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En mode vénèr' - Page 3

  • Arnaque XXL

    J’ai donné rendez-vous à J. devant le Théâtre Royal, où une tente installée pulse de la musique moderne.  Je découvre la très belle et toute neuve gare de Marrakech.  Pour une fois, c’est J. qui est en retard et je me divertis en observant le manège sur le carrefour.

    Entre les coups de klaxon intempestifs, les coups de sifflet stridents du policier en uniforme qui règle la circulation et la musique moderne, la cacophonie est impressionnante. Sur le rond-point, on trouve de tout : les vélos, plus ou moins transformés en mules, qui fendent la circulation, frôlés par les voitures, un vieil homme qui s’élance sur sa charrette conduite par un âne, les mobylettes pétaradantes sur lesquelles on trouve parfois 3 personnes : 1 sur le guidon, 1 sur la selle et 1 sur le porte-bagages. Finalement, pratiquer le 2 roues dans Paris est une balade relaxante, comparé à ici.

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    J. apparaît à ma droite, nous nous mettons en route vers le jardin de Majorelle, évitant les nombreux pièges des trottoirs marocains. Les calèches à cheval postées devant l'entrée du jardin et les nombreux vendeurs témoignent du caractère ultra-touristique de l'endroit, qui pullule de Français. Peu propice à la rêverie, le jardin est tout de même très beau, écrin vert tendre dans des tonalités de bleu roi.

    Dans le jardin des cactées, que j'affectionne plus particuilèrement, je fais profiter J. de mes maigres connaissances en botanique, et lui apprends que le cactus qu'il voit, là, est très nutritif. Il produit les figues de Barbarie, on en tire aussi la célèbre tequila et au Mexique, on mange même ses feuilles.

    Outre un mémorial rendant hommage à Yves Saint-Laurent, qui racheta Majorelle, le jardin compte un salon de thé. Le thé à la menthe y est facturé 30 drh, hé bne, on se torche dans la soie, ici, quand on sait que le thé à la menthe ne coûte jamais plus de 10 drh.

    Il est 16h et nous n'avons pas déjeuné. J. propose d'acheter des pâtisseries dans la boulangerie Alpha 2000, remarquée sur l'avenue Allal Elfassi, l'avant-veille. Derrière des portes vitrées, des cornes de gazelle et  délicates bouchées serties de perles en sucre ou ornées de corolles sont proposées à partir de 60 drh le kilo. Nous en choisissons une vingtaine, ce qui nous coûte 45 drh, et les dégustons à la terrasse d'un café voisin.

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    La soirée commence à peine. Je propose à J. de s'essayer au hammam car j’ai moi-même décidé de m’offrir un massage avant de rentrer en France. Nous repassons par mon hôtel et je sollicite des adresses auprès des garçons de l’accueil. « Nous connaissons un très bon spa, je les appelle pour qu’ils viennent vous chercher. Le prix ? Vous aurez tout sur place». Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il a déjà saisi le combiné et nous offre le thé, en attendant.

    Quelques minutes plus tard, une jeune femme est là. Quand elle nous invite à grimper dans une navette de transfert entre hôtels et spa, je comprends  que je suis en route pour une belle arnaque. Nous voici devant le « spa des Mille et un soins ». A l’intérieur, une salle de fitness et une armée d’esthéticiennes qui nous attendent. Je souris jaune.

    On nous présente une carte. Certes, les prix (en euros) sont bien inférieurs à ceux pratiqués à Paris. La jeune femme insiste pour que je fasse un hammam avec J. Ah bon ? Les hammams sont mixtes, ici ? Devant son insistance, je l’informe donc que nous ne sommes pas un couple mais des amis. Tant qu’à être là, j’opte pour un massage royal des pieds à la tête, à la fleur d’oranger. Je crois que mon idée de faire découvrir un vrai hammam à J. est tombée à l’eau.

    Une heure plus tard, on me conduit dans la salle de repos où J. est allongé, des compresses à l’eau de rose sur les yeux. On m’installe et me sert un thé mais j’ai à peine le temps de le boire qu’on m’invite à me rhabiller. « Où ? » « Ici ». 2ème édition : JE NE COUCHE PAS AVEC J. Bon je ne le dis pas comme ça, quand même. Je tempère mon franc-parler et cela me coûte. On m’emmène donc dans une cabine séparée. Au Spa des Mille un soins, les prix sont affichés en euros mais on paie en dirhams.

    Devant l’hôtel, je demande à J. si le hammam lui a plu. « Ouais, c’était pas mal. C’était grand ? Non, il n’y avait qu’une pièce ». Je fronce les sourcils. J. dit qu'il a été un peu gêné par cette expérience, il a eu l'impression d'assister au nettoyage d'un cirps mort. Je ris "Mais c'est horrible, ce que tu dis, J. ! Moi j'ai plutôt l'impression d'être un enfant manipulé par sa mère !" « Le monsieur t’a bien gommé ? »  « Ce n’était pas un monsieur mais une femme ». Qwaaaaaaaaa ? Il rit devant ma fureur. Je peste pendant de longues minutes. Ah ils vont m’entendre à l’hôtel ! Une femme qui gomme un homme ? N’importe quoi !

    A l'hôtel, en même temps que le spa, on nous a recommandé un restaurant voisin. Je préviens J. : « On y va mais si c’est un attrape-couillons, on va dîner dans le restaurant populaire que m’a recommandé H. »

    Sur la rue indiqué, nous ne trouvons pas le restaurant Al Fassia. Je demande à un homme dans la rue. Vraisemblablement drogué plutôt que saoul, il répond qu’il va nous emmener jusqu’à la porte du restaurant. Je ne suis pas d’humeur ce soir et le rabroue gentiment. « Dis-moi juste où c’est ». « Je ne demande pas d’argent », dit-il. Soit. Le restaurant est dans un renfoncement et bien sûr, arrivé là, l’homme me demande s’il a été gentil et s’il mérite quelque chose. « Tu as dit que tu ne demandais pas d’argent. Donc merci pour tout et bonne soirée ». Le restaurant Al Fassia est beau mais les tarifs, parisiens, prohibitifs.

    Nous tournons les talons, j’essaie de modérer ma mauvaise humeur et nous nous installons à quelques dizaines de mètres de mon hôtel, sur le trottoir devant le restaurant « Chez Bejgueni », un restaurant populaire recommandé par H., le chef de projet marocain.

    Note : De retour à Paris, je découvrirai que ce restaurant qui ne paie pas de mine est très célèbre ! On en parle ici, par exemple.

    Derrière une vitrine de boucher, le patron nous désigne des cervelles de mouton, de la viande hâchée, des côtelettes d’agneau, des merguez. Ici on paie au poids et la viande est grillée sous vos yeux. J. choisit des merguez et moi des côtelettes d’agneau avec une grande assiette d’olives et une salade marocaine 3 fois plus copieuse que celle servie dans le restaurant de la place Jemaa el Fnaa. Les chats rôdent autour de nous et nous couvent des yeux. Ce délicieux repas nous a coûté 100 dirhams à deux soit une dizaine d’euros.  Je propose un dessert à J., dans un restaurant chic où  la serveuse ne nous remercie même pas pour le large pourboire laissé.

    Sur la place du 16 novembre, j’embrasse J. qui continue son périple vers Essaouira le lendemain matin. Demain, je visiterai la ville seule. Cette perspective m’enchante peu.

  • Couacs au Diapason

    En février dernier, Boug' avait organisé un brunch dominical au restaurant du très classe Terrass Hôtel à Montmartre.

    La dizaine de convives, très majoritairement féminines (détail mentionné uniquement pour attirer quelques hommes à la prochaine session) avait été enchantée tant par la qualité des produits que par l'élégance du lieu et la courtoisie du service. Pour 25€, le Diapason proposait alors, à volonté, un buffet copieux et raffiné faisant la part belle aux produits bios, où à côté des traditionnelles viennoiseries, céréales et produits laitiers, on trouvait notamment du jus d'oranges pressées, charcuteries et fromages fins, financiers et autres mignardises. Le buffet était complété par un plat chaud. Dans la salle, on trouvait tout à la fois des tablées familiales, amicales ou amoureuses.

    Après le brunch, nous étions montés sur la très belle terrasse de l'hôtel, nous promettant d'y revenir aux beaux jours.

    Nous guettions avec impatience l'occasion de revenir nous régaler au Diapason et comme souvent, c'est la venue de Gicerilla qui nous l'offrit. Boug', pourtant initiatrice de ce nouveau rendez-vous, fut empêchée et c'est donc en compagnie des fidèles Petite Française et Wildcat, ma petite lurker italienne, ainsi que de Gi flanquée de 4 de ses amies, que nous avons réitéré l'expérience.

    Une table en terrasse nous a été refusée car celle-ci est "réservée pour la Fête des Mères". Pas droit à la terrasse donc mais on nous annonce une majoration de 5€ "Spécial Fêtes des Mères". Et ne croyez pas qu'une rose ou autre attention nous attendait. Tu paies juste plus cher pour la même chose (du moins le croyais-je encore). Sympa, la Fêtes des Mères, au Diapason, non ?

    Après la Saint-Valentin, je vais donc inscrire la journée de la Fête des Mères dans mon calendrier des jours où je fuis les restaurants.

    Le serveur vient prendre notre commande. La table compte 3 jeunes femmes souffrant d'allergies alimentaires et celles-ci s'enquièrent auprès du monsieur de la composition des plats. Dès que celui-ci entend le mot « allergie », il lève un sourcil et décoche un regard noir à la jeune femme, à un tel point que celle-ci s'en offusque. Il prend toutes les commandes, passablement agacé, et part en concluant « Ah, je comprends pourquoi vous êtes célibataires, vous avez toutes des problèmes ! ».

    A ce moment-là, on aurait dû lui planter sa table, à ce goujat, et se casser, mais trouver une table pour 8 un dimanche dans ce quartier aurait relevé de l'exploit. D'abord, déjeuner entre femmes ne signifie pas qu'on soit vieille fille. Ensuite, le Diapason devrait s'y mettre, justement, au diapason, car les intolérances alimentaires sont en constante augmentation dans nos sociétés occidentales.

    Je pressens déjà que ce sera ma dernière fois au Diapason. Une des jeunes allergiques en profite pour nous recommander un brunch sans gluten délicieux dans un restaurant de la rue Lepic, "Des Si & des Mets", qui a séduit ses amies « diversivores ».

    Après quelques minutes, les plats sont là et ils sont aussi maussades que notre serveur. Le riz cantonais qui accompagne mon filet de poisson est une bouillie compacte (la jeune femme qui recueillera nos doléances à la fin du repas confirmera que les cuisiniers se sont trompés et ont utilisé un riz à risotto). La jeune allergique au gluten écope de petits pois en boîte et celle qui, allergique aux plantes de la famille des Alliacées, a demandé un hamburger sans oignons se voit servir un hamburger ...aux oignons. Heureusement qu'elle a vérifié avant de mordre dedans, on a frôlé l'intervention des pompiers.

    C'en est trop pour notre serveur qui décide de nous abandonner et nous confie à un collègue beaucoup plus souriant et sympathique. Aucune de nous ne se régale. Cette fois, c'est décidé, nous ne reviendrons plus. Nous faisons un tour au buffet en quête de douceurs. La même pâte est utilisée sous toutes ses formes : financiers, muffins, cakes. Il n'y a plus de macarons. Une envie de fruits frais ? Oubliez, ils sont tous tachés.

    A la table voisine, j'entends des femmes se plaindre de la non-qualité de la bouffe, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

    L'addition nous est amenée par une charmante jeune femme, accompagnée d'un questionnaire de satisfaction. Quelle bonne idée ! Me voyant, munie d'un stylo, tirer la langue en me demandant par quoi je vais commencer, elle demande si tout s'est bien passé et écoute nos jérémiades pendant de longues minutes. « Nous avons eu beaucoup de retours négatifs, aujourd'hui », confirme-t-elle. « Laissez votre e-mail, on vous contactera ». On ne m'a pas contactée et quand bien même, je doute qu''une prestation aussi piètre se rattrape.

    C'était le Diapason, ou comment en moins d'1 an d'ouverture, on passe de délicieux à dégueulasse.  

     

  • Le salut roumain ?

    Et bien ... ! en rédigeant le billet précédant celui-ci, je ne pensais pas que mon paragraphe sur le sentiment roumain d'être méprisé par d'autres pays, notamment la France, avait été illustré, il y a quelques jours, par un des guignols de Ruquier ...

    En fin de journée, alors que je réponds aux commentateurs de mon blog sur fond sonore de journal télévisé roumain, mon oreille est tout à coup tirée de sa léthargie par des mots dans ma langue maternelle. Je lève les yeux "Hey, Boug' c'est en français !"

    Nous fixons toutes deux l'écran et reconnaissons le plateau télé de Ruquier, son émission à la con que j'éxècre et ne regarde jamais. Un sinistre personnage est affublé d'un jupon criard. Il est question de salut romain, auquel il répond par sa version du salut roumain : il se lève, courbe le dos et plié en deux, tend la main en grimaçant "S'il vous plaît monsieur, madame". Et le public, magnifique troupeau de moutons bêlants, se lève à son tour et imite son geste..

    Edit du 25 avril 2010 : j'avais décidé ne pas insérer cette vidéo dans mon billet, pour ne pas faire de pub à cette émission mais la plupart des Français auxquels j'en parle ne sont pas au courant de ce sketch (ce qui est plutôt bon signe, entre nous). Je l'insère donc pour que vous puissiez juger du degré "d'humour" de M. Lambert :

    Quand on a rencontré des gens comme Dana, Costel, Andreea, Petre, Luminitsa ou Elisabeta, pour ne citer que quelques-uns de ceux qui m'ont accueillie avec chaleur et simplicité, on ne peut qu'être profondément choqué - et honteux - par l'image du peuple français que Ruquier et ses copains prétendent refléter. Ce n'est pas comme cela que j'aime entendre parler de mon pays à l'étranger. 

    Un peu plus tard, au restaurant, Dana découvre à son tour ce sketch puant qui provoque actuellement un scandale en Roumanie.

    Dana nous traduit le gros tittre "Comparati cu cersetorii" (comparés à des mendiants). Lorsque nous nous indignons que, au-delà de ce sketch qui n'est pas drôle, le public tout entier ait renchéri, elle demande "Mais ils sont payés pour ça, non ?".

    Et bien, non, ils ne sont pas payés. Ils sont juste très cons. Je crois qu'au delà de l'auteur de ce sketch, c'est vraiment l'image du public qui se lève à sa suite qui m'écoeure profondément.

    Dana secoue la tête : "Nous sommes habitués".

  • Putain de Saint-Valentin ...

    Je tue les soirées en solitaire de manière plutôt agréable sur le site de la SPH....

    La plupart du temps, je ris beaucoup, parfois même j'éclate de rire. Avec ce petit gars (grand, d'ailleurs) montmartrois, avec lequel j'ai bu un verre au bout de 3 mois d'échanges réguliers. Il m'a prévenue « Ne monte jamais en voiture avec moi ». Et si un jour on boit du champagne ensemble, je le surveillerai. Avec lui, je me pisse dessus de rire !

    Il y a aussi « le Bruno », mis en vente aux enchères par une amie très chère, qui va et vient au rythme de ses rencontres et m'envoie des mails drôles et tendres. Et d'autres copains échoués là, que je vois « clignoter » de temps en temps.

    Hier soir, pourtant, l'ambiance ne semblait pas à la déconne.

    Un premier mail d'un homme qui tente d'établir un contact depuis longtemps (et que j'ignore, honte à moi), auquel je réponds et qui me confie, tout de go, être nostalgique à l'approche de la Saint-Valentin. Je suppose que l'année dernière à la même époque, il l'a passée dans les yeux d'une jeune femme aimante mais, pudeur ou coquetterie, il n'en dira pas plus et retournera à ses rêveries.

    Un peu plus tard, j'entame la discussion avec un autre au pseudo pêchu auquel il ne fera pas honneur, ce soir. Nous échangeons des vues sur le site et les gens qu'on y croise. Il me charrie et me demande si j'ai la médaille de Jeanne d'Arc. « Désolée, j'ai envie de rire, ma vie sentimentale et professionnelle me dépriment » dit-il. Il est en train de divorcer et « en a marre de baiser avec n'importe qui ». En dehors de ça, il court les marathons et j'en profite pour changer de sujet et solliciter ses conseils.

    Et puis, pour finir, ce « marchand d'art » un peu rouquin qui me contacte et répond, quand je lui demande ce qu'il a fait de sa soirée (il sort beaucoup, visiblement) répond qu'il est sous la couette et n'a pas trop la pêche. « Une remontée d'émotions suite à ma rupture amoureuse et la Saint-Valentin qui approche, ça fait pas mal de négatif... » Il raconte qu'après 3 mois, silence radio, plus rien, pas de réponse à ses mails et appels. Je trépigne presque de colère derrière mon ordi, ce genre de truc me fout en rogne, ceux qui me connaissent bien le savent. Comme me l'écrivait un autre il y a peu « je préfère un non clair à un oui pour de mauvaises raisons ». Et bien moi, je préfère un bon « vas te faire foutre » à un silence méprisant.

    Ce matin les petits lapins allaient mieux. Ce doit être la nuit qui les rend sombres.

    Le garçon fan des années 80 me relance pour une deuxième rencontre. Il écrit "J'ai acheté un blouson en cuir pour faire le bad boy pour rien, heureusement qu'il était soldé, prochaine étape le tatouage sur le bras droit". Je lui conseille plutôt le piercing sur le zguègue, ce qui le fait rire mais ayant peur qu'il prenne au sérieux ma déconne, je le rattrape au vol avant qu'il ne commette l'irréparable. Il veut absolument savoir s'il n'y a pas la moindre chance qu'on couche ensemble. "Tu as le don de casser le moral" écrit-il à ma réponse sans appel. Ben merde, moi qui me fais un honneur de ne pas faire miroiter de faux espoirs aux hommes, v'là qu'il y en a qui demandent des minauderies ... !

    Est-ce que je suis la seule à n'en avoir rien à taper de cette fête commerciale ? Je me suis toujours sentie désolée pour ces hommes qui se baladaient avec leur rose rouge à la main et ces couples aux yeux larmoyants attablés comme pour de la figuration, le jour du 14 février. De manière générale, je déteste les fêtes obligatoires.

    L'année dernière, et malgré mes recommandations, j'ai eu droit à une rose rouge. A quinze jours près, j'y échappai.

    Pitié ! Le resto, les fleurs, n'importe quel jour, mais pas celui-là !

     

     

     

  • C'était supportable alors je me suis tu

    Je m'appelle Mabrouck Rachedi. A l'école déjà, la maîtresse m'appelle Rachid "parce que c'est plus facile que mon drôle de nom". Quand un  -vrai - Rachid squatte les bancs de ma classe, elle me rebaptise Marc. Deux années à s'entendre appeler d'un autre prénom à un si jeune âge, ça marque. C'était supportable et je me suis tu.

    (...)

    Pour sortir dans les boites branchées, j’ai essayé toutes les combinaisons : en costume, en vêtements de marque, en habits hype ; en petit comité ou à plusieurs ; seul avec une fille ou avec plusieurs filles. Aucune ne marchait si lesdites filles n’étaient pas blanches et si possible blondes. Devenu analyste financier dans une société de bourse, j’ai pu sortir avec un jean pourri, en bande de 20, et en compagnie uniquement masculine.  J’étais le seul « usual suspect » (encore mon allure indéfinissable) parmi des Blancs alors j’étais « au mieux » Blanc, « au pire » le bon Arabe. C’était supportable alors je me suis tu.

    (...)

    Pas facile de trouver un travail en France alors pour se donner du courage, un ami et moi démarchons ensemble cette grande banque qui a décidé de monter un grand rendez-vous de l’emploi. (...) De fait, nous sommes invités à déposer notre CV et on nous promet de nous rappeler plus tard. Mon ami aura droit à un entretien personnalisé, moi non. La grande différence de nos CV est que j’ai obtenu des mentions là ou il n’en a pas eu. Ah oui, j’oubliais qu’il s’appelle Sébastien. Mais bon, c’était supportable alors je me suis tu.

    (...)

    Je cours plutôt pas mal quand je suis en forme. Ce jour-là j’étais en très grande forme, dévalant mon parcours habituel à toute berzingue. Les yeux ébahis des badauds témoignent que je suis en train de réaliser une belle performance quand je suis arrêté par la police montée. Qu’est-ce que je fais à courir dans un parcours… de jogging ? (...) Comme la plupart des gens autour de moi, j’ai la fantaisie de chasser la performance sans mes papiers car je suis à deux pas de mon domicile. Mais moi, on me plaque contre un mur et me demande mon identité. C'était supportable alors je me suis tu.

    (...)

    On s’étonne que je ne boive pas d'alcools et que je ne mange pas de porc. Je peux comprendre l’ignorance alors j’essaie d’expliquer mon héritage culturel. Mais la surprise persiste : je suis cultivé (parait-il car je suis écrivain), je suis sociable, j’ai la blague facile. Allez Mabrouck, du mangera bien du sauciflard ou un coup de rouge pour être un bon camaraaadeuuh. C’est véniel, ce n’est pas méchant, c’est arrivé une bonne centaine de fois dans ma vie. C’était supportable alors je me suis tu.

    (...)

    Aujourd’hui je suis aux Etats-Unis pour un programme d’écriture internationale regroupant des écrivains de 36 nationalités. Aux yeux de tous, je suis le Français. On me renvoie toutes les caricatures, du béret à Edith Piaf, de la baguette de pain à l’intellectuel germanopratin… Et même au sauciflard et au vin. Je souris du sublime paradoxe de n’avoir jamais été aussi français, pays de ma naissance, qu’à l’étranger. Et là, tandis que j’écris ces lignes, j’ai le mal du pays. Mon pays. La France.

    (...)

    Me taire était une erreur. Bout à bout, la séquence des événements à un sens, celui d’une bête immonde dont le ventre est encore fécond. Ce n’est pas supportable alors parlons-en.

    Retrouvez le billet complet sur le blog de Mabrouck Rachedi :