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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 9

  • San Juan de Dios et une soirée flamenca a la Peña La Platería

    Après le rituel de la sieste quotidienne, je profite de la voiture de B. pour descendre en ville. Il me dépose sur la avenida de la Constitucion.

    Ma première étape est l'église baroque San Juan de Dios, fortement recommandée par B. Je m'acquitte de 4€ de droits de visite auprès d'un jeune homme qui joue à des jeux vidéo aux bruits quelque peu incongrus en un tel lieu. Dans l'église, il y a 3 personnes, un couple et ce qui semble être un guide. Après quelques instants, celui-ci me propose de monter avec eux dans el camarin. Là-haut, au dessus de l'autel, c'est du clinquant haut de gamme, du doré bien jaune, sol en marbre et outre les restes du saint en question, des crânes enfermés dans des boîtes en verre. C'est beau mais c'est beurk !  

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    Juste à côté de l'église, B. m'a indiqué un centre de soins qui cache derrnière sa façade de très jolies choses. Je passe une première fois, ralentit puis m'éloigne à la vue de barrières et de travaux. Mais quand même, ma curiosité l'emporte et je reviens sur mes pas.

    Le garde me fait signe d'approcher, de passer sur la droite pour entrer dans l'Hospital Real. Un premier patio, en réfection, est planté de palmiers et orné d'une fontaine centrale, le deuxième, beaucoup plus joli est pavé de galets et plantés d'orangers. Il compte aussi une fontaine centrale et des murs ocres. Dans un coin, une infirmière fume une cigarette.

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    Alors que je me dirige vers la rue, je croise le gardien qui demande si la visite m'a plu.

    "Tu as vu les trois patios ?" demande-t-il. Nous discutons un moment, il m'explique que cet hopital est vieux de 400 ans, ce qui en fait le plus ancien hopital d'Espagne encore en activité et le deuxième plus ancien hopital d'Europe. Je retourne donc sur mes pas pour découvrir le troisième patio, envahi par une végétation luxuriante et sauvage.

    A la sortie, je le salue puis emprunte la calle San Geronimo, puis la calle Angel Ganivet, au bout de laquelle on aperçoit les cimes enneigées de la Sierra Nevada. Je m'offre un chocolate doble bien épais et una tarta San Cecilio, tout en profitant de son réseau wifi, au café Futbol, une institution de Grenade.

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    Puis je tente de visiter le centre Jose Guerrero mais il est fermé. Le jouxtant, je découvre l'ancienne madraza dont il ne reste plus qu'un salle. A l'étage, un homme m'invite à admirer le plafond de bois sculpté de la Sala de los Caballeros, juste avant qu'il ne la ferme pour abriter une conférence qui s'y tient. Sont vraiment sympas, ces Espagnols.

    Après cette balade, je vais réserver ma soirée hamam de la veille de mon départ, juste à côté de la jolie église Santa Ana, puis je grimpe dans Albayzin jusqu'à la Peña Platería. De la cour pavée, on a une vue magnifique sur la Alhambra. Le patron me propose de dîner mais le restaurant est désert. Je grimpe encore jusqu'au restaurant Las Tomasas et me ravise. S'offrir un gastro avec vue panoramique sur la Alhambra, seule, c'est un peu dommage, quand même. Je vais plutôt aller boire en agréable compagnie, en attendant de revenir ici accompagnée.

    En redescendant la placeta Toqueros, je croise un couple qui déchiffre le menu de la Peña. "Ca commence à 22:30" leur lancé-je.

    "Je sais, me répond l'homme, nous voulions manger quelque chose mais ils ne servent que des plats pour deux". "Non, vous pouvez y aller, ils font aussi des portions pour une personne".

    Il me demande d'où je suis et aussitôt, embraie dans un très bon français. V. est américain et traducteur, domicilié en France, où il a vécu dans le 18ème, et résident de Grenade. Sa compagne est suédoise. Nous convenons de nous retrouver pour un verre au début du spectacle.

    Chez Fernando, il y a du monde ce soir.

    "Lui et moi sommes les deux seuls Espagnols" dit-il en désignant un monsieur assis au comptoir, à côté duquel je me hisse.

    Je commande un verre de Ribera, Fernando me sert un tapa de jamon sur une tartine badigeonnée de pulpe de tomate.
    Mon voisin engage la conversation, il s'appelle Ricardo et vit tout à côté. "Ricardo corazon de leon" appuie Fernando en rigolant.

    En discutant, Ricardo m'apprend que le sympathique gardien que j'ai rencontré à la Alhambra serait son neveu. Comme je  ne sais pas comment on dit faon en espagnol, je le décris comme ayant " les yeux de Bambi" ce qui fait partir Fernando dans un fou-rire.

    "Como Bambi" répète-t-il en s'essuyant les yeux. Dans le bar, maintenant, il n'y a plus que les deux papis du coin, moi et Fernando. Ricardo propose de m'emmener boire des coups chez un de ses amis à Sacromonte. "Only you, here ? I don't understand !" repète-t-il d'un ton navré, entre deux rasades de whisky.
    Je demande à Fernando ce qu'il me conseille sur la carte.

    " Le veau en sauce, c'est moi qui l'ai fait, dit-il. Hecho con amor".

    Et c'est vrai qu'il est super bon, son veau en sauce. "Et la tortilla de Sacromonte, c'est bon ?" demandé-je, intriguée par cette omelette aux couilles de taureau.

    " C'est un plat pour les touristes, dit Fernando, en plus, ce ne sont pas des couilles de taureau, tout comme la queue de taureau à la carte des restaurants est de la queue de boeuf". Même le buey est de la vieille vache. Fernando se désole que les Espagnols boivent de la bière alors que le pays prouit de si bons vins. Vers 22h, je quitte le bar, escortée de Ricardo qui espère toujours me convaincre de laisser tomber le flamenco pour l'accompagner. Il a même exhibé sa carte de guardia civil pour attester de son honnêteté. Devant la pena, il argumente une dernière fois puis me claque deux bises et s'éloigne.

    A l'intérieur du restaurant, maintenant très animé, V. et M. finissent leur dîner en se tenant la main. Je m'installe à leur table et nous faisons connaissance. V. regrette que les Français aient perdu leur fibre idéaliste et salue ma détermination à profiter de la vie, seule ou accompagnée.

    Vers 22h30, nous traversons la cour et nous acquittions de 8€ pour nous asseoir dans une longue salle remplie de sièges (et de touristes, j'ai l'impression), face à une estrade au-dessus de laquelle trône une gigantesque toile d'une danseuse de flamenco brandissant une guitare.

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    En sirotant un verre de sangria, offert avec l'entrée, nous écoutons les 2 guitaristes et le chanteur, accompagnés par les talons d'une belle andalouse au sourire carmin. A la sortie, je perds mes compagnons d'un soir et m'engouffre dans un taxi qui m'attend en bas de la rue.   

  • Mélancolie à La Alhambra

    J'ouvre les yeux à 9h52. Le soleil baigne ma chambre à travers la lucarne.

    Je saute dans mes baskets, cajole Tarkan puis marche jusqu'au bout de larue, d'où l'on contemple le superbe point de vue sur la Sierra Nevada, l'Alhambra et en contrebas, la ville de Grenade.
    Mon terrain de jogging est immense mais escarpé. J'abandonne après 15 minutes de course qui me laisseront de cruelles courbatures.

    Vers 11 heures, après avoir passé la puerta Cruz de piedra, arcade de pierre indiquée la veille par B., je descends à travers le quartier gitan d'Albayzin, là où Grenade est née. Au détour d'une ruelle, j'entends des voix d'enfants qui scandent quelque chose. "Ils mettent du coeur à l'apprentissage de leurs leçons", me dis-je avant de tomber nez à nez avec un groupe bariolé où je reconnais Spiderman, Maya l'abeille et un gamin casqué qui ressemble à Force Bleue. "Eso es carnaval", c'est ça qu'ils crient joyeusement.

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    Je tourne à droite dans San Gregorio Alto, débouche sur la placeta Carniceros, tourne à droite dans Agua jusqu'à la Plaza Larga où se tient un marché de vêtements.
    B. m'y a recommandé la patisserie Pasteles qui jouxte une très belle maison transformée en glacier. La pâtisserie Pasteles date de 1928, c'est écrit sur sa façade (l'âge de mamie Coco, dis donc!)
    J'y entre, m'installe mais ils ne servent pas de churros con chocolate et moi, c'est ça que je veux. Je reviens sur mes pas jusqu'à la placeta Carniceros et m'installe au comptoir. Mmm ! Une bonne tasse de chocolat épais et des churros tout chauds ! 

    Maintenant rassasiée, je redescends vers la Plaza Larga. Dans un renfoncement, un brun chevelu chante - divinement - du reggae, accroché à sa guitare. La mélodie me trottera dans la tête pendant longtemps. Je traverse la place et me dirige vers le nord. Des carreaux de céramique étincelants dans le soleil me font promettre de revenir très vite pour d'autres churros. Sur la plaza Salvador, je lis, au-dessus d'une maison, les vers empreints de nostalgie du poète né là.

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    Je descends la cuesta del Chapiz que de courageux cyclistes grimpent, jusqu'au rio Darro que je traverse sur le pont du roi Chico. Après m'être engagée pa erreur sur un chemin "qui part dans la cambrousse" (dixit B.), je grimpe la côte ardue de los Chinos. A 13h30, me voilà devant le guichet, à 13h50, j'entre dans l'Alhambra.

    Je file d'abord jusqu'au palais Nasride, construit par les successeurs de Mohamed ibn Yousouf ibn Nasr, fondateur de la dynastie nasride, car je dois y être à 14 heures précises.  
    Je ne vais pa vous décrire le palais, je ferais un simple copié-collé de mon guide touristique. Le flot de touristes m'empêche d'imaginer la vie au temps des émirs, les chuchotements, le silence seulement caressé par le murmure cristallin de quelque fontaine. La Cour des Lions est en réfection et je ne peux accéder à la salle où aurait été perpetré l'assasinat de la famille Abencerraj, après que l'émir eut découvert sa favorite en compagnie de son chef, dans le jardin de la sultane.

    Alors que j'admire les plafonds délicatement sculptés de la Sala de Dos Hermanas, un des gardiens m'invite à découvrir celui d'une niche Nous discutons, je le retrouverai plusieurs fois le long de mon parcours. Plus loin, il m'entraîne dans une des salles des bains. du palais de Comares Il a un accent fort, je m'accroche pour le comprendre.
    A la sortie des palais, j'engage la conversation avec une gardienne, autour de banalités. Je remonte vers le palais Carlos V et retrouve mon gardien aux cils de faon. "Vas visiter l'Alcazaba et ensuite, tu vas au Generalife".

    J'entre dans le palais Carlos V, érigé après la destruction d'une aile du palais Nansride - quel drame - puis dans l"église Santa Maria de la Alhambra, construite sur l'emplacement de l'ancienne mosquée de l'Alhambra.

    A l'Alcazaba, la citadelle d'où émergea l'Alhambra, je m'offre une somnolence au soleil, face à la tour où les Espagnols plantèrent les drapeaux de la reconquête chrétienne, et suis prise d'une profonde mélancolie qui ne me quittera plus jusqu'au soir. J'imagine l'émir Boabdil abandonnant sa forteresse aux mains de chrétiens qui renièrent leur parole.

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    Je parcours rapidement les jardins désséchés du Generalife, qui doivent être bien plus beaux au printemps et prends le bus n°30 qui descend en ville. Là, dans un salon de thé glacial, je trouve le sourire lumineux de ma filleule et aussi celui de Wildcat, mon amie italienne. Leur chaleur adoucit un peu ma tristesse.
    Vers 21h, mon téléphone sonne, B. me donne rendez-vous sous 20 minutes, dans un bar, la Corrala del Carbon.  Nous y buvons un peu de vin puis il m'entraîne dans un bar, où nous partageons une assiette de poissons frits en nous remémorant les circonstances qui nous ont amenés jusque là (merci WajDi).

    De retour à la maison, nous discutons encore devant une infusion. Je lui dis ma tristesse entre les murs de la Alhambra. Il n'est pas surpris. "Pour beaucoup d'arabes, la Alhambra, c'est le paradis perdu". La reddition de Boabdil a sonné le glas de l'apogée arabo-musulmane et le débur de sa décadence. Une légende dit même que les souverains musulmans ont voulu contruire, avec la Alhambra, le paradis sur terre et que Dieu, pour empêcher ce blasphème, aurait donné la ville aux chrétiens. 

    Je montre les photos prises et évoque les vers de Carrasco. "Grenade est une ville de poètes" confirme B.

    Nous parlons aussi de ce que sont les origines, de ces parcours uniques, ces parfums de l'enfance qui font qu"on se sent d'ailleurs. B. est provencal, a grandi dans un univers fortement imprégné des influences tunisiennes et s'est installé ici il y a 20 ans. "Je n'arrive pas à dire que la France est mon pays" conclut-il avant que nous n'allions nous coucher.

    Corrala del Carbon, calle Maria Pineda 8 (958223810)
     

  • Balade avec une famille australienne (et francophile)

    Samedi matin, 10h50, je reçois un appel d'une jeune femme à l'accent anglais. "Je suis la fille de C., je voulais savoir où nous devons vous rencontrer pour la visite ?"
    Au téléphone, j'indique qu'on me reconnaîtra à la casquette rouge. "Moi aussi" répond C.

    Lorsque je débouche sur le terre-plein, à Pigalle, je répère vite, au milieu d'un groupe de 5, la fameuse casquette rouge. Après les présentations, nous traversons l'avenue et empruntons la rue Germain Pilon. Au passage, je recommande La Bougnate et en chemin, fais la connaissance de la jeune fille qui parle français. Elle l'a appris à l'école et a passé 3 mois à Bordeaux, l'hiver dernier. La famille vit à Sydney et sont venus à Paris, qu'ils adorent, il y a plus de 10 ans.

    Place des Abbesses sont installés plusieurs stands où l'on vend des crêpes, des huîtres, du vin.

    "Qu'est ce que c'est, un marché ? demande M., le père de famille, un jovial moustachu aux yeux bleus.

    - Un marché touristique", je réponds.

    Quelques minutes plus tard, après une grimpette dynamique au cours de laquelle je recommande à M., qui adore ça, l'os à moelle des Ronchons, ils admirent la vue du parvis du Sacré Coeur. Je passe un appel à mon ami chtimi tandis qu'ils visitent l'édifice.

    En route vers la place du Tertre, où je leur révèle l'origine supposée du mot bistrot, M. me confie sa passion pour l'histoire et Paris en particulier. Il en connaît un rayon, M., sur l'histoire et la géographie françaises, et fait mentir les résolutions que j'avais prises au sortir de la balade avec Annelies et Arvin. Il sait même qu'il y a un vignoble montmatrois. C'est justement prévu au programme de ma balade.

    La veille, M. est allé se promener autour du Panthéon, émerveillé. Je lui raconte l'histoire de la rue Saint-Jacques et l'engage à admirer le jubé de l'église Saint Etienne du Monts, toute proche. M. travaille comme juge dans un tribunal pour réfugiés et me confie le stress qu'il vit quotidiennement à devoir décider de leur sort. Notre conversation se fait plus philosophique. Il satisfait ma curiosité quand à ses origines; sa grand-mère irlandaise lui a même donné droit à un passeport vert.   

    Après être passés devant la fameuse maison rose d'Utrillo, nous voilà maintenant au pieds des vignes de Montmartre. M rit de bon coeur en écoutant l'anecdote de l'âne Lolo du café Le Lapin Agile. Cathy et lui connaissent tous les noms des peintres montmartrois. Je prends moi-même beaucoup de plaisir à cet échange avec eux.

    Un salut à Dalida, et au pauvre Saint-Denis qui n'a toujours pas retrouvé sa tête, puis nous descendons l'avenue Junot et saluons le géant qui domine la butte depuis 400 ans. Une des jeunes filles a une envie pressante, c'est l'occasion de pousser la porte du Studio 28, qu'ils visitent rapidement, avant de rejoindre la rue Lepic. Je les pris de m'excuser quelques instants, il est 16 heures et je n'ai pas déjeuné, j'achète une part de quiche Aux Petits Mitrons et un sachet de chouquettes pour ma petite famille australienne.

    Alors que nous jetons un coup d'oeil au café d'Amélie, des bruits de fanfare se font entendre et une étrange procession apparaît au bas de la rue Lepic. En tête de cortège, on promène une statue en bois sombre. Plus loin, je remarque un drapeau breton, des cornemuses, des coiffes. J'interroge un groupe vêtu d'un tee shirt du Loiret. Le défilé fête à la fois la Saint-Vincent, patron des vignerons, et la coquille Saint-Jacques. La procession se terminera par une messe. Mon groupe d'Australiens est ravi de ce folklore inattendu et prend, comme moi, quantité de photos.

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    Plus bas, je leur fais admirer la façade de la maison de l'Escalopier avant un dernier arrêt devant le Moulin Rouge. Je propose un verre mais ils ont visiblement un autre programme, leur offre de refaire une autre balade avant leur départ dans 2 semaines et les salue. Nous avons passé 3 heures ensemble, il m'en reste 2 avant de retrouver P_o_L devant la Cigale pour un concert. J'appelle Yo qui attend son bouchon lyonnais - garanti 100% halal - dans un café du Marais et les y rejoint. 

  • Pamplona !

    Philo me souhaitait en ce début d'année beaucoup de voyages et de rencontres. Et bien, 2012 démarre fort. Après un weekend à Londres qui n'attend plus que quelques photos pour être publié, j'ai fait "un beau voyage et de jolies rencontres", cette semaine.

    Dimanche après-midi, j'aterris à l'aéroport de Biarritz où je récupère une Mégane avant de traverser la frontière et de trouver enfin, tout au fond d'une zone industrielle, mon hôtel en périphérie de Pampelune. Le premier soir fut loin d'être festif car j'ai bossé jusqu'à minuit et même oublié de dîner (un comble, non ?)
    Le lendemain au petit déjeuner, je retrouve "Kiique", notre jeune commercial espagnol, accompagné d'un bonhomme tout rond, "Cesc", notre partenaire local. Ils vont tous deux assister à la formation de 4 jours que je m'apprête à donner.
    Comme d'habitude, mes premières phrases en espagnol sont un peu hésitantes. Mon diesel se met en route.

    Sur le parking de notre client, une masse vient à notre rencontre et nous broie la main. Mon "stagiaire" est physiquement très impressionnant, un vrai rugbyman. Après 15 ans de boîte, il est peu enclin à s'en laisser conter par un logiciel qui prétend faire aussi bien, voire mieux, que lui. J'enfile discrètement mes gants de velours.

    Trois charmantes jeunes femmes nous rejoignent en salle de formation et je commence mon show.
    Vers 11 heures, nous descendons à la cafétéria pour "un café". Je retrouve les automatismes appris l'année dernière et les drôles de pratiques de mes compagnons : café solo pour moi, verre rempli de glaçons arrosés de café pour eux. Me souvenant du rythme espagnol, je commande un sandwich. C'est qu'il va falloir tenir le coup quelques heures encore car ici, on part déjeuner à 14 heures.

    A 14 heures, justement, nous nous attablons tous ensemble dans un restaurant, au premier étage du centre commercial. Je commande une soupe en entrée (merde, j'avais oublié que les entrées sont des plats ici !) et des chipirones, dont je raffole, suivis d'une médiocre tarte au fromage. En face de moi, Kique et Cesc dégustent un étrange amas de choses non identifiées; ce sont des "kokotxas de bacalao", des joues de cabillaud. Je goûte, trop bon. "Y'a des choses que tu n'aimes pas ?" demande Kique. Je suis démasquée.

    Le soir, nous nous retrouvons tous trois à la réception de l'hôtel vers 20h30 et après un tour dans les rues et le long des remparts de Pamplona, nous entrons, sur les conseils de notre stagiaire qui a l'air de s'y connaître question bouffe, au Gaucho. Ptain, les pinchos sont à tomber au Gaucho, un truc de malade ! Beaux et savoureux, impossible de choisir, ni de se contrôler, on s'est régalés, lasagna de puerro con gambas (le truc en bas et au milieu), hojaldre de ajo arriero con huevo, pinchos de foie, le tout accompagné d'un bon rioja ! Jugez plutôt :  

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    Pendant le repas, notre partenaire espagnol, que j'ai appelé Alfredo toute la journée, me glisse gentiment "Moi, c'est Cesc". On a bien rigolé. Il est super drôle ce type. Après ce festin, on a refait un tour en ville et Cesc a inventé deux mots très marrants pour me guider : izquierdamos et derechamos.

    Le lendemain, on passe aux choses sérieuses. Notre stagiaire, ravi de rencontrer d'incorrigibles gourmands, nous confie faire partie d'un cercle gastronomique. Et ce soir, il nous invite à dîner. A 20h30, sa tête apparaît au premier étage d'un restaurant de la place.Il faut une clé pour monter l'escalier en haut duquel il nous accueille, vêtu d'un tablier, et nous fait admirer la vue qu'on a sur la place :

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    Là, d'un coup, j'ai senti que la soirée allait être longue...

    Sachez juste qu'on a commencé les réjouissances avec des chistorras, de la morcilla et du fromage, que M. a débouché un magnum de rioja (qu'on a sifflé à 3), fait griller des entrecôtes, que la table voisine m'a fait goûter un mojito maison, qu'à la fin du repas, M. a débouché une bouteille remplie d'un liquide pourpre, un digestif non identifié mais néammoins succulent qui s'appelle Patxaran, que quand je suis revenue des toilettes, on m'en avait traîtreusement resservi un troisième verre, que quand je me suis couchée, la chambre tournait, que j'ai fini la tête dans la cuvette des chiottes mais que je me suis sentie vachement mieux après, et que le lendemain, au petit déj, quand mes 2 collègues, avouant une terrible gueule de bois, m'ont demandé si j'avais bien dormi et comment je me sentais, j'ai lancé sans honte aucune un arrogant "Super bien !" (je compte sur votre discrétion, les amis )
    N'empêche, c'était une super soirée, en compagnie d'un sacré personnage ...

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    Le lendemain midi, j'ai fait léger : pavé de thon et sorbet au citron. Le soir, y'avait foot et mes collègues m'ont demandé si je voulais venir le match avec eux. Rien que pour l'ambiance, oui. Je sais donc maintenant dire match en espagnol (partido) et j'ai appris plein d'insultes, entre deux pinchos. On a été petits joueurs ce soir-là, seulement 2 verres de rouge et 5 pinchos chacun. On était un peu fatigués, il faut dire ...

    Et ce midi, pour la dernière, apès quelques emplettes - dont une bouteille du "Patxaran" fatal, à propos duquel internet met effectivement en garde contre une "gueule de bois terrible" - je me suis retrouvée entourée de 6 solides gaillards. M. avait commandé - en entrée - 4 omelettes au cabillaud.

    Quand la serveuse a posé devant moi un dos de cabillaud, j'ai protesté, objectant que j'avais commandé de la viande. "Ben oui, a répondu M. la viande, c'est après, on commence avec du poisson". Ben oui, voyons Fiso, quelle question !?...

    Ce déjeuner fort convivial a été un peu obscurci par Cesc qui soudain a fermé les yeux, face à moi, et j'ai crié "Il se sent mal" et on a dû l'allonger et appeler les pompiers. J'ai eu la trouille, c'est que je l'aime bien ce bonhomme, il a un humour inattendu et est d'une gentillesse incroyable. Il est venu récupérer sa valise dans le coffre de ma Mégane, a promis d'aller consulter un médecin dès le lendemain. En le regardant s'éloigner, sa valise à la main, je l'ai trouvé tout fragile.

    Au moment de se quitter, M. m'a fait la bise. Je préfère ça plutôt que de me faire broyer la main. Notre commercial a dit "Bravo Fiso", et j'ai repris la route jusqu'à Biarritz. Une super semaine, je vous dis. Et en plus, je commence à savoir utiliser le subjonctif en espagnol.

  • Joyeux Noël, David

    J'ai rencontré le Père Noël cette année. Dans un somptueux riad de Tetouan, un soir où je n'en menais pas large, frigorifiée, toute dégoulinante de pluie, le mascara dilué.
    A une table, sous la lumière dorée des lanternes, il était en train de discuter avec mon Yo. Il me serre la main, se présente, David. Je suis au bord des larmes, épuisée d'une journée qu'on peut qualifier "de merde". Devant ma mine piteuse,  David lance "Ca va aller, Sophie, on va te chanter du Brassens !"

    Dix minutes plus tard, les cheveux séchés, habillée de sec, je m'assieds à table. David a des yeux bleus comme la mer qui borde sa ville natale, un sourire lumineux et une vie hors du commun. Originaire d'Aigues-Mortes, il a étudié la philosophie puis a été maçon avant de rejoindre un organisme humanitaire en tant qu'ingénieur en logistique. Depuis, il parcourt le monde et ses blessures. David s'offre un break réparateur au Maroc et des leçons particulières d'arabe, après une mission éprouvante en Haiti et une autre dans le nord-Yemen.

    David est aussi poète et musicien, d'ailleurs il ne voyage jamais sans sa guitare. Un de ses modèles, c'est le poète sétois à la moustache, bien sûr, dont il chante les chansons partout, dans des cafés de Montmartre, à Neufchâtel, Port au Prince, Sanaa.
    « Ce n'est pas antinomique, humanitaire et poète ?
    – Non. Ca peut paraître étrange mais il y a de la poésie dans la violence. Et en toutes choses.»
    Les yeux de David s'illumine alors qu'il évoque l'intense félicité qu'il a ressentie un soir que, bravant toutes les consignes de sécurité, il a grimpé sur le toit de son abri, au nord Yémen.
    Allongé sous les étoiles, il a chanté et joué de la guitare pendant des heures, tandis que les bombardements déchiraient le ciel et le silence. David a la foi.
    Tandis que je m'apaise au son de sa voix chaleureuse et posée, la conversation se fait plus grave. Témoin et parfois victime de la violence aveugle des hommes, c'est pourtant en Europe que celle-ci heurte David.
    « Un jour, j'étais en gare de Nîmes, et j'ai été très choqué que des jeunes insultent une femme qui leur demandait de baisser le volume de leur téléphone portable sur lequel ils écoutaient de la musique. J'ai ressenti beaucoup plus de violence dans cette gare, en France, qu'au nord-Yemen où pourtant les combats font rage.»

    David continue : « Quand je rentre en Europe, la tristesse des gens me frappe. En Haïti, alors que le pays est touché par le choléra, il y a une joie de vivre et un dynamisme incroyable.»

    David, qui donne de nombreux concerts, est à chaque fois plus choqué de la façon dont certaines personnes du public manifestent ouvertement leur impatience, voire leur ennui. Il déplore la perte des valeurs, l'individualisme, le manque d'écoute et d'attention.

    Moi j'ai oublié les galères de la journée, la pluie, la boue, les moutons, les bouchons. Dedans il fait chaud et je suis maintenant tout à fait détendue, amusée de cette nouvelle leçon que m'offre la vie. David est arrivé comme un rayon de soleil sur cette journée grise et a balayé mes tensions de son sourire chaleureux.

    Désireuse de prolonger cette parenthèse enchantée, j'ose relancer notre compagnon d'un soir sur sa proposition de me jouer du Brassens. Il se saisit de sa guitare et nous demande « notre lettre au Père Noël ». David nous offre "Elsa je t'aime", d'Aragon et "A un voyageur" de Victor Hugo, qu'il a mis en musique, et puis des mélodies de Brassens, dont "La supplique pour être enterré sur une plage de Sète", que Yo nous avait chantée en voiture, au retour de vacances dans le Lot. Les titres fusent et ce n'est pas une chanson mais un véritable concert privé que David nous offre, un moment  fraternel et réconfortant que je ne suis pas prête d'oublier.

    Ce soir, David, alors qu'une année se clôt et qu'une autre s'approche, je te souhaite de continuer encore longtemps à atténuer les souffrances, même momnentanément, de ton regard vif et de ta voix chaude. Quand à moi, j'espère, un peu égoistement, recroiser un jour ta route.

    Et je vous offre, en guise de cadeau de Noël, une des chansons de ce soir-là, à la lumière des bougies du riad, que j'ai enregistrées avec l'accord de David.


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