Lu ce témoignage qui m'a laissée songeuse dans le train :
"Ma mère souffre d'Alzheimer. Au début, j'esssayais de la raisonner lorsqu'elle divaguait, jusqu'à l'épuisement. Désormais, je vis sa maladie comme une leçon de vie sur le lâcher-prise. Elle est tellement dans le moment présent !
Elle a gardé son tempérament joyeux et même si son esprit s'égare, elle est toujours là physiquement pour m'entendre lui dire combien je l'aime."
Et si la terreur qu'inspire la maladie d'Alzheimer n'était que celle de perdre le contrôle, de ne plus pouvoir se rattacher au passé ni se maintenir dans l'illusion de pouvoir prévoir la seconde qui vient ? Et pour les proches, impuissants, désemparés, la peur de ne plus être dans ni dans la mémoire de l'être aimé ni dans son futur immédiat. L'incapacité à se réjouir de ce petit miracle : sa présence.
Et si c'était ça, le bonheur ? Redevenir un enfant, sans conscience du temps. Se fier à ses intuitions, ses sensations, et elles seules. Prendre un je t'aime pour ce qu'il est, ni une réparation ni une promesse mais une déclaration au présent.
J'essaie, de plus en plus souvent, de goûter l'instant présent. Ecouter le souffle paisible de quelqu'un qu'on aime à ses côtés, dans la nuit, entendre le sourire d'une amie qui finit par transformer les torrents de larmes en éclats de rire, lire les mots d'amour d'une soeur d'un autre sang, se réjouir d'avoir réussi à faire d'une relation une amitié, malgré les malentendus et les maladresses. J'essaie et c'est bon.