Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

2yeux2oreilles - Page 178

  • Toute ma vie, j'ai rêvé ...

    Faut croire que les avions et moi, c'est une histoire d'amour qui dure depuis toujours. La première fois que j'en ai pris un, j'étais encore au chaud dans le ventre de ma mère et on s'envolait ensemble sur une île du Pacifique qu'on appelle "le caillou". Au retour en France, quelques années plus tard, je passais les quelques 20h de vol à gambader dans les jambes de l'équipage, gavée de bonbons.

    Et puis, quand j'avais à peine la vingtaine, je dégotai mon premier job dans un aéroport. Pendant près de 10 ans, j'allais vivre au milieu de ces oiseaux de métal, porter un uniforme et arpenter les couloirs des aéroports jour et nuit. J'ai d'abord envié les passagers, rêvé devant les panneaux d'affichage qui me parlaient d'exotisme et de contrées lointaines. Senti les larmes monter en assistant aux adieux déchirants d'amoureux enlacés et souri aux youyous méditerranéens qui emplissait le hall de l'aéroport de joyeuse chaleur. Récupéré des touristes en perdition que j'accompagnai jusqu'à leur hôtel. 

    C'est en Irlande que je réalisai enfin mon rêve de gosse : être hôtesse de l'air. Dans mon tailleur vert à boutons dorés, chignon banane et maquillage soigné, j'exercais enfin à loisir ce besoin que j'avais et ignorais : réconforter et sécuriser. Je découvrai aussi un certain plaisir à exercer mon autorité et à être le point de mire.

    Après les premières semaines ou mon corps se couvrait de bleus à force de se cogner au mobilier hostile de l'avion, je gagnai en équilibre. J'en connaissais les moindres bruits et me sangler sur mon jumpseat pour le décollage était devenu aussi banal que monter dans un bus. Mais chaque montée dans l'avion, mise en route des moteurs, prise de micro pour souhaiter la bienvenue à bord, fermeture des portes pour décoller était un moment excitant.

    Il y a les passagers qui se forcent poliment, avec un sourire gêné, à regarder la démo de sécurité en pensant "la pauvre, elle doit se sentir tellement bête" (je sais, ça m'arrivait avant). Les hommes d'affaire qui attendent juste que vous leur tourniez le dos pour vous reluquer à loisir. Les idiot(e)s qui font sauter bébé sur leurs genous à l'atterrissage, ceux-là je les engueulais sévère.

    Je me souviens de plusieurs de "mes" passagers. Je passai souvent la fin du vol à griffonner des adresses à Paris pour les Irlandais et en Irlande pour les Français. Je revois cet humanitaire Irlandais, presque intégralement plâtré, qui embarqua sur mon vol, totalement paniqué, seul rescapé d'un crash en Afrique. J'eus pour lui la tendresse d'une mère pour un nouveau-né, il paraissait tellement vulnérable !

    Et cette jeune française, honteuse, que la police accompagna à bord. Paniquée à l'idée de prendre l'avion, elle avait bu pour noyer sa peur et venait de passer quelques heures en cellule de dégrisement à Roissy. Elle pleura pendant tout le vol.

    Des moments de bonheur, aussi. Le choc de me retrouver face à une de mes idoles, Nina Simone. Inoubliable. Les échanges passionnants avec un charmant passager blond, somme toute quelconque jusqu'à ce que je le reconnaisse dans un magazine: Eric-Emmanuel Schmitt. La joie d'accueillir à bord famille ou amis : ma mère, gonflée de fierté, qui eut les larmes aux yeux en entendant ma voix résonner dans la carlingue. La rigolade avec les copines quand on s'amusait, en phase de descente,  à faire traverser l'avion à  des grains de raisin jusque dans le cockpit, sous les yeux de passagers ébahis.

    Et puis Paul Newman, Mylène Farmer et d'autres.

    Des souvenirs moins glamour aussi, comme ce vol Dublin-Londres ou secouée par de violents trous d'air, je me retrouvais par terre, sonnée. Un passager dévoué me souleva de terre et m'assit à côté de lui. Le PDG de la compagnie et quelques autres vomirent leur petit déjeuner à l'atterrissage. J'ai pu tester mon sang-frois à plusieurs reprises.

    En 2001, j'eus les larmes aux yeux en apprenant qu'un avion de mon ex-compagnie s'était écrasé sur les tours du World Trade Center. Je pensai aux passagers, bien sûr, mais aussi à tous ces stews et hôtesses que j'avais croisés et qui avaient dû masquer leur terreur jusqu'au bout, alors qu'ils savaient qu'ils ne reverraient jamais les leurs. Et puis, je pensais à mes potes qui devaient faire face aux appels. Plusieurs jours de cauchemars, pour eux. Depuis que j'ai quitté ce monde magique, je n'ai qu'une envie, y revenir (mais pas dans les airs). Les aéroports et les avions me manquent.

    Alors ce soir, à quelques heures d'embarquer sur le vol de mon ex-compagnie avec Mexico en destination finale, je me réjouis déjà. Dans les airs, je me sens comme un poisson dans l'eau. Un poisson volant, tiens !

     

  • Chaud les garçons !

    Après le froid et la solitude des trottoirs parisiens, que diriez-vous d'un peu de chaleur ? C'est peut-être la perspective du soleil et des peaux nues qui me rend sensible, ces jours-ci, à l'érotisme subtil  et classieux distillé au masculin. Des blogs d'hommes qui aiment les femmes et célèbrent les histoires épidermiques. Je suis vraiment impressionnée par la sensibilité qui s'en dégage.

    J'ai eu un véritable coup de foudre pour les mots soyeux et polissons de Zorg et hier, je suis tombée "en amour" avec le poème de Rohic : "Fleur d'abysse". Tout simplement sublime ! Bravo, messieurs, continuez à me ravir !

  • Stéphane

    Il s’appelle Stéphane, il a 41 ans aujourd'hui.

    Dimanche, je sortais d’un brunch gargantuesque avec un ami quand il s’est écroulé devant nous, sur le boulevard Saint-Germain.

    Sa main tremblait, j’ai d’abord cru à une crise d’épilepsie. Quand je me suis agenouillée, il a refusé que j’appelle les secours. Il a ouvert les yeux et chuchoté « Non, n’appelez pas, je veux juste parler, s’il vous plaît ».

    Il est resté allongé un moment, pour reprendre des forces, tandis qu’une jeune femme courait lui acheter à manger et à boire (merci à elle). Puis, nous l’avons aidé à s’asseoir. Il était épuisé par le manque de sommeil et la faim, tout ce qu'il répétait, c'était : "Je veux juste parler, s'il vous plaît, quelques minutes." . Stéphane n’est pas encore abîmé. Il précise mais je l’ai compris, qu’il ne boit pas. Je lui demande de tenir aussi longtemps que possible, de ne pas tomber dans l’alcool parce qu’alors, c’est la fin. L’alcool fait oublier le froid et l’indifférence alentour et un matin, on ne se réveille pas. Stéphane répond à mes questions mais ses réponses, je les connais déjà. Pas de centres d’hébergement parce qu’on le tabasse et lui pique ses affaires. Pas de potes dans la rue pour ne pas tomber dans la picole et les embrouilles. Pas d’aides des assoc’, parce qu’il n’est pas « prioritaire ». Prioritaire, c’est sans doute quand tu es devenu un animal, à l’article de la mort, plus assez conscient pour réfléchir. Putain, comment ça te fout les boules de regarder dans les yeux un homme qui essaie de ne pas sombrer, qui pourrait être ton frère. Stéphane, lui, il n’a plus de sœur, elle est morte avec ses parents dans un accident de voiture il y a 15 ans. Comment le 5ème pays le plus riche du monde peut laisser faire ça ?

    Sur ce bout de trottoir, il n’y avait plus que nous 3. Stéphane posait des questions sur nos boulots, nos vies. Il a voulu nous raconter comment il était arrivé là.

    Il y a encore un an, Stéphane avait un appart’, une femme et un boulot. Il était commercial indépendant et passait son temps en bagnole. Jusqu’au jour où son crédit de points est arrivé à zéro et où il a perdu son permis. Plus de permis, plus de boulot. Indépendant donc pas de droit au chômage. Sa femme le quitte, il ne peut plus payer les traites de son crédit auto, on le saisit et c’est la rue. Quand je dis « Ca va vite, on est pas à l’abri », il me répond « Les gens ne savent pas ». Moi je sais, et Nicolas aussi. Stéphane dit que ça lui ferait plaisir qu'on aille boire un café ensemble. Il a une bonne bouille, Stéphane, il sourit encore. Nous avons passé près de 2 heures avec lui, à parler de choses et d’autres, à rire aussi.

    Ne jamais oublier. L’autre, c’est moi.

     

  • J'aimerais bien m'en foutre

    P’tain j’suis vraiment trop con des fois … Ça m’énerve d’être aussi consciencieuse alors que la reconnaissance est quasi-nulle, mais bon, on se refait pas, hein ?

    La raison du tourment qui assombrit ma joie d’être en vacances et de m’envoler dans quelques jours ? La soirée de fin d’année de ma boîte, que j’organise mais à laquelle je n’assisterai pas cette année, pour la première fois.

    L’année dernière, ma boss n’ayant pas été remplacée, mon N+2, bien emmerdé, m’a refilé le bébé. On était 750. Il s’agissait de choisir une agence, la salle, le traiteur (faire un déjeuner test où on goûte à tout, ça j’adore !), les animations. Et puis, quand l’évènement se rapproche, établir la liste des participants, acheter le papier et faire imprimer les invitations, commander les boissons (y’a pas de petites économies dans la grande distrib’), distribuer les invitations et s’assurer, le jour J, que l’agence fait son boulot et que tout se passe bien. J'avais peur de ne pas assurer, d'oublier un truc, mais tout s'était bien passé. Du coup, cette année, bien qu’un responsable soit arrivé en février, mon N+2 me dit en mars « Il faut commencer à s’occuper de la soirée de fin d’année, « Fiso ».

    Vous avouerez, y’a plus chiant que d’organiser une fête pour les salariés, donc je m’y suis collée avec joie. C’était avant mon évaluation annuelle, j’étais motivée. Cette tâche supplémentaire n’avait cependant pas été jugée comme assez « significative » par mon N+2 pour être notée sur mon évaluation annuelle. Alors quand les vacances prévues en novembre avec mon frère ont été décalées par son directeur aux 2 premières semaines de décembre, je me suis dit « Je me casse, après tout, y’a un nouveau chef, il se démerdera ».

    En novembre, j’ai donc posé mes vacances (je prendrai l’avion du retour le jour de la soirée), attendu anxieusement que mon boss les accepte (me suis bien gardée de lui rappeler que ça tombait pile poil au moment de la soirée, après tout, il a un agenda). Tout va bien, me direz-vous ? Ben non. Parce que je bosse avec la chargée de communication interne sur ce dossier. On s’entend bien mais c’est une chieuse, le genre furie qui gueule d’abord et qui écoute ensuite. Tout le temps débordée, tout le temps grincheuse, à l’écouter il n’y a qu’elle qui bosse, les autres sont des branleurs ou des incapables.

    Quand mes vacances ont été acceptées, je me suis dit « Oulala, quand je vais lui dire, elle va criser ! ». Je me suis même demandée si mon boss avait capté la période mais oui, apparemment. Il doit pas réaliser l'enjeu et surtout que ça va être à lui de gérer à ma place.

    J’en ai parlé à un collègue qui m’a dit « Tu veux qu’on te sucre tes vacances ? Ferme la, Fiso, si tu lui dis que tu seras pas là, tu la connais, elle va faire un esclandre. Tu dis rien, tu te casses et quand elle appellera, on lui dira que tu es en vacances.»

    Je précise quand même que je ne laisse mon boulot à faire à personne, ou si peu, à mon boss. Je me suis arrangée pour en faire le maximum avant mon départ. Il aura juste à acheminer les boissons jusqu’à la salle, à faire distribuer les invitations aux salariés et surtout, à veiller au grain le jour J..

    Depuis 2 semaines, je m’auto convainc en me répétant tous les jours « C’est pas ta boss, t’as pas de comptes à lui rendre ».   Elle ne sait pas encore que vendredi est mon dernier jour. Et plus les jours passent, plus ça me rend malade de me tirer sans rien dire. C’est pas mon genre de faire la sournoise. Je suis con, hein ?

  • Eaux troubles

    A lire : Eaux troubles : l’alchimie des multinationales

    Ben oui, quand je n’ai rien à dire, je fais de la pub pour les copains qui pondent des billets intéressants ...