J’ai donné rendez-vous à J. devant le Théâtre Royal, où une tente installée pulse de la musique moderne. Je découvre la très belle et toute neuve gare de Marrakech. Pour une fois, c’est J. qui est en retard et je me divertis en observant le manège sur le carrefour.
Entre les coups de klaxon intempestifs, les coups de sifflet stridents du policier en uniforme qui règle la circulation et la musique moderne, la cacophonie est impressionnante. Sur le rond-point, on trouve de tout : les vélos, plus ou moins transformés en mules, qui fendent la circulation, frôlés par les voitures, un vieil homme qui s’élance sur sa charrette conduite par un âne, les mobylettes pétaradantes sur lesquelles on trouve parfois 3 personnes : 1 sur le guidon, 1 sur la selle et 1 sur le porte-bagages. Finalement, pratiquer le 2 roues dans Paris est une balade relaxante, comparé à ici.
J. apparaît à ma droite, nous nous mettons en route vers le jardin de Majorelle, évitant les nombreux pièges des trottoirs marocains. Les calèches à cheval postées devant l'entrée du jardin et les nombreux vendeurs témoignent du caractère ultra-touristique de l'endroit, qui pullule de Français. Peu propice à la rêverie, le jardin est tout de même très beau, écrin vert tendre dans des tonalités de bleu roi.
Dans le jardin des cactées, que j'affectionne plus particuilèrement, je fais profiter J. de mes maigres connaissances en botanique, et lui apprends que le cactus qu'il voit, là, est très nutritif. Il produit les figues de Barbarie, on en tire aussi la célèbre tequila et au Mexique, on mange même ses feuilles.
Outre un mémorial rendant hommage à Yves Saint-Laurent, qui racheta Majorelle, le jardin compte un salon de thé. Le thé à la menthe y est facturé 30 drh, hé bne, on se torche dans la soie, ici, quand on sait que le thé à la menthe ne coûte jamais plus de 10 drh.
Il est 16h et nous n'avons pas déjeuné. J. propose d'acheter des pâtisseries dans la boulangerie Alpha 2000, remarquée sur l'avenue Allal Elfassi, l'avant-veille. Derrière des portes vitrées, des cornes de gazelle et délicates bouchées serties de perles en sucre ou ornées de corolles sont proposées à partir de 60 drh le kilo. Nous en choisissons une vingtaine, ce qui nous coûte 45 drh, et les dégustons à la terrasse d'un café voisin.
La soirée commence à peine. Je propose à J. de s'essayer au hammam car j’ai moi-même décidé de m’offrir un massage avant de rentrer en France. Nous repassons par mon hôtel et je sollicite des adresses auprès des garçons de l’accueil. « Nous connaissons un très bon spa, je les appelle pour qu’ils viennent vous chercher. Le prix ? Vous aurez tout sur place». Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il a déjà saisi le combiné et nous offre le thé, en attendant.
Quelques minutes plus tard, une jeune femme est là. Quand elle nous invite à grimper dans une navette de transfert entre hôtels et spa, je comprends que je suis en route pour une belle arnaque. Nous voici devant le « spa des Mille et un soins ». A l’intérieur, une salle de fitness et une armée d’esthéticiennes qui nous attendent. Je souris jaune.
On nous présente une carte. Certes, les prix (en euros) sont bien inférieurs à ceux pratiqués à Paris. La jeune femme insiste pour que je fasse un hammam avec J. Ah bon ? Les hammams sont mixtes, ici ? Devant son insistance, je l’informe donc que nous ne sommes pas un couple mais des amis. Tant qu’à être là, j’opte pour un massage royal des pieds à la tête, à la fleur d’oranger. Je crois que mon idée de faire découvrir un vrai hammam à J. est tombée à l’eau.
Une heure plus tard, on me conduit dans la salle de repos où J. est allongé, des compresses à l’eau de rose sur les yeux. On m’installe et me sert un thé mais j’ai à peine le temps de le boire qu’on m’invite à me rhabiller. « Où ? » « Ici ». 2ème édition : JE NE COUCHE PAS AVEC J. Bon je ne le dis pas comme ça, quand même. Je tempère mon franc-parler et cela me coûte. On m’emmène donc dans une cabine séparée. Au Spa des Mille un soins, les prix sont affichés en euros mais on paie en dirhams.
Devant l’hôtel, je demande à J. si le hammam lui a plu. « Ouais, c’était pas mal. C’était grand ? Non, il n’y avait qu’une pièce ». Je fronce les sourcils. J. dit qu'il a été un peu gêné par cette expérience, il a eu l'impression d'assister au nettoyage d'un cirps mort. Je ris "Mais c'est horrible, ce que tu dis, J. ! Moi j'ai plutôt l'impression d'être un enfant manipulé par sa mère !" « Le monsieur t’a bien gommé ? » « Ce n’était pas un monsieur mais une femme ». Qwaaaaaaaaa ? Il rit devant ma fureur. Je peste pendant de longues minutes. Ah ils vont m’entendre à l’hôtel ! Une femme qui gomme un homme ? N’importe quoi !
A l'hôtel, en même temps que le spa, on nous a recommandé un restaurant voisin. Je préviens J. : « On y va mais si c’est un attrape-couillons, on va dîner dans le restaurant populaire que m’a recommandé H. »
Sur la rue indiqué, nous ne trouvons pas le restaurant Al Fassia. Je demande à un homme dans la rue. Vraisemblablement drogué plutôt que saoul, il répond qu’il va nous emmener jusqu’à la porte du restaurant. Je ne suis pas d’humeur ce soir et le rabroue gentiment. « Dis-moi juste où c’est ». « Je ne demande pas d’argent », dit-il. Soit. Le restaurant est dans un renfoncement et bien sûr, arrivé là, l’homme me demande s’il a été gentil et s’il mérite quelque chose. « Tu as dit que tu ne demandais pas d’argent. Donc merci pour tout et bonne soirée ». Le restaurant Al Fassia est beau mais les tarifs, parisiens, prohibitifs.
Nous tournons les talons, j’essaie de modérer ma mauvaise humeur et nous nous installons à quelques dizaines de mètres de mon hôtel, sur le trottoir devant le restaurant « Chez Bejgueni », un restaurant populaire recommandé par H., le chef de projet marocain.
Note : De retour à Paris, je découvrirai que ce restaurant qui ne paie pas de mine est très célèbre ! On en parle ici, par exemple.
Derrière une vitrine de boucher, le patron nous désigne des cervelles de mouton, de la viande hâchée, des côtelettes d’agneau, des merguez. Ici on paie au poids et la viande est grillée sous vos yeux. J. choisit des merguez et moi des côtelettes d’agneau avec une grande assiette d’olives et une salade marocaine 3 fois plus copieuse que celle servie dans le restaurant de la place Jemaa el Fnaa. Les chats rôdent autour de nous et nous couvent des yeux. Ce délicieux repas nous a coûté 100 dirhams à deux soit une dizaine d’euros. Je propose un dessert à J., dans un restaurant chic où la serveuse ne nous remercie même pas pour le large pourboire laissé.
Sur la place du 16 novembre, j’embrasse J. qui continue son périple vers Essaouira le lendemain matin. Demain, je visiterai la ville seule. Cette perspective m’enchante peu.