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2yeux2oreilles - Page 38

  • Les pluies fauves (part II)

    de l'amour comme s'il en pleuvait,les hommes de ma vieUn peu plus tard, au restaurant, l'alcool et sa féminité l'enhardissent et il ne peut s'empêcher de jouer le séducteur. Elle s'en amuse et se moque gentiment, mais déjà sous l’emprise de son charme, elle ne se nourrit plus que de sa présence.

    Ce soir, comme à chaque fois qu'elle l'a retrouvé, ses yeux pétillants et son sourire éternel pourrait lui donner l'illusion de lui être un précieux joyau. Mais "Loin des yeux, loin du cœur" est un proverbe qui lui va comme un gant, elle l'a appris à ses dépens.

    Il la questionne maintenant à propos de l’homme qu’elle fréquente depuis quelques mois et feint d’en être jaloux. Elle évoque brièvement la récente prise de conscience d'un scénario douloureux qui se répète depuis trop d'années : un attachement aveugle et borné à des hommes torturés qui la fuient. C'est ainsi qu'elle justifie sa décision de s'intéresser à cet homme qui la laisse tiède.

    Il dit sa lassitude d'une vie sentimentale instable, sa souffrance d'être tiraillé entre le désir d'une relation durable et une irrépressible attirance pour les feux de paille. Elle vante le véritable amour, celui qui se construit, et peint d'elle-même le portrait d'une femme raisonnable et réfléchie, ennemie de la passion. Celle-là même qui, il y a quelques mois, aurait tout laissé pour le rejoindre, si seulement il le lui avait demandé. Il la laisse quelques instants et la retrouve pensive, les yeux dans le vague.

    "Ne réfléchis pas, dit-il, tu as raison, prends la fuite, c'est mieux".

    Elle lui en veut, l'espace d'une seconde, et formule une supplique restée muette :

    "Ne joues pas avec moi ou tu me perdras vraiment."

    La nuit est tombée depuis longtemps lorsqu'il la raccompagne au pied du château, dans les hauts de la ville. L'explication n'a toujours pas eu lieu mais leur tendresse l'un pour l'autre semble intacte. Une pluie fine vernit les pavés gris. Il souligne le romantisme du décor, elle le contredit, tentant de garder la tête froide devant ses multiples appels du pied. Ils s'embrassent, le ton léger, le cœur joyeux, sur une promesse intemporelle. Pourtant, tous deux restent plantés là, comme ne pouvant se résoudre à cet au revoir teinté d'indifférence.

    Elle observe la haute silhouette, debout devant elle, sous la pluie. Dans quelques instants, il disparaîtra dans la profondeur de la ville et elle retournera à la solitude de sa chambre d'hôtel.

    Combien de mois s'écouleront avant qu'elle ne le revoit ? Après l'euphorie insouciante des retrouvailles, la tristesse entreprend déjà son travail de sape. Mue par une pulsion désespérée, elle le prend dans ses bras, s'autorisant sans risque, croit-elle, un élan de tendresse qu'elle s'est interdit jusque là. Mais elle s'attarde sur son épaule, caressée par le souffle chaud de sa bouche sur ses cheveux mouillés. Dans son oreille, il prédit leur perdition. Elle rit et imprudent papillon de nuit, lève son visage vers le sien. Instantanément leurs bouches s'unissent, aimantées.

    de l'amour comme s'il en pleuvait,les hommes de ma vie

    Les yeux clos, le front offert au baptême céleste, sa langue goûte l'haleine virile aux parfums de miel et de tabac. Enivrée, elle perd l'équilibre, comme une carencée qui prend une dose trop forte, trop vite. Il chancelle lui aussi, emporté par elle accrochée à son cou et un baiser étouffe leurs rires.

    de l'amour comme s'il en pleuvait,les hommes de ma vie

    Enserrant la tête blonde entre ses mains, il boit à la coupe de ses lèvres. Elle explore le visage de l'aimé, goûte la chaleur du cou, le rugueux du menton. Plongée dans la chaleur de sa bouche, elle ébouriffe les cheveux courts, caresse son visage, pince la peau fraîche entre ses lèvres. Sur le visage offert, l'amant lèche l'eau qui ruisselle, comme des larmes de joie. 

    de l'amour comme s'il en pleuvait,les hommes de ma vie

    Sous l’ondée nocturne et la lueur complice de la voûte bleutée, la tendre étreinte se mue en une joute féline. Comme deux lionceaux intrépides qui se défient avant de rouler dans le sable, ils s'abandonnent à un corps à corps empli d'une infinie tendresse. Galvanisés par l'érotisme animal qui s'intensifie, ils se mordillent, se lèchent, se respirent et se boivent. Bouches et mains s’autorisent ce que les corps s'interdisent. La passion alterne avec la douceur. Elle love le velours de sa joue dans la chaleur de sa main, ses lèvres chaudes baisent la paume nervurée, sa bouche avale les doigts habillés de métal. Il effleure la vallée des seins, arrosés de pluie.    

    Le jour n'est plus très loin lorsqu’épuisés par la tension, leurs corps se séparent. La pluie est tombée sans discontinuer, lavant craintes et blessures. Il s’éloigne lentement et envoie un dernier baiser. Sur le parking désert, elle est quasi nue, l'étoffe légère comme une seconde peau sur son corps trempé. La pluie a plaqué la fine chevelure sur son crâne brûlant et dessiné un halo charbonneux autour de ses yeux.

    Elle démarre le véhicule, enclenche chauffage et radio et s’éloigne dans la nuit noire. Après le désir qui a engourdi son corps et anesthésié son cerveau, c’est le bonheur qui l’inonde. Dans un état second, comme flottant entre rêve et réalité, elle sent la chaleur de ses bras et frissonne dans l’habitacle désert. Sur sa langue, les traces volatiles qu’ont laissées l’haleine et l’odeur mâles prolongent la magie de cet instant d’éternité.

    de l'amour comme s'il en pleuvait,les hommes de ma vie

    Les messages qui se succèdent sur son téléphone témoignent de l’intensité partagée. Elle se souvient de ses mots : coup de foudre, feux de paille et ... cendres.

    Séduite mais lucide, elle ne s’immolera plus sur l’autel de l’amour. Drogué aux sensations, accro aux émotions, l'homme qu'elle chérit semble ne se sentir vivant que dans la douleur ou l’extase. Elle accepte, en toute conscience, d'être un de ses nombreux shoots mais elle ne se laissera pas diluer dans ses veines.

     

  • Chevere !

    chevere.jpgIl y a quelques semaines, j’avais reçu de mon asssoc’ une proposition de balade avec une Colombienne. Tiens, ma première en espagnol ! Et avec une personne originaire DU pays que j’aimerais découvrir en Amérique du Sud, je n’allais pas refuser !

    Après quelques échanges de mails, Paola avait préféré le triangle Concorde-Opéra-Palais Royal à la butte Montmartre. Le rendez-vous initial, fixé à 15h, fut décalé à 16h puis 16h30. Finalement, c’est à 17h qu’à l’angle des rues Royales et Rivoli, j’ai levé les yeux de l’essai « Tchao la France,  40 raisons de quitter votre pays » pour héler une jolie jeune fille au teint hâlé et aux cheveux ondulés.

    Chemin faisant, Paola m’explique pourquoi elle a un n° de téléphone portable national : elle est jeune fille au pair pour un an et habite une ville qui m’est inconnue, dans le 77. Arrivée en France il y a un mois, elle s’est inscrite à cette balade « pour rencontrer des gens ». Sur la rue de Rivoli, Paola me confie le chagrin récent qui trouble ses nuits. Elle a besoin de se changer les idées, j’ai bon espoir de réussir à la divertir.

    Après un arrêt sur la place Vendôme où je la prends en photo, un autre place de l’Opéra, la demoiselle, très légèrement vêtue (pour que je dise ça, c’est qu’elle l’était vraiment !) d’une robe courte et de collants résille à grosses mailles, a froid et rêve d’un chocolat chaud. Je propose ma deuxième maison, l’Oustaou, où elle trouvera, à défaut de chocolat, la chaleur humaine qui lui fait défaut depuis son arrivée ici. La nuit déjà tombée m’a trompée : il n’est que 17 heures et le rideau de fer de la devanture rouge est encore baissé.  Nous entrons dans les jardins du Palais Royal et au hasard à Muscade, un salon de thé sous les arcades. A la carte, un chocolat maison à l’ancienne. Pas donné (6€50), moins généreux que chez Angelina mais épais et parfumé, il tient ses promesses.

    Paola me livre ses premiers étonnements : l’ignorance de mes concitoyens, prompts aux préjugés et aux raccourcis faciles. Au cimetière du Père Lachaise où elle demandait à un passant l’emplacement de la tombe d’Edith Piaf, elle s’entendit répondre, après avoir divulgué l’origine de son accent : « Juste après celle de Pablo Escobar ». Celui-ci, sans doute très fier de sa bonne blague, n’avait sans doute pas soupçonné à quel point Pablo Escobar est un fantôme douloureux dans la mémoire colombienne.

    Au moment de régler, j’entre dans une discussion passionnée sur les précieuses fèves avec un homme derrière le comptoir, qui me présente la pâtissière. Celle-ci commande des cacaos de différentes origines, selon les saisons. Paola, qui ne me connaît pas encore, s’amuse de ma faculté à papoter avec le premier venu.

    Un petit détour par la Comédie Française puis nous entrons à l’Oustaou, encore désert. Au gré des confidences, Paola m’apprend qu’elle est chanteuse ; ce soir il est trop tôt mais je promets de l’emmener un jour prochain dans mon karaoké à Pigalle. Pour l’heure, elle est au téléphone avec une amie colombienne que nous allons chercher au métro.

    Carol est une belle jeune femme douce et plutôt réservée, aux yeux en amande, emmitouflée dans une épaisse écharpe en laine. Professeur d’espagnol dans un lycée, elle supporte mal les 2 mois déjà passé ici. Les gamins auxquels elle tente d’enseigner sa langue l’ignorent totalement et vaquent à leurs occupations. Quand à ses collègues, auprès desquels elle a cru pouvoir trouver réconfort et compréhension, ils se sont gentiment moqués d’elle, l’enjoignant à débiter son cours sans se soucier de sa portée. Elle est choquée par le laxisme qui l’entoure. Et aussi par la goujaterie des Parisiens auxquels, parfois égarée, elle s’adresse, et qui passent leur chemin en l’ignorant. Elles m'apprennent un nouveau mot typiquement sud-américain, « chevere ». D’après ce que j’ai compris, ça veut dire quelque chose comme « super ».

    L’Oustaou bourdonne maintenant joyeusement. Après quelques habitués, Kamel est arrivé, puis « Jackie Chan » et enfin Chichi, le roi du dance floor, que je serre dans mes bras. Je note, surprise, que depuis un bon moment déjà, la musique est étrangement latine « et même très colombienne », dit Paola. Le mystère est bientôt levé ; un habitué, originaire de Puerto Rico, a identifié l’accent de mes compagnes et orienté la playlist. Chichi nous invite à une dégustation d’huîtres sur le comptoir, à laquelle Paola – et moi, bien sûr - se prête avec gourmandise. Au moment de partir, accoudées au comptoir, Chichi dégaine l’arme fatale pour nous retenir : un shot de tequila. Nous voilà toutes parties dans de grandes discussions, mes 2 colombiennes avec leur voisin carribéen, un homme timide et charmant qui nous offre 3 roses, moi avec un jeune homme au doux prénom.

    Il est presque 22 heures. « Et si on allait au karaoké ? » lancé-je. Devant le Moulin Rouge, elles prennent la pose et je me joins à elles, pour un cliché joyeux et plus ou moins bien cadré.

    A la porte du karaoké, Bibiche m’étreint chaleureusement « Je ne t’attendais plus ». Paola met bientôt le feu à la salle sur un morceau de Shakira, moi je me fais piquer « The scientist » de Coldplay et me rabat sur « When doves cry » du kid de Mineapolis. Le type de la table d’à côté, un habitué qui essaie chaque semaine de se faire des amis, nous offre tous nos verres et même un bouquet de roses.Entre deux chansons, je joue les gardes du corps pour les protéger des mains baladeuses de quelques relous bien éméchés.

    « Tu bosses dans la sécurité ? » demande un homme qui m’observe, amusé, depuis le comptoir.

    Un séduisant jeune homme anglais s'approche de moi et essaie de m’emmener danser dans un club voisin. Son français est parfait. « Il y a eu une femme », avoue-t-il en riant. J’ai des échanges moins courtois avec d’autres et Bibiche, qui veille au grain, évacue manu militari un opportun. Dans la rue adjacente, une bagarre éclate. Au moment de partir, j’offre quelques roses aux femmes de la table voisine.

    A 5h30, je suis en train d’attendre le premier métro avec Paola et Carol et ça me rend mes 25 ans (au moins !). Je n’ai pas voulu que Paola prenne le RER D seule à 6h du matin, et puisqu’elle doit aller visiter le château de Versailles le lendemain avec une amie, elle dormira chez moi. Dans le wagon, nous nous endormons l’une contre l’autre.

    Le lendemain, Paola m’envoie un sms. « Muchas gracias por el sabado tan chevere que pasamos juntas ! No hablamos esta semana para mirar que hay para hacer. »

    Et ben, si les weekends de l'année 2013 ressemblent à celui que je viens de passer, je sens que je vais rajeunir, moi…

     

  • Oh vous savez, j'ai l'habitude ...

    Ce matin, 4h30, les yeux grands ouverts alors que mon réveil est censé sonner 1h plus tard. Tout bien réfléchi, ce n'est pas plus mal car un réveil à 5h30 pour un taxi à 5h40, ça me laissait 10 minutes pour sauter dans la douche et dans ma culotte (mais pas en même temps).
    Je soupçonne mon voisin de m'avoir encore réveillée de son pas éléphantesque.

    A l'aéroport, je bois un café chez Paul mais cette fois je n'y oublie pas mon ordinateur (ah oui, je ne vous ai pas raconté, ce matin-là je l'ai récupéré quelques instants avant que les fllics ne viennent le faire sauter) ... j'ai imaginé la tête de mon boss pétri d'humour :
    "Heu, monsieur le PDG-CEO-Chairman, vous allez rire, mon ordi s'est fait sauter à Orly"

    Donc, je bois mon café de 6h, je passe le rayon X, l'agent me fait la totale "Il faut enlever l'ordi bla bla bla". Je suis de bonne humeur (si, si, toujours, le matin !) et je réponds "Oh vous savez j'ai l'habitude, je fais ça presque toutes les semaines".
    La preuve, j'enlève mes chaussures, ma ceinture, mon soutif (ceci est un illusion optique) et je passe le portique qui ne bipe pas (youpi !). Le type derrière son écran me lance " C'est à vous la valise verte ?". Je ne réponds pas "Ben oui, abruti, c'est Boug' qui me l'a offerte pour ma quarantaine triomphante" mais je pense "Qu'est ce qu'il me veut encore, celui-là ?".

    Ce qu'il me veut, c'est que j'ai oublié de sortir de ma valise verte les liquides pourtant soigneusement isolés dans un sac congélation. Je repasse le portique dans l'autre sens, extirpe les coupables liquides, maintenant bien agacée parce que je ralentis les autres passagers, au passage me fais confisquer le spray d'huile pour protéger mes cheveux de bébé au cas où j'irais à la piscine (l'intention est là, la volonté beaucoup moins), fait chier, ils m'ont encore eue ces cons, et je marmonne "Tout ça parce qu'un jour, un illuminé a essayé de mettre le feu à ses pompes".

    Je repasse le portique pour la seconde fois, remets chaussures et ceinture, récupère mon ordi abandonné tout seul en bout de tapis roulant (franchement, c'est le paradis des pickpockets, les filtres de sécurité des aéroports, ils n'ont qu'à tendre le bras), attrape la poignée de ma valise ... RESTEE OUVERTE PUTAIN !!!!!!!!! ... et tout son contenu se répand sur le sol, les grosses perles d'un de mes colliers préférées rebondissent joyeusement, le fil casse, un homme court après les perles qui roulent et me les tend, je rammasse jupe, pulls, porte-jarretelles et bas et collants.
    Vous rêvez ou quoi ? la seule fois où j'ai donné une formation dans une tenue affriolante, c'était comme par hasard le jour où le chauffage était en rade chez mon client et ma filleule et moi, on s'est pelé le cul (surtout moi, en fait, vu que je l'avais quasi à l'air).

    Bref, je ramasse toutes mes fringues éparpillées sur le sol dégueulasse de l'aéroport (alléluiah ma lingerie était rangée dans une poche à l'abri des regards !), j'ai envie d'étriper les agents de sécurité mais je reste digne et je remercie même la jeune femme qui compatit à mon malheur.

    Sur la passerelle, j'envoie un sms à mes 3 chefs de projet préférés, histoire de partager mon VDM du jour. J'en avais reçu un de lui la semaine dernière :
    "Coucou, pas de courant dans ma chambre d'hôtel ce matin : c la loose. Impossible de me raser et je fais tout à l'aveugle. Si je sors de ma chambre, je ne peux plus y entrer (serrure électrique) et même le tel est coupé. Je m'habille à tâtons, je te dis pas la gueule que je vais avoir. VDM."
    Et puis deux d'elle (elle est championne!) :
    "J'ai traversé toute la largeur du bus entraînée par ma valise à roulettes, bousculant une dame au passage, pour finir étalée sur la porte. VDM."
    Et 2 jours après : "Aujourd'hui, je descends du bus en y oubliant mon sac à main. VDM. Aujourd'hui, je cours après le bus pour y récupérer mon sac à main, la vie est belle !"

    A part ça, je suis dans un B&B près de Grasse, il fait un vent à décorner un cocu, j'ai fait le ménage dans mes "amis" Facebook. Et vous, tout baigne ?

  • Festin de roi au Château d'Apigné

    2012-11-28 20.22.57.jpgA Rennes j’ai retrouvé un client formé il y a 2 ans, dont je n’avais aucun souvenir. Le soir venu, peu enthousiaste à l’idée de rejoindre l’hôtel Mercure du centre-ville (je n’aime pas dormir dans les chaînes, sauf si elles s’appellent Relais & Châteaux), j’ai cherché un endroit au vert et au calme où titiller mes papilles. La Fourchette, fournisseur de bonnes adresses, proposait le Château d’Apigné.  Sans adresse précise et à cause de ma connasse de GPS (ben oui, c’est une fille), j’ai fait le tour du Rheu qui hélas, est fort étendu. Et finalement, je me suis retrouvée sur le parking du Moulin d’Apigné, sauf que moi j’allais au Château. C’était un peu plus loin, au lieu-dit la Theuzardière (fallait le savoir !).

    En navigant dans la nuit noire, je me suis fait la réflexion que j’avais vraiment le chic pour me retrouver dans des atmosphères Blair Witch Project (film que j’ai détesté, par ailleurs, mais on s’en fout). La brume nappait la forêt, il n’y avait pas âme qui vive ni même lueur. Enfin, au bout d’une allée, au milieu d’un parc, le château se dresse et il est superbe. De style néo-renaissance (n’allez pas croire que je suis super fortiche en architecture, c’est écrit sur le joli livret que m’a offert Lilia), il est encadré de quatre jolies tourelles.

    [Parenthèse : Il est 23h05 et je reçois à l’instant un sms d’un numéro inconnu qui demande « E-tu toujours vivante, mon cœur ? » J’ai répondu « Et je serais le cœur de qui ? »

    … A suivre …]

    J’entre au château et suis accueillie par la jeune femme qui a tenté de me guider jusque là. Elle m’installe dans un salon fleuri où une jeune femme, aussi esseulée que moi, dîne déjà. Sur la table, une magnifique assiette japonisante.

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    Je choisis le menu « Inspiration » à 25€, pile poil le budget alloué pour mon dîner. D’abord, des amuse-bouche, on m’annonce un trio de crème de poireau avec émulsion de coquillages, un crokanski de jambon salé sur lit de tartare et un piquillo au chèvre. Savoureux.  Vous n’aurez hélas pas de photo car elles étaient de mauvaise qualité. J’ai changé de téléphone en octobre et mon nouveau Samsung n’offre pas la netteté de son prédécesseur.

    [Re-parenthèse : Tiens, il porte le prénom de mon père ! (mais mon père ne m'appelle pas "son coeur")]

    En entrée, la jeune femme brune au léger accent pose devant moi une crème de potimarron avec émulsion de bacon. Le chef est visiblement friand de cet effet visuel « bain moussant »qui surmonte le velouté. Le plat est un délice pour l’œil autant que pour la palais. Des gambas rôties sauce Saint Jacques sur lit de tagliatelles. Jugez plutôt :

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    Note à  la jolie liane normande qui a découvert, hier, une de mes « fantaisies » : Oui j’ai tout mangé, la tête, la queue, tout !

    La jeune femme solitaire m’a saluée et a quitté la pièce, me permettant d’entamer la conversation qui s’occupe de moi avec beaucoup de professionnalisme depuis mon arrivée. Ma curiosité est satisfaite : la jeune femme est mexicaine – de Mexico - et sommelière du château. Mazette. Elle n’aime pas Paris et j’acquiesce à ses impressions. « J’ai trouvé que Paris était une ville violente ». Oui madame. « Et les gens assez agressifs ». Aussi. « D’ailleurs, regardez le livre que je lis », dis-je en tendant le manuel rouge. Elle rit. Nous discutons de la situation au Mexique qui s’aggrave, de ses projets, de cuisine.

    Un peu plus tard, alors que j’ai déjà appris à classifier les cons, Lilia dépose devant moi LE dessert, un cacao croustillant et moelleux et ses billes de pomme verte.

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    La photo en coupe transversale est merdique mais faites moi confiance : le mélange de textures et de saveurs restera longtemps dans ma mémoire sensorielle. Le rouleau de génoise, surmonté de la fameuse émulsion mousseuse à la pomme verte, renferme une crème glacée à la cacahuète posée sur un lit de noisettes concassée,  lui-même saupoudré sur une ganache au chocolat d’un crémeux à se damner. La belle porcelaine blanche est vernie d’une laque de chocolat à la fève tonka que je me retiens de lécher. 

    Le lendemain, y croyez-vous, me revoilà, toujours aussi solitaire dans la magnifique salle à manger, mais bichonnée par Lilia que j’ai pour moi toute seule. Si l’entrée, une tartine de speck, me laisse un souvenir volage, j'aurais bien repris une dose d'encornets grillés. Fondants, grillés à souhait, leur saveur est adoucie par la délicate purée de petits pois et les navets nouveaux qui l'accompagnent.

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    En dessert, une tatin compotée et sa glace à la vanille me réconfortent avant de reprendre la route.

    La carte des boissons chaudes est tout aussi surprenante que la cuisine du chef. On y trouve d'étonnants thés et tisanes bio aux algues (mais pas que ! lavande, verveine, menthe, orange, bergamote et romarin), dont j'achète deux boîtes.

    Je quitte à regret Lilia dont la compagnie a été si agréable. Devant mes phares, des dizaines de lapins détalent dans le parc. De quoi faire un bon civet ...

    Château d'Apigné au Rheu (à 10 minutes de Rennes)

    02.99.14.80.66



  • Sukiyaki chez Anata

    Anata sera désormais son pseudo sur ce blog. Une private joke entre nous, puisqu’il m’appelle « ma femme ».

    Il part dans quelques jours au Japon et m’avait invitée, ce soir, à dîner chez lui. J’étais à l’heure car je sais à quel point cela lui importe et je ne souhaite pas le heurter. A la porte d’entrée, je n’oublie pas la règle d’usage et me déchausse.

    Dans une marmite, il a disposé d’étranges ingrédients. Les Japonais accorde tout autant de soin à la présentation qu'au contenu et c'est déjà très appétissant. Je distingue de la viande de bœuf tranchée très finement à la manière d’un carpaccio, des poireaux, des champignons, des cubes de tofu et des nouilles. Sur la table, un appareil à fondue attend sa fournée. 

    sukiyaki, japon

    « Tu connais sukiyaki ?» demande-t-il. Bon, je me mélange encore pas mal les pinceaux avec tous les plats en yaki alors j’hésite. Il précise « C’est un plat de fête au Japon, un peu comme votre fondue ».

    Sur la table, devant moi, un œuf cru flotte dans un bol. « Il faut le battre et ensuite, on va poser dedans les chose qui cuisent. Plus on attend, plus c’est bon. Au Japon, le lendemain, on mélange du riz avec les aliments caramélisés, c’est délicieux ».

    Mon ami saupoudre de sucre, avec beaucoup de précision, me semble-t-il, les ingrédients élégamment disposés dans le plat, puis les arrose de sauce soja et mirin (vin doux de riz). Après quelques minutes, certains aliments sont déjà cuits et Anata m’invite à plonger mes baguettes dans le plat.

    Les lamelles de viande sont sucrées et parfumées. Les étranges filaments beiges non identifiés sont des champignons. Un shitaké au puissant parfum glisse entre mes baguettes et je me brûle en mordant sa chair. Acheté sous sa forme déshydratée, mon ami lui a rendu son aspect d’origine en le plongeant 24 heures dans de l’eau. Je fais une étonnante découverte : les nouilles translucides (shirataki, littéralement cascade blanche), que j’avais crues de riz, proviennent d’un légume, le konnyaku (konjac). Les cubes de tofu nacré ont une texture crémeuse que je n’ai jamais goûtée jusqu’ici. Le hakusai (chou chinois) est gorgé de bouillon sucré.

    Cuit, ça donne ça :

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    Très touchée du temps passé par mon ami à préparer ce festin si convivial, je me prends avec curiosité et gourmandise au jeu de cette exploration visuelle, olfactive et gustative. Découvrir les saveurs de chacun de ces mets est un ravissement. C'est sain et délicieux.

    Après des pâtisseries tout à fait françaises, je prends congé de Anata auquel j’emprunte un livre illustré délicieux, « La vie au Japon », manuel de savoir-vivre nippon à l’attention des Français.