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2yeux2oreilles - Page 60

  • Victor, ou quand le futur se fait si proche

    Il la prend en charge devant la gare du Nord, un soir. Après quelques minutes de silence, ils engagent la conversation, sur les balivernes habituelles : d’où elle rentre, les bouchons, la météo, son métier. Il demande si ce n’est pas trop dur pour son petit ami de la voir partir chaque semaine. Sa question tout à fait anodine appuie ce soir là où ça fait mal. Très mal. Dans l’habitacle sombre, les larmes lui montent aux yeux, en une fraction de seconde. Elle ne peut même plus parler. Elle se ressaisit difficilement, tente de plaisanter sur le fait que seules ses plantes se languissent d’elles, et encore, même pas, car elle les a choisies increvables.

    Il s’étonne, une femme « comme elle », pose les questions habituelles, comment , pourquoi, donne les conseils de celui qui ne la connaît pas : sortir, voir du monde, ne pas se refermer sur soi-même. Ils discutent comme deux vieux amis. Le naturel de leur conversation a quelque chose d’incongru et de terriblement humain. Il jette un coup d’œil dans le rétroviseur.

    « Vous avez quel âge ?, demande-t-il.

    –        Quel âge vous me donnez ? » rétorque-t-elle, confiante.

    –        La quarantaine ? »

    –        Merde, vous m’avez ruiné ma soirée, Victor ! D’habitude, on me donne au bas mot 5 ans de moins que mon âge. Décidément, tout fout le camp.»

    Ils rient ensemble et se charrient. Soudain, son ton se fait plus grave et ses yeux noirs l'accrochent dans le rétrovisuer.

     « Écoutez moi, je vais vous raconter une histoire. Peut-être que vous ne me croirez pas, peut-être que vous me prendrez pour un illuminé. J’ai moi-même encore du mal à y croire. Tel que vous me voyez là, j’ai 47 ans. Je suis divorcé et j’ai 2 enfants. Ma femme et moi, on s’est séparés il y a plus de 10 ans. Pendant des années, j’ai traîné sur des sites de rencontre, enchaîné les plans cul. Je me retrouvais au pieu avec des femmes que je ne connaissais pas deux heures auparavant. Au début, c'est la fête, on croque sa liberté à pleines dents. J’en ai profité mais au fur et à mesure, les matins deviennent mornes et on se demande où on va. On se sent merdeux. On perd l’estime de soi. On ne croit plus aux mots d’amour.

    Au printemps dernier, je suis allée passer une journée avec mes enfants au Futuroscope.  Dans l’après-midi, on est à la cafétéria de l’hôtel. Une femme se retourne brusquement, me rentre dedans et je me renverse le café sur la chemise. Elle s’excuse avec un fort accent anglais. En moi-même, je pense « Quelle conne d’anglaise ! » Je dis à mes gosses de m’attendre et je monte dans la chambre me changer, en pestant. Quand je redescends, son enfant a sympathisé avec les miens. Elle m’offre un café pour se faire pardonner et nous nous asseyons ensemble. L’enfant est en fait son petit-fils. Et elle n’est pas anglaise, mais portugaise comme moi. Son accent vient du fait qu’elle vit dans l’Ontario, à quelques kilomètres de la ville dans laquelle j’ai moi-même vécu, enfant. Une sacrée coïncidence. Finalement, on passé toute la journée ensemble. Et depuis, on ne s’est plus quittés. Moi qui m’étais toujours juré de ne jamais sortir avec une portugaise.  

    Je ne sais pas où cette histoire me mènera. Ce n'est pas facile, elle est veuve et ses filles sont très possessives et ne semblent pas prêtes à accepter qu'elle refasse sa vie. Peut-être que le jour où je vous reprendrai en course, je serai seul et malheureux, et je n’y croirai plus, de nouveau. Mais si on m’avait dit, il y a encore quelques mois, que je serais heureux comme je le suis aujourd’hui, je n’y aurais pas cru. Vous savez, la vie, ce n’est que des choix. On prend à droite ou on prend à gauche. On saisit sa chance ou pas. On prend des risques ou on reste au chaud dans ses certitudes. Quand vous perdrez espoir, pensez à ma jolie histoire et s’il vous plaît, continuez à y croire. »

    Devant chez elle, ils ont poursuivi la conversation encore quelques instants. Elle a claqué la porte de la confortable berline et munie de ses bagages, elle a levé les yeux vers la fenêtre où aucune lumière ne brille plus depuis longtemps. Pourtant rien n'a plus terni son sourire intérieur ce soir-là. Victor et son histoire d’amour toute neuve l’auront empêchée de sombrer dans la mélancolie, au moins pour quelques heures. 

    En refermant la porte de son appartement, elle ne souhaite qu’une chose à Victor : que la prochaine fois qu’il arrêtera son taxi devant elle, il soit toujours aussi heureux.

  • Balade dans le 9ème avec P_o_L

    Nous avons rendez-vous place Clichy. P_o_L a très faim, première urgence : trouver un resto. Le Bistro des Dames m'avait tapé dans l'oeil il y a quelques semaines. P_o_L est d'accord pour tenter le coup malgré une première expérience décevante (un service exécrable, alors, ce que semblent appuyer de nombreux commentaires sur internet).
    L'endroit est en tout cas tout à fait ravissant et asymétrique comme j'aime. Le jardin est complet et on nous propose la véranda, où nous nous installons après avoir salué les cuisiniers et descendu quelques marches.
    La salle au plafond bas laisse entrevoir des pavés sous le sol. On envie ceux, chanceux, qui déjeunent dans la verdure à quelques pas du vacarme de la place Clichy.  

    Paris, P_o_L


    N'empêche, on est bien quand même malgré la table voisine où un homme s'esclaffe fort bruyamment.
    Les plats se font un peu attendre mais nous ne sommes pas pressées et puis, avec P_o_L, on trouve plein de sujets de discussions, même si je l'ai vue la veille.
    Je lui raconte le meuble de ma salle de bains démonté à 23h avec un tournevis de merde et remonté dans la foulée, à la Fiso. Mon meuble, c'est la tour de Pise, msieu-dames, mais il tient debout (enfin, pour l'instant).
    Mon confit de pintade est très correct, le melon de P_o_L pas vraiment gorgé de soleil et le service tout à fait agréable. En dessert, j'hésite entre moelleux chocolaté au piment d'Espelette, panacotta à la verveine et cheesecake (ahhhhh, le cheesecake !) mais comme P_o_L est super raisonnable aujourd'hui et choisit une salade de fruits, je me rabats sur une verrine de perles de coco à la mangue.
    Bon c'est pas le tout mais on a une visite à faire. P_o_L va être ma touriste test (je vous en reparlerai).
    Le site de l'hotel dont dépend le Bistro des Dames est fort sympathique, je vous le mets donc en lien (goûtez la petite zik version jazz manouche)


    Mon bouquin commence son parcours à Opéra, je le rejoins donc en cours de route.  P_o_L me guide jusqu'à la rue de Douai.
    Rue Chaptal, nous voilà devant le Musée de la Vie Romantique, que je me promet de visiter depuis un moment. Aujourd'hui, je veux juste prendre une photo de l'hotel particulier qui l'abrite mais la jeune femme a l'entrée nous convainc "La visite est gratuite et le musée n'est pas très grand". J'interroge P_o_L du regard, banco !

    La grande maison verte et blanche, où il s'installa en 1830, entrepose bronzes et portraits d'artistes et amis du peintre Ari Scheffer et de nombreux objets ayant appartenu à George Sand, qui y séjournait fréquemment. Dans le jardin, on peut s'offrir une pause.

    Paris, P_o_L


    Nous, on veut boire un panaché, on va donc se poser à l'angle des rues de Douai et Fontaine, face au bar Crown qui ne s'appelait pas comme ça lorsque P_o_L le fréquentait, dans sa jeunesse (ouais, t'as vu, je raconte tout, P_o_L ! )
    Rue Fontaine, je stoppe, perplexe, devant un panneau de l'histoire de Paris qui indique, au n° 19 bis, l'atelier du peintre Degas (de Gas, en fait). Sauf que su le panneau, il est question de ses ateliers rue Pigalle et ailleurs mais pas là ! Le mec qui l'a posée était bourré ou provincial ?
    [en fait, P_o_L, Degas a réellement tenu atelier là, mais au n°21 ... ils sont d'ailleurs nombreux à avoir logé dans cette rue, Toulouse-Lautrec, Pissarro, André Breton ... et même Mimie Mathy, grande copine de Deftones. Pour bien faire, faudrait que je me balade avec mon ordinateur dans les bras!)
    Nous continuons dans cette rue bordée de boutiques d'instruments de musique d'où s'échappent parfois des accords de guitare électrique.
    A l'angle de la rue Pigalle, une enseigne dorée attire mon regard. C'est chez Moune, club à .... (faites la rime)

    Rue Victor Massé, à gauche, se trouve l'avenue Frochot et un édifice couvert de vitraux. Mon bouquin ne les mentionne pas, je me carre donc mes questions où je pense, et j'apprendrai, de retour chez moi, que cette impasse a accueilli Alexandre Dumas, les frères Renoir, Victor Hugo à son retour d'exil, Toulouse-Lautrec et Django Reinhardt. La jolie maison à l'entrée serait même hantée ! (ptain, je vais te les faire flipper, les touristes !)

    Quand à l'édifice à vitraux, c'est le théâtre en rond de Paris (ça c'est une info pour Boug' qui s'est extasiée devant en rentrant du théâtre, jeudi dernier)
    On ne peut quitter la charmante ruelle pavée sans remarquer cette demeure de 1837 qui fait angle avec la rue Frochot.

    Paris, P_o_L

    [Dans les années 1920, elle fut reconvertie en cabaret, Le Shangaï. Sa façade incurvée s'orna alors d'un magnifique vitrail Art déco inspiré d'une estampe du peintre japonais Hokusaï. Ce tableau représente le mont Fuji près d'être submergé par de gigantesques vagues. Sur chaque côté, un couple de cigognes en fer forgé peine à fuir ce désastre imminent. En 1954, A. Gomis et J. Peccoux la transformèrent en Théâtre en rond,  salle de théâtre expérimental au centre de laquelle se trouvait la scène. Aujourd'hui, un cercle de jeux occupe les lieux. En prenant du recul, on peut apercevoir au-dessus une terrasse bordée d'une balustrade en ferronnerie et les faux pilastres qui encadrent les fenêtres. Une corniche saillante à modillons délimite le second étage en retrait coiffé d'une toiture en parapluie. La façade de la même maison mais côté rue Frochot au n° 2 se signale par deux statues à l'antique posées dans des niches.] [source]


    Malheureusement, l'avenue Frochot est fermée au public mais j'ai trouvé un filon : on peut la visiter au travers d'un "parcours imaginaire" annuel, tout ce qu'il y a de plus réel, et grâce au conseil de quartier Lorette-Martyrs (P_o_L, tu notes ?)
    Rue Victor Massé, il faut lever le nez, car l'achtiecture est belle.

    Paris, P_o_L


    A gauche, un décroché mène à la cité Malesherbe. Cité Malesherbe, cité Malesherbe ... ?? Mais oui, m'écrié-je, devant une P_o_L médusée. C'est là qu'est la maison de Cuvelier ou Juvelier ! Heu, Jollivet, le fameux gars qui a peint les plaques scandaleuses de l'église Saint Vincent de Paul (allez, faites marcher votre mémoire ou remontez de quelques jours)
    Hélas, la porte de fer est fermée et bien fermée. Quoi ??? m'étranglai-je en couinant, comme Coluche en son temps. Je peste déjà contre ces voies publiques qui deviennent privées pour préserver la tranquilité des nantis. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot et P_o_L sur les talons, j'atteins la place Lino Ventura, bifurque à gauche et hèle un trio qui vient de me claquer la porte au nez. "Il faut appuyer sur le P de Porte pour l'ouvrir " dit-il. Je ne l'aurais pas deviné. Donc, ami lecteur, si tu veux aller flâner dans la cité Malesherbe, la lettre magique c'est P comme "Personne ne m'empêchera de rentrer".
    Dans la cité Malesherbe, P_o_L repère vite la facade couverte de lave volcanique émaillée qui porte le nom de son propritétaire. Il y a aussi la villa Clara et d'autres belles demeures où vécurent, au n° 18, les Lesueur, couple de comédiens et amis de George Sand, Drieu de la Rochelle ...

    Paris, P_o_L


    P_o_L file récupérer son scooter et m'abandonne à la suite de ma flânerie. Moi je descend la rue Pigalle ... (à suivre)

  • A vot'bon coeur, mesdames !

    Bonjour Mesdames

    Je vais me marier en 2012
    Mais voilà ma future femme est mince et a une petite poitrine...
    Avant d'officialiser mon union et d'être officiellement un gentil mari, j'aimerais avoir une dernière relation charnelle avec une femme plantureuse et ainsi me rappeler une dernière fois aux plaisirs des courbes vertigineuses
    Au plaisir d'avoir de vos nouvelles

    Bises

  • ApérOpéra

    Mon prestigieux client déménage bientôt de la rue où s'alignent bijouteries, magasins et hôtels de luxe. Les femmes, qui suivent manifestement la mode dictée par Elle, y sont bronzées toute l'année. Dommage, je commençais à me constituer un joli carnet d'adresses entre la place Vendôme et celle de l'Opéra  Ce quartier, bien loin de mes lieux de villégiature, l'est devenu un peu plus depuis que je fréquente assidûment l'Oustaou Café et les restaurants japonais de la rue Sainte-Anne.
    Il y a quelques semaines, j'ai déjeuné d'un excellent rougail saucisses au restaurant Le Cap Bourbon, aux accents de l'île de la Réunion. Chaque jour offre son plat réunionnais et on peut aussi y manger de l'authentique cuisine de brasserie. Les plats y sont en moyenne à 13€, ce qui est fort raisonnable pour Paris, et encore plus pour ce quartier. Une vraie bonne adresse désormais sur ma liste de bons plans. En revanche, je suis restée perplexe en déchiffrant l'inscription du tee shirt d'un - pas si jeune - homme au bar : "J'étais pas un porc, j'avais pas la gale, avant le Portugal". D'un parfait mauvais goût, non ?

    Bourbon.jpg


    Ce midi, j'ai voulu tester une terrasse fort animée que j'avais débusquée, un jeudi soir, en allant acheter la merveilleuse burrata de la coppérative italienne.

    Le restaurant "Le Petit Vendôme", rue des Capucines, est un endroit étonnant. Une profusion de miroirs, affichettes, fanions, une vraie fête foraine ! L'ambiance y est très bonne franquette sur fond sonore élevé. C'est qu'on est là dans un authentique bar à vin où l'on sert de goûteux casse-croûte auvergnats. La foule qui s'y presse, dedans et dehors, témoigne du succès de son concept.

    En salle, on déjeune, coude à coude, sur des nappes à carreaux. Au comptoir, où jambons et fromages s'exhibent sans pudeur, on fait la queue pour emporter un authentique casse-croûte auvergnat.  Fritons, rillettes, saucisse sèche, andouille de campagne, terrine maison, frometons odorants, il y a là de quoi faire péter le taux de cholestérol sans une once de culpabilité. Les clients sont essentiellement des hommes (des vrais!) : jeunes, vieux, cadres et tout ça mélangé, ils partagent joyeusement une bouteille de pinard en se léchant les doigts.

    On me cale dans un coin. A la table voisine, deux "hommes d'âge mûr" (expression politiquement correcte pour ne pas dire vieux) saucent leurs assiettes de moules au roquefort. Marine, la serveuse, brune joliment décolletée et néammoins efficace, arpente la salle en criant "chaud chaud chaud !". Deux hommes s'installent à côté de moi. L'un d'eux, pas de pot pour lui, est obligé de se tourner vers moi pour me déshabiller dévisager à son aise. Il tente de lier conversation mais je coupe court à ses maladroites tentatives. Ma sociabilité ne m'a pas beaucoup réussie ces derniers temps.

    Petit Vendôme.jpg

    J'ai décidé de faire léger ce midi; ce sera donc saucisse-aligot. J'ai une pensée pour mon ami Oh!91 qui nous en avait régalés - entre autres délices dont il a le secret - lors de vacances en Dordogne. C'est savoureux et je suis gourmande mais je me fais violence et abandonne aux 3/4 de l'assiette, faisant la sourde oreille à la voix de mon enfance qui s'insurge "Finis ton assiette !"

    [Une des aberrations de nos sociétés - moi la première - ne manquant de rien : manger par automatisme ou ennui, rarement par faim, sans être à l'écoute de son corps qui dit "Assez!". J'ai fait,  quelquefois, l'expérience inédite d'arrêter de manger dès que je ne ressens plus ni faim ni plaisir : je suis rassasiée avec des portions incroyablement petites]

    Les clients qui entrent, visiblement habitués, complimentent la serveuse sur sa nouvelle coupe de cheveux. Je l'alpague "Il n'est pas dans le quartier, par hasard ? J'en cherche justement un". Quelques minutes plus tard, rendez-vous est pris avec Elie, à quelques mètres de là.

    En fin de journée, lorsque j'entre dans le salon, une cliente raconte des trucs salaces à la coiffeuse, un demi posé devant elle, en attendant que sa couleur fasse effet. Un homme entre, déclare venir pour une épilation maillot, charrie la cliente qui boit son demi de cervoise. "J'ai soif" dit-elle. "Si t'as soif, t'as qu'à boire du shampoing, y'en a plein ici."
    Elie m'installe devant un miroir et sourit, visiblement amusé de ma surprise devant cette ambiance très "Comète du KB":

    Coiffeur.jpg

    "A cette heure-ci, on se lâche, dit-il. Ce sont tous des commerçants du quartier. Lui, là, avec l'accent du midi, c'est le cordonnier du coin et elle, c'est la serveuse du restaurant d'à côté."
    La patronne fait le tour de la salle : "Madame la cliente, qu'est ce que vous buvez? me demande-t-elle. Elle revient bientôt avec un plateau et pose un demi devant moi. Je me marre et me congratule  mentalement de ma capacité à me fourrer dans les bons plans, tout en trinquant à la santé d'Elie, qui m'a fait une jolie coupe printanière. Je suis sûre que Nicolas va être jaloux comme un pou : se faire payer un demi chez le coiffeur, faut le faire quand même ! Nico, à côté d'Elie, ta coiffeuse plate comme une limande ne vaut pas un clou !

    Le Cap Bourbon au 1, rue Louis le Grand (angle Danielle Casanova), Paris 2ème (01.42.61.81.05)

    Le Petit Vendôme au 8, rue des Capucines, Paris 2ème (01.42.61.05.88)

    sans oublier le meilleur bar du quartier, chez mes potes Kamel et Chichi : l'Oustaou Café au 28 bis, rue de Richelieu.

  • Dans nos murs

    Dans nos murs.jpgIl y a quelques semaines, j'ai reçu ceci dans ma boîte aux lettres :


    Bonjour,
    Pour ceux qui ne le savent pas encore, la jolie petite maison du 40 rue de la Vanne va bientôt être détruite.
    Presque 100 ans de vies, de joies, d'amour, d'épreuves, d'amitié, de fraternité, de partage et d'échange, vont s'éteindre avec elle et rester dans nos coeurs.
    Etant la fille des propriétaires et ayant toujours vécu dans cette maison, je souhaite marquer le coup, lui rendre un dernier hommage. Afin donc de fêter les vies qu'elle a portées et se remémorer les bonheurs partagés, j'organise avec l'association Arti'Street un évènement sur 3 jours les 2, 3 et 4 septembre 2011.
    Nous présenterons donc pendant ces 3 jours des expositions (photos, peintures, graffs, une exposition sur l'évolution de la ville de Montrouge), des concerts et des performances en tout genre.
    L'accès à la maison sera ouvert tout le week-end et jusqu'à 1h00.

    Hier soir donc, guidée par la musique, je me suis pointée devant cette maison peu après 21h.

    Dans l'ancien garage, une jeune fille accroche un bracelet vert à mon poignet. Il n'y a pas plus d'une dizaine de personnes, tous dans la vingtaine. Seule, je suis un peu intimidée.
    Le jardinet est décoré de lampions et de guéridons en métal. La maison, vidée de ses meubles, est ornée de tags. Au rez de chaussée, dans ce qui devait être le salon, je suis attirée par de très grands tableaux. Ce sont des portraits d'artistes noirs réalisés au collage. J'y retrouve Myriam Makeba, Louis Armstrong, James Brown, Frantz Fanon, fondateur du mouvement de pensée tiers-mondiste, dont j'ai lu "Peau noire, masques blancs" : : 

    accesblack.jpg

    Je décide de me réfugier au sous-sol, où un jeune home blond mixe à merveille des morceaux de hip-hop. Gangstarr, merde, j'ai envie de danser ! Je pense à mon petit frère, s'il était là on danserait ensemble, du coup je l'appelle.

    « Il parait que tu es mignonne, dit-il en décrochant.
    — Ah bon ? Qui a dit ça ?
    — Mon pote Antoine. Ta photo est apparu sur mon téléphone quand il a sonné, il a dit "Ouh ! elle est mignonne !
    — Embrasse ton pote Antoine de ma part !
    Je lui dis qu'il me manque. « T'inquiètes, Fiso, je reviens définitivement à Paris dans 2 semaines, au plus.»
    Je raccroche avant que ma voix ne fasse des remous et retourne écouter la musique. Dommage que je n'ai pas, dans mes ami(e)s, d'amateurs de hip-hop. Les vieux de la vieille qui dansaient avec moi au Bobino et au Rex se sont mariés et ont fait des gosses. ils passent sans doute désormais leurs soirées devant la Star Ac' ou des séries américaines. J'en appelle un, pas rentré dans le moule non plus, mais il décroche en disant : « Je suis au taf', je te rappelle.»

    Un peu plus tard, je suis la flèche "Expos" et monte au premier étage. Une pièce abrite des portraits de tatoués et d'un vieil homme. Une autre des vues comparatives de Montrouge avant et aujourd'hui, mises en place par le sexy Guacamelo (il a passé le week end à se balader torse nu, le bougre!) J'adore imaginer la vie avant. En vieillissant, je succombe doucement à cette ridicule idée que c'était mieux avant. Pourtant, pour rien au monde je ne voudrais frotter le linge au lavoir avec les bonnes femmes du village, cuisiner chaque jour pour une tablée de dix ou quémander de l'argent à mon mari. Quoique. Elles se posaient moins de questions à l'époque. Bref, je m'égare.

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    Je redescends dans la pièce aux collages et me plonge dans une analyse plus minutieuse de ces magnifiques portraits. J'aime particulièrement ceux de Tracy Chapman et James Brown. Je regrette l'absence de Boug' qui s'était collée aux collages, à une époque. J'ai toujours une pile de magazines féminins à la con en stock pour elle. J'essaie de déchiffrer le nom de l'artiste, écrit à la verticale. Une jeune femme à la tignasse mousseuse, accompagnée d'une petite fille dans une robe rose de princesse, prend des clichés des tableaux : "C'est mon papa qui les a faits !"
    Chouette ! J'ai devant moi la réponse à mes interrogations. L'artiste, c'est donc Mustapha Boutadjine. Il vit à Bagneux mais son atelier est dans le 13ème arrondissement. Les portraits exposés ici appartiennent à la série "Black is toujours beautiful". Ci-dessous, d'autres portraits, issus des galeries "Insurgés" et "Poètes" :

    Che Guevara.jpg

    Rimbaud.jpg

    « Normalement sa photo est insérée dans chaque tableau, il a des moustaches » dit-elle.
    Et en effet, sur celui de Tracy, je découvre un moustachu aux faux-air de Dali. Je m'extasie à vois haute et une jeune femme brune engage la conversation. Elle vit à quelques rues de chez moi, travaille dans le social et évolue dans le milieu artistique. D'après ce qu'elle a appris, la jolie maison laisserait place à un immeuble de logements.

    [Nous passerons le reste de la soirée ensemble, danserons un peu au sous-sol avant de boire un verre dans le jardinet. Cette jolie initiative de rassembler des gens, dans un quartier où il ne se passe jamais rien, ouvre une discussion sur notre ras-le-bol du virtuel. J'ai fini par céder et ouvert un compte Facebook il y a quelques mois, principalement destiné à mes connaissances hors-hexagone et j'en ai marre de ces connaissances ou même ami(e)s qui ponctuent mes rares publications de "J'aime" ou me balancent des "Coucou" publics, auxquels je ne réponds pas, alors qu'ils ont mon numéro de téléphone.]

    Dans le jardin, une jolie jeune fille aux lèvres fardées de rouge et au décolleté pigeonnant, canette de bière à la main, me claque deux bises. Elle est chanteuse de textes français et aussi de psyché-rock et clôturera le festival dimanche.

    Edit du 10 septembre :

    Le lendemain, samedi, j'ai fait la connaissance de Nassima, fille de l'artiste qui fait de très beaux collages, d'un grafeur en live branché reggae, de Sabrina, chanteuse soul et de Sarah, à la fraîcheur irrésistible et au sourire flamboyant.  Et puis, surtout, j'ai eu la chance d'écouter le groupe Square Circle et suis tombée sous le charme de son très charismatique chanteur, Julien. J'ai cherché des infos sur internet, mené ma petite enquête, dégoté deux vidéos Youtube mais pas de site internet, de page FB ou MySpace exploitable, et fini par lui envoyer un mail sur Facebook, où j'ai retrouvé sa trace. Dans la journée, j'ai croisé des têtes familières : un couple de mon immeuble qui comptent parmi mes chouchous, ma voisine rouquine du bout du couloir qui venait faire un tour en curieuse.

    Le soir, j'y suis retournée avec mes deux seuls amis du quartier et j'ai chopé le chanteur sur la pelouse. En plus d'avoir une énergie folle sur scène, il est absolument charmant, ce Julien. Il a été fort surpris que j'ai réussi à dégoter autant d'infos sur lui, et le coup de la recherche de sandwiches dans Londres l'a bluffé. C'est qu'il ne sait pas que je suis un petit reporter, le Julien, et têtue, en plus. J'ai ainsi appris qu'ils sortaient un CD en novembre et il a confirmé ce que j'avais deviné, à savoir qu'il vit à Londres.J'espère bien que Julien me tiendra informée, comme il l'a promis, de leurs dates de concerts car j'ai bien l'intention de les suivre.

    Rock.jpg

    J'aurai passé 3 jours dans la maison de la rue de la Vanne. Le dimanche, les proches se sont succédés pour les derniers moments dans la maison qui sera remplacée bientôt par un immeuble de bureaux. Le regard de Josette, retraitée qui vint là pendant des années, s'embua lorsqu'elle passa pour la dernière fois le portique de la maison. Les anciens propriétaires et les filles de la maison étaient là, eux aussi.

    Le soir, blessée par la bétise de 2 connards que j'ai eu le malheur de croiser, je suis aller mater un western devant un plateau de sushis chez un copain tout à fait charmant, lui. Et tant pis si, à l'heure où je suis rentrée chez moi, il me restait 4 heures de sommeil (il est 5h, Fiso s'éveille ...)
     

    Arti'Street