J’ai fait une arrivée fracassante à Saragosse. Déjà, à la gare Chamartin, à Madrid, j’ai balancé ma valise sur le tapis à rayons X et le manche à plié. Quand je l’ai récupéré, il m’est resté dans les mains.
J’arrive à Saragosse un peu avant 9h. Et là, je rigole moins car il y souffle un vent à décorner un cocu, comme dirait ma mère, et je dois porter ma valise d’une main et protéger mes fesses, juste couvertes d’une robe, de l’autre, tout ça avec une sacoche d’ordinateur sur l’épaule et mon sac à main. Et bien sûr, dans un moment d’inattention, je montre mes fesses aux quelques personnes qui attendent un taxi …
Le mien est très sympathique. Je lui explique que j’ai cassé ma valise et que je dois la déposer à mon hôtel avant d’aller chez mon client car impossible de la trimballer dans cet état. Il m’emmène calle Coso, me faisant au passage une visite expresse de la ville. « Lo que mata es el aire aquí ». Tu m’étonnes. Il fait super froid, après les 30 et quelques degrés de mon week-end madrilène. Il m'a crue hollandaise et explique que le week-end a été très chaud et que le vent vient de la montagne El Moncayo.
Calle Coso, au numéro indiqué, se trouve un immeuble délabré. Je vérifie l’adresse, c’est pourtant bien celle que j’ai. J’appelle l’assistante de mon client qui s’est chargée de toutes nos réservations. Mon taxi me plante là en me disant que mon hôtel se trouve dans une rue à gauche. Pensant qu’il se trompe, j’en hèle un autre. Je n’en mène pas large. Pourtant, oui, la réception est bien à quelques mètres de là. Une jeune femme souriante m’accueille et m’explique qu’ils possèdent plusieurs immeubles. Mon appartement, car cette semaine, j’ai un appartement entièrement équipé, se trouve dans la calle del Dr. Palomar. Décidément, je n’ai pas de chance avec les docteurs espagnols … Je pose ma valise et file chez mon client, qui est à 5 minutes à pied, sur une place en bordure d’un parc. Les trottoirs sont une catastrophe, très étroits et recouverts de petites céramiques ultra glissantes, de vraies savonnettes. Quelle merde ! J’ai trouvé pire que Paris ! Tiens, il ya plein de pistes cyclables et de vélos ici ! Ca s’appelle des Bizi mais pour une balade dans la ville, c’est raté, il faut un abonnement …
Le midi, mon client, un massif Andalou originaire de Jerez qui avale donc les S (il dit Backoffi et pas Backoffice) m’indique un restaurant tout proche. Malgré le vent et pour le soleil, je m’installe en terrasse. Le soir, vers 18h30, je regagne avec soulagement mon appartement et décide d’aller courir le long de l’Ebre. Première sortie dans le quartier, qui bien qu’à deux pas du centre, semble très populaire. Ce qui me frappe, après quelques pas dans la rue, c’est la population, beaucoup plus cosmopolite qu’à Salamanque. Je croise des Africains, les premiers depuis mon arrivée en Espagne.
Demain, je remets la veste, finalement pas si superflue ! Je découvre l’Ebre, beaucoup plus large que le Tormes, qui me fait penser à la Loire. Et Notre Dame del Pilar, superbe dans le soleil couchant. On n’est pas nombreux à lutter contre les bourrasques. Mes mollets, ramollis par un week-end complet à crapahuter en tongs, me font terriblement mal. L’impression d’avoir 80 ans.
Sur les conseils de la réceptionniste, je dîne dans le quartier, au restaurant Los Cabezudos, une taverne très chouette mais hors de prix. 20 € pour une assiette de crevettes mais on m’offre une coupe de champagne, alors …
Le mardimatin, je me tape un chocolate con churros au café du coin et quitte les locaux de mon client à 20h avec un mal de dos épouvantable.
Je prends la direction du centre, sans carte. Sur la plaza España, je demande à 3 Espagnoles fort élégantes où se trouve la calle Estébanes.
« Prenez le passage, puis à droite, puis, puis … vous trouverez ». Je trouve. La calle Estébanes est une rue étroite bordée de bars et restaurants. Dans un jardin intérieur orné de loupiotes, des groupes boivent un verre autour de tonneaux. Moi je vais au n°6, à la casa de Doña Casta. Pourtant, une fois devant, j’hésite à entrer car l’endroit est rempli de groupes joyeux et je risque de faire tâche, seule. Tant pis. Je file au comptoir sur lequel sont empilés des tapas de bacalhau , jamón et aussi, de nouveau, les drôles de bestioles blanches et aussi des boulettes panées qui n’attendent que d’être plongées dans un bain d’huile : des croquetas de gallina con chocolate (purée ! faut que je goûte mais pas ce soir !), morcilla con piñones, jamon queso y nueces, setas y queso de cabra, arroz negro.
Accoudée au comptoir, je choisis une tartine de poi vron farci au bacalhau, une autre de jambon farci de fromage de chèvre et enfin, je satisfais ma curiosité en mordant dans une tartine de « gulas » coiffée d’une tranche fine de saumon fumé. Mes voisons de table, eux, n’y vont pas de main morte : une assiette d’œufs rotos recouverts de gulas. A la carte, il y a des œufs sous toutes leurs formes. Ragaillardie par ce petit festin, je louche sur de drôles de morceaux beiges, sortes d’andouillettes en plus fines. Vous voyez ce que je veux dire … Non ? Bande d’hypocrites !
La serveuse confirme « Ca va te plaire ». Oh que oui, ça me plaît ! Je me délecte de ces morceaux grillés, arrosés de persillade. Trop bon !
2 verres de vin rouge plus tard, je reprends la rue jusqu’à l’église San Andres. Sur la place, je m’arrête quelques instants pour déchiffrer l’histoire du théâtre municipal, qui s’élève sur l’ancienne muraille romaine de la ville de Caesaraugusta (mais oui, bon sang ! bien sûr !) et, à l’époque médiévale, l’ancien quartier juif. Plus loin, je rejoins l’étrange structure de métal que j’avais aperçue plus tôt. Elle semble suspendue au-dessus d’un trou béant. Je m’approche et découvre des ruines, vraisemblablement celles d’arènes. Pourtant, aucun panneau n’indique de quel site il s’agit.
Il est plus de 23h, me voilà de nouveau dans la calle Coso et en quelques minutes, je rejoins mon appartement où je m’offre une nuit un peu agitée.