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2yeux2oreilles - Page 55

  • Tata Fiso entre en scène (et n'a pas l'intention de la quitter !)

    Un samedi, vers 15h, je traverse la gare Montparnasse, les cherche du regard. Derrière un poteau de béton, un petit lutin rouge sautille. Son père me tourne le dos. Je chope le crottin de chavignol mousseux qu'elle a sur le sommet du crâne. Elle me jette un oeil surpris. "Tata Fiso !" s'écrie son père en se retournant vers moi.
    Cette petite fille, je la connais à peine. Je ne l'ai vue que 3 fois depuis qu'elle est née. Victimes collatérales de la rupture entre ses parents, nous nous sommes résignés, pour ne pas trop souffrir, à ne pas nous y attacher. A l'évoquer comme si elle était la fille d'un ami, et pas la seule petite fille de la famille, notre sang. Mes parents n'ont pas de pot; trois enfants et à ce jour, seulement une petite-fille qu'ils ne voient pas.

    Pourtant, là, en la voyant m'observer du coin de l'oeil, faussement timide, un sourire en coin, sûrement surprise de cette femme qui embrasse chaleureusement son papa, je réalise à quel point c'est injuste, pour elle et pour nous, ses tantes et grands-parents. La colère et la tristesse ont quelquefois noirci mes soirées solitaires, à un bout ou l'autre de la France.
    Après quelques minutes d'observation, une petite main cherche la mienne. Ce soir, entre amant et petite fille, j'ai choisi : c'est avec elle que je dormirai.
    Chez moi, elle peut donner libre cours à sa curiosité. Je réalise vite à quel point mon appartement de célibataire est peu approprié au furetage d'une petire fille curieuse. J'ai bien pensé à mettre hors d'atteinte la statue de bois de Don Quichotte et sa lance acérée mais je n'avais pas vu qu'au fond du panier où je range mes clés, il y a une punaise.
    Mon frère met de la musique, un grand sourire illumine son visage et elle remue son popotin instantanément, ravie de danser avec nous. Après un briefing sur la technique de changement d'une couche, son papa nous quitte après un "Tu es gentille avec tata, hein ?" auquel elle répond par un bisou à ladite tata qui se transforme instantanément en guimauve.
    Elle déambule en collant sur le parquet glacé de mon appartement. C'est le moment de lui offrir une partie des cadeaux que je lui ai ramenés du Maroc. Elle ouvre de grands yeux ronds devant le bleu vif de la délicate paire de babouches brodée et les chausse. Quelques heures plus tard, j'ai changé ma première couche pipi et nous sommes serrées l'une contre l'autre, sur ma chaise longue, et lovées sous la couette. Elle est agitée, me parle un langage délicieux que je ne comprends pas, monte sur moi, redescends, admire les babouches qu'elle ne quitte plus d'une semelle, c'est le cas de le dire. Vers 23 heures, enfin, elle s'endort sur moi. J'attends qu'elle ait sombré dans un sommeil profond puis la transporte jusqu'à mon lit où nous nous endormons toutes deux.
    A 7 heures, des pleurs me réveillent. Le réveil dans un endroit inconnu, à côté d'une tata froissée par le sommeil, est visiblement source d'angoisse pour la petite. Je tente de la clamer mais rien n'y fait alors je l'emmène jusqu'au salon où elle découvre son papa endormi, auquel elle balance une grande gifle. Je sais mieux qu'elle qu'il en faut plus pour le réveiller ...
    Vers 10 heures, je change ma deuxième couche, plus chargée et mets la petite sous la douche. Elle est ravie, sautille (la flippe !), fait des galipettes sur le lit, cul nu, et n'a visiblement aucune envie de mettre une nouvelle couche. Je bataille ferme, la chipie gigote, m'échappe, enfin, je la tiens, zip, zip, zut, j'ai mis la couche à l'envers, tant pis !
    Elle tourne en rond, je l'habille, la hisse sur mes épaules et nous voilà parties faire un tour au marché. En chemin, trop fière de la présenter, je propose un café à un pote, à l'endroit habituel. Le marché, c'est un festival des sens pour une petite fille : couleurs, cris, foule, elle ne sait plus où donner de la tête. Je lui achète un pain au chocolat, la jeune femme au stand de café lui offre une grenadine qu'elle renverse après deux gorgées. Elle me fait quantité de câlins et se réfugie dans mon cou dès que quelqu'un se penche sur elle. Les compliments fusent, bien sûr, on croit que c'est la mienne, et lorsque mon pote aux dreadlocks se pointe, m'est avis que les cheveux mousseux et le teint doré de J.nous désignent aux yeux de tous comme les heureux parents.
    Vers 13 heures, nous reprenons le chemin de la maison et j'immortalise notre duo devant un miroir, pas le choix. Les petites mains de J. sur mes joues et son regard ravi, juché sur mes épaules un peu vermoulues, me font penser que j'ai gagné mon diplôme de tata Fiso.

    Ambassadrice de la paix, je vais désormais entamer mon plaidoyer pour qu'on nous laisse enfin l'aimer. 

    PS : Depuis, j'ai dormi 3 nuits avec elle, lui ai acheté des albums à colorier et des feutres, et un maillot de bain car cet après-midi, je l'emmène à la piscine.

    Nin-Jade

  • Balade à Montmartre avec M. et Mme Usclade

    Dimanche, peu après 13h, je pousse la porte d'un restaurant, à deux pas de Pigalle. A une table, ils sont là, et elle, que je rencontre pour la première fois, est très souriante. Le contact est naturel et la conversation s'enclenche sans efforts.

    Deux heures plus tard, Usclade et sa femme m'entraînent dans la Cité du Midi, une impasse arborée dans laquelle on peut encore voir les céramiques des anciens bains-douches de Pigalle.
    Nous remontons la rue Germain Pilon, où plus tôt, ils ont acheté de jolis livres, chez Claire Dupoizat, une illustratrice à suivre; un carnet de voyage au Maroc, destiné aux enfants et un album illustré des "gueules de son quartier".

    Sur la place des Abbesses, où le soleil lumineux remplit les terrasses d'une foule joyeuse, nous prenons la rue de la Vieuville jusqu'à celle des trois frères. Ce drôle de nom vient des frères Dufour qui étaient propriétaires de parcelles montmartroises.
    Au n°56, une épicerie bien achalandée fait un angle de rue; c'est la maison Collignon du film "Amélie Poulain", où Jamel se faisait houspiller.
    Juste après, la place Emile Goudeau est elle aussi remplie de touristes qui jouissent de la vue plongeante. La lumière rasante est magnifique. J'entraîne mes compagnons jusqu'au n°13 où des ateliers d'artistes ont remplacé la bâtisse de bois du Bateau Lavoir, calcinée lors d'un incendie en 1970. Ce lieu a accueilli des peintres et poètes comme Braque, PIcasso, Modigliani, Max Jacob, Apollinaire et Mac Orlan et aurait vu naître Les Demoiselles d'Avignon.

    usclade,paris

    Au centre de la place trône une des 50 fontaines d'eau potable en fonte verte mises à la disposition des Parisiens par sir Wallace, militant antialcoolique notoire.
    A gauche, c'est la rue d'Orchampt, au bout de laquelle un groupe de touristes campe devant la maison de Dalida. A droite, on rejoint la rue Lepic et on tombe nez à ailes avec le moulin Radet, qui fait partie du moulin de la Galette.
    [En préparant ma balade avec Usclade, j'ai appris que le moulin Radet se trouvait d'abord sur la butte Saint-Roch, dans le quartier du Palais-Royal, et fut démonté et transféré jusqu'à celle de Montmartre.]
    Plus loin, c'est le moulin de la Galette sur son promontoire, totalement inaccessible aux promeneurs et protégé de grilles. Le Moulin de la Galette, ancien Blute-Fin, domine la butte depuis plus de 400 ans.
    Son histoire est tragique car le meunier Debray le défendit en 1814, lors du siège de Paris, et fut crucifié sur les ailes de son moulin. Sous la Restauration, son fils le transforma en salle de bal où on pouvait manger de savoureuses galettes. A la fin du 19ème, devenu bal populaire, il inspira Renoir, Toulouse-Lautrec et Van Gogh.    

    Il est déjà 15h34 et mes compagnons prennent un train à 16h30. Nous descendons la rue Tholozé, au centre de laquelle on trouve le Studio 28, plus ancien cinéma parisien encore en activité. Devant leur hôtel, je les embrasse et n'ayant pas envie de rentrer chez moi, je décide d'approfondir ma découverte de ce quartier que je connais très mal.




    Je remonte jusqu'à la rue Tholozé et pénètre dans le cinéma Studio 28. Le hall d'entrée, meublé d'un piano et d'un divan de velours rouge, est tapissé de photos d'acteurs et réalisateurs, de dédicaces (de Simone Signoret et Montand, Marion Cotillard, Pierre Tchernia), d'empreintes de pied moulées de Brigitte Fossey, Jeanne Moreau. Au boutà droite, une courette fait office de jardin intérieur. Je scrute la programmation et arrête mon choix sur "Apollonide, souvenirs de la maison close". La séance est à 17h, j'ai donc encore une heure pour me balader dans le quartier.

    usclade,paris

    Je remonte la rue, passe devant une épicerie italienne et un bar animé, "Le petit parisien". A l'écart des places toruristiques, les prix sont abordables.
    Dans la rue Lepic, je rate l'avenue Junot et descends la rue. Les accès à certains escaliers de la butte, raccourcis fort pratiques, sont désormais fermés par des portes à code. Ca a le don de m'énerver, ce patrimoine commun qui devient privé. Au passage, j'avise au n°46, la maison où Van Gogh vécut avec son frère Théo. Et puis, juste à côté, mon oeil attentif déniche, derrière un porte, une belle facade sertie de quatre statues antiques.

    Plus bas, au n°15, un modeste café désormais célèbre fait l'angle: le Café des 2 moulins.

    usclade,paris

    Peu avant d'atteindre le boulevard de Clichy, je bifurque à droite dans la rue Constance. Au bout, il y a l'impasse Marie Blanche et au n°7, une maison intéressante. Deux hommes discutent devant la maison et me jettent un coup d'oeil; je redoute de me faire virer mais on me laisse photographier la superbe demeure sans problème. Une affichette indique d'ailleurs qu'elle est ouverte au public la semaine et lors des journées du patrimoine. Sympa, le proprio !

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    A la sortie de l'impasse, j'arrête deux touristes asiatiques et leur conseille d'aller admirer la maison. Elles en profitent pour me demander si je sais où est la maison de Van Gogh. Ben oui, ça tome bien.
    Têtue, je rebrousse chemin et remonte la rue Lepic. Je repère un homme en terrasse qui m'a repérée (j'ai des yeux derrière la tête) et quelques mètres plus loin, il m'aborde. Répondant à ses questions, je prétends être prise. Il propose un café, je réponds que je vais au ciné. "Il n'y en a pas ici" dit-il. Ben si, mon garçon, même que c'est le plus vieux de Paris. "Ca fait 13 ans que jhabite ici, j'ai jamais su qu'il y avait un cinéma". Après un dernier coup d'oeil à ma silhouette, il me quitte sur un "Rien à dire". Ca c'est de la drague. Je remonte toute la rue jusqu'à l'avenue Junot, "une des plus belles de Paris" selon mon guide. Elle cache, elle aussi, un tout petit ciné-théâtre.

    Les demeures qui bordent la paisible avenue Junot sont magnifiques. Une plaque rend hommage à Francisque Poulbot, peintre qui croqua les gosses de Montmartre. Juste à côté, la maison de Tristan Tzara, fondateur du mouvement Dada.
    A l'entrée de la villa Léandre, il y a des gens qui boivent un verre en terrasse, et aussi un buste discret de l'artiste, caché par des feuillages. L'impasse ressemble à celles qui bordent le parc Montsouris.

     

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    Il est 16h53, houlala mon film comence dans 7 minutes, je file dare-dare dans les rues, mes talons font un boucan d'enfer, hop à droite devant le moulin et puis à gauche. Il est 16h59 quand l'ouvreuse me tend mon ticket pour "l'Apollonide, souvenirs de la maison close". Dans la salle luxueuse aux rideaux de velours rouges, les lustres dessinés par Jean Cocteau donnent à la pièce tout son théâtral.

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    Je m'installe et plonge dans l'univers feutré et féminin d'une maison close parisienne à la fin du 19ème siècle. Les plans sur les nuques, le rondelé d'une épaule, les lourdes chevelures qui ondoient sont d'une très grande sensualité et les robes de soirée sont magnifiques. Pourtant adeptes des films d'horreur, j'ai détourné les yeux devant une scène d'une grande violence. La BO, anachronique, est savoureuse et la chute, délicieusement décalée, donne à réfléchir.

    Peu après 19 heures, je retrouve un Montmartre plus calme. Rue des Abbesses, j'admire le portail de l'église Saint Jean l'Evangeliste, premier édifice religieux construit en béton armé. Je me promets de revenir tâter les jolies chaussures colorées d'une boutique. Rue des Martyrs, au n°80, Michou voit la vie en rose à côté de son voisin africain.

    Je prends le métro et en chemin, décide de finir mon trajet en bus. J'aime bien le prendre quand je ne suis pas pressée. Ce soir-là, bien inspirée, je fais irruption dans un bus désert où 4 jeunes improvisent sur leurs guitares un concert de jazz manouche, sous le sourire complice du chauffeur.
    "Les yeux noirs", je ne résiste pas et j'entonne la chansonnette avec eux en tapant des mains. Arrivés à leur arrêt, je décline leur invitation à les suivre et les salue. Demain, c'est lundi, faut que je sois fraîche ...

  • Lapine de 6 semaines

    A la fin de l’été, j’ai envoyé un mail à un de mes mystérieux commentateurs. Au fil des jours, j’avais développé un intérêt manifeste pour ses interventions toujours très conviviales, et souhaitais en savoir un peu plus sur cet homme de l’ombre. Depuis, j’entretiens avec lui une riche correspondance qui au fil des échanges, s’est muée en joyeuse déconnade.

    En attendant l’occasion de boire une mousse avec lui, je ne résiste pas à l’envie de partager un de ces épisodes qui m’a fait pleurer de rire  (et accessoirement réaliser que je n’avais rien perdu de ma naïveté)

    Le chasseur : La saison de la chasse a débuté pour moi. Une bonne journée sportive à poursuivre le perdreau (j'ai bouffé du maïs et écrasé des betteraves, le bonheur), et j'ai un splendide tableau à mon actif :  "0" bestiole ! Sans prétention, c'est bien la première fois. Bon j'ai pas eu de chance (c'est souvent passé chez mes voisins), mais je dois admettre que j'ai tiré comme une bitte. Et puis j'ai été sympa, j'ai même poussé un ptit lapereau mort de trouille vers son terrier, avant que les chiens ne déboulent. En bref une journée écolo quoi.

    Fiso : Tu sais que j'ai failli me pisser dessus de rire avec tes histoires de chasseur à la mords moi le nœud qui sauve les lapereaux ? T'es trop fort, j'ai bien ri. C'est pour titiller ma fibre maternelle que tu me racontes des histoires pareilles ? ;)

    Le chasseur : (…) NB 2: la saison de chasse continue...et je ne sais pas ce qui se passe mais je suis toujours aussi nul (dingue non?), y a pas un des ces p...de volatiles qui veut se prendre du plomb de mes cartouches. Jamais vu ça. Mais bon passer une ptite journée sous le soleil comme hier, c'est toujours agréable, puis il y a des instants sympas: à un moment un faisan passe à proximité de ma voisine: elle tire et le faisan se pose 50 mètres derrière elle. Faut savoir qu'elle en touche pas une (un peu comme moi pour l'instant)...et là j'ai pas pu m'empêcher: je lui ai dit qu'elle devait l'avoir touché (mais vu l'atterrissage c'était plus qu'improbable), du coup elle a cavalé toute heureuse dans les betteraves à la recherche de la bébête, et moi de loin je lui faisais des signes "un ptit peu plus à gauche" - "un ptit peu plus à droite", avec mon autre voisin on étaient mort de rire... puis bon, après quelques minutes j'ai été lui dire qu'à mon avis cette crapule de faisan avait du se faire la malle à pied (je sais c'est pas bien)

    Fiso : (…) T'as réussi à déguster un petit civet de quelque chose, depuis, ou tu bouffes des pizzas ?
    Je pense que j'aurais fait exactement comme toi avec ta collègue ... C'est jouissif ce genre de connerie.

    Le chasseur : (…) Quant à mon tableau de chasse (je parle bien d'animaux), il s'est fort heureusement amélioré, ce qui ne m'empêche pas de manger des pizzas (on ne se refait pas).

    Et donc pas de civet, mais 2 perdreaux qui m'attendent dans mon congélo, encore tout complet-avec plumes-pattes-bec: pas eu le temps de les plumer après ma dernière chasse, donc je les congèle (emballé dans de l'alu quand même...je vois ta tête d'ici).

    Je vais donc me les préparer un de ces 4 ... et donc faudra passer par le déplumage, et là rien de tel que ma méthode:

    Une fois la bête dégelée (dans ce cas-ci), tu prends une pompe à vélo (sur pied), tu enfonces l'embout dans le fion du perdreau, tu coinces la bête entre tes deux pieds, puis tu gonfles à fond! Et là toutes les plumes se retirent par pans entiers. Ne surtout pas décoincer le perdreau entre tes pieds, sinon c'est le même effet qu'un ballon que tu gonfles et qui t'échappes: il fout le camp à toute blinde avec un bruit plus ou moins similaire (pppffffffffrrrrrtttttttttttt)...pour aller s'écraser contre le premier obstacle venu, ce qui est con parce que tu abîmes la viande.

    NB: maintenant que j'y pense...évite la pompe si un jour tu dois déplumer un perdreau...

    Fiso : (…) Je viens encore de piquer un fou-rire en public avec tes conneries de pompe dans le fion des volatiles !!
    J'ai partagé avec mes collègues, du coup, et nous avons des questions d’ordre technique :
    est-ce que ça marche aussi sur des bestioles jamais congelées ?
    PS 1: Pourquoi le NB ?
    PS2 : Je pense à un nouveau concept d'épilation définitive, tu crois qu'il y a potentiel ? :p

    Le chasseur : (…) Ca marche pas mal avec les volatiles non congelés. Mais (car il y a un mais), le problème se situe à deux niveaux:

    -1 / l'étanchéité du fion (l'idéal: colmater avec un chewing gum pour pas que l'air sorte entre l'embout et le fion)

    -2 / les trous de plombs: ça rend le truc totalement inefficace, sauf si on veut obtenir une sonorité proche de celle du pipeau (et si tu repères les trous, tu peux jouer un air avec tes doigts, mais alors tu souffles toi-même, c'est plus simple).

    Pour le NB c'était...attends, je me planque derrière un meuble..... (voilààààà c'est fait...je suis prêt!)

     --> C’était au cas où t'aurais pris le truc au sérieux (maintenant tu peux balancer tout ce qui te tombe sous la main!)

  • Rabat - Chechaouen


    Il paraît que la CTM est la meilleure compagnie de bus du pays. A la gare routière, il y a foule et pas de touristes. Le bus se pointe avec 30 minutes de retard et nous quittons Rabat à 15h15. Le site internet de la CTM annonce 4 heures de trajet, nous devrions donc arriver à Chefchaouen vers 19h30.
    Ma plus grande inquiétude, c'est surtout que nos valises, que j'aperçois sur le tarmac, restent sur place.


    Le bus, bondé de familles et d'enfants, est d'une propreté très douteuse. Pourvu que ça ne chouine pas !
    Après avoir quitté Rabat, nous traversons de grandes étendues monotones, on croirait la Beauce. Parfois on traverse de petites villes où les maisons cubiques, collées les unes aux autres, ressemblent à des constructions Lego. 
    La nuit est déjà tombée - et la pluie s'y met - quand nous faisons une halte dans une ville sinistre, où les types attablés aux terrasses, sous des auvents, ne le sont pas moins.
    "Tu veux aller faire un tour ?" me lance Yo, goguenard.
    "Heu, non merci, ils n'ont pas l'air très engageants dans le coin".
    Ca fait déjà une demi-heure qu'on est arrêtés devant ce café, je m'impatiente. "Bon, on repart où on couche là ???"
    "Ah non, pitié, pas ça, s'écrie Yo. Vas-y, file moi un cachou !"
    En liaison avec un ami resté à Paris, celui-ci confirme que l'arrêt qui s'éternise correspond à la pause repas du chauffeur.
    Le bus s'ébranle enfin, puis nous sommes plongés dans le noir complet. Noir dedans, noir dehors, le bus tangue dans la pampa marocaine, c'est vachement rassurant comme ambiance ...
    Au cas où, j'envoie un sms à ma collègue, et seule amie marocaine, Jam, qui m'envoie des boussa.
    Dans la nuit noire, l'écran de mon téléphone s'illumine.

    C'est P_o_L : "Tu es rentrée poulette ou toujours marocaine ?
    Moi " Je suis très exactement dans un bus plongé dans le noir, en route pour un village de montagne"

    Le bus effectue un 2ème arrêt et cette fois, je descends me dégourdir les jambes. Dans une gargotte, je prends un jus d'avocat, désormais un classique bien nourrissant, surtout quand il est servi en format milk-shake. Des jeunes assis à une table aimeraient visiblement engager la conversation avec moi mais leur français ne nous permet d'échanger que quelques mots.

    Enfin, notre bus se lance à l'assaut des montagnes et vers 21h, il s'immobilise sur la place de la gare routière. Il tombe des trombes d'eau et une touriste allemande nous propose de partager un taxi jusqu'à la ville.

    Arrivés là, suivis par de jeunes hommes qui nous demandent si nous voulons du "chocolat", [Chaouen est un haut-lieu de la culture de la marijuana], nous traînons nos valises dans les rues transformées en torrent. La mienne fait à peine plus de 10 kilos, certes, mais j'ai oublié quelques indispensables, comme un parapluie. Heureusement, Yo en a un et je m'aggrippe à son bras, lâchant régulièrement un "Oh putain !" quand un filet d'eau me coule dans la nuque et le dos. Mon jean trempe  dans la flotte. Nous nous arrêtons sous un auvent, le temps d'essayer de repérer sur mon guide où nous sommes et où nous allons. Un commerçant invite Yo à entrer dans sa boutique pour acheter des djellabas.

    "Il est con, lui, à me demander si je veux acheter des djellabas alors que je suis sous un déluge en train de chercher mon hôtel ?" explose Yo, passablement excédé.

    Enfin, nous apercevons l'enseigne de l'hotel Gernika et sommes accueillis par Raul, un jeune espagnol d'Alicante, très sympa. Je sors ma déclaration de vol, il n'a pas de quoi en faire une copie et propose de la garder et de me la rendre le lendemain matin. Je grimace, pas très envie de lui laisser l'original d'un document qui est indispensable à la poursuite de mon voyage mais Yo me tranquilise.

    Nous hissons nos valises dans l'escalier étroit. Notre chambre au dernier étage, à l'atmosphère monacale et peinte de rose saumon, est toute douillette et me plaît beaucoup. Dormir dans ce cocon en écoutant la pluie tomber, quel pied ! N'empêche, en descendant l'escalier abrupt de l'hôtel, je finis sur le cul. Je suis bonne pour un beau bleu, encore, tiens ....

    L'hôtel ne fait pas restaurant et sur les conseils de Raul, nous interrompons la soirée peinarde, face à son poste de télévision, du patron du restaurant "Chez Fouad" qui nous sert un délicieux tajine à la viande et aux figue et un autre à la viande hachée, le tout pour 75 drh. Son ardoise accrochée à la devanture du restaurant propose aussi des tajines de sardines, crevettes et même des tortillas espagnoles. C'est que la région est plus influencée par l'Espagne que par la France.

    Chefchaouen - que beaucoup de Marocains désignent par Chaouen - accueillit les maures d'Espagne quand ceux-ci furent chassés par les rois catholiques. Les juifs s'y installèrent aussi mais pas les chrétiens, auxquels la ville fut longtemps interdite. Dans le train entre Rabat et Fès, Zakariae, originaire de Chaouen, m'avait appris l'origine de son nom : "chouf" (regarde) et "chaouen" (les cornes) car elle se trouve entre deux pics.

    Nous rentrons bien vite à l'hôtel où, dans la salle à manger, nous pianotons sur internet (un ordinateur est mis à disposition des visiteurs) avant d'aller nous coucher là-haut sous les étoiles.

    Chez Fouad, rue Targui

  • Un dernier passage à Rabat (jusqu'à la prochaine fois, inch'Allah!)

    Rabat, début de soirée, B. nous récupère à la gare, accompagné d'une petite femme et d'un homme aux yeux dorés, et propose de boire un verre dans le coin. A l'italien du coin, je bois un jus d'avocat, mon préféré, et fait la connaissance de la présidente de l'association "Terres des femmes", très fière d'être la femme de coeur du mois du magazine "Femmes du Maroc", sauf que je ne retrouve pas trace d'elle sur internet ...

    Après les salutations d'usage, B. nous conduit jusqu'au quartier de Takadoum, pour une seconde nuit chez ses parents. En retrouvant le "festival" ouvert 365 jours par an et les ruelles (au marchand de ceintures pour caftans, prendre à gauche), on a un peu l'impression de rentrer à la maison.

    Dans le salon, devant la télé avec le père de B., je m'abstiens de commenter l'actualité, notamment le débat actuel au Maroc sur l'éventualité d'autoriser l'avortement en cas de viol ou inceste.
    [Plus tard, je raconte à Yo le dramatique siège organisé en 1997, alors que je venais de m'installer à Dublin, de la maison dans laquelle vivait une gamine irlandaise de 13 ans qui avait subi un viol.
    J'avais alors été horrifiée de lire que les ligues anti-avortement encerclaient sa maison pour l'empêcher d'en sortir et de partir se faire avorter en Angleterre. Ce sujet était tabou avec mes copines irlandaises et j'ai eu quelques échanges musclés avec les mêmes ligues anti-avortement qui exhibaient leurs monstrueuses affiches sur O'Connell street. Fin de la parenthèse.]

    B. et son père nous font aussi les éloges du roi actuel et de son père, Hassan II, qu'ils décrivent comme un homme simple à grands renforts d'anecdotes comme ce soir où dans une épicerie, Hassan II aurait acheté de la nourriture pour un vieux Marocain misérable qui ne l'avait même pas reconnu. J'observe Yo et m'amuse de le sentir trépigner intérieurement. La dévotion à la monarchie est omniprésente dans le pays, en témoignent les photos du roi qui ornent la moindre gargote, certains poussant même le zèle à orner leurs murs de portraits réalisés à la peinture.
    [C'est sûr que l'émotion est bien moins intense pour les Français face à un portrait de leur président. Le seul portrait de Sarkozy que j'ai vu, c'était au consulat de France, et d'une même voix, Yo et moi nous sommes écriés : "Quelle horreur !", moi ajoutant "T'as vu sa bouche, on dirait Donald Duck". Non vraiment, affinités politiques mises à part, notre président actuel, court sur pattes et joufflu du fessier, ne ressemble à rien.]

    Tout le pays prépare la fête du mouton et nos hôtes regrettent que nous n'y assistions pas. Moi aussi, pas pour assister au zigouillage en masse des pauvres ovins mais pour participer à la fête. Le père de B. confesse tourner la tête lors du coup de couteau fatal. Nous discutons avec B. jusqu'à 3 heures du matin. Il se plaint du manque d'écoute des Marocains et de sa difficulté à ce que ses amis s'investissent dans son association.

    Le lendemain, je suis réveillé en douceur par les bêlements des moutons qui, n'ayant plus que quelques jours à vivre avant la grande fête du mouton - dont ça va être la fête, c'est clair - passent sous les fenêtres. Sur la table du petit-déjeuner, la maman de Badr a disposé des melhoui et du miel. "Tu te rappelles le grand terrain du marché aux moutons que tu as vu le premier soir ? demande B. Il est plein aujourd'hui !"

    rabat,badr,y'a pas de bêê !

    Après avoir récupéré le plat à tajine offert par sa mère à Yo, B. hèle un taxi. Lui et Yo sirotent un thé à la menthe dans le café voisin tandis que je pénètre dans le consulat, désormais familier. Il n'y pas d'attente, je monte au premier étage, le séduisant Ali me reconnaît "Comment allez-vous, Mme X. ?" En dix minutes, mon laissez-passer est imprimé et je retrouve les garçons. Nous passons à la gare routière de la compagnie de bus CTM, la meilleure, paraît-il. Coup de pot, il reste 2 places pour Chefchaouen, départ 14h45. Jouant des coudes, nous achetons nos billets 100 drh + 5 drh par valise.

    En attendant l'heure du départ, et malgré notre insistance, B. refuse de nous abandonner et patiente avec nous au premier étage du café Sambuca. Nous ne mangerons pas avant l'arrivée à Chefchaouen dans la soirée, je m'offre donc la formule petit déjeuner avec omelette trop cuite. Yo qui ne voulait qu'un thé se retrouve avec la formule complète aussi. B. a raison, le sens de l'écoute, en tout cas des serveurs marocains, peut encore être amélioré.

    Sur l'écran de télé, Faudel chante "Tellement n'brick" en live de 1,2,3 soleils. Les quelques heures qu'il nous reste avant de quitter B. sont l'occasion de refaire le monde, une fois de plus, et de s'interroger sur le formidable élan de fraternité qui avait déferlé sur la France, au lendemain de la coupe du monde '98, suivi 4 ans plus tard de la tronche de Le Pen au 2ème tour de l'élection présidentielle et 7 ans plus tard, de violentes émeutes .... Un sacré électrochoc.

    B., intarissable, parle aussi de son association, des rencontres de volontaires du monde entier qu'elle a occasionnées, des nombreux projets auxquels il participe, sans aucune subvention extérieure.
    Il est 14h, une pluie fine tombe sur Rabat et abrège les adieux, m'évitant de pleurer devant B. Dans le taxi, Yo, ému, laisse échapper "C'est incroyable ! 5 ans après, ils m'ont accueilli comme si j'étais parti hier. Alors, ce séjour, ça t'a donné envie de revenir à Rabat?"
    Le pare-brise n'est pas le seul à tenter d'évacuer l'eau qui lui brouille la vue. Je me remémore tous ces visages souriants, les Abdel, Lotte, B., sa famille, tout ce temps qu'ils nous ont consacré, leur présence constante, leur générosité.

    Si le jeune homme rencontré dans le train entre Rabat et Fès, qui restera à jamais une énigme, a sans doute raison d'être pressé que son pays s'enrichisse, je ne lui souhaite pas de perdre un jour son passeport à Paris ...