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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 11

  • ApérOpéra

    Mon prestigieux client déménage bientôt de la rue où s'alignent bijouteries, magasins et hôtels de luxe. Les femmes, qui suivent manifestement la mode dictée par Elle, y sont bronzées toute l'année. Dommage, je commençais à me constituer un joli carnet d'adresses entre la place Vendôme et celle de l'Opéra  Ce quartier, bien loin de mes lieux de villégiature, l'est devenu un peu plus depuis que je fréquente assidûment l'Oustaou Café et les restaurants japonais de la rue Sainte-Anne.
    Il y a quelques semaines, j'ai déjeuné d'un excellent rougail saucisses au restaurant Le Cap Bourbon, aux accents de l'île de la Réunion. Chaque jour offre son plat réunionnais et on peut aussi y manger de l'authentique cuisine de brasserie. Les plats y sont en moyenne à 13€, ce qui est fort raisonnable pour Paris, et encore plus pour ce quartier. Une vraie bonne adresse désormais sur ma liste de bons plans. En revanche, je suis restée perplexe en déchiffrant l'inscription du tee shirt d'un - pas si jeune - homme au bar : "J'étais pas un porc, j'avais pas la gale, avant le Portugal". D'un parfait mauvais goût, non ?

    Bourbon.jpg


    Ce midi, j'ai voulu tester une terrasse fort animée que j'avais débusquée, un jeudi soir, en allant acheter la merveilleuse burrata de la coppérative italienne.

    Le restaurant "Le Petit Vendôme", rue des Capucines, est un endroit étonnant. Une profusion de miroirs, affichettes, fanions, une vraie fête foraine ! L'ambiance y est très bonne franquette sur fond sonore élevé. C'est qu'on est là dans un authentique bar à vin où l'on sert de goûteux casse-croûte auvergnats. La foule qui s'y presse, dedans et dehors, témoigne du succès de son concept.

    En salle, on déjeune, coude à coude, sur des nappes à carreaux. Au comptoir, où jambons et fromages s'exhibent sans pudeur, on fait la queue pour emporter un authentique casse-croûte auvergnat.  Fritons, rillettes, saucisse sèche, andouille de campagne, terrine maison, frometons odorants, il y a là de quoi faire péter le taux de cholestérol sans une once de culpabilité. Les clients sont essentiellement des hommes (des vrais!) : jeunes, vieux, cadres et tout ça mélangé, ils partagent joyeusement une bouteille de pinard en se léchant les doigts.

    On me cale dans un coin. A la table voisine, deux "hommes d'âge mûr" (expression politiquement correcte pour ne pas dire vieux) saucent leurs assiettes de moules au roquefort. Marine, la serveuse, brune joliment décolletée et néammoins efficace, arpente la salle en criant "chaud chaud chaud !". Deux hommes s'installent à côté de moi. L'un d'eux, pas de pot pour lui, est obligé de se tourner vers moi pour me déshabiller dévisager à son aise. Il tente de lier conversation mais je coupe court à ses maladroites tentatives. Ma sociabilité ne m'a pas beaucoup réussie ces derniers temps.

    Petit Vendôme.jpg

    J'ai décidé de faire léger ce midi; ce sera donc saucisse-aligot. J'ai une pensée pour mon ami Oh!91 qui nous en avait régalés - entre autres délices dont il a le secret - lors de vacances en Dordogne. C'est savoureux et je suis gourmande mais je me fais violence et abandonne aux 3/4 de l'assiette, faisant la sourde oreille à la voix de mon enfance qui s'insurge "Finis ton assiette !"

    [Une des aberrations de nos sociétés - moi la première - ne manquant de rien : manger par automatisme ou ennui, rarement par faim, sans être à l'écoute de son corps qui dit "Assez!". J'ai fait,  quelquefois, l'expérience inédite d'arrêter de manger dès que je ne ressens plus ni faim ni plaisir : je suis rassasiée avec des portions incroyablement petites]

    Les clients qui entrent, visiblement habitués, complimentent la serveuse sur sa nouvelle coupe de cheveux. Je l'alpague "Il n'est pas dans le quartier, par hasard ? J'en cherche justement un". Quelques minutes plus tard, rendez-vous est pris avec Elie, à quelques mètres de là.

    En fin de journée, lorsque j'entre dans le salon, une cliente raconte des trucs salaces à la coiffeuse, un demi posé devant elle, en attendant que sa couleur fasse effet. Un homme entre, déclare venir pour une épilation maillot, charrie la cliente qui boit son demi de cervoise. "J'ai soif" dit-elle. "Si t'as soif, t'as qu'à boire du shampoing, y'en a plein ici."
    Elie m'installe devant un miroir et sourit, visiblement amusé de ma surprise devant cette ambiance très "Comète du KB":

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    "A cette heure-ci, on se lâche, dit-il. Ce sont tous des commerçants du quartier. Lui, là, avec l'accent du midi, c'est le cordonnier du coin et elle, c'est la serveuse du restaurant d'à côté."
    La patronne fait le tour de la salle : "Madame la cliente, qu'est ce que vous buvez? me demande-t-elle. Elle revient bientôt avec un plateau et pose un demi devant moi. Je me marre et me congratule  mentalement de ma capacité à me fourrer dans les bons plans, tout en trinquant à la santé d'Elie, qui m'a fait une jolie coupe printanière. Je suis sûre que Nicolas va être jaloux comme un pou : se faire payer un demi chez le coiffeur, faut le faire quand même ! Nico, à côté d'Elie, ta coiffeuse plate comme une limande ne vaut pas un clou !

    Le Cap Bourbon au 1, rue Louis le Grand (angle Danielle Casanova), Paris 2ème (01.42.61.81.05)

    Le Petit Vendôme au 8, rue des Capucines, Paris 2ème (01.42.61.05.88)

    sans oublier le meilleur bar du quartier, chez mes potes Kamel et Chichi : l'Oustaou Café au 28 bis, rue de Richelieu.

  • Dans nos murs

    Dans nos murs.jpgIl y a quelques semaines, j'ai reçu ceci dans ma boîte aux lettres :


    Bonjour,
    Pour ceux qui ne le savent pas encore, la jolie petite maison du 40 rue de la Vanne va bientôt être détruite.
    Presque 100 ans de vies, de joies, d'amour, d'épreuves, d'amitié, de fraternité, de partage et d'échange, vont s'éteindre avec elle et rester dans nos coeurs.
    Etant la fille des propriétaires et ayant toujours vécu dans cette maison, je souhaite marquer le coup, lui rendre un dernier hommage. Afin donc de fêter les vies qu'elle a portées et se remémorer les bonheurs partagés, j'organise avec l'association Arti'Street un évènement sur 3 jours les 2, 3 et 4 septembre 2011.
    Nous présenterons donc pendant ces 3 jours des expositions (photos, peintures, graffs, une exposition sur l'évolution de la ville de Montrouge), des concerts et des performances en tout genre.
    L'accès à la maison sera ouvert tout le week-end et jusqu'à 1h00.

    Hier soir donc, guidée par la musique, je me suis pointée devant cette maison peu après 21h.

    Dans l'ancien garage, une jeune fille accroche un bracelet vert à mon poignet. Il n'y a pas plus d'une dizaine de personnes, tous dans la vingtaine. Seule, je suis un peu intimidée.
    Le jardinet est décoré de lampions et de guéridons en métal. La maison, vidée de ses meubles, est ornée de tags. Au rez de chaussée, dans ce qui devait être le salon, je suis attirée par de très grands tableaux. Ce sont des portraits d'artistes noirs réalisés au collage. J'y retrouve Myriam Makeba, Louis Armstrong, James Brown, Frantz Fanon, fondateur du mouvement de pensée tiers-mondiste, dont j'ai lu "Peau noire, masques blancs" : : 

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    Je décide de me réfugier au sous-sol, où un jeune home blond mixe à merveille des morceaux de hip-hop. Gangstarr, merde, j'ai envie de danser ! Je pense à mon petit frère, s'il était là on danserait ensemble, du coup je l'appelle.

    « Il parait que tu es mignonne, dit-il en décrochant.
    — Ah bon ? Qui a dit ça ?
    — Mon pote Antoine. Ta photo est apparu sur mon téléphone quand il a sonné, il a dit "Ouh ! elle est mignonne !
    — Embrasse ton pote Antoine de ma part !
    Je lui dis qu'il me manque. « T'inquiètes, Fiso, je reviens définitivement à Paris dans 2 semaines, au plus.»
    Je raccroche avant que ma voix ne fasse des remous et retourne écouter la musique. Dommage que je n'ai pas, dans mes ami(e)s, d'amateurs de hip-hop. Les vieux de la vieille qui dansaient avec moi au Bobino et au Rex se sont mariés et ont fait des gosses. ils passent sans doute désormais leurs soirées devant la Star Ac' ou des séries américaines. J'en appelle un, pas rentré dans le moule non plus, mais il décroche en disant : « Je suis au taf', je te rappelle.»

    Un peu plus tard, je suis la flèche "Expos" et monte au premier étage. Une pièce abrite des portraits de tatoués et d'un vieil homme. Une autre des vues comparatives de Montrouge avant et aujourd'hui, mises en place par le sexy Guacamelo (il a passé le week end à se balader torse nu, le bougre!) J'adore imaginer la vie avant. En vieillissant, je succombe doucement à cette ridicule idée que c'était mieux avant. Pourtant, pour rien au monde je ne voudrais frotter le linge au lavoir avec les bonnes femmes du village, cuisiner chaque jour pour une tablée de dix ou quémander de l'argent à mon mari. Quoique. Elles se posaient moins de questions à l'époque. Bref, je m'égare.

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    Je redescends dans la pièce aux collages et me plonge dans une analyse plus minutieuse de ces magnifiques portraits. J'aime particulièrement ceux de Tracy Chapman et James Brown. Je regrette l'absence de Boug' qui s'était collée aux collages, à une époque. J'ai toujours une pile de magazines féminins à la con en stock pour elle. J'essaie de déchiffrer le nom de l'artiste, écrit à la verticale. Une jeune femme à la tignasse mousseuse, accompagnée d'une petite fille dans une robe rose de princesse, prend des clichés des tableaux : "C'est mon papa qui les a faits !"
    Chouette ! J'ai devant moi la réponse à mes interrogations. L'artiste, c'est donc Mustapha Boutadjine. Il vit à Bagneux mais son atelier est dans le 13ème arrondissement. Les portraits exposés ici appartiennent à la série "Black is toujours beautiful". Ci-dessous, d'autres portraits, issus des galeries "Insurgés" et "Poètes" :

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    « Normalement sa photo est insérée dans chaque tableau, il a des moustaches » dit-elle.
    Et en effet, sur celui de Tracy, je découvre un moustachu aux faux-air de Dali. Je m'extasie à vois haute et une jeune femme brune engage la conversation. Elle vit à quelques rues de chez moi, travaille dans le social et évolue dans le milieu artistique. D'après ce qu'elle a appris, la jolie maison laisserait place à un immeuble de logements.

    [Nous passerons le reste de la soirée ensemble, danserons un peu au sous-sol avant de boire un verre dans le jardinet. Cette jolie initiative de rassembler des gens, dans un quartier où il ne se passe jamais rien, ouvre une discussion sur notre ras-le-bol du virtuel. J'ai fini par céder et ouvert un compte Facebook il y a quelques mois, principalement destiné à mes connaissances hors-hexagone et j'en ai marre de ces connaissances ou même ami(e)s qui ponctuent mes rares publications de "J'aime" ou me balancent des "Coucou" publics, auxquels je ne réponds pas, alors qu'ils ont mon numéro de téléphone.]

    Dans le jardin, une jolie jeune fille aux lèvres fardées de rouge et au décolleté pigeonnant, canette de bière à la main, me claque deux bises. Elle est chanteuse de textes français et aussi de psyché-rock et clôturera le festival dimanche.

    Edit du 10 septembre :

    Le lendemain, samedi, j'ai fait la connaissance de Nassima, fille de l'artiste qui fait de très beaux collages, d'un grafeur en live branché reggae, de Sabrina, chanteuse soul et de Sarah, à la fraîcheur irrésistible et au sourire flamboyant.  Et puis, surtout, j'ai eu la chance d'écouter le groupe Square Circle et suis tombée sous le charme de son très charismatique chanteur, Julien. J'ai cherché des infos sur internet, mené ma petite enquête, dégoté deux vidéos Youtube mais pas de site internet, de page FB ou MySpace exploitable, et fini par lui envoyer un mail sur Facebook, où j'ai retrouvé sa trace. Dans la journée, j'ai croisé des têtes familières : un couple de mon immeuble qui comptent parmi mes chouchous, ma voisine rouquine du bout du couloir qui venait faire un tour en curieuse.

    Le soir, j'y suis retournée avec mes deux seuls amis du quartier et j'ai chopé le chanteur sur la pelouse. En plus d'avoir une énergie folle sur scène, il est absolument charmant, ce Julien. Il a été fort surpris que j'ai réussi à dégoter autant d'infos sur lui, et le coup de la recherche de sandwiches dans Londres l'a bluffé. C'est qu'il ne sait pas que je suis un petit reporter, le Julien, et têtue, en plus. J'ai ainsi appris qu'ils sortaient un CD en novembre et il a confirmé ce que j'avais deviné, à savoir qu'il vit à Londres.J'espère bien que Julien me tiendra informée, comme il l'a promis, de leurs dates de concerts car j'ai bien l'intention de les suivre.

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    J'aurai passé 3 jours dans la maison de la rue de la Vanne. Le dimanche, les proches se sont succédés pour les derniers moments dans la maison qui sera remplacée bientôt par un immeuble de bureaux. Le regard de Josette, retraitée qui vint là pendant des années, s'embua lorsqu'elle passa pour la dernière fois le portique de la maison. Les anciens propriétaires et les filles de la maison étaient là, eux aussi.

    Le soir, blessée par la bétise de 2 connards que j'ai eu le malheur de croiser, je suis aller mater un western devant un plateau de sushis chez un copain tout à fait charmant, lui. Et tant pis si, à l'heure où je suis rentrée chez moi, il me restait 4 heures de sommeil (il est 5h, Fiso s'éveille ...)
     

    Arti'Street

  • J., la bretonne qui n'aimait pas les pêcheurs

    C'est une femme de soixante-deux ans, très élégante dans son ensemble noir et blanc. Bien en chair, comme on dit, une jolie bouche fardée, un regard pétillant, un pendentif rosé autour du cou. J'ai beaucoup entendu parler d'elle mais la rencontre pour la première fois, ce soir.
    Elle a longtemps vécu en région parisienne et est revenue dans sa région d'origine il y a quelques années. Veuve depuis 9 ans, elle raconte qu'elle s'est inscrite dans une agence matrimoniale il y a quelques mois. Elle paie 1600 € par an pour qu'on la mette en relation avec des hommes. Le jour de son inscription, elle a passé la journée à pleurer parce qu'elle avait l'impression de tromper son mari.
    - Maintenant ça m'éclate, dit-elle. Moi qui me trouvais vieille et grosse, je plais. Ça fait du bien au moral.

    Bien sûr, nous, presque quadras célibataires, nous sommes très intéressées par ses anecdotes. Ça se passe comment pour quelqu'un de son âge ?
    Les yeux de J. pétillent derrière ses jolies lunettes colorées.
    - A chaque fois, j'ai droit au costume-cravate et au bouquet de fleurs fraîches, à part un.
    Il m'avait invitée chez lui. Quand je suis arrivée devant sa maison, y'avait une vraie décharge dans son jardin. Maintenant que t'es là, ma p'tite, faut y aller, que je me suis dit. Il avait une queue de cheval et un anneau dans l'oreille. Ça ne me plaisait pas. Je lui ai dit, il a répondu que l'anneau pouvait s'enlever mais la queue de cheval, non.
    L'intérieur de la maison était mieux que l'extérieur. Il demande ce que je veux boire mais ne sait pas faire le café. Je lui dis que s'il a ce qu'il faut, je vais me le faire.

    Après le café, il propose de me montrer les travaux qu'il a faits dans sa chambre. Voilà que je grimpe à l'étage et visite la salle de bains, les toilettes. A un moment, je me dis "Mais t'es vraiment une gamine ! Il a qu'à te bousculer et te culbuter sur le lit !

    J'ai tellement eu peur que je me suis précipitée pour redescendre et que je suis rentrée dans le placard au lieu d'ouvrir la porte de l'escalier.

    Finalement, on est restés copains. Il n'y a pas longtemps, il a trouvé une copine. Il paraît qu'elle a transformé la décharge en potager. Elle a bien du courage, c'est pas moi qui lui aurait fait un potager dans ce merdier !  


    Un autre, veuf et professeur de sexologie, me dit qu'il aime les fortes poitrines parce que ça lui rappelle sa femme. Ah ben il était bien tombé celui-là. ! Je m'étais planquée derrière ma veste, j'ai même pas osé enlever.


    Je devais aussi rencontrer un agriculteur mais j'ai refusé. Qu'est que j'en aurais fait ? On n'a jamais vu le cul d'une vache dans la famille !


    Y'en a un, "chef d'entreprise" sur sa fiche. Si ça se trouve, il avait 1 employé et demi.  Il me prévient : "J'ai fait un AVC il y a quelques années. Je suis paralysé d'un côté mais le reste marche très bien. Ça marche même toute la journée !"


    Ils m'en ont présenté un autre. Retraité hospitalier, disait sa fiche. Finalement, il était cuistot à Henri Mondor. Je sais pas ce qu'il sont , ils m'envoient que des cuistots alors que je déteste la cuisine !


    Samedi, j'ai rendez-vous avec un ancien pompier de Paris. On s'est appelés, il bégaie. Ça va pas aller, je vais finir les phrases à sa place. Mais je ne peux pas le dire au type de l'agence, il bégaie aussi !

    Ah, de toute façon, moi je ne veux pas y aller pour la bagatelle. Ça fait 9 ans que j'ai rien fait !
    "C'est quoi la bagatelle ? demande le seul homme de la tablée. "Ben, un plan cul !" ne puis-je m'empêcher de répondre.  Nus éclatons toutes les quatre de rire. Lui plonge le nez dans un magazine, presque gêné.

    Il est étrange de constater à quel point cette génération assume mal sa solitude. Ils préfèrent payer un intermédiaire pour trouver chaussure à leur pied, visiblement mal à l'aise dans cette démarche. Nous à notre âge, on estime qu'on n'a pas besoin de payer pour trouver un mec. Boug' raconte qu'elle connaît un homme de l'âge de J. qui cherche l'amour sur internet et collectionne les aventures. Entre l'agence matrimoniale qui coûte la peau du cul et les catalogues éphémères sur internet, quelle est la meilleure solution, s'il y en a une ?

    Quoi qu'il en soit, et même si elle a peu d'espoir de trouver un homme qui satisfasse ses nombreuses exigences, elle s''est fait plein de copains, son téléphone sonne toute la journée, elle n'achète plus de fleurs, a repris confiance en elle et a plein de choses à raconter. La preuve, pour notre plus grand plaisir.

  • Chez Walczak

    Walczak.jpgQuand je remontai la rue Brancion en direction de la station de tramway, la porte de Chez Walczak était close. Pour ce soir, je garderais mes questions pour moi.

    C'est un autre moustachu qui lèverait le mystère, le lendemain :
    - Pap's, j'ai découvert un endroit, je ne savais pas du tout que c'était là ! Juste à quelques mètres de ton ancien boulot. La Ruche, tu connais ? "
    Sa réponse me sidéra.
    "Bien sûr que je connais, j'y avais un copain sculpteur et un autre, peintre. Et toi aussi, tu connais, je t'y ai emmenée quand tu avais 16 ans, mon copain nous avait tout fait visiter".
    "C'est pas vrai ?? Merde ! J'en ai aucun souvenir !"
    "Ben oui, mais t'en avais rien à foutre, à cet âge-là ...Et maintenant, je n'y ai plus de contact."

    Quelle déveine ! Dire qu'aujourd'hui, je rêverais qu'on m'ouvre les portes de ce mystérieux endroit ...
    Je lui racontai la suite de mon exploration. C'est fou comme on en sait peu, finalement, sur les gens qu'on aime.

    Non seulement mon père connaissait le bistrot de Walczak mais ils étaient copains ! Il me raconta leur amitié :
    - Walczak était un ancien boxeur, il avait combattu contre Cerdan et Sugar Ray Robinson. C'était un Polonais qui avait commencé dans le Pas de Calais. Son bistrot était fréquenté par Brassens, Brel et bien sûr, Marcel Cerdan et Edith Piaf.
    Mon père décrivit le bistrot où pas un centimètre de mur, couvert de photos, affiches et articles sur les boxeurs, n'était libre.
    - Quand j'y allais, il sortait tous les artices qu'il avait gardés sur ses combats, des coupures de Paris-Match et autres. Un soir, il me les montrait pour la énième fois "Là c'est Cerdan, là c'est untel et là, c'est mon copain Mamadou."
    Mon père leva un  sourcil.
    "Mamadou ?"
    " Ben oui, mon copain Mamadou, c'était un prof de boxe."
    " Oui, c'était même MON prof de boxe à Roubaix", répondit mon père.
    "Si tu retournes dans le Nord, salue le de ma part".

    Mon père avait appelé son frère, resté dans la région. Mamadou était mort depuis plusieurs années déjà. Un jour que Walczak lui demandait s'il avait eu des nouvelles de Mamadou, mon père n'avait pas eu le coeur de lui dire que son ami était mort. "Oui, il va bien", avait-il répondu.

    Un soir, le vieux Walczak était mort, lui aussi. Le bistrot avait fermé pendant quelques années et puis ses enfants l'avaient rouvert, en l'état. Ils n'avaient pas touché aux souvenirs de leur père.
    J'ai cherché des informations sur le champion Walczak et j'en ai trouvé beaucoup. J'ai également trouvé mention d'un Mamadou mais je ne suis pas sûre qu'il s'agisse du prof sénégalais de mon père.
    Aujourd'hui, le bistrot de Walczak, qui à ma connaissance est tenu par sa petite-fille, n'est pas ouvert aux passants. Il faut montrer patte blanche, à défaut de gant de boxe, pour franchir ce sanctuaire chargé de sueur et d'amitié.  

    cvwalk.jpg

    J'étais heureuse d'apprendre toutes ces choses sur mon père. S'il vivait encore à Paris, on irait boire des bières dans d'authentiques bistrots et j'écouterai les souvenirs et les anecdotes du quartier, comme Nicolas le fait si bien.

    Des articles sur Walczak : , et encore là.

    Prochaine mission : y entrer. Le feuilleton continue !

  • Tricia et son tonton

    Vous n’aurez pas de photos de ma semaine gastronomique à Verviers, en Ardennes belges (et bleue). Non que je n’ai rien mangé, vous vous en doutez, mais j’ai cassé l’écran de mon téléphone portable qui me sert, outre de réveil, montre et MP3, d’appareil photo.

    C’était, à priori, ma dernière formation en Belgique et mon dernier séjour à l’hôtel Van der Valk, jolie bâtisse de briques rouges sise dans un ancien entrepôt des douanes. Bel hôtel contemporain où à défaut de profiter de la piscine, j’ai apprécié les serveurs, aussi agréables à regarder que serviables.

    J’ai quand même goûté à la Val-Dieu et elle est foutrement bonne, meilleur que l’apéritif maison, un cidre rouge au goût de médicament.

    Ce soir, j’ai traîné ma valise sur les trottoirs, indignes de ce nom, de Verviers. Sur le quai de la gare, l’affichage lumineux annonçait 10 minutes de retard. La ponctualité du réseau ferroviaire belge n’a rien à envier à son voisin gaulois. Les retards sont la norme.

    Je commençais à stresser de ce désagrément qui ne me laisserait que 10 minutes de délai à Liège pour attraper mon Thalys lorsqu’une petite fille brune se jucha sur le banc voisin du mien, accompagné d’un monsieur à casquette, cheveux ras et barbichette blanche. Après m’avoir lancé plusieurs oeillades, la petite fille brune trouva un moyen d’attirer mon attention « Je suis sûre que la dame va à Liège » s’écria-t-elle. Je répondis avec amusement à ses questions. « C’est ton grand-père ? » demandai-je. « Non, c’est mon tonton ». Je craignis quelques instants d'avoir gaffé, heureusement la suite me rassura.

    Après quelques minutes, notre train entre en gare. Dans le wagon, tous deux s’installent naturellement face à moi. Le monsieur, après avoir sorti de son portefeuille des photos de sa famille pour me les montrer, glisse dans la conversation qu’il approche les septante. Je lui en donnais tout au plus soixante. Son visage est lisse et ses yeux bleus pétillent de jeunesse. « C’est parce que je suis toujours avec la jeunesse. Je m’occupe d‘enfants handicapés ».

    La petite fille, un peu vexée de n’être plus le centre de l’attention, s’agite. « Tu n’as pas envie de lui tirer sa barbichette, des fois ? » je lui demande. Il rit et me lance un clin d’œil. « C’t’une arsouille, vous savez ! » L’arsouille acquiesce « Si, si, je le fais des fois ».

    Elle a de la suite dans les idées, la petite. « Je vous laisse ma place, comme ça, vous me donnez les clés de chez vous et je vais à Paris voir la tour Eiffel ! »

    A Liège, je leur fais des signes de la main en leur souhaitant un bon séjour à Spa. Le Thalys a déjà 10 minutes de retard et en accumulera 30 de plus à Bruxelles. Dans les couloirs glaciaux de la belle gare de Liège-Guillemins, j’en profite pour m’offrir la figurine en chocolat que je n’ai pas trouvé en Irlande, à la faveur d’un rabais de 50% sur les chocolats de Pâques dans une boutique Léonidas.