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2yeux2oreilles - Page 63

  • Acide comme la pluie

    Lundi, c'est l'heure du déjeuner dans le quartier de l'Opéra et je m'échappe du congélateur qui me tient lieu de bureau; la clim' y est visiblement bloquée en mode canicule et pas moyen de mettre la main sur cet enfoiré de George dont un seul regard de braise me réchaufferait à coup sûr.
    Je traverse les axes miroitants et bucoliques (Petits Champs, Capucines, rue de la Paix) qui me rappellent des parties de Monopoly avec mon frère - il fait un temps idéal pour y jouer, tiens ! -  d'un pas plus frileux qu'enthousiaste, abritée sous un parapluie.

    Avenue de l'Opéra, pourtant, j'ai envie de rire en découvrant les touristes, ridicules sous leurs ponchos colorés en plastique. Ils arpentent les rues, les yeux rivés sur leurs godillots trempés plutôt que sur la magnifique architecture hausmannienne, un brin incrédules, de l'air du mec qui se dit "J'ai l'étrange impression de m'être fait niquer ?"

    Ma propre mauvaise humeur me titille soudain et je m'imagine, les pointant du doigt en ricanant "Nanananèreeeee ! Comment vous avez l'air cons, avec vos tongs et vos ponchos !" A cette réjouissante idée, un sourire sardonique se dessine déjà sur mon visage mais je suis une grande personne, paraît-il, alors je continue mon bonhomme de chemin en enviant Lafesse.  

    Je rejoins la rue des Petits Champs, envoyant au passage un baiser vers l'imposante statue de Molière, à l'intention de Chichi et Kamel, mes barmen préférés.

    Sous un porche attenant, la serveuse du restaurant "Aux Bons Crus" fume une clope et je la salue, avant de m'installer devant une entrecôte en sauce bordelaise et son os à moelle. Dans ce restaurant découvert récemment grâce à LaFourchette.com, les portions sont généreuses, le minois de la serveuse séduisant et sa gentillesse naturelle, encore plus.

    AuxBonsCrus.jpg



    Remarquez, je me fous de la gueule des touristes mais je n'en mène pas plus large. Le ventilateur posé début juin par mon Pôpa, en prévision de la canicule annoncée chaque année, n'a déployé ses pales qu'une fois. La dernière occasion où j'ai fait la belle en bustier remonte exactement au 2 juillet, jour de la chasse aux trésors de Paris. Ces derniers jours semaines, je m'extirpe de ma couette à grand-peine et me suis même rendormie hier, ce qui ne m'arrive jamais. Chaque matin, que j'aie dormi 5 ou 8 heures, je découvre avec la même lassitude ma gueule de batracien éclaté dans le miroir. Le crachin qui tombe sans discontinuer me donne, en prime, une tête de brebis. Déprimant. Bêêêê !
     
    Alors, pour égayer un peu mes trajets quotidiens, je me fous de la gueule des gens dans le métro. Les touristes font profil bas et jaillissent des wagons en silence, comme des bêtes qu'on mène à l'abattoir, alors que d'ordinaire ils piaillent comme des moineaux. Les Parisiens quand à eux, qui ont pour une fois une bonne raison de tirer la gueule, s'enfoncent un peu plus dans leurs vestes d'hiver.

    Un matin de cette semaine, j'ai retrouvé dans mon wagon une vieille connaissance : le type le plus sinistre qu'il m'ait été donné de croiser, je crois. Celui-là, il ne change pas avec les saisons. Même costume triste, flottant autour de son grand corps maigre, même sacoche en cuir ridiculement petite. Immanquablement accroché à sa barre métallique, les yeux fermés comme s'il ne voulait plus voir la misère du monde, le teint aussi jaune hiver qu'été et une sorte de moquette noire plantée sur le crâne. Y'en a qui disent que les métis sont toujours beaux, ben lui, il a pas eu de pot.

    Il y a aussi celle-là, face à moi, le visage criblé de boutons bien qu'elle soit sortie de l'adolescence depuis des décennies. Je la trouve instantanément antipathique. Le téléphone portable dans lequel elle braille y est sans doute pour quelque chose. Je fixe ses tongs, perplexe, (elle va au bureau comme ça ?) et entame un dialogue muet en la voyant réprimer une grimace agacée "Ben alors, bouffonne, tu patauges de bon coeur dans les flaques et tu fais la gueule parce que le parapluie de ta voisine met trois gouttes sur ton chemisier informe ?"   
     
    Autre chose me fait doucement sourire, en ce moment, ce sont les affiches publicitaires estivales. Je suis tombée sur 3 ou 4 qui m'ont enchantée par leur humour involontaire, du coup, maintenant, je les traque. Jugez plutôt :

    Glacé... et mouillé !

    Eté glacé.jpg

    Pendant que les Belges jouent aux boules sur le sable (???),

    ici, on les arbore en guirlandes !

    LéondeBXL.jpg

    PS : Je rappelle à mes lecteurs, à toutes fins utiles, qu'en avril en Irlande, les passages pluvieux ont totalisé 2 heures en 15 jours. Le prochain qui me dit qu'en Irlande, il pleut tout le temps se prend mon coup de pied au cul.

  • Avec Maurice l'Alsacien

    Hier, en direct de Liège, j'envoie un message à un fidèle commentateur de mon blog que je n'ai rencontré que deux fois : 

    « Tu me récupères à la gare du Nord ou on se retrouve directement au resto ? J'arrive de Liège à 20h et des poussières.

    — Je te récupère à la gare. Ca te changera d'avoir quelqu'un t'attendant à l'arrivée à Paris.

    — Rires ! Merde ! J'avais oublié que tu lisais mon blog ! »

    Pas de pot, Chez Casimir était complet et Chez Michel, fermé. Chez Félicie, en revanche, on est content de me réserver une table « Tu sors de la piscine ? Y'a toujours une place pour toi, mon coeur ! »

    Le temps d'une halte chez moi où je me déleste de mes bagages, nous voilà tous deux devant l'incontournable entrecôte béarnaise. Et j'ai écouté Maurice l'Alsacien, dont la première langue étrangère fut le français, et j'ai voyagé à Madagascar, en Thailande, au Laos, au Brésil et même à Clermont-Ferrand !  

     Voilà, Maurice, t'as gagné : j'veux aller à Strasbourg et à Clermont-Ferrand maintenant !

  • Fooding 2011, première !

    Fooding.jpg

    Ça fait des années que radio Nova me rebat les oreilles avec le Fooding, pique-nique branché à Paris, Arles et bientôt Biarritz, qui publie aussi un guide des meilleurs restaurants. Et bien, cette année, j’y étais ! Ça se passait dans une cour improvisée derrière la Cité de la Musique à la Villette et accompagnée de deux collègues-copines et de mon chef de projet, autant dire une bonne soirée.

    Le concept de cet évènement très couru? On s’acquitte d’un droit d’entrée de 15€ qui nous donne 3 tickets-apéro et un ticket pour une assiette de dégustation sur chaque stand, qui met à l’honneur des artisans.

    L’apéro : LE MAURESQUIMAU
    RICARD + ORGE + AMANDES + GLACE PILÉE

    Chez Gontran, le boulanger du 18ème qui a le prénom du cousin de Donald (Duck, pas Trump, hein), nous avons goûté le croustillant.

    Au stand de l’épicier Mmmozza, j’ai admiré avant de les goûter des tresses moelleuses de mozzarella, servies avec des tomates séchées, oignons et artichauts marinés .

    Yves-Marie-Le-Bourdonnec.jpgA celui du boucher sexy Yvan le Bourdonnec, j’ai laissé fondre, à tour de rôle, sur ma langue, de fines tranches persillées de bœuf Wagyu, élevé au muesli et hydraté au vin rouge – et d’autres de bœuf limousin. Très fin !

    Un peu de verdure pour faire passer tout ça, joyeusement émincée par deux jeunes hommes appliqués : courgettes tendres et champignons croquants.

    Et pour finir, une assiette de macarons de Patrick Charaix, en direct de Joyeuse, dans l’Ardèche.

    Ce que j’ai préféré ? Incontestablement le bœuf et la mozza ! Vous, c’est le décolleté de la jeune femme en rose, me trompé-je ?

  • Liège a un centre-ville, dis donc!

    Je ne devais plus revenir à Liège. « Tu vas éteindre le feu », m’a-t-on donné comme mission. Vachement motivant, surtout quand je dois « éteindre le feu » chez 4 clients en 2 jours.

    Le premier jour, mon réveil sonne à 5h et mon train quitte la gare du Nord à 6h01. [Ah ouais, tout de suite, vous m'enviez moins, hein ?]

    A 8h20, j’avale une gaufre aux cerises et un café, dépose mon sac de voyage et récupère un plan de Liège à l’hôtel HUSA de la Couronne, où j’ai mes habitudes. « 20 minutes de marche » entre la gare des Guillemins et la place Saint-Lambert, m’avait-on indiqué. Après 20 minutes de marche sur le boulevard d’Avroy, je consulte un plan de la ville ; je suis à mi-parcours. Je saute dans le premier bus et sonne chez mon client à 9h10, juste après avoir envoyé un sms à mon chef de projet en ces termes « 20 minutes de marche, mon cul ! C’est au moins le double. J’ai marché tant que j'ai pu et j'ai fini en bus. »

    J’ai un peu plus de 3 heures pour « éteindre l’incendie ». Le plus âgé de mes clients est très stylé. Petit mais longiligne, la cinquantaine, une envahissante calvitie, chemise noire et cravate gris perle, il porte des anneaux d’argent sur plusieurs doigts et un très joli bracelet gansé de cuir. J’aime beaucoup les bijoux sur les hommes.  

    A 13h, je m’attable dans une brasserie voisine, spécialiste ès pâtes maison, où je commande des penne arrabiata. Le serveur dépose sur ma table une cocotte en fonte orange dont il me sert de belles louchées avant de me la laisser à disposition. J’ai au moins de quoi me faire trois assiettées de pâtes (je m’arrête à deux, réfrénant ma gourmandise). Est-ce que quelqu’un peut me dire, parmi mes lecteurs Belges, si « cocotte » est un mot d’une quelconque ambigüité en français belge ? Je demande ça parce que mon serveur n’a cessé de répéter ce mot en rigolant, à partir du moment où je l’ai prononcé. Et comme je suis impayable pour sortir de grosses conneries, je deviens parano …

    Au point de vue

    10 place Verte à Liège (04/223.64.82)

    Vers 14h, je monte dans un taxi. « Française ? » demande le chauffeur, à quoi il répond « Personne n’est parfait ». En route pour Embourg, dont je ne sais même pas si c’est au nord ou au sud de la ville, nous longeons un bras de la Meuse et discutons. Oscar est d’origine espagnole et m’explique qu’en Belgique, on ne hèle pas les taxis dans la rue, « comme chez vous ». Il ne travaille, pour sa part, qu’avec des habitués.

    A 18h, c’est Oscar qui m’attend devant la porte. « On nous a dit qu’il y avait une Parisienne à aller chercher et personne ne voulait y aller, je me suis dévoué », explique-t-il. C’est un taquin, Oscar. J’en profite pour lui demander où je pourrais dîner ce soir, car le quartier de la gare est un peu glauque, seule. C’est là que mes neurones se reconnectent et que je me souviens que l’hôtel HUSA de la Couronne était complet ce soir et qu’on m’en a réservé un autre. Ni vu ni connu, je récupère mon sac qu’ils ont gracieusement stocké toute la journée, et Oscar me dépose à côté du Palais des Congrès, juste au-dessus de la Meuse et à quelques enjambées du parc de la Boverie. Ca tombe bien, j’ai pris mes baskets, il fait un beau soleil et une brise idéale et malgré mon réveil à 5h, je ressens le besoin de me dégourdir les jambes.

    Après une heure dans le parc, une douche et un saut sur Skype, j’ai la flemme d’aller dans le centre. Tiens, et si j’allais manger chez Frédéric Maquin, rue des Guillemins ? Et bien non. Car lorsque je pousse la porte du restaurant, je n’ai droit qu’à un hochement de tête par la négative du serveur (ou patron ?), toujours aussi jovial (c’est ironique, hein) qui me signifie que le restaurant est complet. Au Duc d’Anjou, ils sont vachement plus sympas. Le serveur a la gueule de Lino Ventura en plus blond et une carrure impressionnante, la patronne est mignonne comme tout dans son carré cuivré, sa robe blanche courte et ajourée et son collier de perles de couleurs. Une vraie gamine d’au moins 5 décennies. Comme quoi, la jeunesse … J’y mange une truite à la crème de persil, plus crème que persil (on est en Belgique, je vous le rappelle) avec un petit verre de blanc. Vous remarquerez qu’en ce moment, je suis plutôt raisonnable. A tous les niveaux, d’ailleurs, mais quand ça va péter …

    Le lendemain, mon client du matin passe me chercher et m’emmène à quelques kilomètres de la frontière allemande. Ici, on oublie le flamand et tout est écrit en bilingue français-allemand. En début de matinée, ses remarques ironiques me tapent sérieusement sur les nerfs et puis je lui mets 2 ou 3 tapes (je suis aussi là pour ça, fallait pas mettre le feu, monsieur !) et il se calme.  12h12, je saute dans un train de retour vers Liège. Le restaurant conseillé par Oscar, la veille, est sur la route de mon dernier client, je m’y arrête donc et découvre enfin Liège : la place de la Cathédrale, la rue de la tête de mouton, celle de l’auberge du cul tourné (j’déconnne !).

    J’ai dû passer une dizaine de nuits à Liège en 2011 mais n’en ai rien vu d’autre que la gare et son quartier. Hé oui, je fais un boulot formidable, je me tape des bonnes bouffes mais pour le tourisme, on repassera. Après une ventrèche et ses pommes de terre saupoudrées de piment d’Espelette, avalées dare-dare, Oscar passe me chercher. Si personne ne savait que je suis parisienne, Charles et sa barbe blanche m’affiche devant tous les clients : « C’est pas comme à Paris ici, vous attendez votre taxi tranquillement à l’intérieur. » J’ai comme qui dirait l’impression qu’ils ont une super image des Parisiens, dans le coin, non ? Ah oui, c’est vrai, c’est comme ça partout. N’empêche, avec une grappa, l’attente serait plus agréable, enfin, j’dis ça, j’dis rien …

    Autour du monde, (restaurant basque)

    22-24 rue du Méry (04/223.08.30)

    [NDLR : Le restaurant est décrit par les dîneurs, sur internet, comme proposant de la cuisine " belge voire française" ... Il me semble pourtant que la carte affiche clairement la couleur, non ?

    belgique,liège

    Allez Fiso, un petit tour à Longdoz et tu rentres à Paris. A 17h15, j’envoie un sms à Oscar pour qu’il vienne me chercher. Il rappelle « Moi je serais en retard, je vous ai envoyé un collègue. Vous n’avez rien contre les personnes de couleur ? » Je me retiens de rire.

    17h35, je suis sur le parvis de la gare de Liège, 17h49, youpi, le Thalys est à l’heure ! 18h47, je finis ce billet sous les coups d’œil indiscrets de mon voisin qui ferait mieux de m’offrir une Duvel au lieu de se la siffler tout seul (tiens, je te la mets en police 14 pour que tu la voies bien celle-là ! )

    20h00, mon moto-taxi me coiffe d’un casque et s’enquiert de ma vie en sillonnant les rues de Paris. 20h30, aaaaaaaaahhhhhhh, ma chaise longue !   

  • Instants de vérité

    Ça fait plusieurs mois que tu entretiens une liaison, comme on dit, avec un homme en couple. Après t'avoir mis en garde sur l'impossibilité d'une relation plus engagée que ces instants clandestins, il s'est laissé aller, peu à peu, aux confidences et à la tendresse. Vos retrouvailles étaient toujours des fêtes, dans quelque recoin d'un bar tamisé ou d'un restaurant bruissant de convivialité. Tu étais le piment qui manquait à son quotidien, l'amant insaisissable et pourtant toujours disponible. Il était celui qui, dans ta solitude provisoire et sans cesse renouvelée, t'assurait que tu étais aimable et désirable et que si seulement ... bien sûr.
    Pourtant, avec le temps, cette inégalité entre vous a commencé à te peser. Car il faut bien le reconnaître, vos rendez-vous étaient systématiquement soumis à son agenda, pas au tien. Et puis, un jour, alors que tu te résolvais, comme depuis tant d'années maintenant, à planifier de nouvelles vacances où tu garderais pour toi, bien obligé, tes émotions, tu as reçu une carte postale d'un endroit où  il marchait joyeusement main dans la main d'un autre. Et cette complicité qui t'était interdite t'est devenue insupportable. Après l'incrédulité, les reproches sont arrivés. Comment osais-tu détruire ce bel amour, votre relation, tellement particulière, à nulle autre pareille ? La pression sur toi se fit d'autant plus difficile que seul tu étais toujours. Mais tu t'accrochas à ta solitude.

    Ça fait plusieurs années que tu entretiens une liaison avec un homme marié. Après avoir savouré cette liberté, tu t'es laissée aller, peu à peu, aux confidences et à la tendresse. Dans ses bras tu étais magnifique, même entre les murs d'un hôtel miteux en bordure de banlieue. Tu étais celle qu'il aurait dû épouser, la femme indépendante et pourtant toujours disponible. Il était celui qui, dans ton existence bien remplie et ton lit si vide, comblait de jouissance ton corps endolori en te chuchotant, entre deux étreintes passionnées, que si seulement ... bien sûr.
    Pourtant, avec le temps, les enfants ont grandi et tes soirées ont semblé plus longues. Car il faut bien le reconnaître, vos nuits étaient systématiquement fonction de son agenda, pas du tien.
    Et puis, un matin, tu t'es réveillée seule dans un hôtel sordide, et tout alors l'est devenu. Pour elle, les soirées lovés devant un DVD, les caresses sans désir, peut-être, mais gratuites, les matins paresseux autour d'un café. Pour toi, les "normalement, si tout va bien", les futurs hypothétiques et souvent hypothéqués, les réveils à la hâte et les baisers volés. Après l'incrédulité, le silence s'est fait. Et toi, dans ton lit, de désir inassouvi ton corps se tordait et sur les hommes croisés et sacrifiés, tu pleurais.  

    Ça fait des mois que tu t'envoies en l'air avec un célibataire. Hé oui, célibataire, comme toi. Après quelques interrogations sur l'éventualité d'une relation, vite étouffées par des carences incompatibles avec ton bonheur, tu t'es laissée aller, peu à peu, à la tendresse. Puisqu'il n'y avait pas d'enjeu, tu étais toi-même et vivait l'instant présent mais tu t'es vite rendue à l'évidence : ton corps, lui, n'avait d'intérêt que sexué.

    Vos nuits étaient passionnées, vos baisers carnassiers et votre amour furieux. Dans l'océan de ton lit, vous étiez comme deux naufragés, l'un à l'autre cramponnés. Tu étais celle qui ne posait pas de questions et qui l'aimait sans possession. Joyeuse, joueuse, enjôleuse, la femme très active et pourtant toujours disponible. Il était celui qui, abîmé mais pas détruit, désabusé mais pas aigri, te comprenait et te consolait en répétant que tu étais seule parce qu'exigeante.  
    Pourtant, avec le temps, le manque d'enjeux t'est devenu ennuyeux et le sexe tristement hygiénique. Car il faut bien le reconnaître, vos nuits ne se suivaient pas mais se ressemblaient. Et puis, un jour, une amie t'a dit "Au fond, tu as tous les inconvénients d'un vieux couple sans les avantages". Et cette promiscuité qui t'était refusée, ces virées improvisées et jamais proposées, alors que rien tu ne demandais, tout ça t'a semblé profondément injuste. Le désir s'est émoussé et sur ta gaieté un voile s'est posé. Tu ne voulais pas attendre le jour où tu annoncerais, où il annoncerait que l'amour il a rencontré.
    Alors un soir, alors que tu luttais contre le sommeil, parfumée, satinée, ton téléphone a bipé, comme convenu. Et tu as décroché. Mais cette nuit-là, personne ne t'a chevauchée. Pour que tu ressentes pleinement le manque d'amour, il fallait qu'il soit entier.