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2yeux2oreilles - Page 50

  • San Juan de Dios et une soirée flamenca a la Peña La Platería

    Après le rituel de la sieste quotidienne, je profite de la voiture de B. pour descendre en ville. Il me dépose sur la avenida de la Constitucion.

    Ma première étape est l'église baroque San Juan de Dios, fortement recommandée par B. Je m'acquitte de 4€ de droits de visite auprès d'un jeune homme qui joue à des jeux vidéo aux bruits quelque peu incongrus en un tel lieu. Dans l'église, il y a 3 personnes, un couple et ce qui semble être un guide. Après quelques instants, celui-ci me propose de monter avec eux dans el camarin. Là-haut, au dessus de l'autel, c'est du clinquant haut de gamme, du doré bien jaune, sol en marbre et outre les restes du saint en question, des crânes enfermés dans des boîtes en verre. C'est beau mais c'est beurk !  

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    Juste à côté de l'église, B. m'a indiqué un centre de soins qui cache derrnière sa façade de très jolies choses. Je passe une première fois, ralentit puis m'éloigne à la vue de barrières et de travaux. Mais quand même, ma curiosité l'emporte et je reviens sur mes pas.

    Le garde me fait signe d'approcher, de passer sur la droite pour entrer dans l'Hospital Real. Un premier patio, en réfection, est planté de palmiers et orné d'une fontaine centrale, le deuxième, beaucoup plus joli est pavé de galets et plantés d'orangers. Il compte aussi une fontaine centrale et des murs ocres. Dans un coin, une infirmière fume une cigarette.

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    Alors que je me dirige vers la rue, je croise le gardien qui demande si la visite m'a plu.

    "Tu as vu les trois patios ?" demande-t-il. Nous discutons un moment, il m'explique que cet hopital est vieux de 400 ans, ce qui en fait le plus ancien hopital d'Espagne encore en activité et le deuxième plus ancien hopital d'Europe. Je retourne donc sur mes pas pour découvrir le troisième patio, envahi par une végétation luxuriante et sauvage.

    A la sortie, je le salue puis emprunte la calle San Geronimo, puis la calle Angel Ganivet, au bout de laquelle on aperçoit les cimes enneigées de la Sierra Nevada. Je m'offre un chocolate doble bien épais et una tarta San Cecilio, tout en profitant de son réseau wifi, au café Futbol, une institution de Grenade.

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    Puis je tente de visiter le centre Jose Guerrero mais il est fermé. Le jouxtant, je découvre l'ancienne madraza dont il ne reste plus qu'un salle. A l'étage, un homme m'invite à admirer le plafond de bois sculpté de la Sala de los Caballeros, juste avant qu'il ne la ferme pour abriter une conférence qui s'y tient. Sont vraiment sympas, ces Espagnols.

    Après cette balade, je vais réserver ma soirée hamam de la veille de mon départ, juste à côté de la jolie église Santa Ana, puis je grimpe dans Albayzin jusqu'à la Peña Platería. De la cour pavée, on a une vue magnifique sur la Alhambra. Le patron me propose de dîner mais le restaurant est désert. Je grimpe encore jusqu'au restaurant Las Tomasas et me ravise. S'offrir un gastro avec vue panoramique sur la Alhambra, seule, c'est un peu dommage, quand même. Je vais plutôt aller boire en agréable compagnie, en attendant de revenir ici accompagnée.

    En redescendant la placeta Toqueros, je croise un couple qui déchiffre le menu de la Peña. "Ca commence à 22:30" leur lancé-je.

    "Je sais, me répond l'homme, nous voulions manger quelque chose mais ils ne servent que des plats pour deux". "Non, vous pouvez y aller, ils font aussi des portions pour une personne".

    Il me demande d'où je suis et aussitôt, embraie dans un très bon français. V. est américain et traducteur, domicilié en France, où il a vécu dans le 18ème, et résident de Grenade. Sa compagne est suédoise. Nous convenons de nous retrouver pour un verre au début du spectacle.

    Chez Fernando, il y a du monde ce soir.

    "Lui et moi sommes les deux seuls Espagnols" dit-il en désignant un monsieur assis au comptoir, à côté duquel je me hisse.

    Je commande un verre de Ribera, Fernando me sert un tapa de jamon sur une tartine badigeonnée de pulpe de tomate.
    Mon voisin engage la conversation, il s'appelle Ricardo et vit tout à côté. "Ricardo corazon de leon" appuie Fernando en rigolant.

    En discutant, Ricardo m'apprend que le sympathique gardien que j'ai rencontré à la Alhambra serait son neveu. Comme je  ne sais pas comment on dit faon en espagnol, je le décris comme ayant " les yeux de Bambi" ce qui fait partir Fernando dans un fou-rire.

    "Como Bambi" répète-t-il en s'essuyant les yeux. Dans le bar, maintenant, il n'y a plus que les deux papis du coin, moi et Fernando. Ricardo propose de m'emmener boire des coups chez un de ses amis à Sacromonte. "Only you, here ? I don't understand !" repète-t-il d'un ton navré, entre deux rasades de whisky.
    Je demande à Fernando ce qu'il me conseille sur la carte.

    " Le veau en sauce, c'est moi qui l'ai fait, dit-il. Hecho con amor".

    Et c'est vrai qu'il est super bon, son veau en sauce. "Et la tortilla de Sacromonte, c'est bon ?" demandé-je, intriguée par cette omelette aux couilles de taureau.

    " C'est un plat pour les touristes, dit Fernando, en plus, ce ne sont pas des couilles de taureau, tout comme la queue de taureau à la carte des restaurants est de la queue de boeuf". Même le buey est de la vieille vache. Fernando se désole que les Espagnols boivent de la bière alors que le pays prouit de si bons vins. Vers 22h, je quitte le bar, escortée de Ricardo qui espère toujours me convaincre de laisser tomber le flamenco pour l'accompagner. Il a même exhibé sa carte de guardia civil pour attester de son honnêteté. Devant la pena, il argumente une dernière fois puis me claque deux bises et s'éloigne.

    A l'intérieur du restaurant, maintenant très animé, V. et M. finissent leur dîner en se tenant la main. Je m'installe à leur table et nous faisons connaissance. V. regrette que les Français aient perdu leur fibre idéaliste et salue ma détermination à profiter de la vie, seule ou accompagnée.

    Vers 22h30, nous traversons la cour et nous acquittions de 8€ pour nous asseoir dans une longue salle remplie de sièges (et de touristes, j'ai l'impression), face à une estrade au-dessus de laquelle trône une gigantesque toile d'une danseuse de flamenco brandissant une guitare.

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    En sirotant un verre de sangria, offert avec l'entrée, nous écoutons les 2 guitaristes et le chanteur, accompagnés par les talons d'une belle andalouse au sourire carmin. A la sortie, je perds mes compagnons d'un soir et m'engouffre dans un taxi qui m'attend en bas de la rue.   

  • La Cartuja

    Ce matin, je vais visiter la Chartreuse de Grenade, une autre curiosité conseillée par B., qui ne l'a pourtant pas encore vue. Je prends l'habituel bus n°7 qui me laisse à une centaine de mètres de la Chartreuse, ordre fondé par saint Bruno près de Grenoble (je l'ai visitée à l'occasion d'un colo à Vimines, en Haute-Savoie) et qui n'est plus habitée depuis 1835.

    Une imposante bâtisse se dresse en haut d'un escalier de pierre. Autour d'un patio, je visite le réfectoire des moines, pièce austère seulement meublée de longues tables de bois et de bancs, l'ancienne chapelle et surtout, clou du lieu, le sanctuaire et la sacristie. Le premier se trouve séparé du temple par une porte en cristal de Venise et renferme des trésors baroques.

    Au sol, des marbres noirs, blanc, rouges et gris-bleu. Dans chaque angle, des statues de saints, sur les côtés, des "oculos" et au centre, un tabernacle de marbre soutenu par 8 colonnes noires salomoniques. Peint sur la coupole, on retrouve saint Bruno en Hercule. Les photos sont interdites mais à l'instar d'autres visiteurs, j'en ai pris deux.

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    Le sol de la sacristie attenante est lui aussi en marbre brun et blanc de Lanzaron. Elle est également meublée de pièces de marquetterie délicates serties d'ébène, de marbre, matériaux qu'on retrouve aussi sur les portes. Dommage que je n'ai pas pu prendre des photos pour vous les montrer.

    A la sortie, ma bottine droite glisse sur une marche et plonge et tombe sur un genou, montrant, il me semble au vu de la petite jupe qui me couvre, mes fesses au vieux monsieur qui est derrière moi. Heureusement, ma chute a échappé au groupe de jeunes qui prend le frais sur les marches. On se console comme on peut.

    Je reprends le bus n°7 jusqu'aux abords de la cathédrale et pénètre dans le Corral del Carbon, ancien caravansérail du 14ème siècle, transformé ensuite en auberge pour charbonniers, d'où son nom. Juste à côté, il y a la Corrala del Carbon où B. m'a emmenée boire un verre, peu après mon arrivée.

    Après la découverte du quartier autour des places de Bib-Rambla, Trinidad, Pescaderia (une petite faible pour cette dernière), un détour par le café Poe, qui hélas n'est ouvert que le soir, je me sustente et me désaltère à la terrasse de Guerrero (1,90€ pour un demi et un tapa de jambon et roquefort) puis rentre pour m'offrir la sacro-sainte sieste andalouse. Il est 14h30 et un bandeau lumineux affiche 29°C ...

  • Une soirée au bar Ras, avec Fernando

    Après une bonne sieste pour me remettre de mes émotions sur les pistes de la Sierra Nevada, je prends le n°7 et descends à l'arrêt ... Comme je le craignais, mes mollets et mes cuisses sont douloureux et j'ai décidé de passer la soirée dans le quartier d'Albayzin, dont le charme m'a séduite, comme tous.

    De là, je marche jusqu'à la plaza Larga, que je connais bien maintenant, et achète quelques douceurs pour le petit-déj du lendemain. Je prends la cuesta Maria de la miel, me perds un peu dans les ruelles tortueuses, m'arrête au son de la Bohème qui s'échappe d'une fenêtre et atteins le mirador San Nicolas, vanté pour la vue inégalable qu'il offre sur la Alhambra. En contrebas, des personnes sont installés en terrasses de cafés.

    De là, je descends jusqu'au carril San Augustin car j'ai le projet de diner au restaurant Terraza Las Tomasas. Hélas, il n'ouvre qu'à 20h15, je continue donc la balade en attendant. Celle-ci me mène jusqu'à la pena La Plateria, un endroit historique où l'on donne des spectacles de flamenco. B. m'apprendra le lendemain que c'est un endroit très ancien, et que c'est là que fut organisé, par Federico Garcia Lorca et .Manuel de Falla, le premier concours de flamenco.

    Maintenant que je suis là, je vais aller me jeter un petit gorgeon dans un bar recommandé par mon guide. Hélas, encore hélas, le 1889 est fermé et le paseo de los tristes porte bien son nom. C'est qu'on n'est qu'en février, et les promeneurs sont rares à ce bout de la ville.

    Je remonte la rue en direction de la plaza Nueva et m'arrête au Ras bar, un endroit sombre dont les jambons supendus m'avaient déjà fait de l'oeil le soir de mon arrivée.

    La salle, quasi déserte, distille du flamenco. Je m'installe au comptoir et commande un verre de vin. Le serveur, très classe comme la plupart des hommes espagnols d'âge mur, dépose devant moi un tapa de jambon et engage la conversation. Un verre de vin, puis un autre, le flamenco, les tapas qui se succèdent, finalement, je passerai la soirée là à discuter avec Fernando. Il est originaire de Barcelone mais vit à Grenade depuis très longtemps. Sa grand-mère, qui s'est réfugié quelques années en France pour fuir Franco, trône en photo sur un mur. Lui-même y a passé quelques jours il y a 20 ans, et se souvient que dans les cafés et restaurants, on le servait sans lui adresser la parole. Nous parlons voyages et politique, tombons d'accord sur le constat que la politique est décevante partout en Europe. Quand je dis à Fernando mon projet d'aller à Cadiz, il assure que c'est là qu'on trouve l'Andalousie la plus pure.

    Vers 23h30, je salue Fernando. J'ai raté le dernier bus et hèle un taxi sur Gran Via de Colon. "C'est une belle maison qu'a ton ami" dit-il en me déposant.   

  • Fiso sur les pistes

    Ce matin, nous partons pour les pistes de la Sierra Nevada, à une trentaine de kilomètres de Grenade. B. m'avait écrit, peu avant mon arrivée " Nous n'avons pas les mêmes formes, certes, mais nous avons la même taille et des chaussettes épaisses devaient compenser la diiférence de pointure".

    Le matin, B. dépose une tenue dans ma chambre. Je pique une crise de fou-rire en enfilant le long caleçon d'homme avec une fente pour laisser passe la zigounette. Ptain, j'ai une touche là-dedans !

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    A l'arrivée sur les pistes, il galère pour clipser mes chaussures de ski. Je marche comme un robot et j'ai la sensation que tout le monde a capté que je suis une quiche au ski. J'achète mon forfait journalier (47€) et nous grimpons dans une cabine de téléski.

    "J'ai bien envie de t'emmener en haut, même si ça fait longtemps que tu n'as pas skié" dit B.

    Longtemps, c'est le moins qu'on puisse dire. La dernière fois que j'ai chaussé des skis (de fond), c'était en 86, lors d'un retour à Munsingen, le village de mon enfance.

    Les premiers mètres me donnent pourtant grand espoir. J'ai d'instinct retrouvé le geste pour freiner, la position dite "chasse-neige'. Mon optimisme sera de courte durée car hélas, c'est la seule figure que je serai foutue de faire.

    Lorsque B. m'enjoint de négocier un virage et m'arrêter en levant les fesses, façon grand champion, je me lance, vire et bouffe la poudreuse lamentablement. Je mets quelques instants à comprendre comment désemberlificoter mes skis et une fois debout, contemple la longue pente que j'ai à descendre en me demandant dans quel état je vais arriver en bas. B. est moins optimiste aussi, désormais, il me parle doucement, d'un ton rassurant, un peu comme une mère qui a enlevé les petites roues du vélo de son gosse. Il tente encore quelques essais de "virer, pousser sur les jambes, stopper" mais c'est peine perdue. "Tu es debout, dit-il, il faut que tu baisses le cul. C'est comme la salsa, tout est dans les fesses".

    Finalement, il se résigne à me faire descendre la pente en mode chasse-neige et en slalomant, quand même, histoire que l'honneur soit sauf. Ca me parait interminable et je regarde avec envie les surfeurs qui évoluent élégamment. Arrivée en bas, mes cuisses et mes mollets me brûlent comme à l'époque où je prenais des cours de callinetics à Dublin et les chaussures de ski sur mes péronés me donnent l'impression d'avoir une armure.

    " Tu peux t'acheter à manger, casser une petite croûte et puis descendre la piste des débutants, là où il y a 95% d'enfants et quelques adultes " dit B.

    Il croit toujours en ma ténacité. Moi pas. De toute façon, si je desserre les sangles, il me sera impossible de les remettre toute seule. J'opte pour la terrasse du restaurant et desserre mes chaussures de Goldorak avec un soulagement inexprimable.

    Je choisis un croque-monsieur et une bouteille d'eau en priant de ne pas m'étaler avec mon plateau sur le sol glissant de la cafétéria. Après avoir déjeuné, je sors sur la terrasse et dégote peu après une table au soleil d'où je ne bouge plus jusqu'à ce que B. m'appelle et me donne rendez-vous au parking. Je reprends le téléski et le retrouve à sa voiture. La porte du coffre est ouverte.

    " Change-toi, je vais chercher un sandwich" di-il en s'éloignant. Je claque la porte du coffre, me dirige vers le siège passager. Damned, la porte est fermée ! Pas question que B. revienne et que je sois encore dans ma tenue de Robocop. Pas le choix, pas de recoin, je baisse la salopette, le caleçon d'homme et me voilà en string dans le parking ....

    Lorsque B. revient, il s'exclame "Oh, zut ! La fermeture centralisée, j'ai oublié de te laisser la clé". Je lui raconte que je me suis retrouvée les fesses à l'air au milieu des bagnoles. Il éclate de rire

    " Voilà le fantasme absolu ! Une fille en string dans le parking d'une station de sports d'hiver, manquerait plus qu'elle fasse du stop !"

    Arrivés à Grenade, il me laisse à un arrêt de bus et file bosser. Bon, le moins qu'on puisse dire, c'est que mon retour sur les pistes après 25 ans d'abstinence n'aura pas laissé de traces impérissables, ni de fractures, c'est déjà ça. On se console comme on peut. 

  • Mélancolie à La Alhambra

    J'ouvre les yeux à 9h52. Le soleil baigne ma chambre à travers la lucarne.

    Je saute dans mes baskets, cajole Tarkan puis marche jusqu'au bout de larue, d'où l'on contemple le superbe point de vue sur la Sierra Nevada, l'Alhambra et en contrebas, la ville de Grenade.
    Mon terrain de jogging est immense mais escarpé. J'abandonne après 15 minutes de course qui me laisseront de cruelles courbatures.

    Vers 11 heures, après avoir passé la puerta Cruz de piedra, arcade de pierre indiquée la veille par B., je descends à travers le quartier gitan d'Albayzin, là où Grenade est née. Au détour d'une ruelle, j'entends des voix d'enfants qui scandent quelque chose. "Ils mettent du coeur à l'apprentissage de leurs leçons", me dis-je avant de tomber nez à nez avec un groupe bariolé où je reconnais Spiderman, Maya l'abeille et un gamin casqué qui ressemble à Force Bleue. "Eso es carnaval", c'est ça qu'ils crient joyeusement.

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    Je tourne à droite dans San Gregorio Alto, débouche sur la placeta Carniceros, tourne à droite dans Agua jusqu'à la Plaza Larga où se tient un marché de vêtements.
    B. m'y a recommandé la patisserie Pasteles qui jouxte une très belle maison transformée en glacier. La pâtisserie Pasteles date de 1928, c'est écrit sur sa façade (l'âge de mamie Coco, dis donc!)
    J'y entre, m'installe mais ils ne servent pas de churros con chocolate et moi, c'est ça que je veux. Je reviens sur mes pas jusqu'à la placeta Carniceros et m'installe au comptoir. Mmm ! Une bonne tasse de chocolat épais et des churros tout chauds ! 

    Maintenant rassasiée, je redescends vers la Plaza Larga. Dans un renfoncement, un brun chevelu chante - divinement - du reggae, accroché à sa guitare. La mélodie me trottera dans la tête pendant longtemps. Je traverse la place et me dirige vers le nord. Des carreaux de céramique étincelants dans le soleil me font promettre de revenir très vite pour d'autres churros. Sur la plaza Salvador, je lis, au-dessus d'une maison, les vers empreints de nostalgie du poète né là.

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    Je descends la cuesta del Chapiz que de courageux cyclistes grimpent, jusqu'au rio Darro que je traverse sur le pont du roi Chico. Après m'être engagée pa erreur sur un chemin "qui part dans la cambrousse" (dixit B.), je grimpe la côte ardue de los Chinos. A 13h30, me voilà devant le guichet, à 13h50, j'entre dans l'Alhambra.

    Je file d'abord jusqu'au palais Nasride, construit par les successeurs de Mohamed ibn Yousouf ibn Nasr, fondateur de la dynastie nasride, car je dois y être à 14 heures précises.  
    Je ne vais pa vous décrire le palais, je ferais un simple copié-collé de mon guide touristique. Le flot de touristes m'empêche d'imaginer la vie au temps des émirs, les chuchotements, le silence seulement caressé par le murmure cristallin de quelque fontaine. La Cour des Lions est en réfection et je ne peux accéder à la salle où aurait été perpetré l'assasinat de la famille Abencerraj, après que l'émir eut découvert sa favorite en compagnie de son chef, dans le jardin de la sultane.

    Alors que j'admire les plafonds délicatement sculptés de la Sala de Dos Hermanas, un des gardiens m'invite à découvrir celui d'une niche Nous discutons, je le retrouverai plusieurs fois le long de mon parcours. Plus loin, il m'entraîne dans une des salles des bains. du palais de Comares Il a un accent fort, je m'accroche pour le comprendre.
    A la sortie des palais, j'engage la conversation avec une gardienne, autour de banalités. Je remonte vers le palais Carlos V et retrouve mon gardien aux cils de faon. "Vas visiter l'Alcazaba et ensuite, tu vas au Generalife".

    J'entre dans le palais Carlos V, érigé après la destruction d'une aile du palais Nansride - quel drame - puis dans l"église Santa Maria de la Alhambra, construite sur l'emplacement de l'ancienne mosquée de l'Alhambra.

    A l'Alcazaba, la citadelle d'où émergea l'Alhambra, je m'offre une somnolence au soleil, face à la tour où les Espagnols plantèrent les drapeaux de la reconquête chrétienne, et suis prise d'une profonde mélancolie qui ne me quittera plus jusqu'au soir. J'imagine l'émir Boabdil abandonnant sa forteresse aux mains de chrétiens qui renièrent leur parole.

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    Je parcours rapidement les jardins désséchés du Generalife, qui doivent être bien plus beaux au printemps et prends le bus n°30 qui descend en ville. Là, dans un salon de thé glacial, je trouve le sourire lumineux de ma filleule et aussi celui de Wildcat, mon amie italienne. Leur chaleur adoucit un peu ma tristesse.
    Vers 21h, mon téléphone sonne, B. me donne rendez-vous sous 20 minutes, dans un bar, la Corrala del Carbon.  Nous y buvons un peu de vin puis il m'entraîne dans un bar, où nous partageons une assiette de poissons frits en nous remémorant les circonstances qui nous ont amenés jusque là (merci WajDi).

    De retour à la maison, nous discutons encore devant une infusion. Je lui dis ma tristesse entre les murs de la Alhambra. Il n'est pas surpris. "Pour beaucoup d'arabes, la Alhambra, c'est le paradis perdu". La reddition de Boabdil a sonné le glas de l'apogée arabo-musulmane et le débur de sa décadence. Une légende dit même que les souverains musulmans ont voulu contruire, avec la Alhambra, le paradis sur terre et que Dieu, pour empêcher ce blasphème, aurait donné la ville aux chrétiens. 

    Je montre les photos prises et évoque les vers de Carrasco. "Grenade est une ville de poètes" confirme B.

    Nous parlons aussi de ce que sont les origines, de ces parcours uniques, ces parfums de l'enfance qui font qu"on se sent d'ailleurs. B. est provencal, a grandi dans un univers fortement imprégné des influences tunisiennes et s'est installé ici il y a 20 ans. "Je n'arrive pas à dire que la France est mon pays" conclut-il avant que nous n'allions nous coucher.

    Corrala del Carbon, calle Maria Pineda 8 (958223810)