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2yeux2oreilles - Page 164

  • Vibrations

    Il y a 2 mois, ma copine Sophie m’appelle au boulot. Elle a accouché 2 semaines auparavant d’un petit garçon et au lieu du ton enjoué genre « j’ai vu la Vierge » auquel je m’attendais, elle a une voix tremblotante. « C’est horrible, je déprime, j’arrête pas de chialer », me dit-elle d’une petite voix.

    Faut que je précise, ma copine Sophie, c’est une couillue. Des yeux immenses, tristes, mais une bonne humeur quasi permanente. A à peine 30 ans, elle dirige une équipe de 20 personnes. On bosse ensemble et le rapport professionnel s’est vite doublé d’un rapport amical. Ca ne m’empêche pas de faire mon boulot. Et même de faire des heures supp’ non déclarées, pour le plaisir de faire les cons ensemble, comme je le racontais .

    Donc, on parle longtemps et j’essaie de la consoler, même si je ne connais absolument rien aux effets secondaires de la maternité. Elle se sent moche, grosse, ça je peux bien le comprendre. Elle me demande si on peut se voir un samedi, elle a besoin de sortir. Elle propose de passer me chercher avec son nourrisson. On prend une date pour la semaine suivante, au programme balade dans Paris puis dîner chez elle pour que je rencontre son homme.

    Le samedi prévu, son mec a la bonne idée de se proposer pour garder les 2 z’affreux. Nous voilà donc parties bras dessus bras dessous dans le Marais, un de mes quartiers de prédilection. Y’a plein de bonnes choses à manger et à boire là-bas et des boutiques sympas. Sophie, c’est une gourmande. De tout. On se ressemble pas mal d’ailleurs, je trouve, dans le parcours, le physique et le caractère.

    Elle a la pêche, ce jour-là, ma Sophie. Plus de larmes et en plus, le soleil brille aussi à l’extérieur. Quand je prends des nouvelles, elle me dit qu’elle pète la forme parce qu’avec son mec, ils ont repris les câlins et que ça lui manquait grave. J’éclate de rire. Elle continue « Chouchou (ouais elle m’appelle comme ça), t’as déjà essayé les capotes vibrantes ?

    Elle m’explique que des potes leur en ont offert une pour rigoler, que c’est trooooooop bien, même que quand son mec lui a dit que ça lui faisait rien de plus, elle a répondu « c’est pas grave, chéri, continue, moi j’adore ».   Elle ajoute « Tu sais quoi, j’ai tellement aimé que j’ai même failli la stériliser dans le truc à biberon du bébé pour la réutiliser ».

    Inutile de vous décrire comment j’étais explosée de rire dans les rues du Marais. La mission du jour, donc, c’était d’en acheter d’autres. Elle entre dans une pharmacie pour en acheter, juste au moment où mon pote Oh !91 m’appelle. Je lui raconte la mission du jour, et je suis là à m’éclater de rire avec lui sur le trottoir. Sophie ressort et me dit « Laisse tomber, la dame derrière son comptoir avait pas loin de la soixantaine, j’ai pas voulu la choquer ».

    On entre dans une autre pharmacie où il y a 2 hommes et un seul client. Pendant que je l’attends devant un rayon, Sophie demande à voix basse au jeune noir derrière le comptoir s’il vend des « capotes vibrantes ». Il dit « Pardon ? ». Alors, elle répète plus fort et part dans un fou-rire, me contaminant en même temps que le vendeur qui lui désigne le rayon devant lequel je me trouve.

    « Ah ben, d’accord, c’est en rayon, j’aurais pu éviter de m’afficher », dit-elle, pas perturbée pour un sou. Le temps de choisir, de payer, on est dehors.

    A presque 10 € la capote à anneau vibrant, ça a  intérêt à être bien ! Le soir, avant la raclette, elle nous fait une leçon de choses et déballe son nouveau joujou sous les yeux amusés de son mec et du couple d’amis présents.

    La soirée fut chaleureuse et animée, j’ai eu quelques sueurs froides aussi (si, si !) quand son fils de 4 ans m’a sauté dessus et a entrepris de m’arracher/soulever mon pull pour voir mes « gougouttes ». J’ai eu beau lui dire qu’ y’avait pas de gougouttes et que c’était là que pour la déco, il était limite hystérique.

    Le plus drôle, c’était lundi, jour de reprise du travail de Sophie. Au moment de la pause café dehors, elle s’écrie «  Oh, chouchou, j’ai pensé à toi ! Tu sais pas la dernière ? »

    « Non, mais je sens que je vais encore me marrer »

    « Avec mon mec, on essaie la capote vibrante. Et là, il me dit « Oh, chérie ! y’a un bouton on/off … » 

    Moi, faisant semblant de ne pas comprendre ce que j’ai déjà compris «  Tu vas pas me dire que vous l’aviez pas mis en marche la première fois ? »

    « Ben si, on s’est piqué une de ces crise de rire ! C’est quand même vachement mieux quand on le met en route, l’anneau. Ah la la, on est vraiment bien des blonds, tous les 2 ! »

    Une grande sensible aussi, ma Sophie …

  • Homo ? Ah ben, non, merci ...

    Il y a peu, lors d’un dîner chez un ami proche, j’appris avec surprise qu’il ne donnait plus son sang, parce que le don du sang était interdit aux homosexuels.

    Je décidai de poser la question au docteur qui me recevrait, la prochaine fois que j’irai tendre le bras. Quelques semaines plus tard, momentanément interdite de don de plaquettes pour cause de séjour au Mexique, l’hôpital me sollicitait pour un don de plasma.

    Lors de l’entretien préalable avec le docteur, une femme très sympa au demeurant, je lui demandai si cette information était exacte. Un peu gênée, elle répondit que oui, il y avait une interdiction de principe, que bien sûr je ne trouverais écrite nulle part.

    Elle reconnut que c’était une forme de discrimination et que le corps médical était souvent mal à l’aise face à ce débat, d’autant plus que les homosexuels constituaient, avant cette consigne mise en place en 1983, une bonne partie des donneurs. Quand je lui demandai pourquoi, elle me répondit que statistiquement, les homosexuels appartenaient à une population à risque.

    A la question « Ca veut donc dire que même un homosexuel abstinent est interdit de don ? », elle répondit oui.

    On a discuté un moment ensemble. Je lui ai dit que j’avais des amis homosexuels qui ne prenaient pas le moindre risque, et qu’en revanche, j’avais croisé pas mal d’hétéros complètement irresponsables qui espéraient échapper au latex par des arguments tels que « je sais avec qui je couche » ou « c’est une question de confiance ». Sans compter les mecs qui trompent leur meuf sans précaution.

    « Les dons sont testés de toute façon, non ? »

    « Oui, mais il peut y avoir un délai où le virus passe inaperçu. »

    « Et ça n’est pas vrai pour les hétéros ? »

    Je conclus par un ironique « Bah, c’est pas grave, celui qui sait qu’il est sans risques n’a qu’à vous mentir, sa sexualité ne regarde que lui, de toute façon ».

    En faisant des recherches sur le net, j’ai appris que le seul fait de répondre « oui » à la question « avez-vous déjà eu des relations sexuelles avec un homme » exclut du don. Peu importe quand, comment.

    Je faisais remarquer que si on parlait de "populations à risque", on allait pas tarder à interdire le don du sang aux africains … et par extension, à tous les pays où les hommes sont notoirement réfractaires à la capote. Mais ça, ce serait du racisme, non ?

    Bon, la bonne nouvelle c’est qu’on parle de plus en plus de lever cette mesure discriminatoire et de la réserver aux comportements à risque, qu’ils soient homos ou hétéros.

    Pour agir, vous pouvez signer la pétition "Don du sang citoyen" ici

  • NMM

    free music

  • Inter-section

    Pas écrit depuis quelques jours. Ce n’est pas le manque d’idées, au contraire. Je vis des choses importantes en ce moment. Des instants de bonheur qui pourraient se passer de mots parce qu’ils sont sensations. Je les verbalise pour me replonger plus tard, au besoin, dans ce bain délassant. Ils apparaissent doucement, comme une évidence devant mes yeux plus attentifs. C’est drôle comme la vie choisit toujours le meilleur au bon moment. Tout a un sens et sa place. Le hasard n’existe pas.

    Comment vous donner une idée de l’état de grâce dans lequel je me ressource actuellement ? Comme ceci :

    Je suis étalée, il n’y pas d’autre mot, dans un canapé immense. A ma droite, il y a un homme, enfoncé dans les coussins, comme moi et les autres personnes présentes. Un ami cher. On regarde un film tous ensemble, lovés sous un plaid, et la scène respire le bonheur simple d’une soirée d’hiver. Mon ami prend ma main et la garde dans la sienne jusqu’au mot FIN. Je suis aux anges, je pourrais m’endormir.

    Je suis dans un bar. L’ambiance est joyeuse. Assise au comptoir, une amie récente. Une montagne de tendresse et de fragilité. Une fille au sourire tellement craquant qu’on a envie de la prendre dans ses bras. Enfin, moi, c’est l’effet qu’elle me fait. Son sourire est radieux, elle me lance des clins d’œil et dit qu’elle est heureuse d’être là. Je pose la paume de ma main sur sa joue je la caresse, en lissant ses cheveux. Elle me prend dans ses bras, me serre fort et en se levant, s’écrie, ingénue : « Ah ! C’est trop bon ! » Le groupe qui nous accompagne éclate de rire.

    Je suis à la station Cambronne. J’ai rendez-vous avec ma petite sœur. Elle m’attend dehors sur le trottoir et moi je suis devant la carte du métro, dans la station. J’aime bien regarder les plans de métro quand j’ai quelques minutes à tuer. Il y a des quartiers de Paris que je connais très mal et dans ma tête, je m’exclame : « Ah ! C’est là, donc ! »

    Ma sœur me rejoint et dit : « J’ai vu tes bottes à travers la grille, je me suis dit que ça pouvait être toi ». Elle est toute jolie dans son manteau couleur prune, maquillée et coiffée avec soin. Pour moi. Je lui dis que je suis heureuse de la voir et qu’elle m’a manqué. Je l’embrasse, un vrai baiser sur sa joue, assez appuyé pour capter les effluves d’Ultraviolet. Elle cache bien sa surprise, pas habituée à des effusions de ma part.

    Je suis dans un café. Je parle avec un ami d’un garçon que j’ai rencontré il y a peu et pour lequel j’ai de l’affection. Je lui dis que ce garçon donne envie qu’on l’embrasse mais que je n’ose pas. Mon ami m’encourage « vas-y, je t’assure, il est content d’être avec nous ». Alors, quand celui dont je parle me tend un verre, je le remercie d’un baiser sur sa joue satinée.

    J’arrive dans une pièce chaleureuse décorée de poutres. Un endroit apaisant où je me sens comme chez moi. Un monsieur, invité comme moi, m’accueille avec un grand sourire. Il me dit de sa belle voix éraillée « Je t’ai cueilli un bouquet de mimosa ». Je respire les délicats boutons jaunes, les yeux brillants, et en passant mes bras autour de son cou, j’embrasse son collier de barbe.

    Quelque chose s’est débloqué. Je vais essayer de m’y abandonner doucement et sans résistance. Je sais que je me suis entourée de personnes bienveillantes qui m’y aideront. Comme ce monsieur qui communique avec moi par mail et dont les mots sont une évidence.

    Je me souviens de la rencontre qui a déclenché ce processus nécessaire. C’est elle qui m’a fait prendre conscience de cette force que je réfrénais. Son conseil, que j’avais alors gardé pour moi, était le suivant : « Il y a en toi une énergie que tu retiens. C’est par le corps qu’il faut commencer. Tout est là. »

    Je commence à comprendre pourquoi j’ai pris ce chemin. Je n’avais pas vu le panneau placé à l’entrée « voie sans issue ». Pour m'en sortir, il fallait que je bifurque à la première intersection. Inter-section ?

  • Menteur !

    Il lui dit : « J’ai envie de t’embrasser. Je sais que ça ne se fera pas, mais je te le dis, parce que je suis bien avec toi ».

    Elle se répète ses mots : « Je suis bien avec toi », balancés d’une façon à la fois naturelle et solennelle, en les appuyant, comme si c’était important. Comme si c’était un cadeau. Elle lui décoche un sourire rassurant et faussement détendu. Elle guette son regard fuyant ou un léger vacillement du regard qui donnerait raison à la voix intérieure qui a terni cet instant en chuchotant « Menteur».

    Mais non, pas la moindre malice dans les yeux rieurs qui la captent. Elle s’étonne de son air tranquille et confiant, de son sourire insouciant, de sa joie visible. Les rares fois où elle a prononcé des mots de ce genre ont été suivies d’une lourde et paralysante appréhension.

    Ils rient. Elle respire fort et tout en soutenant son regard, elle articule lentement « C’est vrai ? Merci, ça me fait plaisir que tu te sentes bien avec moi. Vraiment. »

    Il est heureux dans cet après-midi nimbé d’un halo de soleil.

    Son regard à elle s’est voilé d’une tristesse qui ne la quittera plus jusqu’au soir.

    Elle repense à toutes les fois où on lui a dit quelque chose de gentil. Elle est horrifiée, soudain, comme il le serait sans doute s’il savait ce que la voix intérieure a crié en réponse à sa tendresse. Elle vient de réaliser qu'à chaque fois ou presque qu'on lui a manifesté de l'amour, elle a pensé "il/elle dit ça pour ma faire plaisir". Comme si l'éventualité qu'on puisse l'aimer était absente de sa tête.   

    La putain de toile d’araignée, invisible et gluante, a toujours été là entre elle et les autres.  

    Tout en marchant à ses côtés sur le boulevard, parlant de choses et d’autres, elle se souvient de ces quelques fois.

    Il y a peu, elle avait entendu un homme lui dire qu’elle était la passion de sa vie. Elle ne l'avait pas écouté, murée dans sa forteresse-prison et à chaque mot qu’il disait, elle hurlait intérieurement « Menteur ! ». Elle avait raccroché, pleine de colère, les insultes au bord des lèvres, et raconté la conversation à ses amis les plus proches. L’un d’eux s’était étonné de son amertume « Il tient à toi, quand même, ce garçon ». Haussant les épaules, elle avait marmonné « Ouais, peut-être » mais dans sa tête elle avait pensé « qu’est ce que t’es naïf! ». 

    Elle s’est souvenue. Tous ces moments qu’elle n’avait pas su savourer. Les bras tendus qu’elle avait refusés. Les corps contre lesquels elle s’était raidie. Ces lanternes allumées dans la nuit qu’elle évitait par peur de brûler ses ailes délicates de petite abeille joyeuse. Tout lui revenait. Elle avait l’impression que ça durait depuis toujours. Que chaque histoire, finalement, n’avait pu exister que parce qu’elle était vouée à une fin plus ou moins proche.

    L’abandon, le désamour, la haine, en revanche, ça elle n’a jamais eu de mal à y croire.

    Toute la journée, elle a fouillé sa mémoire, à la recherche de la dernière fois où elle s’était abandonnée sans qu’un mot, un geste ou la voix intérieure ne la fasse se raidir.

    Le soir venu, elle s’est jetée de nouveau dans la toile d’araignée virtuelle. Elle a rebondi dessus, d’abord doucement. Et plus elle essayait de bouger, plus elle s’emmaillotait dedans. Alors, elle s’est recroquevillée dans la position du fœtus et n'a plus bougé. Les seuls bras qu’elle a pu sentir enroulés autour d’elle étaient les siens. Elle a pleuré. D’abord en silence, et puis ça l’a submergée.

    Est-ce qu’une petite abeille peut traverser une toile d’araignée ?