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Globe-trotting - Page 13

  • Jour 12 : Halte à Sibiu, sur la route du retour

    C'est le jour du départ. Pour notre dernier petit-déjeuner, Dana  nous a fait une surprise : une brioche au chocolat, truffée de dés de loukoums, des pains fourrés au fromage doux et des strudels aux pommes. Nous quittons Rm Vâlcea un peu avant 9h.

    La route jusqu'à Sibiu ne nous est pas familière puisqu'à l'aller, nous l'avons faite de nuit. Dans ce sens et en journée, il y a beaucoup moins de poids-lourds et elle nous paraît moins longue. A Sibiu, aucune direction du centre-ville, nous nous retrouvons à proximité un peu par hasard. Nous garons la voiture sur un parking près d'une station-service Rompetrol et en profitons pour faire une photo souvenir pour Stéphane.

    Guide en main, nous arrivons sur la Piaţa Cibin où se tient un marché que nous traversons. La ville de Sibiu tire son nom de la rivière Cibin, afluent de l'Olt. Fondée par des colons allemands au 12ème siècle, Sibiu, anciennement Hermannstadt, a miraculeusement été épargnée des destructions sous la seconde guerre mondiale puis sous l'ère communiste, sans doute parce que le fils de Ceauşescu y avait des responsabilités et aimait y séjourner. Les Strada Filozofilor (rue des Philosophes), Masarilor (des Tisserands) et la Piaţa Armelor (place des Armes) témoignent du passé médiéval de Sibiu. Du marché, nous prenons la Strada Azilului (rue de l'Asile, où se trouve un hospice de vieillards) et apercevons les tourelles de monuments sur notre droite. Je voudrais commencer notre rapide visite de Sibiu par la Ville Basse, nous montons donc les marches qui mènent au pont de fer Podul Minciunilor (Pont des Mensonges) et prenons à gauche. Nous nous engouffrons dans le pasajul Aurarilor (passage des Orfèvres), un charmant escalier menant à la place du même nom, dans la Ville Basse. Là, nous remarquons les pittoresques maisons basses et à large toiture, trouée de lucarnes en forme d'amandes qu'on surnomme « les yeux de Sibiu » ou « ochii oraşului » (yeux de la ville). On les retrouve un peu partout dans la ville.

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    Quasiment toutes les maisons portent une plaque indiquant qu'elles sont monument historique et contrairement aux autres villes de Roumanie, de nombreux plans du quartier ou plaques devant les monuments (et en français aussi !) expliquent ce que l'on admire. Quel dommage cependant que les voitures soient autorisées à pénétrer dans la Ville Basse et que la municipalité n'interdisent pas les enseignes criardes qui enlaidissent les somptueuses façades aux teintes pastel !

    Nous remontons vers la ville et débouchons sur la Piaţa Mică (Petite Place) entourée de maisons aux teintes pastel, blotties les unes contre les autres. Je comprends pourquoi mon guide indique que Sibiu est la plus jolie ville du pays et pourquoi Dana insistait tant pour que nous la visitions. Le voyage de la veille jusqu'à Brasov valait le déplacement pour les paysages montagneux grandioses que nous avons traversés mais la ville médiévale de Brasov fait triste mine à côté de la beauté de Sibiu. On retrouve tout à fait l'influence austro-hongroise de cette ville qui appartient déjà à la Transylvanie, longtemps  empire hongrois. Dépassant les toits des maisons, nous apercevons même les tuiles vernies d'une église, tout à fait semblables à celles que l'on trouve dans le quartier du château de Budapest.

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    Nous rejoignons la Piaţa Huet, passant devant la magnifique cathédrale orthodoxe dotée de coupoles rebondies, qui se donne des airs de Sainte-Sophie  d'Istanbul.

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    Je hâte le pas et Boug' trottine derrière moi. Nous parvenons enfin à une rue commerçante et entrons dans un café (j'avais une envie pressante de café, ça ne se commande pas). Après une courte pause et deux espressi, nous ressortons et parvenons à la Piaţa Mare (Grande Place) au charme saisissant. Là encore, de très beaux bâtiments entourent la place, celui, jaune pâle, de la Banca Agricola, des bâtiments rose saumon, bleu pâle, mauve, vert tendre. J'ai l'impression d'être dans le quartier du château de Prague, cette fois. Nous prenons un tel nombre de photos que les piles de nos appareils photos rendent l'âme simultanément. 

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    Après une heure et quart à marcher dans la ville, nous nous résignons à abandonner la visite car la route est encore longue jusqu'à Budapest. En redescendant vers le marché, nous nous faisons la remarque de la physionomie très différente des passants. Ils sont beaucoup moins typé s et ont le teint et les cheveux beaucoup plus clairs que la plupart des Roumains que nous avons croisé lors de notre séjour. Nous empruntons l'artère centrale du marché et prenons quelques clichés des étals : radis énormes et ronds (que j'ai croqué à chaque petit-déjeuner, avec concombres, tomates, olives  et fromage de brebis), poireaux, fraises, tomates, assortiment de miels, mottes de fromages granuleux.

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    Nous reprenons la voiture, un tantinet frustrées. La magnifique ville de Sibiu aurait bien mérité que nous lui consacrions une journée entière. 

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  • Jour 11 : En route pour Braşov, sur les traces de Dracula

    thumbnailCAMGU3AQ.jpgAujourd'hui, nous entreprenons un petit périple jusquà la ville de Braşov. La veille Sabin, notre guide pour la visite du musée du village, nous a indiqué notre trajet d'environ 200 kilomètres nous prendrait 2h30/3 heures et donné deux itinéraires : via Curtea de Arges ou via Pitesti.  Nous nous étonnons que l'une ou l'autre prennent le même temps, puisque Pitesti constitue clairement un détour, et comprendrons pourquoi une fois en route.

    Nous décidons d'emprunter la route nationale jusqu'à Curtea de Arges. Pas un poids lourd en vue, c'est la fête. Il fait 16°C, le soleil est radieux, les oiseaux gazouillent et très vite, droit devant nous, apparaissent les sommets enneigés des Carpates.

    Peu après Curtea de Arges, dans un virage sur la route de Câmpulung, je pile. La route est défoncée. Des nids de poule énormes, des trous, je dois zigzaguer et rouler au pas sur une bonne vingtaine de kilomètres. La Mégane cahote et souffre sur le bitume, sous le regard tranquille des chiens postés sur le bas-côté de la route. Je lance à Boug' « On aurait dû acheter des soutien-gorge de sport avant de venir en Roumanie ! » Les mains crispées sur le volant, je ne peux même pas admirer le paysage magnifique et les villages blottis en contrebas. Boug' mitraille depuis notre départ. Nous amorçons maintenant notre montée vers Campulung. Dans un virage, je profite d'une aire de stationnement pour m'arrêter et admirer le panorama.

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    Une vieille femme édentée qui vend ses produits sous une ombrelle s'approche de nous et entreprend de nous parler (en roumain). Elle désigne la ville en contrebas et répète « castel, castel ». Je lui fais comprendre que nous allons à Braşov. Elle pointe Boug' du doigt et demande « Mama ? ». « Elle croit que tu es ma mère », dis-je à Boug'. J'ai beau répéter « friend, », la femme n'en démord pas. « Soit je fais 20 ans, soit tu as pris un sérieux coup de vieux, ma biche », dis-je à Boug'. Nous repartons en rigolant et la vieille femme nous fait de grands signes d'au revoir.

    Nous sommes maintenant à presque 1300 mètres d'altitude et avons perdu plusieurs degrés depuis notre départ de Rm. Vâlcea. Nous traversons les villages de Fundata et Moieciu de Sus et sommes maintenant entourées de montagnes : à gauche, les monts Făgăraş, à droite le massif Bucegi.  

    Notre premier arrêt se fait à Bran où se trouve le château de ... Dracula. En chemin, munie d'un guide Roumanie-Moldavie que j'ai emprunté à ma bibliothèque municipale, Boug' m'a fait la lecture de la légende de Dracula. En fait, c'est un héros national, Vlad Ţepeş alias Vlad l'empaleur, prince de Valachie et ardent défenseur de sa principauté contre les attaques turques, qui aurait inspiré à Bram Stoker son roman sur le comte Dracula. Le nom de Draculea (fils du dragon) lui aurait été donné à titre honorifique, par son père. Vlad l'empaleur, à l'image de la société du 14ème siècle, particulièrement violente, faisait empaler ses prisonniers grecs et turcs sur un pieu, introduit dans l'anus, qui ressortait entre les épaules sans avoir touché aucun organe vital. L'agonie pouvait prendre jusqu'à 48 heures et la légende dit que Vlad aimait prendre ses repas à l'extérieur pour observer le supplice de ses victimes.

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    Le plus étonnant est que Stoker n'a jamais mis les pieds en Transylvanie et a écrit son roman à l'aide de livres. C'est d'ailleurs celui-ci qui a rendu le château célèbre et fait de Bran une ville ultra-touristique où nombre de gadgets à l'effigie du célèbre vampire sont vendus. On sent d'ailleurs très vite qu'ici les touristes sont des pigeons, sentiment que nous n'avons eu nulle part ailleurs. La moindre place de stationnement est payante, d'ailleurs à peine sommes-nous garées qu'un type se rue vers nous et semble mécontent que je ne veuille pas visiter le château et lui demande un ticket de stationnement pour une heure. Nous nous contentons de prendre des photos du pied du château car des gardiens barrent même l'accès au parc qui entoure le château. Prix de la visite 10 leu, ce qui est très cher, ici. Nous jetons un œil aux nombreuses boutiques de souvenirs et découvrons la spécialité du coin, le coajă, un fromage enveloppé dans de l'écorce.

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    En revenant à la voiture, alors que je m'apprête à dépasser une famille, j'avise le gamin qui bande son arc, prêt à décocher une flèche. Boug' essaie de me retenir. « Tant qu'il ne me la plante pas dans le cul, tout va bien ! » La famille éclate de rire. « Merde, des Français ! » me dis-je. Ce ne serait pas la première fois que je me ferais avoir, j'en ai quelques-unes comme ça à mon actif. En fait, non, ils ne sont pas français mais ont juste plus ou moins deviné la teneur de mes propos.  L'air est frais, il fait 11°C à Bran, soit 5 degrés de moins qu'à Rm. Vâlcea. Nous quittons vite la ville car après que Boug' m'ait mis l'eau à la bouche en me décrivant un chalet de montagne à une vingtaine de kilomètres de là, j'ai une dalle terrible. Et comme on sait, en Roumanie, mieux vaut mesurer les distances en temps plutôt qu'en nombre de kilomètres.

    Notre guide ne donne que peu d'indications sur l'adresse du restaurant, nous le cherchons donc d'abord à Răşnov avant que des habitants ne nous indiquent une route s'enfonçant en montagne. Après quelques kilomètres, j'arrête un garde-forestier, dubitative, mais il me fait des signes m'indiquant de continuer. En fait, la Coliba Haiducilor (cabane des Haïdouks)   se trouve au pied du téléphérique de la première station de ski roumaine, Poiana Braşov. C'est un chalet tout en bois absolument superbe, doté d'une grande terrasse. Nous entrons dans le chalet. J'ai rarement vu un restaurant plus chaleureux. Les murs de rondins sont couverts de peaux de bêtes, ours, renards et autres mammifères qui font la richesse de la faune transylvanienne. Des poteries, assiettes en céramique peinte, napperons brodés, guirlandes d'ail et d'épis de mais sont suspendus partout et un feu trône au milieu de l'immense pièce.  Les chaises sont recouvertes de peaux de mouton.

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    En revanche, nous sommes déçues par la nourriture. Si elle est bonne, elle est relativement chère et bien moins copieuse que ce à quoi nous sommes habituées ici. Le verre de vin rouge qui accompagne mon filet de sanglier est délicieux, comme tous les vins que j'ai bus en Roumanie, et les épaisses tranches de pain maison, servi chaud, un moment de doux réconfort. En revanche, quand la facture arrive, nous avalons notre salive car la carte de crédit n'est pas acceptée et il nous manque 4 leu. Nous découvrons ainsi que le prix indiqué l'est pour 100g de nourriture, détail que nous n'avions pas relevé, et que le pain est également payant. Le soir, Dana confirmera que cela est fréquent. Nous pouvons heureusement compléter par des euros.

    Nous pouvons maintenant poursuivre notre route jusqu'à l'ultime étape de cette journée : Braşov. Un jeune homme rencontré sur le site de la SPH, grand amateur de l'Europe de l'Est, m'en a dit le plus grand bien. Nous nous garons près du centre-ville et repérons sur notre guide, décidément très utile, le trajet jusqu'aux points d'intérêt. Fondée par les chevaliers Teutoniques au 13ème siècle, la ville de Braşov fut entourée de remparts destinés à la protéger des attaques des Tatars et Turcs. Nous remontons vers la ville en longeant ces remparts et repérons les Tours Blanches et Noires. Nous passons ensuite devant une étrange église sombre, c'est la Biserica Neagră (Eglise Noire) qui doit son nom à l'incendie de 1689 qui noircit sa façade. De là, nous rejoignons la Piaţa Sfatului où se dresse la Maison du Conseil, coiffée de la Tour des Trompettistes puis nous engageons dans la Strada Republicci, piétonne, et immortalisons la même scène.

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    Nous sommes ici en plein pays Saxon et l'architecture de la ville en est une parfaite représentation ; ici, pas de maisons roumaines mais des bâtisses imposantes et colorées. Après Bucarest, Braşov serait la deuxième ville la plus visitée du pays, nous la trouvons pourtant décevante. Et ce constat sera d'autant plus vif après la visite de Sibiu, le lendemain, sur la route du retour vers la France. Nous prenons toutefois plaisir à nous promener jusqu'à la porte Schei qui délimitait la ville, habitée par les Saxons, et maintenait les Roumains à l'extérieur de son enceinte, dans le quartier Schei. En route vers cette porte, j'avise, derrière des grilles, un très beau bâtiment qui est indiqué comme étant la synagogue. Elle n'a pourtant pas l'apparence de celles que j'ai pu voir jusque là.

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    Le contraste entre les maisons teutonnes, à l'intérieur de la ville, et les maisons roumaines, au-delà de la Poarta Schei, est saisissant. A droite se trouve la très jolie Poarta Ecaterinei, la seule datant de l'époque médiévale.

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    Il est 17 heures, nous devons reprendre la route pour passer notre dernière soirée avec Dana. Cette fois c'est Boug' qui s'y colle tandis que j'admire le paysage, tout en lui faisant, à mon tour, la lecture. A la sortie de Braşov, nous nous retrouvons derrière un véhicule crachant d'énormes nuages noirs. Impossible de le doubler dans les cols montagneux, Boug' trépigne derrière son volant "Il est en train de cramer son moteur, ce con !". Un peu plus bas, dans la vallée, des vaches errent sur le bord de la route. Tout à coup, je pose une question existentielle sur l'ours que j'ai failli bouffer le midi. Nous nous étranglons de rire et Boug' a mal aux abdos. "N'empêche, on a assuré jusqu'ici, on a pas écrasé un seul chien !" Boug' renchérit "Ouais, on n'a écrasé ni chien, ni mouton, ni vache, ni ours, pourtant l'ours, on aurait presque voulu, rien que pour vérifier ..."

    Nous décidons de prendre le second itinéraire jusqu'à Pitesţi car la carte routière de Boug' indique une route plus importante - et en meilleur état, on peut l'espérer -  que celle du matin. En route, Boug' me fait plaisir en s'arrêtant pour embarquer un auto-stoppeur. Ce n'est pas Brad Pitt mais le monsieur embaume le parfum dans son gilet de laine. Aucune chance de faire la conversation avec lui, je ne sais même pas où il va et me retourne régulièrement. A Campulung, il s'agite et après avoir refusé les billets qu'il nous tend (Dana nous apprendra le soir que l'auto-stop se pratique beaucoup en Roumanie et qu'il est normal de participer aux frais d'essence), il nous quitte en nous envoyant des baisers. Un peu plus loin, je repère un étrange convoi. « Stop, Boug' ! Photo ! ».

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    3 heures plus tard, à Pitesţi, nous prenons la direction de Rm Vâlcea. La route s'élargit soudain, nous nous retrouvons sur une quatre voies. « Mais .... C'est une autoroute ! » s'exclame Boug'. Malheureusement, avant même qu'elle ait pu prendre de l'élan, l'autoroute est déjà finie. Je scrute la carte routière ; en effet, c'était juste la fin de l'autoroute qui vient de Bucarest. La seule autoroute du pays, longue de 200 kms, dont Dana m'apprit que la réalisation de 5 kms prit 4 ans de travaux, ce qui fut une bonne source d'inspiration pour le caricaturiste roumain Mihai Stanescu.

    A 21h, Dana descend nous rejoindre. Ce soir, pour notre denière, Boug' et moi nous offrons la savoureuse Ciorba de Legume de la Casa Vâlceana.  Demain, c'est déjà le départ !

     

  • Jour 10 : visite du musée du village

    Aujourd'hui, Dana propose de nous faire visiter le Muzeul Satului (musée du village) qui était fermé lors de mon dernier séjour. C'est un ensemble de maison anciennes ramenées de différents endroits du département de Vâlcea.

    Celui-ci se trouve dans la commune de Bujoreni.

    A l'entrée, devant un portail en bois sculpté similaire à celui qui orne la maison natale de Brâncusi, un jeune homme nous attend; c'est notre guide, Sabin, et il parle parfaitement français.

    Sabin nous apprend que toutes les maisons qui se trouvent sur le terrain que nous visitons ont été démontées, amenées jusque là et entièrement remontées sur place, à l'identique. Seule la tour de guet est à sa place d'origine. Ce type de musée aurait été créé au départ "par orgueil", pour copier des initiatives similiares prises par les Soviétiques et surtout tenter de faire mieux. Aujourd'hui, ces musées qui sont à peu près au nombre de 10, qu'ils soient départementaux ou nationaux, ont vocation à préserver le patrimoine roumain et sont utilisés à des fins pédagogiques.

    Il pleut, le sol est boueux et Sabin nous prévient qu'à son grand regret, nous ne pourrons pénétrer que dans l'école mais pas dans les maisons.

    Nous commençons donc la visite par l'école où dans une grande salle se trouvent des pupitres de bois. Contre un mur, Sabin fait jouer un tableau noir coulissant. A l'autre bout de la pièce, des tuniques traditionnelles sont pendues à un porte-manteaux.

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    Nous ressortons et marchons dans une allée. Sabin explique que le parc a été organisé comme une carte du département. Chaque maison a été placée selon le point cardinal de son origine. On a même reconstruit les maisons des régions montagneuses du Nord à flanc de colline. Le parc contient deux moulins à eau. Nous découvrons un système de poulie permettant de puiser l'eau dans un puits.

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    Plus loin, nous pouvons découvrir, du pas de la porte, un foyer ouvert à l'intérieur d'une maison roumaine traditionnelle. Devant une maison, des totems surmontés de visages humains. Sabin explique que cela est une fantaisie d'un artiste et n'a rien d'une tradition roumaine.

    La pluie crépite sur nos parapluies et je n'ai plus de doute quand à la non-étanchéité de mes chaussures. La balade est très agréable dans la végétation printanière et les pépiements joyeux des oiseaux.

     

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  • Jour 9 : Le dernier palais du couple Ceauşescu

    Aujourd'hui nous conduisons jusqu'à la ville de Băile Olăneşti, une station thermale où nombre de curistes viennent soigner leurs pathologies et se promènent dans les rues de la ville, bidon en plastique à la main.

    Le principal but de notre virée, cependant, n'est pas tant les vertus thermales de Băile Olăneşti que la magnifique propriété qui se dresse au milieu de la forêt, au-dessus du sanatorium.

    Là se trouve, en effet, la dernière propriété que s'est offerte le couple Ceauşescu. Dana nous apprend qu'en parfait mégalo, Ceauşescu s'est fait construire des dizaines de propriétés à travers le pays, dans lesquelles il ne séjournait jamais. Et de fait, nous jouissons ce matin d'un privilège qu'il n'aura pas connu; le palais de Băile Olăneşti devait être son cadeau de Noël  1989, offert par Elena, dont ni l'un ni l'autre ne purent profiter puisqu'ils furent justement fusillés le jour de Noël.

    Nous garons la voiture sur le parking juste avant le portail de bois et faisons quelques pas jusqu'à une guérite où un gardien nous apprend que l'accès au palais est interdit. Nous nous résignons à rebrousser chemin quand Dana, faisant jouer ses relations, nous obtient l'entrée du parc et même la visite guidée du palais. Sur le perron, une jeune femme souriante nous accueille et nous fait pénétrer dans l'entrée principale. Boug' et moi sommes très excitées de visiter un tel endroit mais aussi très frustrées car les photos sont interdites.

    Chaque pièce est habillée d'essences de bois différentes que l'on retrouve sur les boiseries et les parquets marquetés. Des tapis entièrement tissés à la main, dont le motif reprend à l'identique les moulures du plafond, auxquels sont suspendus d'énormes lustres de cristal amenés de Bucarest, recouvrent chaque sol. Le hall d'entrée, relativement sobre en comparaison des autres pièces, est ainsi orné d'un immense tapis de 46 mètres carrés, entièrement tissé à la main.

    Notre guide nous entraîne au sous-sol et nous invite à admirer la pièce entièrement recouverte de mosaïque et abritant une piscine chauffée à 37°C, tout comme le carrelage qui l'entoure. Une rampe en cuivre descend dans le bassin. Dans une salle contiguë, un sauna et un bain à remous sur un sol en céramique blanche et bleue, avec dressing dans lequel est installé un chauffe-peignoirs. Nous pouvons constater que la légende qui prétendait que toute la robinetterie des demeures  de Ceauşescu étaient en or massif est totalement usurpée. 

    Quelques mètres plus loin, après avoir traversé la salle de billard, nous entrons dans la salle de cinéma. Une pièce toute tendue de velours vert et drapée de tentures magnifiques, brodées par les religieuses du monastère de Tismana, que nous avons visité la veille. Les murs sont recouverts de boiseries nobles comme dans chaque pièce du palais.

    Au pied de l'escalier de chêne massif aux rampes en acajou se trouve une fontaine en porcelaine blanche éclairée par un jeu de lumières sur une mosaïque en verre de Murano, oeuvre d'un artiste roumain.

    L'escalier est éclairé de vitraux colorés sur 3 étages et réchauffés de radiateurs enfermés dans des coffrages en bois précieux. Nous visitons d'abord le premier étage où se trouvent les cabinets 1 et 2, respectivement celui de Nicolae et Elena Ceauşescu. Celui de l'ex dictateur, assez sobre, contient un pupitre destiné aux discours qu'il n'a plus eu l'occasion de tenir. Les fauteuils sont recouverts de toile beige et une magnifique cheminée en marbre de Carrare trône. Le cabinet de Madame est entièrement décoré de bois de cerisier et agrémenté d'un tableau de Corneliu Baba. Chaque pièce est décorée d'un tableau unique.

    De l'autre côté du vestibule se trouve le salon puis la salle à manger, aux boiseries en racine de rosier et innombrables lustres de cristal, donnant sur une terrasse en marbre.

    Notre guide nous invite à découvrir, à présent, les 3 appartements de l'étage supérieur.  Le palier du dernier étage de cette demeure est entièrement décoré d'arcades en bois reprenant un style typiquement roumain instauré par le prince Brancoveanu et que l'on retrouve dans les monastères et les anciennes maisons roumaines.

    Tout d'abord, la chambre d'hôtes : un lit imense posé dans une alcôve à baldaquins. De chaque côté, des niches donnent à admirer de magnifiques assiettes délicatement peintes. 

    La pièce suivante est la salle de bains. La niche au-dessus de la baignoire est elle aussi recouverte d'une sublime mosaïque représentant deux nymphes. Devant l'étonnement de Boug' face à la très petite taille de la baignoire, comparé aux surfaces démesurées que nous parcourons, notre guide explique que le couple Ceauşescu craignait l'eau, ce qui explique également le peu de profondeur de la piscine qui n'excède pas 1m40.

    Nous voici à présent dans l'appartement de l'ex-dictateur, beaucoup moins impressionnante, finalement, que la chambre d'hôtes. Toujours les mêmes teintes beiges sur les lits et les tentures, le tapis est coloré de rose saumon et le dressing modeste. Là encore, la mosaïque de la salle de bains, dont les jaunes dorés sont obtenus par l'utilisation de feuilles d'or dans la fabrication du verre, est de toute beauté. Je demande à Dana d'expliquer à notre guide que nous avons un ami mosaïste à Paris qui serait ravi de voir de tels ouvrages.

    Nous terminons la visite par l'appartement d'Elena Ceauşescu. La première pièce abrite une méridienne destiné aux deux chiens du couple,Corbu et Sharona. Dans la chambre d'Elena, le bois de cerisier qui orne les lits, valets, bureaux et chevets est entièrement marqueté du même motif en damiers.  Le plafond a occupé pendant une semaine 7 personnes, à raison de douze heures par jour, pour réaliser un mètre carré de ce gypse sculpté. Elena refusa d'ailleurs leur travail à deux reprises avant d'accepter le troisième modèle, qu'elle voulait parfaitement conforme au motif des coffrages de bois.

    La propriété et les jardins alentours sont parfaitement entretenus car s'il n'est pas ouvert au public, le dernier palais du couple Ceauşescu est régulièrement utilisé pour des réunions de membres du gouvernement.

    En quittant cet endroit si paisible au milieu de la forêt, nous ne pouvons nous empêcher de nous réjouir que celui qui fit couler tant de sang sur le sol roumain n'ait jamais eu l'usufruit de cette propriété luxueuse.

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  • Jour 8 : Rendez-vous avec Petre à Târgu Jiu

    100_4044.JPGAujourd'hui, j'ai rendez-vous avec un de mes collègues de travail, roumain, le hasard ayant voulu qu'il séjourne en même temps que nous en Roumanie et à une centaine de kilomètres de Râmnicu Vâlcea. Lorsque j'avais annoncé à Petre que je retournais en Roumanie en avril, il s'était écrié « On doit se rencontrer là-bas ! ».

    Rendez-vous est pris dimanche pour midi trente dans sa ville, Târgu Jiu. Celle-ci, nichée au bord du Jiu qui lui donne son nom, abrite trois œuvres érigées à ciel ouvert et offertes à la ville par Constantin Brâncuşi, célèbre sculpteur roumain et élève de Rodin qu'il aurait quitté en déclarant « Il ne pousse rien à l'ombre des grands arbres ».

    Après un petit déjeuner ponctué des chants s'élevant de l'église qui se trouve de l'autre côté de l'avenue, nous prenons la route pour Targu Jiu sous un soleil magnifique (23°C au thermomètre). En chemin, nous visitons rapidement le monastère de Govora, un des préférés de Dana.

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    A Târgu Jiu, Petre nous attend au bord de la route, affublé de lunettes de soleil qui protègent ses yeux fatigués d'une nuit passée à faire la fête. Je saute de joie en l'apercevant et lorsque sa femme Daniela, que je ne connais pas, descend de voiture, nous achevons les présentations.

    Petre propose que nous découvrions avec eux les œuvres de Brâncuşi qui s'étalent à travers la ville sur un axe ouest-est commençant sur les rives du Jiu, traversant le parc municipal, continuant sur l'Avenue des Héros pour se terminer dans le parc entourant la Colonne sans fin. Nous commençons la visite par ce monument (en vignette) de près de 30 mètres de haut que les chars allemands et russes auraient tenté, en vain, de détruire pendant la seconde guerre mondiale.

    Nous rejoignons ensuite les rives du Jiu, traversé par un pont métallique « construit par les Français», où trône un ensemble de pierre, La Table du Silence, puis le parc municipal où nous suivons l'Allée des Chaises qui mène à la Porte du Baiser.

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    Petre prend presque plus de photos que nous, il s'en explique en faisant remarquer qu'il est devenu un touriste dans son propre pays. J'ai connu cette expérience aussi et nous convenons qu'on n'aime jamais mieux son pays que quand on en est éloigné.

    Le parc, très fréquenté en ce dimanche, est agréable et parfaitement entretenu. La ville de Târgu Jiu toute entière est d'ailleurs d'une propreté exemplaire grâce à la vigilance du maire. Daniela nous apprend que son vrai prénom est  Luminişa (un très joli prénom à prononcer Louminitsa et qui signifie «petite lumière») mais qu'elle a dû en changer parce que «c'était trop difficile pour les Français».  Elle nous promène dans le centre-ville, très plaisant, pendant que Petre s'absente pour aller chercher sa belle-mère qui veut poursuivre la visite avec nous. Comme dans la plupart des villes roumaines, les maisons anciennes ont été détruites et remplacées par des barres d'immeubles. D'après Dana, on laisserait volontairement les immeubles se dégrader pour les racheter à bas prix.

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    Nous retrouvons Petre sur le parking. De la voiture sort une femme plantureuse aux cheveux rouges et au maquillage improbable. C'est Elisabeta, la maman de  Luminişa, accompagnée de sa fille cadette. Après nous avoir embrassées comme du bon pain, elle me tend une bouteille de Coca-Cola de 2 litres, remplie d'un liquide jaunâtre. « C'est de la ţuika faite maison, pour toi»  dit Petre, hilare.  Nous éclatons tous de rire et Petre traduit ma réponse «Sophie ne boit jamais de Coca-Cola mais celui-là, elle va en boire !».

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    Il est près de 14 heures et Petre nous invite à déjeuner dans un restaurant traditionnel, le « Hanul Domnesc ». L'endroit est meublé de ce bois si chaleureux qu'on retrouve dans de nombreuses auberges roumaines et les pièces du restaurant décorées de costumes traditionnels, instruments de musiques, poteries et artisanat local. Des photos attestent de la splendeur du Târgu Jiu d'antan, avant les destructions. 

    Nous nous installons tous les 7 dans un patio fleuri. Comme souvent, la carte retrace l'histoire de l'auberge et regorge de légendes et anecdotes diverses sur les plats. Sur les conseils de Petre, je choisis un ragoût de bœuf servi dans un pot en céramique, Boug', un chou farci et Dana un plat, très goûteux, qui ressemble étrangement au rougail saucisses réunionnais. Le tout accompagné de l'incontournable mamaliga (polenta roumaine).

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    Le repas est très convivial et je m'amuse d'observer le sourire radieux de ma Boug' qui se fait tripoter la nuque et caresser les cheveux par Elisabeta qui la couvre de câlins. Lorsque nous ressortons du restaurant, Petre pointe du doigt des X5 BMW « Regarde, Sophie, ces pauvres Roumains : ici, une voiture à 70.000 €, là aussi. Il faut dire ça en France parce que tout le monde pense que nous n'avons rien à bouffer ici ». Pour preuve que les Roumains mangent, et bien, Luminişa se désole d'avoir pris 3 kilos en une semaine.  

    J'avais déjà senti à quel point les Roumains sont sensibles à l'image qu'on peut avoir de leur pays. Force est de reconnaître qu'en France, en tout cas, ce sont surtout des préjugés négatifs qui nous viennent en tête lorsqu'on évoque les Roumains et ceux qui vivent en France souffrent d'être assimilés aux gitans. Petre est fier comme Artaban de notre enthousiasme et Luminişa ne cesse de demander si nous aimons son pays. Je la rassure « Tu crois que je serais venue 2 fois en 6 mois si je n'avais pas aimé la Roumanie ? ».

    Après ce festin, nous reprenons les voitures et suivons Petre jusqu'au monastère de Tismana, un des plus anciens de Roumanie, construit au 14èmesiècle. Nous entrons dans le monastère au moment où une messe s'y tient. L'église est bondée car les Roumains sont très croyants. Les élises orthodoxes sont très sombres et par conséquent très intimistes et les fidèles sont debout ou à genoux. De rares chaises sont réservées aux personnes ne pouvant pas rester  debout.  Je me glisse dans un coin, juste à côté d'une vieille religieuse enserrée dans sa longue tenue noire, coiffée d'une sorte de calot noir tenue par un foulard épais, noir lui aussi. Ses joues flasques et rebondies débordent du tissu et se découpent dans l'obscurité de la pièce. A tour de rôle, dans chaque coin de la pièce, des religieuses entonnent des chants liturgiques particulièrement reposants. Nous visitons le petit jardin fleuri et le cimetière où reposent les religieuses.

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    Après m'avoir invité à me désaltérer à une fontaine d'où s'écoule l'eau de la montagne, Petre nous emmène à sa source, près d'une grotte. Elisabeta et Boug' sont toujours collées l'une à l'autre, elles se sont bien trouvées visiblement, ces deux-là, et la barrière de la langue n'en est pas une.  En remontant en voiture avec la carte postale que lui a offert Elisabeta, Boug' écrase une larme. Pour détendre l'atmosphère, je la charrie : « Hey, y'a pas de raison que je sois la seule à chialer ! »

    La dernière étape de notre promenade ensemble se trouve dans le village d'Hobita, à 25 kms au nord de Târgu Jiu.  C'est là que, derrière un portail en bois sculpté de toute beauté, nous découvrons la maison natale du sculpteur Brâncuşi. Au fond d'un jardin verdoyant, une vieille maison roumaine en bois est posée sur un socle de pierres blanches. La propriété a été conservée en l'état et se promener dans le jardin entre le puits et les cabanes attenantes est un voyage dans le temps très reposant.

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    Il est l'heure de se séparer et Elisabeta nous rebige comme du bon pain en nous demandant de revenir en Roumanie, chez elle. Petre et moi nous donnons rendez-vous à Paris et nous gratifie d'une invitation à venir dîner chez eux. Argument imparable, Luminişa sait faire les papanaşi et nous promet même la recette.

    Sur le chemin du retour, nous stoppons une dernière fois pour acheter quelques céramiques au bord de la route. Le repas du soir est léger, bouillon et légumes, ça nous repose l'estomac . Nous nous couchons la tête pleine des sourires irrésistibles d'Elisabeta et de cette nouvelle journée riche en rencontres humaines inoubliables.