pepita, mon hamster couleur abricot que j'emmenais avec moi en cours, dans le sac.

    Au concert, à côté de ma copine blogueuse, y'avait une petite fille constellée de taches de rousseur qui me dévisageait avec curiosité, un petit lutin aux yeux bleus avec une tête d'irlandaise, trop mignonne. Arrivés chez sa maman, on a galéré pour allumer la gazinière (trouve le mode d'emploi, bordel!), en gros pour le moment faut laisser le doigt dessus, sinon ça s'éteint.

    Après le Martini et avant le repas, le petit lutin aux reflets cuivrés m'a emmenée dans sa chambre, j'ai dû faire un câlin à Plume le chat et on m'a lu une histoire, que j'ai écoutée sagement en tripotant la montgolfière de Barbie. J'ai dîné en famille  c'était super, et ensuite, la maman et moi on a bu de l'eau chaude aromatisée et discuté jusqu’à ce qu'un hurlement retentisse à l'étage. La petite fille était en larmes et j'ai relevé la mission, trouver Plume le chat qui s'était enfui, l'extirper de dessous le lit en répétant bêtement une dizaine de fois "Viens mimine" et en faisant des bruits bizarres avec la bouche - et ça marche - et l'amener à la petite fille qui m'a collé un gros bisou mouillé et sonore.

    Voilà, c'était super, et tellement bien que quand la petite fille a demandé si je revenais le lendemain soir, j’ai dit oui, bien sûr.

    Le lendemain, entre Doullens et Amiens, après un coup d’œil à la très belle église de la ville de Beauval, je me suis arrêtée au village de Flesselles. Mais que faisait Fiso dans un champ, munie d’un panier ?

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    Une demi-heure et 1kg 900 plus tard, j’envoyais un sms à ma copine : « T’as de la crème / chantilly ? J’ai cueilli le dessert ! ».

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    La piscine le Nautilus était fermée au public, du coup j'ai débarqué au n° 69 (la coquine !) plus tôt que prévu et on s’est jeté un petit martini en grignotant des gressins, avant de s’attabler devant une quiche lorraine sans pâte mais avec salade, délicieuse et légère. On a fait un sort aux fraises, charnues et parfumées, et un record de 30 fraises ingurgitées poour fiston. « Une noix de chantilly sur les fraises », c’est écrit sur la bombe, mais lui, là, il s’est avalé au moins l’équivalent d’un pomelo.

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    Après ça, douche pour la marmaille et moi j’ai piqué du nez, affalé sur une poire, bercée par FIP, jusqu’à ce que le petit lutin me grille en train de pioncer et rapplique, en pyjama, avec son bouquin sous le bras. Et vous savez quoi ? Elle lit trop bien, la petite fille parfumée à la vanille et moi j’ai craqué, et ma copine, je l’aime encore plus, alors je vais revenir, vite, parce que la Picardie, c’est très joli, que la lumière sur les briques rouges ça déchire, que j’ai pas vu la cathédrale ni les hortillonnages, pas acheté de chocolat et que je ne sais toujours pas ce qu’est un gâteau battu.

    PS : Et Boug', prépare-toi à un road trip jusqu'à Amiens, en août. Y'a pas de mais.

  • E., le marathonien à bout de souffle

    Il y a quelques semaines, il était réapparu sur le site de la SPH avec ce message « Tu vois, je suis à nouveau là ! ». J'avais répondu « Dis donc, j'ai jamais reçu mon billet d'avion ! » La dernière fois qu'il m'avait écrit, c'était en ces termes : « Bravo, tu as gagné un voyage pour la Papouasie, allez bye ».

    Il était sympa le marathonien mais assez déprimé. Pressé de « trouver quelqu'un », il enchaînait les plans cul et se réveillait avec la nausée. Il m'avait plusieurs fois proposé de se rencontrer mais je n'en avais pas envie. Un soir où il avait vraiment le blues, nous avions échangé longtemps et j'avais sollicité ses conseils de sportif. Quand il avait demandé « Tu ne trouves pas ça triste d'être seule ? », j'étais restée interdite. Heu, je suis censée dire quoi, là ? J'avais répondu ma vérité « Je ne suis pas seule mais célibataire. Et je ne trouve pas ça triste, non. »

    Une semaine plus tard, il avait oublié mon prénom. Je discute, moi aussi, avec plusieurs personnes simultanément mais j'ai au moins la délicatesse de me rafraîchir la mémoire en parcourant nos précédents échanges. Le jour de la St Valentin, n'ayant pas lu ce billet, il avait eu le mauvais goût de m'inviter à déjeuner. Devant mon refus, ferme mais courtois, il avait fait son Caliméro « Personne n'est jamais dispo pour moi ». Je l'avais mouché « Tu devrais arrêter de te taper tout ce qui bouge, tu t'emmêles les pinceaux et tu en veux à la terre entière ».

    Aujourd'hui, après une pause d'un mois, il semble plus serein et propose un verre, que j'accepte. A une station de la ligne 4, je suis tirée de ma lecture par trois africains qui chantent et jouent de la guitare sur le quai. Je connais cette voix... Je penche la tête, croise son regard. Oumar ! Merde, si je n'avais pas rendez-vous, je me serais assise à côté d'eux pour les écouter. J'espère, sans grand espoir, qu'ils soient encore là au retour.

    Je retrouve E. devant l'église St Eustache, alors qu'une pluie fine et triste commence à tomber. Crâne rasé, svelte, il porte une veste en velours bleu marine. Nous entrons dans un pub. Devant ma pinte de Guinness, il dit « C'est rare une fille qui boit de la bière ». Je sais. Nous nous installons et crions un peu au-dessus de nos verres car les écrans diffusent un match de rugby. Il est beaucoup plus détendu en vrai. Il travaille beaucoup avec mon ancien employeur. Explique qu'il s'est désinscrit parce qu'il ne supportait plus « ce baisodrome », qu'il trouvait pathétique de se réveiller le matin à côté d'une inconnue. Raconte cette femme qui, « après s'être jeté l'un sur l'autre comme des bêtes », avait adopté une attitude de femme amoureuse. « Elle va arrêter de me caresser le crâne, elle n'a jamais rencontré de chauve de sa vie, ou quoi ? » s'était-il demandé en bondissant sur ses deux jambes.  « Tu sais, le jour où tu m'as écrit que je devrais arrêter de papillonner parce que ça me rendait amer, tu avais tout à fait raison, c'était exactement ça », dit-il.

    Plus tard, nous voici attablés devant un chiche taouk, dans la rue Montorgueil. Alors qu'il parle, les yeux humides, de ses deux petits garçons « Quand je les retrouve, on se roule par terre, on dirait un lion et ses deux lionceaux », je pense avec amusement à mon tout dernier billet. J'ai exagéré, bien sûr. Je trouve cette nouvelle génération de pères très touchante. De là à le mettre sur son CV ...

    Maintenant il me demande pourquoi, d'après moi, je suis seule.  « Je vais te dire ce que j'ai pensé en te voyant. Ma première impression me trompe rarement. Avec toi, j'ai l'impression qu'on n'a pas droit à l'erreur. Ils te disent quoi, tes amis ?» Faudra que je leur demande, tiens.

    Nous nous séparons dans le métro. Je lui souhaite de bonnes vacances. Et reçois un sms quelques minutes plus tard « Navré de te quitter ». Puis d'autres. « Trop timide ». « J'aurais bien fait un câlin ». « Pas toi ? » J'envoie un sourire suivi de « Non. Profite bien de Lyon ».

    A la station Raspail, les sièges en plastique vert céladon sont vides, et le quai silencieux. J'enverrai un message à Oumar.