La toile porte bien son nom : c'est un piège, bien plus petit qu'on ne le croit. On saute dessus, on rebondit ici et là, on fait les cons mais une fois qu'on y a posé une patte, plus moyen de passer inaperçu. J'en sais quelque chose.
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Minnie mousse
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Séville, son centre-ville, mes yeux qui brillent
L’Espagne n’est décidément pas un pays pour les femmes solitaires et cafardeuses.Si en Irlande, on ne reste pas longtemps seul(e), - un dicton ne dit-il pas "qu'il n'y a pas d'étrangers ici, seulement des amis qui ne se sont pas encore rencontrés" -, en Espagne, la solitude se fait d'autant plus cruellement sentir que tout s'y partage. Même Dax un lundi soir de janvier me fout moins le bourdon, c'est dire.
Ce soir, j’ai feint de me réjouir d’être à Séville. En début de soirée, ça a plutôt bien fonctionné et je me suis crue tirée d’affaire. Il faut être bien orgueilleuse pour croire qu'on va gober ses propres conneries.
L’hôtel était chouette, il faisait soleil et l’accès à la piscine se trouvait à quelques mètres de ma chambre. Déjà, au moment d'enfiler mon bikini, j'ai hésité. J’ai fait quelques longueurs dans la piscine, sans conviction et sans soleil.
De retour dans ma chambre, je n’avais même plus envie de sortir dîner. J’ai pourtant hélé un taxi et me suis attablée dans une rue piétonne attenante à la plaza San Francisco. Je n’ai pas encore terminé « L’Irlande dans un verre » et c’est tant mieux, car sa lecture m’a empêchée d’arroser mon assiette de poissons d’autre chose que de citron. Ici, même les demi-rations, gigantesques, te rappellent que dîner seul est une hérésie.
Vers 22h, j’ai renoncé à aller me promener autour de la cathédrale et c’est d’un taxi que je l’ai admirée. Le chauffeur, et je l’en remercie secrètement, n’a pas troublé mon mutisme. J’ai ouvert la fenêtre en grand, pour laisser la brise chaude caresser mon visage. J'ai pensé à lui et à ces questions que je retourne dans ma tête depuis plusieurs jours. Briser la pudeur que nous avons tous deux, depuis si longtemps déjà, ou rester à ma place ? Parler et oublier le devoir de réserve ou taire mon indignation ? Qu'il puisse imaginer que sa détresse m'indiffère m'est insupportable.
De retour dans ma chambre, je me suis connectée sur un réseau social où personne ne m'a parlé, et j'ai écouté System Of A Down en boucle.
Demain soir, je rentre chez moi pour plus de 15 jours de vacances parisiennes. Chouette.
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L'Irlande au fond d'un verre
Hier soir, j’ai ri de bon cœur à ma table du restaurant de l’hôtel Van der Valk. Je fus bien aise de n’avoir pas de voisins me dévisageant d’un air interrogateur. Pourtant, lorsqu’on rit, le nez plongé dans un livre, la nature de cette soudaine bonne humeur ne fait pas de doute, à moins d’être munie par ailleurs de boules de geisha ou autre joujou ré-jouissant, me direz-vous.
Ce soir, dans un Thalys bondé, j’ai failli être gênée de pouffer à nouveau en continuant la lecture des mésaventures d’un Anglais en Irlande qui fantasme le complot de quelque membre de l’IRA qui lui aurait fourré « un oiseau dans le fion » (je cite).Dit comme ça, ce n’est pas drôle, mais moi j’ai d’abord gloussé, puis lâché un éclat de rire qui m’a surprise autant que mes voisins.
N’osant lever les yeux, j’ai perçu dans mon champ de vision le mouvement de tête vers la droite d’un des hommes qui, me faisant face, tentait de déchiffrer le titre de l’ouvrage à l’origine de mon hilarité. Me sentant observée, les tentatives de me calmer provoquèrent l’effet inverse, et en quelques instants, je plongeais dans une crise de fou-rire quasi-hystérique. Tandis que j’écrasais mes larmes le plus discrètement possible et tentais de reprendre mon souffle, entre deux hoquets, j’ai regardé mon voisin d’en face, casque vissé sur les oreilles, qui me fixait, visage impassible, comme si j’étais folle.
« Comment font-ils pour afficher une telle absence d'émotions ? » me suis-je alors demandé. Dans ce monde de plus en plus sinistre où tirer la gueule devient la norme, les gens joyeux passent pour de doux illuminés. Au moins un domaine dans lequel je suis une lumière.
Pour ma part, je suis tellement perméable à ce qu’il se passe autour de moi que les larmes d’autrui en amènent vite à mes yeux et que de la même façon, je ne peux m’empêcher longtemps de partager une hilarité contagieuse.
Dans le wagon cahotant, à l'approche de ma jungle urbaine, j’ai regretté un instant le sourire enjôleur de la petite fille brune de la gare de Verviers.
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Tricia et son tonton
Vous n’aurez pas de photos de ma semaine gastronomique à Verviers, en Ardennes belges (et bleue). Non que je n’ai rien mangé, vous vous en doutez, mais j’ai cassé l’écran de mon téléphone portable qui me sert, outre de réveil, montre et MP3, d’appareil photo.
C’était, à priori, ma dernière formation en Belgique et mon dernier séjour à l’hôtel Van der Valk, jolie bâtisse de briques rouges sise dans un ancien entrepôt des douanes. Bel hôtel contemporain où à défaut de profiter de la piscine, j’ai apprécié les serveurs, aussi agréables à regarder que serviables.
J’ai quand même goûté à la Val-Dieu et elle est foutrement bonne, meilleur que l’apéritif maison, un cidre rouge au goût de médicament.
Ce soir, j’ai traîné ma valise sur les trottoirs, indignes de ce nom, de Verviers. Sur le quai de la gare, l’affichage lumineux annonçait 10 minutes de retard. La ponctualité du réseau ferroviaire belge n’a rien à envier à son voisin gaulois. Les retards sont la norme.
Je commençais à stresser de ce désagrément qui ne me laisserait que 10 minutes de délai à Liège pour attraper mon Thalys lorsqu’une petite fille brune se jucha sur le banc voisin du mien, accompagné d’un monsieur à casquette, cheveux ras et barbichette blanche. Après m’avoir lancé plusieurs oeillades, la petite fille brune trouva un moyen d’attirer mon attention « Je suis sûre que la dame va à Liège » s’écria-t-elle. Je répondis avec amusement à ses questions. « C’est ton grand-père ? » demandai-je. « Non, c’est mon tonton ». Je craignis quelques instants d'avoir gaffé, heureusement la suite me rassura.
Après quelques minutes, notre train entre en gare. Dans le wagon, tous deux s’installent naturellement face à moi. Le monsieur, après avoir sorti de son portefeuille des photos de sa famille pour me les montrer, glisse dans la conversation qu’il approche les septante. Je lui en donnais tout au plus soixante. Son visage est lisse et ses yeux bleus pétillent de jeunesse. « C’est parce que je suis toujours avec la jeunesse. Je m’occupe d‘enfants handicapés ».
La petite fille, un peu vexée de n’être plus le centre de l’attention, s’agite. « Tu n’as pas envie de lui tirer sa barbichette, des fois ? » je lui demande. Il rit et me lance un clin d’œil. « C’t’une arsouille, vous savez ! » L’arsouille acquiesce « Si, si, je le fais des fois ».
Elle a de la suite dans les idées, la petite. « Je vous laisse ma place, comme ça, vous me donnez les clés de chez vous et je vais à Paris voir la tour Eiffel ! »
A Liège, je leur fais des signes de la main en leur souhaitant un bon séjour à Spa. Le Thalys a déjà 10 minutes de retard et en accumulera 30 de plus à Bruxelles. Dans les couloirs glaciaux de la belle gare de Liège-Guillemins, j’en profite pour m’offrir la figurine en chocolat que je n’ai pas trouvé en Irlande, à la faveur d’un rabais de 50% sur les chocolats de Pâques dans une boutique Léonidas.
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Table à dangers
Je me dirigeais vers l’ascenseur lorsque tu m’as rattrapée. Cela ne m’a pas vraiment surprise car tu avais clairement montré, pendant le repas, l’intérêt que tu me portais, à grands coups de regards appuyés et de clins d’œil complices. Déjà charmée, le sourire que je t’avais rendu s’était fait caressant.
Tu m’as vouvoyée « Excusez-moi, madame, est-ce qu’on pourrait prendre un verre ensemble ? » Tu devais avoir une dizaine d’années de moins que moi.
J’ai demandé à quelle heure tu finissais ton service et t’ai donné le numéro de ma chambre. Je n’avais pas envie de faire de simagrées.
Vers 23h, quelques coups se sont fait entendre à ma porte. J’ai ouvert, t’ai plaqué contre la porte, dans la pénombre et j’ai mangé ta bouche. Je ne connaissais pas ton prénom, je m’en foutais. Ton corps portait l'odeur du soleil. J’ai ouvert ta chemise, léché le sel de ta peau, caressé des lèvres la ligne de tes clavicules. Tes mains d’homme ont empoigné mes hanches et fait glisser le tissu soyeux, découvrant mes fesses bombées. Comme si mon corps ne demandait qu’à être nu, les bretelles de mon déshabillé ont glissé sur mes épaules.
Sur le bureau de bois clair, tu as balayé les papiers épars pour m’y poser. Le soliflore est tombé et sa rose en tissu avec, ça nous a fait rire. Ta tête brune s'est enfouie dans ma moiteur et alors que tu dansais entre mes cuisses ouvertes, j’ai pensé qu’il fallait absolument que j’achète la dernière pièce manquante de mon salon : une table. Et sans roulettes, celle-là.