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Pensée du jour - Page 13

  • Entre luz y sombra

    Est-ce parce que la lumière est aveuglante que je me tourne vers l'ombre, parce que la musique est lancinante que ma douleur l'est aussi, parce que le livre que je lis parle d'un être coupé en deux, parce que mon amie est triste que je n'arrive pas à être gaie, et que je n'essaie même pas, parce que c'est à un cow-boy solitaire que je pense, quand la part de masculin l'emporte sur le féminin, quand je suis un autre, et qu'au feuillage des orangers je préfère les paysages désertiques et escarpés de la Sierra Nevada.

    J'ai quand même embrassé Jésus, hier, et on a échangé quelques mots autour de tapas, et puis, ce soir, je vais fêter la journée de la femme avec Pepito, à Malaga, et je pourrais bien le croquer, j'ai envie de chocolat. En parlant de chocolat, il était bon hier, à Séville, mais les churros avaient un goût aigre, pas ce à quoi je m'attendais, tout comme la ville.

    Séville, je m'en faisais une joie, la faute à Carmen, tant pis, pour les émotions fortes, il faudra retourner à Istanbul, ou ailleurs si quelqu'un a une idée.

  • Le coeur est un muscle et votre masse musculaire est en train de fondre (1)

    Pourquoi l’homme et la femme ont-ils besoin de "toujours", de "jamais" ? Pourquoi les mots d’amour, conjugués au présent, sont presque immanquablement entendus comme un serment ?

    C’était un de ces instants où l'on frissonne, où des soupirs involontaires s’échappent, où les peaux se parlent, où il n’est pas besoin – surtout pas- de mots.

    Pourtant, il demande « Tu ne me quitteras jamais, hein ? »

    Et elle, avec cette sincérité dont elle a fait une vertu, répond « On ne sait pas de quoi est fait demain ».

    « Tu ne peux pas mentir, juste pour me faire plaisir ? »

    Elle l’a fixé, incrédule, affligée. Quelle désolation. Les films d’amour abrutissent même les hommes, désormais.  Elle est devenue triste, distante. Elle a repensé à ces mots lus ailleurs, qui l’avaient émue.

    « Il sait mes silences, il sait mes angoisses, il sait même mes mensonges. Et il les respecte. Il m’emmène sans m’emporter, il me tient sans me prendre, il m’aime sans me vouloir. »

    Ces mots qu’elle aimerait prononcer un jour, était-elle condamnée à ne les conjuguer qu’au conditionnel ?  

  • Pas facile de vivre à Paris avec le SMIC de l'amour

    C'est une brasserie parisienne, à l'heure du déjeuner. La journée est froide mais le soleil radieux.

    Des couples, des enfants, du bruit, celui des conversations, des couverts qui s'entrechoquent, de la machine à café qui brassent des espressos crémeux (espressis mais ça sonne bizarre, non ?). Sur une table minuscule cerclée de fer, une jeune femme lit le Parisien.

    Une bonne demi-heure plus tard, elle est rejointe par une brune aux cheveux auburn, bouclés. Celle-ci porte un manteau couleur crème et des gants assortis à son écharpe mauve. Elles s'embrassent et se racontent leur semaine. Au fur et à mesure que les banalités font place aux confidences, elles baissent le ton. A une table voisine, une autre jeune femme a déplié le journal délaissé. Elle ne peut s'empêcher de tendre l'oreille, intriguée par les chuchotements et les éclats de rire.

    "Hier soir, j'ai regardé "Sex & the city"

    "J'adore la blonde, Samantha, elle me fait mourir de rire"

    "Moi aussi"

    "Tu sais ce que j'ai répondu cette année quand on m'a demandé ce qu'on pouvait me souhaiter pour 2009 ? Un appartement plus grand ? Une augmentation ? Non. J'ai répondu « Un bon coup de bite, ça me ferait du bien".

    Sa copine éclate de rire. Elles rient un long moment et s'essuient même les yeux.

    La brune continue :

    "Cette année, faut que ça bouge. J'ai 30 balais, bordel ! Il faut que ce soit moi qui provoque les choses, sinon ma vie va stagner. Les hommes me matent mais pas plus que ça. Je dois dégager un truc qui empêche les hommes de m'aborder. Je dois leur mettre des vents involontairement".

    Sa copine acquiesce. "Faut faire comme la blonde de Sex & the City. Y aller franco. Arrêter de jouer les mijaurées. De quoi tu as peur en fait?"

    "Je crois que j'ai peur de me prendre un râteau."

    Elle parle de ce type qu'elle croisait dans le bus, régulièrement. Ils se regardaient par dessus leur bouquin. Un soir, il est descendu à la même station de bus qu'elle. Il l'a doublée, s'est arrêté à un distributeur en regardant derrière lui. Elle a senti qu'il l'attendait mais en passant à côté de lui, elle a regardé dans la direction opposée et continué son chemin, espérant qu’il la suive et l’aborde. Elle l'a guetté les jours suivants mais ne l'a jamais revu.

    Le ton de son amie se fait plus sérieux, et même affirmé :

    "Et alors ? Même si tu prends un râteau, est-ce que tu vas en mourir ? C'est le quotidien des hommes, de se prendre des râteaux. Ils y sont résignés depuis leur enfance, est-ce que ça les empêche de continuer à essayer ? Et nous, on est là à minauder "Heu, peut-être, je vais réfléchir ».

    Mets-toi à leur place. Les mecs en ont marre de toujours devoir faire le premier pas face à des mijaurées qui regardent ailleurs genre « je t'ai pas vu » alors que ça fait un quart d'heure qu'elles rougissent dès que leurs regards se croisent. Ils se prennent pas la tête, les mecs. Tu veux pas ? Et ta copine, elle veut peut-être » ?

    La brune est devenue pensive.

    "T’as raison. J'ai repéré des chacals au boulot. Des mecs qui tirent des nanas. Faut que j'attaque. Soit je continue à vivre avec mon auréole sur la tête, soit je deviens visible."

    Les éclats de rire continuent.

    Elle soupire "Ça me pompe l'air. Je sais pas minauder. C'est pas moi, ça. Mais c'est ce qu'il faut que je fasse. Je suis chaude comme la braise, en ce moment. C'est quand même trop con, je prends soin de mon corps, je fais des massages et personne n’en profite. Je vais mettre un jean ultra moulant, battre des cils et apprendre à tortiller du cul dans les couloirs. J’en vois pleins qui font ça et ça marche".

    Sa copine dit "Faut laisser parler notre côté masculin. Tu vois, entre nous, on le fait et ça nous fait rire. Ben il faut l'assumer avec les hommes ».

    La brune continue :

    "Cette nuit, j'ai entendu ma voisine baiser à 2 heures du matin. Ahhh, ahhhh ... je me suis dit "Putain, je suis cernée, quel cauchemar". J'ai failli crier "Ta gueule, salope!".

    Elles rient de plus belle. Le temps d’un café, d’une bise au patron et les voilà parties.  

    La jeune femme à la table voisine replie son journal et réfléchit quelques instants avant de se lever à son tour. Que peut-on faire d’autre que d’écouter les conversations alentour lorsqu’on déjeune seule ?

  • A 2h40 de Paris

    Le quartier de la gare était déjà sinistre. L’agence de location était au bout du monde et j’ai remonté l’avenue en tirant ma valise. Au volant d’une Kangoo pourrave, je me suis perdue dans des quartiers lugubres, avant d’atterrir dans une zone industrielle déserte. On ne m’a même pas offert un café. Les problèmes techniques se sont enchaînés, le déjeuner dans un hôtel Campanile fut excitant au possible  et la journée s’est étirée à n’en plus finir dans un bureau trop sombre, entourée de 4 femmes aussi sinistres que le paysage.

    Le soir, j’ai eu envie de marcher un peu. J’ai repéré sur internet une avenue qui comptait de nombreux restaurants. J’avais oublié certains paramètres : une ville ouvrière sinistrée en province, un lundi soir de février. Les restaurants montraient porte close, je n’ai croisé qu’un chat, une mobylette pétaradante et trois voitures pendant cette demi-heure. En redescendant vers mon hôtel, je chantonne « Je marche seule, dans les rues sans personne … »

    J’ai rebroussé chemin et dans un restaurant décoré de stuc, j’avale un potage aux cinq légumes et une omelette à la ciboulette. Deux hommes sont entrés, l’un d’eux m’a fait un signe de tête qui pouvait vouloir dire « bon appétit ». Je me suis fait la remarque qu’il ressemblait au chanteur de l’ex-groupe de mon frère, avec 10 ans de plus mais il est espagnol.

    Dans ce décor surréaliste, « Femmes » de Jean-Luc Lahaye résonne et me projette des années en arrière. J’ai onze ans, je suis en pension au lycée français de Baden-Baden et le soir venu, dès extinction des feux, le walkman sur les oreilles, j‘exécute avec mes copines, dans les toilettes où les « grandes » fument, des chorégraphies ridicules.

     J’aime bien ma nouvelle vie. C’est vrai, en plus. Je voyage, seule, dans des villes que je ne connais pas, je savoure les spécialités locales et je travaille, chaque semaine, avec des gens que je ne reverrai jamais.    

  • J'me fais pomper régulièrement moi aussi

    Samedi, 8h30, le réveil sonne. Moins d’une heure plus tard, je pédale sur une des avenues les plus défoncées de Paris. Y’a des trous et des bosses tous les 10 mètres. Tacatacatac sur les pavés, je salue le lion de Belfort qui détourne le regard. Il scrute l’ouest, le con. On l’aura mal renseigné.

    Quelques minutes plus tard, je suis à la cafétéria où un jeune homme en blouse blanche, bouc finement taillé, me sert une boisson chaude en m’affublant de grands « Madame ». La radio diffuse un air familier. « C’est Nova ? » demandai-je. Oui, répond-il. S’ensuit une discussion passionnée sur la musique et les inepties de certaines rubriques. Nova, c’était mieux quand ils ne parlaient pas. Jérôme, puisque c’est son prénom, me conseille FIP. Un docteur jovial vient me chercher. Je fais l’innocente « C’est moi que vous attendez, docteur ? ».

    Tandis qu’une machine sophistiquée trie mes plaquettes, au chaud sous des couvertures, je visionne « 7 ans ». Un peu tordu mais pas mal, franchement. Vu sa gueule, je comprends qu’elle soit prête à l’attendre 7 ans, son taulard. Presque 2 heures après, je retourne à la cafétéria. Jérôme demande « Qu’est ce que je vous sers madame ? ». J’ai envie de lui dire d’arrêter de me servir du madame. « Une pinte de Guinness » je réponds inocemment, en détaillant la carte du menu, que je connais pourtant par cœur.

    Il dissimule un sourire. « On a pas ça, c’est un hôpital, ici, Madame ». Je réponds, avec un sourire malicieux « Et alors ? C’est très bon pour la santé, la Guinness. »

    Autour de la table, ceux qui sirotent un thé sourient. Jérôme regrette, pas de Guinness en stock. « Vous avez tort, Jérôme, vous devriez en parler à vos patrons, et moi je vais le mettre en suggestion sur votre livre d’or. La Guinness c’est plein de minéraux, un excellent reconstituant. A boire et à manger tout à la fois ».

    Comme il insiste, je me résigne à boire un thé. Jérôme tient absolument à ce que je m’asseye. « Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié, on est bichonnés ici ». Sur ces mots, la brune chargée de l’accueil rapplique et corrobore mes propos. « Vous savez que dans les années 70, on proposait un quart de rouge ou une bière + quatre cigarettes aux donneurs ? » Je triomphe « Ah ben, vous voyez, Jérôme, que je raconte pas de conneries ! Franchement, c’est déprimant votre jus d’orange et vos biscuits, là ! Offrez-nous de la rillette, un truc qui tient au corps quoi …» La brune est super sympa. Je la connais bien. On discute, on rigole. Elle dit qu’elle est bientôt en retraite, j’aurais jamais cru.

    Plus d’une demi-heure plus tard, je suis toujours là à discuter avec passion de musique. Jérôme est amateur d’afrobeat et de musiques électroniques. On détaille ensemble la relève des fistons de Fela. Il connaît l’album « Trouble Man » de Marvin, et aussi Sporto Kantes, Wax Tailor et Metronomy. Mais pas Anthony & the Johnsons. Comme j’ai quelques années d’avance sur lui, il n’a pas connu l’époque où radio Nova ne diffusait que du zouk. Ni celle où Dee Nasty passait du bon rap old school. Comme moi, il s’irrite du détournement du terme R & B pour désigner la soupe de pleureur qu’on entend sur les radios commerciales. Otis Redding ne méritait pas ça.  Sur un bout de papier, Jérôme liste des labels et des noms de chanteurs que je ne connais pas. Me conseille d’aller danser un soir à la Bellevilloise.

    Quand mon téléphone sonne, la voix dans mon oreille dit « Je suis à 4 stations de chez toi ». « Oh merde, chuis à la bourre », je lâche. Je chope la liste de de Jérôme au vol, au revoir tout le monde, à bientôt et je file sur mon vélo, pas trop vite quand même, faudrait pas que je fasse un malaise.