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2yeux2oreilles - Page 12

  • La vie est un combat

    Cette semaine, la télé, qui provoque le plus souvent chez moi  indignation ou découragement, m'a donné de très belles émotions.

    Mardi soir, j'ai voyagé en terre inconnue, chez les Quechuas. J'ai ri des peurs bourgeoises d'Arthur, j'ai été touchée par la pudeur et l'humilité des paysans péruviens et j'ai versé ma petite larme au moment des adieux. Mais surtout, j'ai aimé la 2ème partie de soirée. Celle où Frédéric Lopez, que j'apprécie décidément, fait sortir de l'ombre deux hommes qu'on ne voit jamais, les cameramen, pour qu'ils expliquent pourquoi ils font cette émission et pourquoi ils la font comme ça. Un beau débat s'ensuit, sur l'écart entre le quotidien des voyageurs et de leurs hotes, mais aussi leurs similitudes.  Et la séquence finale, où l'on montre à une population asiatique l'émission tournée chez les Papous. C'est beau de retrouver le sens du mot fraternité.

    Hier soir, j'ai suivi avec ferveur, sur L'équipe 21, le dernier combat de Jean-Marc Mormeck, qui se jouait à quelques kilomètres de chez moi. J'aurais voulu y être. D'abord, j'ai une vraie fascination pour la boxe, et les sports de combat en général. Est-ce parce que mon père l'a pratiqué ?  Rocky, Ali et Million Dollar Baby sont des films qui m'ont remuée et il y a quelques années, la curiosité m'a poussée dans le café d'un boxeur de légende, disparu.

    Ensuite, j'ai une profonde admiration pour Jean-Marc Mormeck et son franc-parler. Et puisqu'il avait annoncé qu'il arrêterait la boxe s'il perdait ce combat, j'ai voulu l'encourager. Il est parti la tête haute et debout, sans KO. 42 ans quand même, le mec ! En ouverture du combat, le slam de Grand Corps Malade était percutant, tout comme l'ont été les mots de Jean-Marc, après sa défaite.

    Quelle puissance, quelle sincérité, quelle humilité. Les enfants chéris du foot, gavés de fric et de suffisance, devraient en prendre de la graine. Merci Jean-Marc.

    Après le départ de mon frère et d'I., qui a mangé avec nous sa première fondue savoyarde, j'ai zappé sur Arte. "Programme interdit aux moins de 18 ans, tapez votre code" disait un bandeau noir.

    Intriguée, j'ai déverrouillé l'écran et découvert "Bons baisers du quartier rouge" : une plongée dans le quartier rouge d'Amsterdam et le quotidien de 2 soeurs jumelles vieillissantes, prostituées depuis plus de 40 ans. Un documentaire dérangeant, aux images et aux propos crus, ponctuée de séquences très drôles aussi. 

    "Faire la pute, c'est pas de la tarte" dit l'une des deux mamies, agressée verbalement et physiquement par des hommes "qui vont aux filles". 

    Moi, ce qui m'a bluffée, c'est le lien incroyable entre ces deux soeurs quasi siamoises : même destin, mêmes souffrances, mais même regard doux et lumineux quand elles sont ensemble. 

    Et j'ai adoré que le film se termine sur une image pleine d'espoir et d'insouciance :  un fou-rire dans la neige, comme deux gamines insouciantes, qui m'a fait rire avec elles.

  • Le divan

    Je l'aime bien, mon voisin du 3ème. La cinquantaine je suppose, sorte de grand gaillard un peu gauche, visiblement timide, il bafouille souvent mais sourit toujours. Mon voisin du bout du couloir m'a envoyée chez lui un soir pour un prêt d'escabeau et j'ai sympathisé avec lui, sa femme et leur fille. Souvent, je le vois filer dans les rues de ma ville, aussi fier et rigide sur son vélo que Jacques Tati dans Jour de fête. 

    Il y a quelque temps, je l'ai croisé dans l'ascenseur et à la question qu'on pose souvent sans écouter la réponse, il a fait la moue. Je n'ai pas insisté. 

    L'autre soir, alors que je tirais et poussais tant bien que mal un meuble récupéré sur le trottoir, il est apparu, proposant son aide. J'ai fait mine de protester, par politesse, mais n'empêche, c'etait bien plus facile à 2. Arrivés dans mon entrée, il est remonté chez lui pour aller chercher quelques clous pendant que je lessivais le meuble. 

    Je lui ai offert un verre., lui ai demandé comment ça allait. " Ma femme et moi on se sépare, m'a t-il dit, après 22 ans ensemble. Je vais prendre un meublé." 

    Il a raconté leur arrivée ici, il y a plusieurs années, "blottis l'un contre l'autre comme deux oisillons apeurés", il m'a dit ses appréhensions, son manque de confiance en lui, au boulot, partout, sa peur de l'avenir, seul.

    En regardant cet homme assis sur mon canapé à me raconter humblement ses failles et ses angoisses, sans tout l'attirail de "fierté - orgueil - un homme ça pleure pas" dont s'encombrait les générations précédentes, je me suis dit que les hommes s'étaient vraiment bonifiés.

    Le lendemain, mon canapé accueille un autre homme, tout juste trentenaire ceui-là. Je ne le connais que depuis quelques semaines. Il m'a draguée un soir en bas de chez moi, m'a fait rire, j'ai accepté un verre au café du coin. Je repousse ses avances, je le tacle gentiment mais je l'aime bien, il est généreux et courageux. Je sens une blessure en lui, que je le soupçonne de tenter de noyer dans l'alcool. 

    "J'ai vécu des moments difficiles, tu sais" m'avait-il dit un soir. 

    Au fil des soirées, I. se confie. Il y a 6 ans, il est arrivé seul de sa Kabylie natale. Son premier boulot c'était dans un abattoir de canards, dans le Sud-Ouest. Lever à 4h, douché à 13h, en cours à 14h. Une petite chérie paloise l'initie au gobage d'huîtres, sans succès. Il parle avec beaucoup de tendresse de ses ex petites amies. Aujourd'hui, I. est ingénieur et a financé la venue et les études de sa soeur et de ses 2 frères. 

    Ce soir, il raconte. Il y a 2 ans, le mariage annulé un mois avant la noce, la vie seul pendant la durée du préavis dans l'appartement du couple qui n'est plus, la honte qu'il traîne depuis auprès de sa famille, la pression de ses parents pour qu'il se marie. Il a une copine depuis 1 an, il l'aime beaucoup.

    "Mais elle est divorcée. Mes parents n'accepteront pas que j'épouse une femme divorcée, dit-il. Et avec ce qui est arrivé il y a 2 ans, je n'ai pas le droit à l'erreur."

  • On se bouge !

    La rentrée a été le théâtre de bonnes résolutions, pour moi aussi : celles de prendre soin de moi et de remettre à aujourd’hui ce que je remets depuis trop longtemps à demain.

    Une de ces résolutions concerne mon avenir professionnel. Il y a 1 an, alors en période d’essai et en transition vers un nouvel employeur, j’avais mis en suspens le projet de VAE (validation des acquis de l’expérience) initié quelques mois plus tôt. Je viens de le relancer. Ça va me demander presqu’une année de travail personnel et récompenser, je l’espère, 6 années d’expérience en tant que consultante formatrice d’un diplôme de niveau Bac +3/4.

    L’autre résolution concerne un rêve d’enfant. Ce matin, j’ai pris mon premier cours de chant individuel. Cela fait des années que j’ai ce vieux rêve, sans cesse reporté pour cause de boulots nomades et/ou en horaires décalés. Comme mes prestations ont principalement lieu en Ile de France, et que, de toute façon, ce n’est jamais le bon moment, j’ai trouvé une école de chant dans ma ville et pris rendez-vous mon un cours d’essai.

    La femme qui m’ouvre la porte est très joviale. Un court entretien lui donne mes motivations : apprendre les techniques de base, connaitre ma tessiture, travailler respiration et posture. Je lui dis que j’ai suivi 2 cours dans une chorale où l'on m’a diagnostiquée « soprano ». Elle s’étonne « A vous écouter, je n’entends pas une soprano, mais on va le vérifier ». A vrai dire, j’ai toujours eu un doute car ma voix parlée est plutôt grave.

    Elle me fait exécuter quelques inspirations-expirations, demande si je fais du sport et lesquels, et s’étonne que j’aie pu garder la souplesse de mon diaphragme en pratiquant la natation et la course, qui sont des sports où l’on se met en apnée. Le diaphragme, dans un réflexe de protection, se met alors en hauteur et ne redescend plus. « Ce doivent être mes quelques années de clarinette qui m’ont appris la respiration ventrale ». Elle confirme et m’encourage à continuer de gainer mes abdominaux mais quand même, est très surprise.

    Ensuite, elle me donne quelques exercices de chant qu’elle accompagne au piano et conclut : « Je vous le confirme, vous n’êtes absolument pas soprano mais un beau mezzo. Et vous avez une particularité assez étonnante. »

    Ma professeure m’explique alors qu’en réalité, nous avons 2 voix. Une voix aigüe, héritée de l’enfance et appelée « voix de tête » et une voix muée, notre voix actuelle, qui chez les femmes évolue au gré des grossesses et changements hormonaux, appelée « voix de poitrine ». Le point de rupture entre ces 2 voix, qui s’effectue quand on passe des graves aux aigus, est toujours audible ; le chanteur n’est plus dans le ton, déstabilisé. « D’ailleurs, dit-elle, pour la plupart des gens, si je vous fais écouter  la voix de tête et la voix de poitrine d’une même personne, vous penserez qu’il s’agit de 2 personnes différentes. Mais dans votre cas, vous effectuez ce passage sans douleur. C’est à peine audible et très mélodieux. »

    Au fur et à mesure des exercices, elle en apprend plus sur mon background. Elle perçoit un souffle quand je chante dans les tons qui me conviennent et me demande si dans mon métier, je parle beaucoup. C’est le moins que l’on puisse dire, quand je forme, je passe ma journée à parler. Elle sourit «  On retrouve ce phénomène chez les professeurs. S’ils ne modulent pas leur voix et reste dans le ton qui leur est confortable, ils l’usent. Votre voix a besoin d’être chauffée et modulée. »

    Lorsque le cours se termine, elle m’a donné plusieurs conseils : chauffer ma voix avant mes interventions, la moduler en montant dans les aigus en début de phrase avant de redescendre (pas facile !), marcher en retenant ma respiration pour augmenter mes capacités. Il est clair que ces exercices vont m’aider dans mon métier, notamment à capter l’attention des participants en évitant un ton monocorde. Je suis ravie et signe pour 2 cours mensuels. Ah oui ! Et ma prof m’a recrutée pour rejoindre le chœur du mardi soir … Je suis enchantée.

  • Vin, parfums et bulles royales

    Il y a 2 semaines, mes touristes urugayens m'ont posé un lapin à Pigalle mais samedi dernier, à 15h, une blonde élégante m'attendait, dans un joli manteau ivoire, au coin de la rue Saint Florentin et de la place de la Concorde. Quand j'avais recu un mail me proposant de jouer la guide pour une stanbouliote, je n'avais pas hésité; la Turquie est un de mes plus beaux souvenirs de voyage et Istanbul, un coup de foudre absolu.

    Dès le premier email, Esra avait adopté le francais et exprimé le souhait que nous conversions dans cette langue, plutôt qu'en anglais. Après quelques pas, j'apprends qu'elle est ingénieure et travaille pour des maisons de parfums, pour lesquelles elle sélectionner et achète les matières premières.

    Comme mon itinéraire emprunte la rue de Castiglione, je lui propose un saut chez Jovoy, boutique de parfums rares dans laquelle j'entre à chaque fois comme si je pénétrais un lieu saint. Esra vaporise des touches qu'elle me tend et décortique les senteurs, détectant matières naturelles et synthétiques. Je me fais un rail d'Ambre muscadin, de LM Parfums, nous sentons le luxueux Musk Aoud de Roja et l'étonnante violette fumée de Les Nombres d'Or. Cest vraiment une boutique pour les orientaux, dit Esra qui m'apprend que seules 700 personnes dans le monde sont reconnues comme "parfumeur" et que le salaire d'un "nez" est de 20.000 € environ.

    Nous traversons rapidement la plae Vendôme, dont la colonne, coiffée d'une toile, est invisible. Esra connait bien le quartier, elle vient en moyenne une fois par an à Paris. Je renonce donc à lui en dévoiler histoire et anecdotes, et me laisse entraîner dans une discussion des plus sympathiques. Esra est amatrice de vins autant que de parfums, ce qui en soi est tout à fait cohérent. En fait, si vous voulez mon avis, Esra voulait juste parler français.

    A Opéra, elle propose de boire un café en attendant "ses amis" au Café de la Paix. Alors que nous attendons qu'une table se libère, une jeune femme et un adolescent aux dents serties de métal nous rejoignent. C'est Esin et son fils, qui est au lycée français d'Istanbul, mais dont je ne parviendrai pas à tirer le moindre son.

    " On boit un kir royal ?" propose Esra.

    - Je croyais que tu voulais boire un café ?" dis-je avec un clin d'oeil.

    - Non, un kir royal, c'est parisien !

    Un kir royal à 16h30, et à jeun depuis la veille, je vais être pompette, mais allons-y. Nous discutons comme de vieilles copines. Mes compagnes du jour sont aussi gourmandes que moi; elles ont le projet d'organiser des voyages gastronomiques pour turcs argentés,et veulent tout connaitre de mes goûts.  Je note mes bonnes adresses parisiennes sur le téléphone portable d'Esin.  

    Esra sort un paquet argenté de son sac : "Tiens, c'est pour toi, je ne connaissais pas tes goûts ..."

    C'est la première fois qu'un de mes touristes m'offre un cadeau ! Je suis sincèrement touchée et déballe un savon délicieusement parfumé, posé sur un linge raffiné dans un panier en osier. 

    Après une bonne heure, et chaud aux étiquettes en ce qui me concerne, je les emmène jusqu'à la rue Sainte-Anne où je pointe mes adresses préférées car elles aussi sont friandes de cuisine japonaise. Nous prenons la rue Thérèse puis nous réfugions dans le jardin du Palais-Royal où je leur raconte l'histoire du petit canon du sieur Rousseau.

    " Je n'avais jamais remarqué à quel point ce jardin était calme, dit Esrin. C'est drôle parce qu'en Turquie, dès qu'il y a une pelouse, les gens y installent des barbecues et ça sent la grillade."

    Peu après 18h, je quitte le groupe, avec des promesses de retrouvailles à Istanbul, et monte dans le bus. C'est que j'ai un rendez-vous de la plus haute importance. Postée derrière la vitre de mon salon, une paire de couettes saute de joie en m'apercevant. Elle a 5 ans aujourd'hui et m'attend pour souffler ses bougies.

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  • Don't speak

    Il y a des chansons qui vous rappelle un moment de votre vie, heureux ou malheureux. "Don't speak" de No Doubt et "Unbreak my heart" de Toni Braxton me catapultent à la Barbade, en février 97.

    Je n'ai pas 30 ans, je vis en Irlande depuis plusieurs mois; ici, le verbe vivre prend tout son sens car pour la première fois de ma vie, je me sens libre et forte. Quelques mois plus tôt, j'ai quitté la compagnie aérienne americaine qui m'a amenée ici, et je passe des sélections pour devenir hôtesse de l'air, mon rêve d'alors. Et comme je profite encore des GP, et que le monde est à moi, j'ai convaincu ma copine Claire de partir avec moi à la Barbade où 6 mois plus tôt, je suis tombée amoureuse d'un de ces séducteurs de touristes, à la plastique parfaite, qui arpentent les plages.

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    Mon séducteur est parti vivre à New York mais les nuits sont toujours aussi folles dans le sud de l'île. Le soir, on profite des happy hours pour boire des daiquiris fraise ou banane avant de rejoindre les clubs de Bay street. Au Boatyard, on danse sur la plage. Il y a aussi le Harbour Lights. Mais mon préféré c'est le Ship Inn : un groupe local, Second Avenue, y reprend avec brio les tubes du moment, parmi lesquels "Don't speak", que j'adore. Sa chanteuse, Gwen Stefani, est magnifique de sensualité dans sa robe légère à pois et son rouge à lèvres couleur sang.

    Au Ship Inn, les petites touristes qui se trémoussent le mieux sont invitées à monter sur scène pour se frotter au chanteur qui, bandana sur la tête et abdos sculptés, fait mouiller leur petite culotte. Nous, on a l'atout exotique imparable : on est françaises et il n'y en a pas sur cette ile anglophone où des charters venus de Manchester, Liverpool et Londres déversent quotidiennement leur lot d'anglaises laiteuses et joufflues. Je ne manque donc pas une occasion de monter sur scène.
    A l'aube, on s'arrête au stand de la mama qui fait griller des poulets juste en face de la boîte, on avale une barquette et des bananes plantains puis on rentre dormir quelques heures avant de finir la nuit sur la plage. Et chaque soir, on recommence mais cette fois, je me garde bien d'emballer qui que ce soit. Les amours de vacances, ca fait trop mal. Claire, elle, ramènera dans ses bagages un petit Bajan qu'elle renverra quelques mois plus tard sur son île natale.

    Et si de retour en Irlande, Toni Braxton qui fait sa chaudasse sous la douche avec le sublime Tyson Beckford me fera verser quelques larmes pour mon éphèbe à la peau noire, La Barbade reste un de mes plus beaux souvenirs de vacances, et " Don't speak", une des chansons que je connais par coeur.