Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

2yeux2oreilles - Page 170

  • Mât cramé

    La première fois, mon boss (le gentil) a froncé les sourcils en entrant dans mon bureau : « Ca sent le cramé, chez toi ».

    J’ai souri avec indulgence: « C’est normal c’est mon thé … c’est du thé fumé ».

    Intrigué, il s’est approché et a mis le nez au-dessus de la pochette argentée. Depuis, quand il débarque à l’heure de la pause, il marque un temps d’arrêt et sourit.

    N’en déplaise à Nicolas, que ce billet va sans doute déprimer, je déguste aussi des breuvages non alcoolisés. Le matin et jusqu’à 14h, plutôt du café, et ensuite du thé, vert ou fumé. J’ai découvert le thé fumé l’hiver dernier, dans un café chic de la rue de Rennes. Depuis, je raffole de l’odeur de feu de bois du Grand Lapsang Souchong, qui n’a rien à voir avec le chanteur.

    Sur la pochette il est écrit « Le plus fin et le plus léger des thés fumés. Accompagne très agréablement un repas ou un petit déjeuner salé ».

    Avec les pâtisseries orientales, ça glisse tout seul aussi …

    (ouais bon, il ne m’en reste plus qu’une et après j’arrête de vous narguer !)

    Rien à voir mais je repense à une blague :

    Une femme demande à sa copine fausse blonde : « Tu fumes, toi, après l’amour ? ».

    « Je ne sais pas, j’ai jamais regardé », répond l’autre.

  • Coeur d'amandes

    Vous connaissez le cœur d’amandes (Kalb-Al-Louz) ?

    A chaque fois que j’en mange, je pense à Yema. A partir du jour où elle a su que j’en raffolais, elle m’en faisait à chaque fois que je venais prendre le thé dans son salon avec Esperanza. Bon,je précise, c’est elle, « Esperanza » qui a choisi ce pseudo sur le blog. Son vrai prénom, plein de douceur, a la même signification, dans une autre langue. Yema m’avait donné la recette du cœur d’amandes, avec ses recommandations « D’abord, il faut faire dorer la semoule dans la poêle ».

    Hier, en route vers l’appartement de Pascal, mes yeux, toujours en alerte sensorielle, ont été attirés par des couleurs alléchantes. De jolies bouchées orientales, vertes, roses et brunes, me faisaient de l’œil derrière la vitre d’une pâtisserie orientale. Ni une, ni deux, j’entre.

    Après avoir hésité quelques minutes, je choisis une corolle de pâte d’amande verte. Je passe à la caisse et là, sur le comptoir, un plat en argent contenant des carrés de coeur d’amandes ! La semoule toute imbibée de miel suinte de bonheur, les amandes brunies promettent ce goût caramélisé si agréable sous la dent. J’y jette un regard attendri et demande au monsieur comment ça s’appelle, « déjà ? ». Je ne me rappelle jamais du nom arabe mais sa traduction, sans doute erronée, est merveilleuse. Nous échangeons quelques mots, je le félicite sur la variété et la délicatesse de ses pâtisseries et lui promets de repasser au retour, pour en prendre d’autres parce que « là, je suis pressée, et en retard ». Je m’éloigne déjà, je vais passer la porte quand il me hèle et me fait signe d’approcher. Il saisit une pelle à tarte, découpe un carré de cœur d’amandes et me l’offre. Grillée, la gourmande !

    Le soir, comme promis, je prends un assortiment que j’amènerai au bureau. Il me reconnaît et m’offre un nouveau carré de mon dessert favori. A cet instant, je repense à son sourire et sa générosité spontanée, parce que c’est l’heure du thé et que là, sous mon nez, dans un joli papier cerclé de bleu, où il est écrit « El Mordjane, 80 avenue Edouard Vaillant à Pantin », un carré de coeur d’amandes excite mes papilles.

  • Movie Club 70

    Accueillie par mon hôte, je pénètre dans une pièce sombre, aux rideaux tirés, juste éclairée de bougies. L'atmosphère est sensuelle et apaisante, baignée d'une mélodie funky cool. Assises sur les banquettes et le matelas, de jeunes et très jolies femmes, blondes, brunes, noires, vêtues de tuniques vaporeuses et décolletées, tournent leurs visages souriants vers moi. Il me dit "Tu as 30 secondes pour te mettre en tenue, pieds nus". Un peu nerveuse car je n'ai jamais fait ça en groupe auparavant, j'entre dans la chambre, enlève mon pantalon et me glisse dans une tunique en mousseline. Une des filles, un foulard noué dans les cheveux, m'aide à enrouler une jupe longue en peau autour de mes hanches. Je remets mes cheveux en ordre, un peu de poudre et je rejoins le groupe.  "Mettez-vous toutes à ses pieds", dit l'homme qui m'a accueillie. Les filles s'agenouillent sur le canapé, voluptueuses et abandonnées, levant les yeux vers un homme aux cheveux longs et bouclés, assis sur un tabouret, contre le mur. Je me place debout, à sa gauche. Une des filles, mate et grande, s'appuie sur moi. Je regarde l'homme à la dérobée. Assis en lotus, ses yeux bleus sont ceints de khôl, et sa poitrine est couverte de colliers. Il est beau. Je le dévore du regard, subjuguée par son magnétisme. Qui est cet homme mystérieux ?

    Quelques instants plus tard, il passe son bras autour de mon épaule et je me laisse aller, posant la tête sur la sienne. Je toise l'homme qui est debout en face de moi, un peu aguicheuse et échange sourires et regards complices avec les autres filles. Je suis détendue et me sens belle, encouragée par l'homme face à nous qui s'exclame régulièrement "Vous êtes toutes magnifiques !"

    Après un long moment, le groupe se disperse. Mon hôte nous fait asseoir, chacune à notre tour, sur le tabouret et nous oblige à le regarder dans les yeux. Une fille s'exécute en faisant la moue : "Ça me gêne de le faire avec toutes les filles qui me regardent". Nous la taquinons gentiment. Mon hôte dit "Merci les filles, vous voulez un thé ?".

    Moi je me suis bien amusée de cette séance photo. L'expo, c'est le 7 février prochain ..

    4e4a665a31592239791f4c08e1bec222.jpg
  • Mustapha

    S'ila fallait encore une preuve que le mot "amour" n'est pas une utopie et que les hommes peuvent se nourrir de leurs différences, lisez le témoignage pudique et bouleversant, dont la magnificience ne peut rester dans l'anonymat d'un commentaire, de Mustapha sur le blog de mon ami Oh!91.

  • Into the wild

    678f281cd2c39920889d49f6834ffb23.jpgHier soir, j’ai laissé mon vélo au boulot, il tombait des cordes et surtout il faisait un vent à décorner un cocu. J’aime bien le sport mais me taper des côtes avec le vent de face, y’a des limites… Une gentille collègue m’a déposée porte d’Orléans et je me suis hâtée jusqu’au cinéma où la douce Fauvette m’attendait. La semaine dernière, je lui avais proposé de découvrir ensemble le dernier film de Sean Penn, adaptée du livre de John Krakauer et racontant l’histoire vraie de Chris Mc Candless, un étudiant de 23 ans, promis à une brillante carrière, qui décide de tout quitter et de partir vivre en ermite en Alaska.

    Je tenais absolument à voir ce film. D’abord parce que j’ai beaucoup d’estime pour Sean Penn, immense acteur et homme engagé, notamment contre l’invasion de l’Irak par les troupes américaines, à une époque où l’opinion américaine y était massivement favorable.  Ensuite, parce que l’histoire de Chris Mac Candless, qui abandonne une vie confortable mais dépourvue de sens pour se retrouver seul au milieu de la nature, est au cœur de mes interrogations actuelles. Il fait sienne une phrase de son auteur préféré, Henry David Thoreau : "Plutôt que l'amour, plutôt que l'argent, plutôt que la célébrité, donnez-moi la vérité". Chris envoie ses économies à Oxfam, détruit argent, papiers d’identité et carte bleue et prend la route.

    Se mettre en danger pour se sentir vivant, se réaliser en surmontant des obstacles, éprouver les limites de son corps, reprendre contact avec notre animalité, celle qui nous rend humble et nous permet de vivre en harmonie avec la nature et les autres êtres vivants, à une époque où on ne cherche que facilité, confort et douceur, voilà ce qui me fait rêver alors que je vous écris, perdue dans l’immensité surchauffée d’une structure de verre, métal et béton.

    Hier soir, assise dans mon fauteuil, j’ai ressenti l’ivresse de la liberté et du possible en suivant le périple de Chris, parti de Virginie, à travers les champs de blé du Dakota, sa folie invincible quand il dévale les flots tumultueux du Colorado en canoë. Les paysages sont magnifiques et écrasants de puissance, les animaux que croise Chris, devenu lui-même un animal luttant contre le froid et la faim, sont à la fois fragiles et inquiétants. Dans sa quête de lui-même, Chris rencontre des personnes abîmées, merveilleuses, bouleversées par sa détermination. Il les pousse à se surpasser, à ouvrir les yeux sur la beauté du monde et à trouver en eux un nouvel espoir.

    On pourrait voir dans cette aventure tragique le caprice d’un enfant gâté vomissant le monde bourgeois qui l’a nourri. On peut aussi reconnaître qu’il questionne en nous les sources principales du mal-être occidental : le matérialisme et l’ennui.

    Lorsque Chris a rendu son dernier souffle, seul dans sa camionnette, les yeux ouverts sur le ciel bleu, en pensant à ses parents « Si je courais vers vous maintenant, en souriant, verriez-vous ce que je vois ?»,  je n’ai pas ressenti de tristesse. Il est allé jusqu’au bout de son idéal, il a vécu en quelques mois plus de sensations, donne plus d’amour et admiré plus de merveilles que bien des hommes en une vie. Sa mort est absurde, mais pas plus que la vie.

    Franchement, ça ne vous arrive pas, à vous, de vous demander si ce que vous accomplissez dans une journée a véritablement un sens ? Vous n’avez pas envie, parfois, de redevenir l’enfant que vous avez été, de retrouver ce sentiment d’invincibilité, d’avancer dans le monde sans peur ?

    Moi parfois, j’ai envie de m’élancer au milieu du hall d’accueil de ma boîte et de faire le poirier, juste pour rire. De balancer mon badge d’accès à la tronche de mon big boss et de claquer la porte de la salle de réunion en criant « vous me faîtes chier, gros naze, je me casse ».De dévaler une colline en faisant des roulades, sans avoir peur de me salir ou de me faire des bleus.

    Et vous, de quoi vous rêvez ?